Pour TonksLucy
New York est une grande ville pas vrai? Peuplée par des milliers de personnes... Alors quelle était la probabilité que je croise Percival Graves, mon ancien copain? J'étais là depuis à peine deux jours, prenais mon petit-déjeuner dans un café, pour me remettre de mes émotions. J'avais dû congeler deux Serpencendres qui s'amusaient à mettre le feu à des maisons moldues, provoquant une panique totale. J'étais déjà épuisée alors que je venais juste d'arriver. Je sirotais mon thé, et une voix incrédule que je connaissais bien s'éleva derrière-moi:
"Allison? Qu'est-ce que tu fais ici?"
Je déglutis et ma gorge se noua alors que je fis face à celui à qui j'avais brisé le cœur quelques années plus tôt:
"Bonjour à toi aussi Percival."
Je savais qu'il avait été promu directeur de la sécurité magique mais le pensais bien trop occupé pour aller perdre son temps dans des quelconques cafés:
"Pour te répondre, continuai-je; je viens ici pour mes études de magizoologiste."
Je tentai de rendre ma voix ferme mais au fond je tremblais. C'était tellement déstabilisant de l'avoir face à moi après toutes ces années. Il avait vieilli certes mais il était toujours aussi beau c'était indéniable. À l'époque c'est moi qui l'avais quitté, le détruisant au passage. Pourquoi? J'étais jeune et inconstante, je ne m'étais pas rendu compte à quel point ce que nous avions était précieux. Je l'ai regretté des mois plus tard. Ses yeux noirs comme deux puits sans fond qui ne se détournaient pas des miens. Il avait toujours cette autorité, cette force dans le regard. Je me sentais comme mise à nue face à lui, c'était déroutant. Sans me demander il s'installa à la chaise attenante à la mienne et je retins un sourire. Il avait gagné de l'assurance, ce n'était pas pour me déplaire.
"Tu es là depuis quand? s'enquit-il après avoir commandé un café.
-Deux jours et toi?
-Peu de temps après que tu m'aies larguée."
Il avait dit ça d'une voix blanche, ne laissant transparaître aucun sentiment et cela me mit encore davantage mal à l'aise. La discussion s'orienta sur son travail puis sur le mien. Il y avait un malaise entre nous, une distance polie qui témoignait de notre passé mouvementé. Nous restâmes ensemble pendant deux longues heures et une fois que les dix coups de l'horloge comtoise sonnèrent, Percival m'annonça d'un ton presque solennel:
"Je dois aller travailler, je ne sais pas si l'on se reverra donc au revoir."
Son visage était fermé, il ne m'adressa pas un sourire et subitement je regrettai de m'être montrée si cruelle envers lui. Un sentiment douloureux m'envahit. De la mélancolie peut-être? Ou du regret? Dans tous les cas cela surpassa mon orgueil puisque je me surpris à demander:
"Pourrait-on se revoir la semaine prochaine à la même heure?"
Il parut surpris de ma demande. Il devait penser que je ne le regrettais pas. S'il savait à quel point il se trompait... Percival sembla hésiter un instant puis hocha lentement la tête sans l'ombre d'un sourire. Il m'en voulait toujours c'était certain. Si je voulais le reconquérir, j'allais devoir abattre le mur qu'il avait érigé entre lui et moi. Le connaissant ça allait mettre du temps. Un de ses plus gros défauts était d'être rancunier. Pendant toute la semaine je réfléchis à l'attitude que je devrais adopter face à lui. Lui parler sérieusement sans détour? Non il allait se renfermer comme une huître. Alors... faire comme si tout allait bien? C'était mieux. Un jour viendrait où il exigerait des explications je le savais. Mais pas maintenant. Le jour dit, lorsque j'arrivai au café, Percival m'attendait, le nez plongé dans un journal. Je m'assis en face de lui, soulagée qu'il soit venu. Je lui lançai un hochement de tête cordial. Il replia méticuleusement son journal et le soin qu'il y prit m'arracha presque un rire. Enfin quelque chose de familier. Il n'avait pas perdu cette habitude et étrangement cela me rassura et m'encouragea à engager la conversation. Percival était peu loquace cette fois, il m'écoutait parler, faisait quelques remarques mais je devais le pousser pour qu'il daigne parler de lui. Après deux rendez-vous de cet acabit, je commençai à perdre espoir. À quoi bon continuer à le voir, il semblait déterminé à ne jamais me pardonner! S'il ne voulait pas renouer tant pis, il était inutile de s'acharner...
"Le prochain rendez-vous sera le dernier" promis-je en mon for intérieur.
J'aurais voulu discuter de toute cette histoire avec quelqu'un mais mes amis étaient à des milliers de kilomètres, je devais tout garder pour moi. C'était terriblement déprimant. Toute la semaine j'arborai une constante expression morose. Même les animaux magiques ne pouvaient effacer la tristesse de mon visage. Arrivé le jour-dit, je fus la première au café. Je m'installai à une table et sortis un livre pour me changer les idées. Malgré tous mes efforts pour me plonger dans l'histoire, je n'arrivais pas à comprendre un traître mot de ce que je lisais. Dépitée, je refermai l'ouvrage et laissai mon esprit vagabonder. Quelques minutes plus tard, avant que je ne commence à m'ennuyer, je vis Percival entrer dans le bar. Comme d'habitude il s'installa en face de moi. Je m'attendais à ce qu'il ne me lâche pas un mot mais il demanda d'un ton badin:
"Comment vas-tu?"
J'ouvris des yeux ronds, et l'espace d'un instant fus désarçonnée. C'était bien la première fois qu'il s'intéressait à moi! Je repris une contenance et esquissai un pâle sourire:
"Cette semaine a été épuisante, je suis ravie de voir le week-end arriver à si grands pas et toi?"
Cette fois il ne répondit pas succinctement, il me parla volontiers de lui, de ses derniers jours, du travail. En un instant, tout sentiment négatif disparut, Percival avait réussi à me rendre le sourire en un temps record! Quel revirement de comportement! Lorsque je le quittai ce soir-là, l'espoir était revenu. Pendant un mois, les rencards continuèrent; Percival se montrait plus détendu et loquace à mon plus grand bonheur! Il finit de me surprendre au quinzième café. Alors qu'un silence apaisant venait de s'installer, Percival proposa tout de go:
"Pourquoi ne pas aller dîner ensemble demain soir?"
Cette proposition suffit à faire partir mon cerveau au quart de tour. Il était déjà en train d'échafauder mille et une théories quant à ce qu'il pouvait se passer... En ne laissant rien transparaître, j'acceptai volontiers.
Était-ce un signe? Devais-je ce soir-là évoquer notre passé commun? M'excuser? Tout en me détaillant dans le miroir, je poussai un profond soupir. Je ne savais pas ce que Percival attendait, il avait toujours été difficile à déchiffrer. J'arrangeai une dernière fois mes cheveux et quittai mon appartement. Percival m'avait communiquée l'adresse du restaurant. En voiture il était à dix minutes à peine. Apparemment il connaissait bien l'établissement et y allait régulièrement selon ses dires. Je mourrais d'envie de savoir en quelle compagnie mais tins ma langue. Il avait raison, l'endroit était charmant et étonnamment romantique. Voulait-il donc que quelque chose se passe entre nous de nouveau?
"Non Alison avant tout tu dois lui parler."
Comment reconstruire une relation si tout n'était pas clair entre nous? Nous nous installâmes à une table dans un coin de terrasse. Celle-ci ne donnait bienheureusement pas sur la route, elle était au milieu du restaurant, ouverte vers le ciel. Nous étions éclairés par la chandelle de la table ainsi que par des guirlandes lumineuses colorées. Elles étaient entrelacées avec les fleurs de la pergola. En face de Percival, scannée par ses yeux onyx, je me sentis soudain terriblement intimidée. En guide d'apéritif il choisit une bouteille de Saint-Emilion. Je lui en fut reconnaissante, j'allais pour sûr avoir besoin d'alcool dans le sang pour aborder le sujet qui me tenait tant à coeur. Comme pour m'encourager à me jeter à l'eau, les plats ne venaient pas, nous obligeant à boire pour passer le temps. Une fois que je me fus enivrée au point de trouver ma vie parfaite et magnifique, je profitai d'un court silence pour lancer:
"Tu sais, j'y songe depuis un moment et je voulais te présenter mes excuses. J'ai longtemps regretté de t'avoir quitté et me suis maudite maintes et maintes fois de cette stupide décision."
À mon plus grand désarroi, Percival ne répondit rien. Il avait les yeux rivés sur son verre et j'en vins à me demander s'il avait entendu ma confesion. Pour l'obliger à répondre, je demandai d'une voix chevrotante:
"Percival m'en veux-tu toujours?"
Il leva la tête. Son visage était fermé, il avait comme revêtu un masque sans émotion. Il évita soigneusement de croiser mon regard et répondit d'une voix blanche:
"Je préférerais ne pas en parler Alison.
-Il le faut! Après toutes ces années sans s'adresser la parole, on ne peut pas laisser ce qu'il s'est passé rester lettre morte!"
Perival poussa un profond soupir et daigna enfin me regarder:
"Tu veux m'exhorter à en discuter? Très bien allons-y; mais pas ici. Je ne veux pas qu'on ait cette discussion au milieu d'un restaurent réfléchis Allison."
Je rougis violemment. Son ton était dur et moralisateur, il n'avait même pas pris la peine de baisser la voix. Une poignée de tables voisines nous avaient entendus et ses occupants me jaugeaient d'un œil rieur. Je souffrais les affres de l'humiliation et ne trouvai aucune répartie. Je finis par acquiescer, honteuse. Percival se détendit à ma docilité et la conversation continua comme si rien ne s'était passé. C'était peut-être l'impression que nous donnions mais en vérité de mon côté, je me rongeais les sangs. Lorsque j'avais évoqué le sujet, il s'était fermé comme une huître, j'aurais probablement dû me taire. Une fois le repas expédié, la note galamment réglée par Percival, nous nous esquivâmes. Dehors, une brise automnale soufflait; elle poussait les sombres nuages qui ressortait à peine du ciel de la nuit nous promettant ainsi un lendemain limpide. Nous vagabondâmes, discutant à bâtons rompus puis finîmes par nous asseoir dans un parc, non loin de là où j'avais garé ma voiture:
"À présent je pense qu'on peut discuter."
Cette simple phrase me tétanisa et je pris une profonde inspiration pour rassembler le courage nécessaire.
"Je repose la même question que tantôt vu que tu n'y a pas répondu; m'en veux-tu toujours?"
Je ne le regardai pas, je n'osai pas. Je gardais les yeux rivés vers la pénombre des arbres, figée d'angoisse. Après un court silence, sa voix grave s'éleva. Néanmoins elle n'était plus aussi dure que tout à l'heure.
"Je t'en ai longtemps voulu Allison. Je ne comprenais pas, je te haïssais de m'avoir brisé le coeur aussi cruellement."
Ma bouche s'assécha.
"Cependant avec le temps j'ai oublié, la douleur s'est estompée, je suis passé à autre chose."
C'était grotesque, mais ses derniers mots me blessèrent. Ainsi il m'avait oubliée. Je voulais le lui reprocher mais ç'aurait été présomptueux et égoïste. Seulement, quelque chose clochait dans ses paroles:
"Dans ce cas pourquoi ne m'as-tu juste pas ignorée lorsque tu m'as vue au bar?" demandai-je d'une voix plus vacillante que je ne le voulus.
Percival se leva brutalement et frappa rageusement dans un caillou en crachant d'une voix vibrante de colère:
"J'aurais voulu pouvoir te snober! Rien que par vengeance mais je t'ai vue. À ce moment je me suis dit que te mépriser aurait été une erreur monumentale.
-Si tu le regrettes tu peux t'en aller tout de suite, déclarai-je."
S'il m'abandonnait je préférais que ce soit sur-le-champ. Au ton acerbe qu'il avait pris, j'étais convaincu qu'il tournerait les talons. Je me levai à mon tour lui faisant face, cherchant son regard. Pour une fois loin de le fuir, il le rencontra :
"Si je regrettais j'aurais déjà pris la poudre d'escampette."
Une vague de soulagement déferla et je lui adressai un sourire; il ne me laissa pas le temps de savourer cette petite victoire et ajouta:
"En revanche il y a une chose que je n'ai jamais comprise Alison. Pourquoi m'avoir quitté? Tu ne m'as jamais donné la raison."
L'angoisse m'étreignit, je ne savais que lui dire. À l'époque j'avais agi sur un coup de tête mais j'étais à peu près sûr que cette explication ne le satisferait pas. À quoi bon mentir? Je lui devais au moins ça... la vérité:
"Je ne sais pas. En toute sincérité j'en avais juste assez. On s'ancrait dans une routine."
Il arqua un sourcil et soupira:
"Dans ce cas qui me dit que tu ne recommenceras pas?
-Rien, répliquai-je du tac au tac. C'est un pari. De l'eau a coulé sous les ponts. À toi de voir si tu veux essayer."
Ces paroles étaient risquées je le savais, mais j'étais sincère. Mentir ne ferait qu'attiser sa méfiance. Sans un mot Percival fit quelques pas vers moi. Nous n'avions pas été si proches depuis longtemps. Ses yeux onyx parcouraient les traits de mon visage, et plongèrent finalement dans les miens. Mon coeur battait fort dans ma poitrine. Sa main se posa délicatement sur ma taille, je sentais son souffle chaud sur ma joue. Sans crier gare, ses lèvres rencontrèrent les miennes. Comment l'expliquer? Ce fut ma madeleine de Proust, ce baiser avait une fragrance du passé, l'effluve d'un bonheur envolé, le goût de douceur perdue. J'avais l'impression de retrouver un foyer chaleureux que j'avais quitté depuis longtemps... J'étais de retour à la maison. Cette nuit-là; il serait inconvenant de vous le décrire. Je m'en souviens encore... Mes cheveux éparpillés sur l'oreiller, la douceur des baisers de Percival, son parfum se mêlant au mien. Je n'oublierai jamais sa passion, tout son amour. Je l'avais retrouvé et je ne comptais pas l'abandonner.
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