Chapitre 17 : Grossièreté Assumée
Elle avait seulement besoin de réfléchir.
Déambulant dans les rues de Paris, elle se pensait assez en sécurité pour pouvoir se permettre de se perdre dans ses pensées. Les révélations de Jamie lui donnaient de bonnes raisons de cogiter, mais plus encore les messages sur son téléphone.
Depuis quand n'avait-elle pas touché à son portable ?
Tournant à l'angle de la rue, elle remarqua vaguement se trouver dans un quartier particulièrement huppé et cher de la ville. De la part des Millicent, cela ne la surprenait même pas. Les rues étaient très propres, ce qui était surprenant pour la capitale. La surpopulation avait toujours tendance à dégrader l'hygiène des voieries.
Bref, c'était le cadet de ses soucis.
Si ses souvenirs étaient exacts, elle n'avait plus touché à son téléphone depuis l'affaire de la cuisine, avec Clarabelle et les vampires. Il lui avait semblé voir un message de Jamie, alors, mais tout avait été soufflé par l'explosion.
Dans tous les cas, le contenu des messages la laissait perplexe.
-« Ils ont retrouvé ta trace chez Nathaniel. Élisa, méfie-toi, on risque de venir ! ».
Celui-là, elle n'avait aucun mal à le dater. Mais c'était le deuxième qui la perturbait le plus.
-« Les résultats sont clairs. La concordance est parfaite. Tu possèdes en toi la marque des démons. L'un d'entre eux t'a nourri juste après ta transformation, et vu ta résistance actuelle, il devait être très puissant. »
Seul bémol ? Elle ne connaissait aucun démon.
Ah... Elle avait soif...
L'esprit blanc comme neige, elle ne parvenait pas à poser ses pensées. Ce qui revenait en boucle, c'était le fait que Jamie n'avait pas sauvé sa mère en raison d'une obscure promesse, et qu'elle ne savait pas ce qui s'était passé entre sa transformation, et son réveil chez Nathaniel.
-Vampire... Tu oses te balader ainsi dans notre sainte ville !?
Quittant ses pensées, elle avisa les trois personnes devant elle. Non. Son oreille soudain très fine lui indiqua que trois autres se trouvaient derrière. Et vu leur tête...
-Avoir des yeux rouges et des canines dehors... Tu cherches la route la plus courte vers la mort, vampire ? fit une des femmes devant elle.
Élisa pencha la tête de côté.
-Vous êtes les chiens des Guerriers de la Pureté, n'est-ce pas ? Comme c'est surprenant... Vous devez être nouveaux dans le milieu.
Les trois derrières ôtèrent la sécurité de leurs pistolets pointés sur elle.
-Pourquoi, tu es une célébrité ?
-En ce moment ? Presque, rit Élisa. Mais surtout, je suis Elisa Klervi.
Et elle avait franchement envie de botter le cul à quelques guerriers, maintenant qu'elle pensait à l'épisode de la prise d'otage au siège de la Chaine Paranormale. Dans tous les cas, la simple mention de son nom eut l'effet escompté.
Ils écarquillèrent les yeux, stupéfaits. À défaut de connaitre son signalement, ils avaient déjà entendu son nom.
Profitant de ces deux secondes de distraction, Élisa fonça sur eux, à une vitesse qu'elle n'avait encore jamais atteinte. Décidément, avoir été vampirisé avait boosté son organisme. Elle percuta l'un des Guerriers de la Pureté, l'envoyant valser dans les voitures garées sur le coté de ka rue. Bien.
Pivotant sur elle-même, elle frappa du pied la main d'un deuxième, qui commençait déjà à se tourner vers elle. Son arme vola dans les airs... Airs dans lesquels Élisa perçut soudain comme de la cendre. Jaillit de nulle part, en suspension, des milliers de particules apparurent. Qu'est-ce que...
Des mains se plaquèrent soudain sur ses yeux, lui bouchant la vue.
-Tu veux encore te faire enlever, petit boulet ? siffla-t-on à son oreille.
Des hurlements de terreur se répercutèrent dans la rue. Puis soudain, le calme absolu. Nathaniel libéra sa vue, avec un soupir exaspéré. Bon sang de bonsoir ! Elle était de retour dans le salon d'Isabelle d'Isria !
-Je gérais très bien la situation ! explosa-t-elle en pivotant vers lui, furieuse.
-Vraiment ? cingla-t-il, ses yeux violets la clouant sur place. Tu t'es vu, au moins !?
-De quoi tu parles !?
-Bordel, tu t'es fait repérer en moins de cinq minutes dans la rue ! Tu ne te demandes pas pourquoi !?
La prenant par le collet, en dépit de ses invectives, le colosse Millicent la traina jusqu'à un grand miroir ancien, trônant au-dessus d'une commode Louis XIV. Cela la fit se figer. Nath, lui, souleva sa lèvre supérieure, mettant à jour deux canines disproportionnées en dessous de deux grands yeux rouges.
-Tu le vois le problème, maintenant !?
Sa gorge se rappela à son bon souvenir, brulante et douloureuse.
-Qu'est-ce que j'y peux, hein !? Je te signale que je suis vampire depuis peu !
-Dans ce cas je vais te donner un précieux conseil, Élisa : ne sors jamais dans cet état. Sinon ce sera le tir au pigeon pour tous les Guerriers de la Pureté. Compris ?
Ça lui arrachait une dent de l'avouer, mais elle avait compris.
-Il n'en restait pas moins que je gérais très bien la situation.
-Tu tournais le dos à trois tireurs. Tu appelles ça gérer, toi ?
Il commençait à sérieusement l'énerver, là.
-Je m'en suis sortie de pires situations.
-Ouais. En devenant une vampire. Alors tu es bien gentille, mais je n'ai pas envie de voir ce que ce sera, la prochaine étape !
-Tu n'as qu'à me protéger, alors. C'est pour ça que tu me colles aux basques depuis le début, non ?
Il la regarda par le biais du miroir, son visage se fermant à toute émotion.
Elle ne sut pas pourquoi, mais cela la mit carrément en rogne. Pivotant entre la commode et lui, elle le poussa, furieuse. Il trébucha, pour atterrir à moitié par terre et à moitié sur le canapé.
-Comment oses-tu me dire ça !? Tu m'attendais !? Tu sous-entends quoi, Nathaniel !? Tu m'attendais parce que tu m'aimes, ou parce que tu cherches à me manipuler, putain !? J'en ai assez de tes petits jeux et de ta façon de me faire taire en couchant avec moi ! Ça marche super bien, mais ce n'est pas une raison pour me faire le coup à chaque fois !
Essoufflée, elle vit vaguement qu'il n'était plus en chemise, mais torse nu. Il l'observait avec des yeux écarquillés.
-Comment tu m'as retrouvée après ma transformation !? C'est le duc et la duchesse de Millicent qui m'ont ramené !? Et bordel, comment un démon en est arrivé à me nourrir juste après mon changement en vampire, hein !? Je n'en connais pas de démon, moi ! A part Clarabelle, mais elle m'en aurait parlé ! Alors, qui est responsable, hein !?
Essoufflée aussi bien par sa tirade que par sa énième crise de nerfs de ces derniers jours, elle fixa Nathaniel, qui la considéra avec des yeux ronds. Finalement, comme elle s'était arrêtée de parler, il ouvrit la bouche, la referma avec hésitation, avant de dire :
-Heu... Élisa, tu étais en train de te disputer avec mon moi de ta temporalité d'origine, c'est ça ?
-Te fous pas de moi Nathaniel, je jure que cette fois-ci je te pète la gueule !
Saisissant un candélabre sur la commode, elle allait pour le frapper de toutes ses forces. Mais le rustre avait déjà saisi sa main, pour passer son bras autour de sa taille. La planquant contre lui pour la bloquer, il fut soudain de nouveau dépassé.
-Je refuse de coucher encore une fois avec toi ! beugla-t-elle.
-Mais ça ne va pas la tête !? Pourquoi je coucherais avec toi, une vampire !? Attends, ça veut dire que l'on va devenir amants !?
Incrédule, elle le considéra réellement cette fois-ci.
Puis, décalant légèrement la tête, elle vit derrière lui sa propre mère, le duc et la duchesse de Millicent et Florentin, le tonton fada.
-Comment j'en suis arrivé à coucher avec une vampire ? souffla Nathaniel, sidéré.
-Oh, ta gueule ! Pour ta gouverne la situation sera loin de te déplaire !
Cela parut lui faire un plus grand choc encore. Se dégageant de son étreinte, Élisa le contourna, tout en lançant :
-Et ne t'attends pas à ce que je m'excuse ! D'ici à ce que je retourne dans ma temporalité, j'aurais probablement oublié ce que je devais dire à l'espèce de trou du cul que tu vas devenir. Alors ça vaut pour ton toi du futur !
Puis, considérant sa mère, elle se souvint d'avoir d'autres comptes à régler.
-Maman, j'ai deux mots à te dire. Tu peux m'expliquer pourquoi tu as envoyé un vampire me protéger, hein !? Tu n'avais pas une meilleure idée !? Déjà que j'ai Nath aux fesses, je n'ai pas en plus besoin d'avoir un créateur raide dingue de toi sur les talons ! Bordel !
Sa grossièreté défrayait la chronique en ce siècle guindé, mais elle s'en moquait royalement ! Ras le bol de tout ça !
-J'ai l'impression qu'il s'est passé beaucoup de choses pour toi, depuis notre entrevue, fit Angèle de Millicent en se servant un croissant. Pour nous tu es partie il y a de ça cinq minutes, Élisa.
Hein ? La vache, elle ne savait même plus ce qui s'était passé la dernière fois qu'elle les avait vus.
-Attends, tu m'as déjà embrassée à ce moment-là de ton histoire ! s'écria-t-elle en pivotant vers Nathaniel, qui se figea. Ne fais pas ta sainte nitouche !
-On ne parle pas de ce genre de choses devant un duc et une duchesse !
-Oh, je t'en prie, ils savent ce qu'est le sexe, sinon tu ne serais pas là. Bon, maman ? Tu comptes me répondre à un moment donné ? Ne me la fais pas, je sais que tu connais tout ton futur, vu comme tu as parasité mon histoire la dernière fois.
Se laissant tomber sur une des chaises, Élisa avisa le petit déjeuner. Son mal de gorge étant ce qu'il était, elle se servit d'autorité une tasse de chocolat chaud. De toute façon, grossière pour grossière, elle pouvait bien y aller. Pendant ce temps, Sapphiros l'observait attentivement.
-Tu es encore plus drôle que ce que je pensais, ma fille !
Cette déclaration lui alla droit au cœur. Sa mère lui faisait un compliment.
-Néanmoins, je n'ai pas de réponses à t'apporter, étant donné que je n'ai pas encore fait tout cela. Je l'ai vu dans ton futur, mais je ne connais pas mes propres intentions à ce moment-là, Élisa.
Merdouille. Elle aurait bien aimé avoir des réponses, pourtant.
-Logique. Bon. Je suis ici pourquoi, alors ? Tous mes sauts dans le temps ont une raison. Soit te voir toi, soit voir une autre personne... Gueuler sur Nathaniel quelle que soit l'époque.
-J'ai l'impression d'être un souffre-douleur, marmonna le Nath en question.
Elle le fusilla du regard.
-De la part de quelqu'un qui menace de me fouetter à chaque fois que je fais une connerie, c'est gonflé !
-Nathaniel ! Ta mère ne t'a pas éduqué comme ça ! s'insurgea Rodolphe de Millicent, silencieux jusque là.
-Mais enfin, je n'ai encore rien fait ! Élisa ! Tu voyages dans le temps pour me les briser, c'est ça !?
-Tu n'es pas le centre du monde, sombre crétin.
-Non de... Mais tu es impossible !
-Je rêve, où Nathaniel, le tombeur de ces dames, a une dispute de vieux couple avec une femme ?
Tous les yeux se tournèrent vers un nouvel arrivant, un illustre inconnu pour Élisa. Elle fronça les sourcils. Les nouvelles rencontres dans le temps étaient rares, pour elle. Qui était donc cet homme, et quelle était son importance ?
-Ambroise, ce n'est pas le moment !
Ambroise ? Élisa fronça les sourcils. Ce nom, elle l'avait déjà entendu plusieurs fois. Trois, si sa mémoire était bonne. Une quand elle était en habit de marquise cochonne, et une juste avant, a peut prés dans cette tranche temporelle.
Pas très grand, souriant, l'homme était plutôt avenant. L'air doux, même. Il portait une tenue luxueuse, signe d'un rang élevé dans la société paranormale de cette époque.
-Qui es-tu ? s'enquit-elle en se relevant, quittant sa mère au sourire malicieux.
-Heu... bafouilla Ambroise, perturbé tant par le ton direct de cette inconnue que par le tutoiement. Ambroise... Un ami de Nathaniel. Et vous ?
-Elisa Klervi. Si tu es un pote de Nath, tu risques de souvent entendre parler de moi. Tu es quelqu'un d'important ?
-Mademoiselle Klervi, intervint Rodolphe de Millicent e se portant à leur hauteur. Je vous présente Ambroise de Selna.
Ce nom lui disait quelque chose, mais elle ne parvenait pas à le fixer dans le temps. À son air interloqué, l'inconnu eut un sourire contrit.
-Je suis le dauphin de la couronne paranormale, ajouta-t-il obligeamment.
Soudain, elle comprit.
Putain de merde !
Elle avait devant elle le Roi de sa temporalité !
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