Chapitre 5 : Péche au Canon

Elle avait l'impression de flotter dans le vide... Légère comme une plume, elle dérivait paisiblement, se laissant porter par le courant... Si doux... Si agréable...

-Élisa... Élisa... Ce n'est pas le moment de dormir, ma fille. Tu dois sortir de là !

La voix trancha le vide autour d'elle, libérant un vent de froid autour d'elle. Sa bouche s'ouvrit sur un fluide, qui s'y engouffra de façon désagréable. De l'eau ! C'était de l'eau ! Mais... ouvrant grands les yeux, Élisa se découvrit sous la surface, qu'elle ne parvenait pas à distinguer. Où était l'air ? Où était le fond ? Affolée, elle roula sur elle-même, avec un sentiment de déjà vu particulièrement désagréable.

Elle devait être à deux doigts de se noyer combien de fois par jour, pour faire plaisir au destin !? Apercevant par miracle l'éclat du soleil, elle réalisa être la tête en bas. Fichtre ! Battant des bras, Élisa nagea le plus vite de sa vie.

Les poumons en feux, la bouche pleine d'eau, elle arriva à l'air libre comme un bouchon de champagne. Recrachant le liquide dans sa bouche, elle inspira de toute ses forces. Par tous les diables ! Elle était où, encore !? Nathaniel avait décidé de la réveiller en la jetant dans la mer ?

Non, ce n'était pas assez salé. Mais alors... Les paupières plissées, la jeune vampire regarda autour d'elle. Si elle ne se trompait pas... Elle se trouvait dans un lac ? Et elle n'avait pas pied.

Tout en barbotant jusqu'au rivage, elle se dit que le destin, ce plaisantin, avait une dent contre elle. Vraiment. Ce n'était pas possible autrement ! Comment expliquer toutes ces mésaventures depuis son réveil dans la chambre de Nathaniel, la veille, et...

Et des gens en costume d'époque pointaient un canon sur elle depuis la rive ?

Un canon ?

Sur elle ?

-Coulez moi cette chaloupe ! beugla quelqu'un là bas.

-Crevez, sales chiens ! répondit-on dans son dos.

Elle réalisa alors se trouver entre une embarcation avec un homme en tenue d'aristocrate endimanché, et le canon.

-Oh.

Personne ne semblait l'avoir vu. Ou alors ils s'en fichaient, car ils sortirent des mousquets pour se tirer dessus. Et merde !

Replongeant, Élisa nagea de toutes ses forces, le plus loin possible des fous furieux. Bon sang de bonsoir ! Mais c'était quoi, ces conneries !? Elle était où ? Quand !?

Contrainte de respirer, elle refit de nouveau surface. Pour voir un boulet crever l'eau juste à côté de sa jambe gauche. Son cri outré fit réaliser à tout le monde sa présence. Furieuse, elle leva le poing hors de l'eau, pour vitupérer contre ceux du rivage.

-Bande de crétins ! hurla-t-elle. Apprenez à viser ! Vous avez cinq mètres d'écart ! Gros nuls !

-Mais c'est qu'elle ose nous insulter, la donzelle !?

Heu... Ils pointèrent le canon sur elle. Pour le coup, vu comme ils visaient, il y avait peu de chance pour qu'il l'ait, mais... Mais elle avait comme un doute, là, maintenant tout de suite. Surtout quand ils allumèrent la mèche, après avoir mis un deuxième boulet dans la gueule de l'engin.

Ils étaient cinglés !

Poussant un hurlement de midinette, Élisa comprit que pour le coup, le projectile n'allait pas la rater. Une éclaboussure retentit derrière elle, à l'instant où une main se posait sur son épaule... Et elle se retrouva soudain de l'autre côté du lac, sur la berge. Elle pouvait voir les cinglés et l'embarcation perdue sur la surface de l'eau, de nouveau en mauvaise posture.

-Bon sang, Nathaniel ! s'exclama-t-elle en tapant sur sa main, tout en se retournant. Tu peux me dire ce que je fiches ici !? C'est quoi encore, cette blague !?

En croisant deux yeux violets fendus d'une pupille violète, elle se dit qu'au moins, elle ne s'était pas trompé de personne. Il allait passer un sale quart d'heure ! D'ailleurs, elle enfonça son index dans ses pectoraux dénudés pour appuyer ses prochains propos.

-J'en ai marre de tes blagues douteuses ! Je veux bien que tu m'aies sauvé tout à l'heure avec la bouée licorne, mais ça commence à bien faire ! Me faire kidnapper par des vampires, torturer et jeter d'un avion en plein vole en une journée, c'était déjà largement suffisant. Mais en plus me faire tirer dessus avec un canon par des abrutis en costumes !? Tu veux ma peau, finalement, c'est ça !?

À bout de souffle, haletante, elle prit le temps de se reprendre. Un sourcil haussé, l'air surpris, Nathaniel repoussa son doigt de son torse.

-Mauvaise journée ?

Les yeux plissés, méfiante, elle hocha la tête.

-Comme si tu n'étais pas au courant. Et ne me traite pas de boulet !

-Trop à propos pour vous, c'est ça ?

Elle acquiesça de nouveau, avant de froncer les sourcils. Pourquoi la vouvoyait-il ? Le regardant de nouveau, elle avisa ses yeux fendus de chat. Ses cheveux longs retenus par un catogan trempé par l'eau du lac, forcément. Son torse nu couvert de récentes blessures. Son pantalon fermé par des cordelettes et avec une étrange poche à l'avant, juste au niveau de son...

se concentrant de nouveau sur son visage, elle y découvrit un sourire amusé, des yeux pétillants de malice.

-Nathaniel. Je m'appelle comment ?

-J'ai une meilleure question. Comment se fait-il que vous ayez un de mes sorts de localisation en vous ?

Merci le destin poisseux.

Elle était dans le passé.

Un passé où Nathaniel et elle ne se connaissaient pas encore.

-Donc, tu ne me connais pas ?

-Non, je ne vous connais pas, gente demoiselle. Me connaissez-vous, vous ?

Un tir de canon ponctua sa question, détournant un instant leur attention. Les cinglés avaient encore loupé l'embarcation. L'aristocrate dessus fit une danse ridicule, se moquant visiblement d'eux. Mais à quelle époque avait-elle atterri, franchement ?

-Oui, je te connais. Tu t'appelles Nathaniel.

Cela ne parut lui faire ni chaud ni froid. Croisant les bras sur son torse aux muscles terriblement bien ciselés, il la détailla un peu plus. Élisa, elle, commençait à avoir froid. En lourde robe de bure, merci le voyage temporel, trempée jusqu'aux os, elle était glacée.

-Beaucoup de gens connaissent mon prénom, dans le coin. Serais-tu une prostituée avec laquelle j'ai couché, par hasard ?

Le coup de pied dans les parties, il ne le vit pas venir. À croire que ce n'était pas une manœuvre très usitée, à cette époque encore inconnue pour elle. Quoi qu'il en soit, il se plia à deux en se tenant sa zone délicate, avant de se retrouver le front au sol avec un râle misérable.

-Traite-moi encore une fois de prostituée, Nathaniel de Millicent, et je te les fais avaler. C'est clair ?

Un gémissement lui répondit. C'était clair.

-Et non, je n'ai jamais couché avec toi, espèce de cuistre.

-Alors, comment mon sort de localisation a fini sur votre langue ?

Au souvenir du baiser qu'elle avait échangé avec son lui du présent, de son présent à elle, elle rougit comme une pivoine. C'était si... Si... Et il était si volontaire pour... Olalalala...

-D'accord... Donc je vous ai au moins embrassé.

Il était déjà à genoux !? Pourtant, elle avait frappé rudement fort. Il avait des testicules en acier trempé ou quoi ?

-Oui.

Debout, il se rapprocha d'elle d'un pas, pour la regarder de plus prés. Gênée, encore sous l'influence de leur dernier échanger dans son présent, elle détourna le regard.

-Le signal de localisation est apparu d'un seul coup, au lieu d'être une constante. C'est ce qui m'a fait venir. Comment est-ce possible ?

Cette fois-ci son estomac se noua. Elle plongea dans ses yeux d'améthyste, qui ne ressemblaient pas encore à ceux qu'elle connaissait.

-Je...

-Qui êtes-vous, belle inconnue ? murmura-t-il en passant une main dans ses cheveux. D'où venez-vous ?

Bon. De toute façon, elle ne pouvait pas faire grand-chose.

Résolue, elle planta son regard dans le sien.

-Je viens de Toulon. Mais pas de cette époque. J'ai la capacité de voyager dans le temps et j'ai atterrit ici juste après que ton toi du futur m'ait embrassé et posé ce sortilège de localisation par la même occasion.

Ses doigts se refermèrent sur sa chevelure, de façon douloureuse. Heu...

-Donc selon toi, dans le futur, je me serais acoquiné avec une vampire ? J'en doute fort, suceuse de sang.

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