Chapitre 9 : La Future Mère

Élisa se réveilla d'un seul coup, avec un cri qui ressemblait énormément à un « maman ! ». On avait fait plus adulte comme réveil, mais en cet instant, en nage, les cheveux collés au front par la sueur et son linge de corps formant une seconde peau sur elle, elle s'en foutait royalement.

Où se trouvait-elle !? Dans la chambre de Nathaniel, encore !? Ses yeux papillonnants, elle se souvint brusquement de sa mère. Oh bordel.

Se laissant retomber dans les coussins, elle poussa un gémissement désespéré en pressant ses mains sur ses yeux, coudes levés. Mais quel merdier ! Après toutes ces années ! Après tout ce temps sans voir sa mère ! Après son décès... Elle avait enfin pu la revoir ! Et ce putain de pouvoir la ramenait dans son présent !

Elle avait vraiment envie de pleurer.

Cela la renvoyait tant d'années en arrière...

Peut-être devrait-elle visiter la tombe de sa mère ?

Cette idée l'aida à se redresser dans le lit, pour aviser d'un regard mort les alentours. Oh. Nathaniel avait changé la décoration ? Finit le style contemporain, bonjour le style... renaissance... de l'époque... des Millicent...

Interdite, elle fixa le fauteuil Louis XIV devant elle. Leva la tête sur un plafond à caissons peint.

-Putain de merde ! Je suis toujours en 1789 !?

-Effectivement, vampirette.

Tournant la tête d'un bloc, elle tomba sur Nathaniel. Les pieds croisés sur le lit, renversé dans sa chaise, il l'avisait de ses yeux violets déroutants. Intense.

-Bonjour, Nath.

-Dis-moi, comment est-ce possible pour toi d'être une vampire et une fée à la fois ?

-Dis-moi, comment tu fais pour être beau et con à la fois ?

-Tu me parles toujours comme ça dans ton présent ?

-Nan, là je suis gentille, normalement je te traite de connard arrogant.

Il haussa un sourcil, avant d'éclater de rire. Ainsi, il paraissait jeune. Décontracté. Elle repensa à cette fameuse version de Nath, celle qui voulait la tuer. Comment en étaient-ils arrivés là ?

-Au moins, maintenant je sais que tu disais la vérité. Même si je ne comprends pas encore tout, comme : comment fais-tu pour ne pas vouloir tuer les fées autour de toi ? Et comment fais-tu pour être une fée-vampire ? Quoi que tu me diras, on a bien une fée-loup-garou dans la famille. Enfin... Pour elle, c'est de naissance.

-A priori, c'est à cause de la part humaine en moi, expliqua-t-elle en repoussant les couvertures pour se redresser. Merci à mon crétin de père... Oh bordel !

Elle manqua tomber tête la première sur la chaise installée de l'autre coté du lit. En un éclair, Nathaniel se retrouva à ses côtés, pour la soutenir.

-Je ne connais pas bien les implications d'un saut temporel avorté, fit-il en la remettant d'aplomb, mais je peux dire que ça ne t'a pas réussi. Et tu es en sueur. Direction le bain.

Quoi !? Mais... La seconde suivante, elle se trouvait dans la salle d'eau, face à un bac fumant. Oh oh... Nathaniel la souleva, et malgré ses gesticulations, elle atterrit dans l'eau. Ses jurons le firent éclater de rire. Qui se mua en gargouillement lorsqu'elle lui lança un seau plein à la figure.

-Tu as cinq minutes pour te rendre présentable, le boulet ! Je t'attends dehors !

Oh le rustre ! Maugréant tant et plus, Élisa fit tout de même de son mieux pour se rendre présentable. La sueur de cette nuit collait effectivement à sa peau. Tout en se frottant avec un linge, elle se demanda comment il était possible pour elle d'être restée bloquée dans le passé. L'espace d'un instant, elle se demanda si Nathaniel lui faisait une blague. Mais elle se rendit rapidement à l'évidence. Le Nath de son présent n'aurait pas quitté la salle de bain comme un gentleman.

Lavée en quatrième vitesse, rhabillée presque aussi vite dans sa robe d'un autre âge, elle se retrouva de nouveau dans le couloir. Il l'attendait, les bras croisés, le dos contre le mur. Il l'observa un instant, de ses yeux violets perçants.

-Viens. J'imagine que tu veux revoir dame Saphirros.

Elle était toujours là !? Élisa s'engouffra dans les escaliers, les jupons relevés sur ses chevilles. C'était étrange de se réveiller dans une époque différente. D'un autre côté, elle n'était pas censée être là. Sans sa mère pour la retenir, elle serait déjà de retour dans la cuisine de l'insupportable chef d'entreprise.

Comment allait-elle tout lui expliquer ? Se creusant la tête, elle s'arrêta soudain en plein milieu des escaliers, pour se tourner vers Nathaniel, qui la talonnait.

En fait, il connaissait sa mère. Celui de son présent savait déjà ce qui allait se passer dans quelques instants. Troublée, elle se demanda combien de choses il avait déjà vécues avec elle, qu'elle-même n'avait pas encore faite ? Ou, ça commençait à lui embrouiller l'esprit, tout ça...

Dans une petite bibliothèque à l'ambiance sereine, elle retrouva Angèle et Rodolphe de Millicent. Installés sur un divan, cernés d'ouvrages entassés et ouverts pour certains, ils conversaient autour d'une tasse de chocolat chaud avec sa mère.

Elle était belle...

Ses longs cheveux noirs parfaitement coiffés retombaient en cascades sur ses épaules. Sa robe violette soulignait la blancheur de son teint. Quant à ses yeux sombres... Ils se braquèrent sur elle dès qu'elle posa un pied dans la bibliothèque.

-Bonjour, mademoiselle Klervi, fit-elle en se redressant. Je suis heureuse de vous voir en si grande forme. Navrée d'avoir dû bloquer votre voyage dans le temps, mais cela aurait été contrariant de ne plus vous voir.

-Heu... oui... Heu... Comment.... Comment tu as fait ? Enfin, vous... Heu...

Sapphiros lui sourit doucement, tout en lui enjoignant de s'asseoir sur le siège à côté d'elle. Silencieux, le couple Millicent les observait de leurs yeux perspicaces. Nathaniel se posta derrière leur canapé, les bras croisés, telle une sentinelle. Pourtant, Élisa n'y prêtait pas grande attention. Tout ce qu'elle voyait, c'était le regard doux de la fée.

-J'ai cru comprendre que vous me preniez pour votre mère, fit-elle en penchant délicatement la tête de côté.

Oh.

Avec une grimace, Élisa détourna le regard, gênée.

-En fait, vous ne l'êtes pas encore. Mais vous le serez.

Elle hocha la tête, comme si ses propos étaient clairs.

-Nous allons reprendre depuis le début, voulez-vous ? Quel est votre nom ?

-Elisa Klervi.

-De quelle époque venez-vous ?

-Des années 2010.

Le duc et la duchesse haussèrent les sourcils.

-Vous êtes une fée ?

-Oui.

-Puis-je voir vos ailes ?

Élisa hésita, coulant un regard vers les spectateurs. Pas un ne bougeait. Finalement, avec un soupir, elle les déploya. L'une d'elles se dressa fièrement dans son dos, tandis que l'autre se mit à pendre lamentablement. Si Saphirros écarquilla légèrement les yeux, elle ne dit rien. Les trois autres, en revanche, poussèrent un juron.

-Qu'est-ce qui t'est arrivé !? s'exclama Nathaniel.

-Mon père a essayé de m'arracher les ailes, expliqua-t-elle simplement.

-Mais pourquoi !?

Elle ouvrit la bouche, la referma.

-C'est compliqué, je...

-Élisa, si je suis ta mère, alors pourquoi étais-tu si surprise de me voir ?

Saphirros l'observait de ses yeux perçants.

-Parce que... Je... Tu n'as pas eu le temps de tout m'expliquer.

-Je suis morte, n'est-ce pas ?

Prise au dépourvu, Élisa regarda Angèle de Millicent, qui haussa un sourcil, sans lui apporter la moindre aide. Rodolphe, idem. Quant à Nathaniel, il ne servait à rien. Devait-elle répondre ? Cela ne créerait-il pas un paradoxe temporel ? Mais sa présence ici était déjà un paradoxe ! Paumée, elle considéra sa mère, dont le visage était empli de curiosité.

-Je vais te dire que je suis. Je suis la fée du Temps, Élisa. J'en suis la gardienne, et si je suis ta mère, ta situation actuelle est logique, d'autant plus si je suis morte avant d'avoir pu t'apprendre à utiliser tes dons. D'autant plus qu'une aile endommagée, chez une fée, cause à coup sûr des problèmes sur sa magie intrinsèque. Donc, Élisa, je peux te dire que oui, je sais que dans ton présent, je suis morte. Mais ce que je ne m'explique pas, c'est comment j'ai pu avoir une fille à moitié vampire et à moitié fée. Tu permets ?

Elle lui tendit la main. Indécise, Élisa la prit... Et un éclair de douleur la traversa, une nouvelle fois. Mais d'un seul coup, sa mère la relâcha, ne la poussant pas à l'évanouissement.

-Je n'ai pas encore développé d'instinct maternel à ton égard, Élisa. C'est pour cela je me moque de t'infliger de la douleur.

Essoufflée, elle regarda cette femme qui avait jadis été si douce avec elle. Non. Qui allait être si douce avec elle.

-Ça ne justifie aucun comportement de connasse.

Saphirros haussa un sourcil.

-Tu me parlais ainsi, du temps où j'étais déjà ta mère ?

-Nan. Mais comme tu le dis, tu n'es pas encore ma mère.

Un sourire étira ses lèvres.

-Tu comprends vite. Et effectivement, lança-t-elle pour le couple ducal, elle sera bien ma fille, dans plusieurs siècles.

-Tu as lu dans mon passé ?

-Oui. Et je dois avouer que ta relation future avec Nathaniel est troublante.

-La situation est bien plus complexe que ce qui peut se passer avec cette espèce de boulet dans mon présent.

-Hé ! s'exclama le mâle alpha contrarié.

-Désolée, toi tu n'es pas encore au courant.

-Et toi non plus.

Surprise, elle regarda Saphirros, dont le mince sourire était énigmatique.

-Comment ça ?

-Tu le sauras quand il le faudra. Pour l'heure, je pense qu'il est temps pour toi de retourner dans ton présent. Pour nous, à dans une heure. Pour toi... ça va faire bien plus.

Ainsi elle se retrouva à se vautrer de tout son long sur le carrelage de la cuisine de Nathaniel, qui la regarda avec un haussement de sourcil.

-C'est l'émotion de l'attaque de monsieur de Puresang, où tu viens de faire une incartade dans le passé ?

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