Chapitre 21 : Perte de Contrôle


-Tu vas cesser de t'agiter, sale monstre ! cria le mage en giflant Tamir.

Le petit garçon n'arrêta pas pour autant de ruer contre ses attaches. Les poignets en sang, les chevilles entamées par les bracelets de métal, il continuait à chercher à se libérer. Les drogues faisaient trop d'effet sur son corps, il ne parvenait pas à retrouver ses forces. Il ne parvenait pas à se défaire de ses entraves. Autem pouvait le voir. Il ne pouvait pas appeler le Marteau, les sédatifs lui faisant perdre le contrôle. La maitrise d'un Protecteur n'était pas encore en lui.

Mais la haine sur son visage aurait dû faire trembler de peur les mages.

-Laissez Autem tranquille !

-Ne donne pas d'ordre, sale monstre !

Le mage frappa de nouveau Tamir, à coup de poing cette fois-ci.

-Stop ! cria Autem. Laisse-le !

L'adulte le regarda, avant d'esquisser un mauvais sourire. Son acolyte, lui, prenait une nouvelle seringue avec une énorme aiguille sur son chariot. Autem tressaillit, mais il vit surtout l'expression de son ami. Du désespoir. De la rage. De l'impuissance.

Quand Tamir, qui continuait à se démener en dépit de son visage en sang, reçut un nouveau coup, le petit blond se mit à se débattre. L'aiguille qui devait se planter dans le creux de son coude déjà ensanglanté ripa, le blessant au passage. Mais il le sentit à peine.

-Ne touche pas à Tamir !

-Ta gueule, fit le mage en lui jetant un coup d'œil méprisant par-dessus son épaule.

Quand il saisit une sorte de couteau gravé de runes, pour le lever au-dessus de l'héritier des Malleus, la rage explosa en Autem.

-NE LE TOUCHE PAS ! hurla-t-il, à l'instant où les accoudoirs de sa chaise de torture explosaient en mille morceaux.

*

-Je ne comprends pas.

Héberte avait fait apparaitre un livre devant lui, sur lequel des écritures se formaient au fur et à mesure que le liquide chauffait dans les différents alambics. Il observait les lignes courant sur le papier, tout en fronçant les sourcils.

La tête renversée en arrière, les yeux rivés sur le plafond à caissons, Dana était engourdie. Mais elle avait aussi un affreux mal de crâne . Des pensées éparses, emplies de terreur, ruaient dans son esprit. Elle ne parvenait pas à les identifier, elle ne parvenait ni à les voir nettement ni à les dater. Tout ce qui en ressortait, c'était la douleur, la terreur.

Et le rire de Gladys, qui enrobait le tout en la regardant souffrir. Héberte n'était pas un enfant de chœur. Il lui avait découpé un large morceau de peau de l'avant-bras, sans le moindre analgésique, avant de le mettre à cuir dans l'un de ses alambics. Puis il lui avait enfoncé une sorte de grosse aiguille dans le bras, pour lui ponctionner du sang qu'il avait fichu dans un autre truc en verre, avec un autre produit.

-Qu'as-tu fait !? rugit Héberte, en la saisissant par les cheveux pour la forcer à le regarder.

Dana, les yeux dans le flou, ne put s'empêcher de ricaner. Le mage la frappa au visage, avec une telle force qu'elle vit trente-six chandelles. Voilà un moment qu'elle ressentait la douleur dans toute son entièreté. Son avant-bras lui faisait mal. Mais que pouvait-elle y faire ?

-Comment as-tu fait pour t'en séparer !? Réponds, femme !

Il se saisit de sa gorge, pour la serrer si fort qu'elle en garderait de profonds hématomes. Pourtant, elle continua de rire.

-Qu'est-ce que tu crois, Héberte ? Que je vais te le dire ? Va te faire foutre !

Le coup aux côtes fit craquer l'un de ses os. Le souffle coupé, elle voulut se pencher en avant pour atténuer la douleur, mais il l'en empêcha, une main sur sa gorge.

-J'ai passé du temps sur toi ! Des années ! Et c'est ainsi que tu me récompenses !? En gâchant seize ans de travail !?

-Je ne t'ai jamais rien demandé, connard.

-Les rats dans ton genre n'ont rien à demander, femme !

Rouée de coups, Dana parut se déconnecter de son corps. Ah... Cela lui rappelait Lev. Le Bouclier lui avait un jour expliqué que... que quoi ? Ah, oui. Il avait la capacité de couper toute sensation de douleur au combat, afin de mieux encaisser. Cela faisait écho avec la présente situation. Mais lui le faisait consciemment. Elle... Elle, elle parut sombrer dans des souvenirs flous, mais terriblement similaires. Vieux de plus de dix ans. Vieux de...

Les coups cessèrent soudain, avec un bruit sourd. Battant de ses paupières lourdes, elle revint à la réalité. Sur le mur d'en face, elle vit Héberte, une lance plantée dans le ventre. Non. Pas une lance. La Lance.

Son cœur parut recommencer à battre, alors que la douleur affluait en elle. La Lance. Qui avait traversé la fenêtre derrière elle. Gladys se mit à hurler en tentant de s'enfuir. Le mage poussait des cris de goret que l'on égorge. Et la porte par laquelle voulu s'échapper l'ex-duchesse explosa, sous la force d'un Marteau. Elle tomba en arrière, s'emmêlant dans ses jupons rouges, hurlant sa terreur.

Rainier fut le premier à entrer.

Si son armure était noire, le sang qui la recouvrait n'en était pas moins visible. Il s'avança, le liquide rouge gouttant lentement à chacun de ses pas, tandis qu'il rappelait sa Lance à sa main. Héberte tomba avec un hurlement, tentant de garder ses tripes à l'intérieur de lui.

Le Duc n'adressa pas un regard à celle qui fut sa femme, en passant à côté. Pas plus que Lev, Cara et Éléazar. Ce furent les chevaliers de Hastam qui la saisirent, tout en la bâillonnant pour qu'elle cesse de crier.

-Dana.

La main gantée qui l'effleura avait l'odeur métallique du sang. Pourtant, elle posa sa joue dans le creux de sa paume, en fermant les yeux.

Il était là.

Tout irait bien à présent.

Arrachant ses liens, Rainier la prit dans ses bras, laissant Lev se saisir d'Héberte. Le Bouclier, venu en renfort, maintint le mage, tandis qu'Éléazar plantait sa main telle une serre dans son ventre, saisissant ses entrailles dégoulinantes pour les remettre en lui avec violence. Héberte se mit alors à hurler, d'une souffrance sans commune mesure. Mais le Duc de Clypeus ne le laissa pas s'effondrer, pas plus que le Mage, qui se pencha à son oreille pour commencer à poser ses questions.

Mais Dana n'avait pas conscience de tout cela. Tout ce qu'elle percevait, en cet instant, c'était le Duc contre elle. Et si ce fut contre une armure sanglante qu'elle se blottit, elle s'en fichait.

-Dana... Sais-tu où se trouvent les petits ? demanda Cara, d'une voix tendue.

La nourrice la regarda, avant de regarder le Duc en secouant la tête. La rage sur ses traits, elle savait qu'elle ne lui était pas adressée.

-Je ne sais pas, se mit-elle à sangloter. Je ne sais pas, mais j'ai fait ce qu'il fallait...

Rainier jeta un coup d'œil à Cara, qui fronçait les sourcils.

-Tu as fait ce qu'il fallait ? Comment ça ?

-Je la lui ai donnée... hoqueta Dana. Il devait pouvoir se protéger... Si Tamir... n'était pas avec lui... Il ne pouvait pas être sans défense...

-Dana, de quoi parles-tu ? demanda Rainier d'une voix tendue.

-La Hache... Je lui ai donné la Hache !

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