Chapitre 8 : Sapphiros
En reculant sous l'effet de la surprise, Élisa avait buté contre un truc en bois... Et était tombée à la renverse dans une cuve d'eau chaude avec un juron bien sentit. Elle n'eut pas le temps de se débattre avec sa robe volumineuse qu'une main la saisissait par le devant de son corsage pour l'extirper de là.
-Putain d'époque et de robes à la con ! beugla-t-elle à prenant une profonde inspiration salvatrice.
-Bonjour, mademoiselle Klervi, fit Nathaniel avec le plus de naturel possible, tout en tenant sa serviette devant ses attributs virils.
Ah ! Au moins, il la connaissait, cette fois-ci ! Dubitative, Élisa le considéra d'un œil suspicieux.
-Ça fait combien de temps que nous nous sommes vus, pour toi ? Et combien de fois ?
Il haussa un sourcil.
-Les femmes de votre temps se moquent de se retrouver devant un homme nu ?
Prise au dépourvu, elle baissa les yeux vers la serviette tenue à une main, remonta le long de ses abdominaux et de ses pectoraux, avant de s'arrêter sur son visage. Ce demi-sourire, il n'avait pas changé. Elle haussa un sourcil plein de dérision.
-Quoi, tu as peur que je te force à m'épouser, car ma réputation est mise à mal, mon petit Nathaniel ?
Il devint livide. Visiblement, il n'y avait pas pensé.
-Bah, ne t'en fais pas, je ne suis que de passage, lança-t-elle en le dépassant pour se diriger vers la porte.
Prise d'une soudaine inspiration, elle en profita pour lui donner une grande claque sur son fessier rebondi. Il avait un très beau cul, même sans pantalon de costume.
-Les femmes de mon époque sont bien plus libérées !
Sur quoi elle quitta la salle d'eau avec un grand rire. Nathaniel, lui, la regarda sortir, totalement effaré. C'était bien la première fois qu'une femme lui claquait le derrière avec autant de désinvolture !
Élisa, par contre, se rendit bien vite compte qu'elle ne connaissait pas les lieux. Le château des Millicent était grand, beau, et plein de couloirs. À la vue par la fenêtre, elle devina être à un étage au-dessus du sol. Maintenant, il fallait trouver un escalier.
-Dit donc, la vampire, gronda Nathaniel en l'attrapant par l'épaule. Tu ne penses quand même pas pouvoir te balader seule dans la demeure des Millicent ?
-Écoute, Nath, arrête de faire le gars menaçant avec moi, lança-t-elle en lui jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Tu m'as cherché dans mon présent pour me protéger, alors je peux dire que ce n'est pas toi, ici et dans ce temps, qui me tueras.
Il ne parut pas apprécier la remarque. Faisant pression sur son épaule, il la força à se retourner, pour la plaquer sans ménagement contre le mur du couloir. Haussant un sourcil provocateur, elle le fixa droit dans ses yeux lançant des éclairs. Il était sacrément proche.
-Tu ferais mieux de te méfier, vampire.
Ah, il le prenait comme ça ? Il allait en prendre pour son grade ! Saisissant son visage à deux mains, Élisa le prit par surprise en l'embrassant à pleine bouche. Sous le coup de la stupeur, il ne pensa même pas à se dérober. Tiens, ça lui ferait les pieds pour les baisers inattendus qu'il lui ferait dans son futur !
Il n'en restait pas moins que ses lèvres étaient chaudes, et surprit ou pas, il lui répondit sans réfléchir. Une bouffée de chaleur l'envahit, comme dans son présent. Sans qu'elle le veuille, son corps se tendit vers le sien, et les mains brulantes de Nathaniel se posèrent sur ses hanches, l'attirant vers son bassin.
Elle était sur le point de perdre le contrôle. Et lui aussi.
Mettant fin à leur baiser, elle repoussa d'une main sur son torse, un grand sourire aux lèvres.
-Je saurais me méfier du grand méchant Nath, ne t'en fais pas.
Et elle le planta là, fuyant plus ou moins à l'autre bout du couloir, pour découvrir un escalier. Bingo ! Elle préférait penser à ça plutôt qu'à l'attirance animale qu'elle éprouvait pour ce grand crétin condescendant. Penser à tout, sauf à la réaction de son corps au contact du sien, de ses grandes mains sur ses hanches... C'était frustrant, des robes aussi épaisses !
-Ah, mademoiselle Klervi, fit Angèle de Millicent, en la voyant descendre les escaliers. Je suis ravie de vous voir toujours parmi nous.
Heu...
-C'est-à-dire que... Quand sommes-nous ? bafouilla-t-elle.
-Toujours en 1789, répondit obligeamment Rodolphe. Pour nous, nous vous avons laissé ici sous la surveillance de Nathaniel pour aller chercher quelqu'un. La première fois que nous nous sommes rencontrés.
Ils jouaient le jeu, c'était sympa de leur part. Rassurée de savoir à quelle temporalité elle avait à faire, Élisa descendit précipitamment vers eux.
-Désolée, j'ai fait un retour à mon époque et j'ai eu quelques problèmes avec des vampires, expliqua-t-elle.
-Ah bon ? s'étonna la Duchesse. En quel honneur ?
-Je ne sais pas trop... Ils ont fait sauter l'appartement de Nathaniel, ils voulaient m'enlever, mais ce grand dadais est venu leur flanquer une raclée. Et j'ai atterri de nouveau ici, alors je n'ai pas eu le temps d'en savoir plus. Donc, si je me souviens bien, vous êtes partis chercher quelqu'un d'important, non ?
Ils hochèrent la tête, visiblement pensifs devant ses déclarations. Elle devait avoir l'air d'une folle, avec sa robe trempée et ses cheveux en bataille.
-Vous avez atterri où, exactement ? s'enquit Angèle en désignant ses atours.
-Heu... Dans votre salle de bain, si je ne m'abuse.
-Oh. Avez-vous besoin d'une serviette ?
Étant donné que Nathaniel se trouvait certainement encore là-haut avec sa serviette devant ses attributs, non ! Elle n'avait pas besoin de quoi que ce soit !
-Bien. Dans ce cas, nous souhaiterions vous faire rencontrer quelqu'un, continua la Duchesse. Oh, Nathaniel, tu tombes bien. Mademoiselle Klervi est retournée à son époque, si j'ai bien compris.
-Oui, c'est ça, fit la voix grave dans son dos.
Elle préférait ne pas se retourner. Était-il habillé ou à moitié nu ? Ce n'était pas le moment de tergiverser, alors qu'elle faisait face à tout un troupeau de Millicent ! Le Duc leur fit signe de le suivre. Vu la lumière passant par les hautes fenêtres du salon, Élisa supputa être arrivée en fin de journée.
Là, Aurore et le Duc de Lucassi se chamaillaient pour une partie d'échec, pendant que Florentin massait les pieds de sa femme enceinte. Elle devait vraiment être sur le point d'accoucher... Élisa avisa un instant sa robe soulignant son ventre rond. Oui, elle devait vraiment approcher du terme...
Une autre femme, une inconnue, se tenait devant la cheminée, au fond de la pièce. De dos, elle pouvait voir de longs cheveux noirs cascader jusqu'à ses reins. Fine, élégante... Élisa pencha la tête de côté, incertaine.
-Mademoiselle Sapphiros, l'appela la Duchesse. La personne que nous voulions vous faire rencontrer se trouve ici.
Sapphiros ? Élisa fronça les sourcils, et à l'instant où la femme se retourna, le monde parut devenir blanc autour d'elle.
En cet instant, il ne restait plus rien, hormis la personne devant elle. De grands yeux noirs. Un visage à se damner. Une impression de douceur émanait d'elle. Une douceur qu'elle n'avait plus ressentie depuis bien trop longtemps. Qu'elle avait cru ne plus jamais ressentir.
-M... Maman ?
-Quoi ? murmura Nathaniel dans son dos.
-Maman... Mais... je...
Sans qu'elle sache pourquoi, des larmes se mirent à rouleur le long de ses joues. Après toutes ces années... Elle revit le sourire de sa mère quand elle la tenait dans ses bras, son rire quand elles jouaient ensemble...
-Vous devez me prendre pourquoi quelqu'un d'autre, fit doucement Sapphiros en se rapprochant d'elle.
Secouant la tête, Élisa recula en fermant les yeux. Son père fou de rage. L'enterrement de sa mère. Son père qui tentait de lui arracher ses ailes. Quand elle rouvrit les paupières, elle vit le monde chavirer autour d'elle. Elle allait retourner dans son époque !
-Non ! cri-t-elle. Non, pas maintenant !
Mais déjà, elle voyait le décor changer pour la cuisine de Nathaniel, dans son présent à elle. Quand soudain, sa mère se saisit de son poignet, dans le temps des Millicent. Incrédule, Élisa regarda sa mère, juste avant qu'une vive décharge de douleur la transperce de part à part.
Un hurlement de douleur écorche sa gorge alors qu'elle tombait à genoux, ses ailes abimées jaillissant dans son dos. Sa mère la tenait toujours d'une poigne de fer. Deux pouvoirs luttant l'un contre l'autre. Son corps, son esprit étaient déchirés entre deux époques. Tout vibrait autour d'elle, le décor changeait à toute vitesse, une pression se faisait à l'intérieur de son corps, comme si son pouvoir temporel se heurtait à un mur, encore, encore et encore... Jusqu'à l'évanouissement.
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