P R O L O G U E
Deux ans plus tôt...
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Haimeï
Putain de congés.
Qui a besoin de congés sur terre ? Ce genre de choses, ça ne devrait pas exister. Pas pour les gens comme moi. Pas quand on se défoule, quand on extériorise, quand on se guérit de ses blessures à travers le travail. Pas quand on a rien d'autre dans la vie, à part cet exutoire.
Sans Gary, j'aurais peut-être passé le reste de mes jours à la rue. Pourtant, je suis là, assise dans son bureau luxueux à l'architecture impressionnante. Le plafond haut et les murs aux finitions dorées sur fond sombre révèlent des influences du style victorien. Un salon se trouve sur la gauche, face à une série de moniteurs qui affichent le logo de la Sulton Motor Cars. À droite, un bar imposant regorge de bouteilles diverses et, en face de moi, mon patron est concentré sur son écran, estimant qu'il n'a plus rien à me dire après m'avoir annoncé sans diplomatie aucune que je devais déguerpir.
Grâce à lui, j'ai eu une raison de m'accrocher, j'ai respiré à nouveau et j'ai aimé la vie. Je suis la directrice adjointe de sa société, son bras droit et celle qui gère les plus petits détails de son existence. De ses rendez-vous avec son coiffeur à son planning de travail, j'ai accès aux données les plus confidentielles le concernant.
J'aime entendre les gens dire que je suis un deuxième exemplaire de lui. J'apprécie lorsqu'on me fait remarquer que nous avons la même démarche assurée, que certaines de nos mimiques se ressemblent, que je suis comme sa deuxième ombre, et ce, indépendamment du fait qu'il ait huit ans de moins que moi. Notre différence d'âge ne m'empêche pas de lui vouer le respect qu'il mérite. Il est mon patron et l'un de mes meilleurs amis. Cependant, et pour la première fois depuis que je le connais, la seule chose que j'ai envie de faire à cet instant précis c'est l'étrangler.
Agacée, je m'adosse contre le fauteuil et croise les bras en le fixant intensément, bien décidée à ne pas bouger d'un pouce. Occupé à faire défiler des tableaux de statistiques sur son ordinateur, un index caressant sa lèvre inférieure, il me jette un petit regard en coin en haussant un sourcil. Ses yeux d'un bleu profond m'analysent avec rigueur avant qu'il ne soupire. La sévérité sur son visage fait place à un agacement qu'il cache mal : à vingt-huit ans, il est déjà un homme inflexible qui n'aime pas perdre son temps. Un coude sur le bureau, il pose sa joue contre son poing.
— Tu adoptes cette position quand tu es contrariée, me fait-il remarquer en désignant mes bras. Dois-je comprendre que ma décision te déplaît ?
Gary est un homme particulier qui utilise le langage corporel, les micro-expressions faciales et tout ce qui lui permet de décrypter le non verbal. Il passe sa vie à étudier les sciences comportementales pour mieux comprendre le monde qui l'entoure. Le meuble derrière lui qui regorge de livres divers en est bien la preuve.
— Je ne veux pas de congés. Je n'ai pas besoin de repos, Gary. Je suis tout à fait opérationnelle.
Il secoue doucement la tête.
— Je ne veux pas te voir dans cet immeuble avant la semaine prochaine, Meï.
— Mais je...
— Meï ! gronde-t-il gentiment. Tu me connais assez pour savoir que je ne changerai pas d'avis. Ça fait des années que tu te contentes de faire la grasse matinée un dimanche tous les deux mois. Nous ne pouvons pas continuer sur cette lancée. Regarde comment tu veilles à ce qu'aucun burn-out ne me retienne prisonnier dans mon lit : fais-en de même pour toi-même. Vas t'amuser, saoule-toi, dors et commande de la malbouffe. Fais ce que tu veux, mais loin d'ici.
Je me redresse et m'accroche aux rebords de la table en acajou pour me donner la force d'argumenter. Débattre avec quelqu'un comme Lucian Sulton n'est pas quelque chose que je fais de gaieté de cœur. À tout moment, je pourrais aggraver la situation si je teste trop sa patience.
— Trois jours, suggéré-je, abattue. Je t'en prie, trois jours, c'est largement suffisant.
— Une semaine, ou c'est en Chine que tu seras catapultée pour tout le mois à venir.
Outrée, je pose une main sur ma poitrine comme s'il vient d'y enfoncer un poignard. L'idée d'être inactive durant tout un mois en plus de retourner dans mon pays natal me rend nauséeuse. Je risque de vomir sur sa moquette rouge vif comme le sang.
— Et si je te trouve une jolie blonde comme tu les aimes ? Avec tous les critères qui te retournent le cerveau ? proposé-je en dernier recours.
— Mon cerveau est et restera à l'endroit. Ce n'est pas parce que j'apprécie les blondes que je prévois d'en épouser une. D'ailleurs, rappelle-toi : une femme partage déjà ma vie.
Je grimace en pensant à Amel, cette humaine insupportable qu'il compte fiancer pour calmer les ardeurs de leurs familles. Elle m'insupporte et c'est réciproque. Elle croit que Gary et moi sortons ensemble, alors elle tente en vain de le convaincre de me renvoyer. Tout ce qu'elle réussit à faire, c'est nous fournir des sujets de rigolade avec ses caprices. Je reviens à l'instant présent quand Gary presse un bouton sur un dispositif près de son ordinateur, me trahissant ainsi de la pire des façon. L'instant d'après, Matthew ne tarde pas à se pointer.
— M. Sulton ? demande le garde du corps grand comme une armoire.
— Veux-tu bien aider Meï à sortir de mon champ de vision, s'il te plaît ?
Celui-ci ne se fait pas prier pour se diriger vers moi avec l'idée de m'escorter hors du bureau. Non, mais je rêve ?
— Matthew, je te promets que si tu fais un pas de plus, je diminue ton salaire de soixante-sept pour cent et je résilie l'abonnement annuel de tes filles à Disneyland.
— Haimeï Chen ! s'agace mon patron. Ne te sers pas de ton autorité pour me contrarier, sinon tu n'en auras plus dès ce soir.
Je me dégonfle sous la menace et me lève à contrecœur. D'un air dramatique, j'attrape mon sac et fais mes adieux à un Lucian Sulton hilare qui ne me retient pas pour un sou. Je suis en train de vivre la pire des trahisons. Quand je franchis la porte de son bureau et longe le couloir pour atterrir dans celui de sa secrétaire, je m'accoude au comptoir avec l'impression que je vais m'écrouler dans les minutes qui suivent. Je dépose ma tablette de travail près de Charlotte qui s'en empare tel le saint Graal.
— En tant que secrétaire de monsieur et votre assistante, je promets de...
— Charlotte, par pitié, pas de discours, l'arrêté-je en me massant les tempes. Fais juste ce que je t'ai appris en attendant que je revienne.
Elle hoche vivement la tête et serre mon outil de travail contre sa poitrine avec un petit sourire enfantin. Les boucles brunes qui sortent de son chignon et son petit minois joyeux aggravent mes céphalées. Si je comprends bien, personne ne regrette que je disparaisse pendant sept longs jours. Je pensais côtoyer des gens qui tenaient à moi, mais ils me prouvent un à un que je suis le dindon de la farce dans cette entreprise. Je m'éloigne difficilement pour rejoindre l'ascenseur, irritée au possible.
— Surtout, ne m'appelez pas si le bâtiment s'écroule ou si des investisseurs désistent parce qu'ils n'auront pas vu mon visage aux réunions, lancé-je, rancunière.
Je rejoins le parking où mon chauffeur m'attend, talonnée par deux ombres que j'ai appris à ignorer. Mes gardes du corps ont, au fil des années, su s'implanter dans le décor, si bien que j'ai cessé de les remarquer au bout d'un moment. Perdue dans ma colère, je rejoins le SUV qui s'empresse de démarrer. Je ne vois pas le temps passer, et j'arrive bien trop vite chez moi.
Mon appartement est en réalité un penthouse situé au dernier niveau d'un immeuble au cœur de Washington, D.C. Les autres étages sont occupés par des résidents qui paient un loyer conséquent à une agence immobilière. Bien évidemment, ils ignorent que celle-ci m'appartient, et donc que leur argent est destiné à rejoindre l'un de mes comptes bancaires. De cette façon, je peux vaquer à mes occupations sans devoir gérer de tels détails. Jusqu'à nouvel ordre, je n'ai que deux mains et elles me servent à assurer les arrières de mon supérieur. Enfin, elles vont surtout servir à me remplir des verres ce soir.
Après avoir quitté le parking interdit d'accès aux autres habitants de l'immeuble, j'emprunte mon ascenseur privé. Personne ne peut arriver à mon étage sans ma clé d'accès ou une bonne connaissance des plans du bâtiment. Le couloir qui mène à mon penthouse est le lieu où se postent mes chiens de garde, même s'ils ont une pièce à eux à l'intérieur. Grâce à elle, ils alternent les gardes de nuit, prennent des douches ou se font des petits-déjeuners. Un peu comme si mon appartement en cachait un autre.
Je déverrouille la porte principale et m'infiltre dans mon lieu sécuritaire. Celui où je peux enlever tous les artifices qui édulcorent ma personnalité sans craindre qu'un œil indiscret n'aperçoive ma passion pour le dessin, ou la façon dont je larmoie devant des séries, ou ces fois où je crame mon four parce que j'ai voulu tester une nouvelle recette.
Mon premier réflexe est de déposer mon sac sur la table dans l'entrée, de détacher mes cheveux et ôter mon soutien gorge avant de l'abandonner quelque part sur un canapé. Je m'y affale d'ailleurs, les yeux rivés au plafond parcourus de mosaïques colorées. Je suis minuscule au milieu d'une pièce si grande. Les bruits de la ville sont étouffés par les baies fermées, si bien que je suis seule dans ce silence pesant. Je me replie sur moi-même, perdue.
Qu'est-ce que je suis censée faire, maintenant ?
* * *
Bon. Ça, ce n'était pas non plus l'idée du siècle.
Définitivement, cette semaine s'annonce mal. Accoudée au comptoir, j'observe les deux barmans et étudie leur dextérité pendant qu'ils préparent les nombreux cocktails que leur réclament les clients. En face de moi, au milieu des bouteilles de vins qui décorent le meuble imposant, un miroir me permet de m'observer. Ma tentative de maquillage, plus prononcé que ce que j'ai l'habitude d'arborer, est un cuisant échec. On pourrait croire que j'ai confondu le night-club à un carnaval.
Le pire, c'est que je me suis appliquée. J'ai vraiment fait des efforts. J'ai regardé des tutos, j'ai fait des courses et commandé de nouveaux habits. Fais chier ! On pourrait me confondre à une jeunette de vingt-deux ans alors que j'en ai trente-six. Si quelqu'un me porte plainte pour usurpation d'âge, je suis bonne pour la tôle.
Cependant, je doute que les nombreux mecs en chaleur qui m'abordent soient assez lucides pour détecter que je suis, pour la plupart, leur aînée. Quant aux femmes qui tâtonnent pour me demander si elles sont mon genre, c'est la même chose. Leurs yeux ne quittent pas mon décolleté ou mes cuisses. Je ne pensais pas que cette robe rouge et ses deux fentes sur les côtés feraient tant sensation, mais je suis rassurée d'une certaine manière. Au milieu de tous ces jeunots, je suis aussi bombasse que les nanas siliconées qui se pavanent avec leur anatomie offerte par les chirurgiens. Tous comptes faits, et même si la ménopause me guette, je ne suis pas encore une vieille peau.
Je peux voir dans le miroir en face de moi toute l'agitation de ceux qui se trouvent derrière. Mains levées, corps qui se trémoussent, cheveux qui valsent dans l'air... Y en a qui s'amusent, au moins. Pour ma part, j'ai la tête qui commence à tourner, mais je prends une autre gorgée de mon verre sous le regard d'un des barmans.
— Vous êtes sûre que vous voulez pas qu'on vous appelle un taxi ?
— Je ne suis pas seule, l'informé-je.
Dubitatif, il hoche tout de même la tête. À sa place, j'aurais eu la même réaction. Je suis assise là depuis le début de la soirée, à prétendre que je suis accompagnée. Mes gardes du corps sont quelque part dans l'espace inondé de jeux de lumières. Ils n'ont pas le droit d'intervenir, sauf si je le leur indique ou s'ils pensent que je suis en danger.
— Si vous avez besoin d'un taxi, vous hésitez pas à me demander, hein ?
Ce type est adorable, et je le remercie à l'aide d'un sourire. Même si je suis pompette, je sais reconnaître un gentleman quand j'en vois un. Il me rappelle Lucian, le soir de notre rencontre : prévenant et charitable.
— La légende raconte que les femmes asiatiques ne vieillissent pas avant cinquante-cinq ans. J'ai toujours adoré les légendes.
Mon cou dirige ma tête vers ma droite, où un énième prétendant vient de s'asseoir. Sa chemise noire est entrouverte sur un torse assombri par une toison fine, tandis que son pantalon, déchiré par endroits, laisse apercevoir quelques parcelles de sa peau velue.
— Lève les yeux, Cookie. C'est malpoli de reluquer.
Je me reconcentre sur son visage de profil pendant qu'il commande trois shots de vodka pour « commencer la soirée ». Les barmans lui sourient avec joie et font passer sa demande en priorité. Un habitué des lieux. Si jeune, mais alcoolique doublé d'un fêtard de toute évidence. En bonus, beau comme un dieu grec sorti de son lit sans peigner sa tignasse noire. Dans sa position, je peux apercevoir le relief de sa pomme d'Adam et la forme parfaite de son nez. Ses cils sont magnifiquement recourbés, ses sourcils broussailleux et ses iris sombres comme la nuit.
Bon sang ! Est-ce que j'ai encore le droit à ces conneries ? Flasher sur un homme plus jeune que moi et l'admirer sans retenue... Je vais me faire étiqueter de cougar bien plus vite que je ne le pense. Ou alors, je peux tout mettre sur le dos de l'alcool et prétexter que mes capacités analytiques étaient brouillées par l'éthanol. Voilà. Je suis juste une femme bourrée qui ne s'est pas envoyée en l'air depuis un bout de temps. Putain ! Gary a raison. Il n'y a pas que le travail dans la vie. Il y a aussi les hommes comme celui qui me parle.
— T'as été le premier à me reluquer, Don Juan, lui fais-je remarquer en gloussant doucement. Et merci pour l'espèce de... compliment.
Il a dû m'observer pendant un moment avant de détecter que je n'étais pas celle que je prétendais être au milieu de cette populace. L'idée de venir décompresser ici m'est passée par la tête et j'ai sauté sur l'occasion pour faire ce que je sais faire de mieux : prendre de mauvaises décisions.
Après avoir avalé ses trois petits verres, il sort une sucette de sa poche, la libère de son emballage et l'introduit dans sa bouche avant de la croquer, de la mâcher puis de l'avaler.
— Ça s'appelle sucette, tu sais. C'est fait pour être... eh, bien... sucé !
— Allez, ne fais pas la jalouse, badine-t-il. J'ignorais que t'en voulais une, mais ça ne me dérange pas. Tiens.
Alors que je m'attends à ce qu'il en pioche à nouveau une, il se penche vers moi et plaque ses lèvres contre les miennes en retenant fermement ma nuque. Les yeux grand ouverts, le choc de ce baiser auquel je ne m'attendais pas laisse place à une multitude d'émotions. Est-ce si évident qu'il m'attire ? Que je me demandais quel goût cette sucrerie pourrait avoir dans sa bouche ? Que mon corps immobile et mes lèvres qui dansent contre les siennes désiraient ce rapprochement ? Je pose une main sur sa chemise, et m'y accroche quelques instants.
Ses lèvres, chaudes et humides, allument un feu indécent au fond de mes entrailles, au creux de mon utérus. Est-ce que je suis en train d'embrasser un pyromane ? Un brasier consume littéralement mon intérieur, je suffoque d'envie avec l'impression d'être dans un sauna émotionnel. Lentement, avec une volupté à me faire mourir de désir, il se redresse, s'essuie la lèvre inférieure à l'aide de son pouce et sourit en m'observant.
— On dirait que t'aime bien le goût citron. Si ça te tente, on peut aussi tester la fraise.
Je pointe un doigt accusateur vers lui alors que mon cerveau m'envoie les premiers signaux pour m'indiquer que je devrais boire de l'eau et aller me reposer.
— Tu devrais... t'éloigner de moi.
— De combien de centimètres exactement ?
— 2πr égale mille cinq cent.
Contrarié, il passe une autre commande avant d'argumenter, avec l'espoir que je le laisse à nouveau envahir mon espace personnel.
— Pour quelqu'un comme moi, goûteur de foule et adorateur de la promiscuité, quinze mètres à la ronde loin de toi, c'est me souhaiter de cauchemarder ce soir.
— T'auras qu'à ramener quelqu'une de ton âge dans ton lit, pouffé-je en posant la main sur ma bouche, encore marquée par le goût de ses lèvres.
— C'est toi que je veux ce soir, Cookie.
J'éclate de rire au milieu de ce décor bruyant. Heureusement pour moi, la musique est suffisamment forte pour cacher ce son peu gracieux qui sort de ma gorge.
— Combien de verres t'as pris ? s'inquiète-t-il en éloignant celui que je m'apprête à engloutir. Putain, je suis venu pécho, pas faire du woman-sitting. T'es vraiment mon pire coup, Cookie.
— On n'a pas couché ensemble, lui fais-je remarquer alors qu'il m'aide à prudemment descendre de ma chaise haute.
— Justement, s'énerve-t-il.
Nous cheminons lentement vers la sortie en jouant des coudes. Je commence à avoir mal au crâne à cause de toute cette luminosité dansante. Nous empruntons un couloir où de petites ampoules rouges créent une atmosphère étrangement sensuelle. Lorsque nous arrivons à l'extérieur, l'inconnu cherche sa voiture du regard au milieu de toutes les autres bagnoles dans la rue. La musique étouffée par les portes fermées cesse enfin de martyriser mes oreilles.
— T'habites où ? Avant qu'un dangereux psychopathe ne te prenne pour cible, je vais te ramener chez toi. Si toutes les nanas se font la malle le temps que je te dépose, tu me redevras une partie de jambes en l'air.
Bien que mes gardes du corps ne permettraient pas qu'un malade mental me kidnappe, je préfère laisser M. J'ai-le-feu-dans-le-pantalon croire que je suis une femme sans défenses.
— Tu es... un idiot.
— Et toi, t'es une nana bourrée.
— T'as pas tort.
Contrairement à son numéro de charme de tout à l'heure, il se transforme immédiatement en gentleman pour me conduire vers son SUV. L'instant d'après, il verrouille ma ceinture et s'assoit près de moi avant de rejoindre les routes illuminées de la ville. J'ai bien failli trébucher à plusieurs reprises, mais mon héros de la soirée me retenait fermement contre lui. Je me demande combien de fois il va à la salle chaque semaine. Ses muscles ne sont pas extravagants, mais ils attirent tout de même l'attention car délicieusement bien répartis sur son corps. Maintenant qu'il semble avoir abandonné l'idée de me pécho, il laisse aussi tomber son masque de séducteur. Il est plus décontracté et naturel. La radio de sa voiture diffuse un titre enjoué qui le pousse à dandiner la tête alors qu'une de ses mains est accrochée au volant. Il m'ignore délibérément, et moi, je l'observe comme une pucelle en chaleur.
Il est si beau. Je suis certaines qu'il est le genre de type à être capitaine de l'équipe de football au campus. Il passe sûrement sa vie à organiser des fêtes dans la maison de son père, en plus d'avoir pour copine la bombasse de l'université qui est aussi une cheerleader adulée. D'ailleurs, ça doit être une pimbêche qui hurle à tout va que ce type lui appartient. Je ne la connais pas, mais je la comprends. J'aurais sûrement eu la même réaction. Par ailleurs, j'aimerais bien savoir à quoi ressemblent les parents de mon inconnu. Le phénomène de fécondation qui a engendré cet être devait être vachement épatant. Il est vraiment trop beau pour être réel.
— Merci, mais tu peux me mordre pour te convaincre du contraire, s'amuse-t-il en me montrant son avant-bras.
J'écarquille les yeux, sous le choc.
— Tu lis dans mes pensées ?
— Seulement quand tu les exprimes à haute voix, Cookie.
Oh... je dois avoir l'air d'une timbrée, mais je le fais sourire, moi et mes bourdes. C'est vraiment satisfaisant de voir son sourire. Je me demande si c'est à ça que font allusion tous ces livres. À l'impression qu'on ne peut pas détacher son regard de l'autre, que nos yeux semblent amoureux avant même que le reste de notre corps n'ait compris ce qui se passe. J'ai encore le goût de ses lèvres sur ma bouche et je me sens toute idiote. Malgré ça, je ne contrôle pas vraiment ce qui sort d'entre mes lèvres et j'ai l'impression d'être dans le corps de Gary, lui et sa tendance à toujours dire ce qui lui passe par la tête.
— Je crois que je suis amoureuse de toi, mais t'es plus jeune que moi et j'ai l'impression d'être une cougar.
Il emprunte l'allée que je lui indique tout en riant sans retenue. Il ne fait aucun commentaire, alors je ferme les yeux en laissant l'air qui s'engouffre me faire frissonner. Les secondes passent et nous arrivons dans mon immeuble. Agacé par ma lenteur, mon bel inconnu me soulève sans gêne et moi, comme une idiote, je glousse sans rechigner.
— Finalement, t'es pas si mal éduqué que ça.
Il secoue la tête en levant les yeux au ciel. Quand je lui demande de prendre l'ascenseur après l'avoir déverrouillé à l'aide d'une clé de sécurité, il fronce d'abord les sourcils. Lorsqu'il finit par s'exécuter, nous rejoignons mon antre non sans quelques difficultés. En effet, je n'ai pas arrêté de glisser mon index contre sa joue pour vérifier que je ne rêvais pas. Pour réaliser que j'étais effectivement dans les bras d'un inconnu, que celui-ci était désormais chez moi et me déposait lentement sur le canapé. Il a eu une petite grimace en découvrant mon appartement, mais aucun mot n'a traversé la barrière de ses lèvres.
Affalée dans le canapé, je le regarde s'asseoir à même le sol, en face de moi, pour essayer d'ôter mes talons. Il ne doit pas souvent faire ça, raison pour laquelle il est si concentré et prend son temps afin de ne pas m'écorcher la peau. Quelques mèches barrent son front et les bagues sur ses doigts frôlent ma cheville, rajoutant des frissons sur mes bras. Je me penche pour l'aider, et mon visage se retrouve près du sien alors que mes doigts se figent près de ses ongles. Il exerce une petite pression sur ma peau, le regard accroché au mien. Je lève une main hésitante vers sa bouche, mais il saisit brutalement mon poignet, me faisant sursauter vivement.
— Si t'enlève pas l'air lubrique qui couvre ton visage tout de suite, je vais sûrement te baiser sur ce foutu canapé, Cookie.
Je cligne des yeux un moment, étonnée par sa franchise, mais encore plus excitée par ses mots.
— Peut-être que j'en ai envie.
J'abandonne mes scrupules pour me jeter entre ses bras. La moquette accueille nos deux corps brûlants avec joie, et nos bouches se rejoignent sans détours. Je me retrouve bien vite sous son poids quand il inverse les rôles.
— Putain, Cookie !
Finalement, j'aime beaucoup le goût citron de sa sucette. Je n'ai malheureusement pas le temps de l'apprécier qu'il abandonne déjà mes lèvres, occupé à croquer mon cou comme un vampire. Une de ses mains fait glisser les bretelles de ma robe avant de m'aider à me redresser. Installée sur un coude, je l'aide à m'ôter mon vêtement avant de le débarrasser de sa chemise. Il s'empare à nouveau de ma bouche et grogne sans retenue. En moins de temps que ce que je pensais possible, son corps nu frôle le mien.
À son contact, je frémis de plaisir. Il m'embrasse de partout, il ne néglige aucune parcelle de ma peau et je remarque entre deux gémissements que sa main tâtonne vers son pantalon pour dénicher un préservatif. Il se redresse et m'observe pendant qu'il installe le dispositif sur son membre. Mon regard se perd entre ses cuisses et je me surprends à imaginer tout ce que ce bel organe pourra me faire ce soir. Mon souffle irrégulier révèle mon trouble et ma peau se couvre de frissons. Je frémis rien qu'à l'idée d'accueillir cette chose imposante en moi. Je me suis habituée aux jouets sexuels pour me satisfaire, même s'ils n'atteignaient pas ce calibre.
— Lève les yeux, Cookie.
Je m'exécute rapidement en me mordant la lèvre inférieure. Je n'ai pas souvent désiré les hommes dans ma vie. Je n'ai pas eu de temps pour ça, entre mon enfance catastrophique, mon adolescence compliquée et ma vie d'adulte chaotique. Ce soir, je redécouvre ce que c'est que d'être une femme. D'avoir un corps qui rend un type malade d'envie.
— T'es vraiment super bandante.
Je viens de découvrir que je peux rougir comme ces femmes dans les films. Je le sais car une chaleur inédite s'empare de mes joues et je mords davantage ma lèvre pour ne pas sourire.
— Putain ! Fermes les yeux, Cookie.
— Mais... pourquoi ?
— Me regardes pas comme ça. Je vais pas pouvoir me retenir si tu continues.
Je hoquette et me rallonge en fermant les paupières. Je l'entends soupirer, comme si je venais de le délivrer d'un supplice. L'instant d'après, son souffle frôle mon pubis et sa langue titille mes parties intimes. Je m'efforce de ne pas le regarder, me contentant de gémir en sentant mes entrailles se retourner de plaisir. Cette sensation dans mon intérieur, ce feu outrageusement délicieux... comment de telles choses peuvent-elles exister sans que je ne sois au courant ?
Tout n'est qu'étincelles dans mon bas-ventre. Mon dos se décolle du sol, mes mains s'emparent de la tignasse de mon amant et je vibre au rythme du plaisir qu'il me donne. Décidé à m'immobiliser, il retient mes cuisses en les entourant de ses bras. Ç'en est trop pour moi. J'ouvre les yeux pour l'observer, mais je constate qu'il me regardait déjà. Ses prunelles sont plus sombres et les cheveux qui tombent sur son front rajoutent un quelque chose de mystérieux à son visage qui m'émoustille. Entre sa langue et l'air ténébreux sur son visage, il ne m'en faut pas plus pour onduler le bassin en sentant mon intérieur imploser. Les mains dans mes cheveux, le regard accroché au sien, je retiens mal mes gémissements et me laisse aller au feu d'artifice qui s'empare de mon corps. Je frissonne, je hurle mon plaisir, mon cerveau n'est plus qu'un volcan en éruption qui envoie des décharges d'hormones et d'électricité dans chaque recoin de mon organisme.
Lorsque je me calme, je guette ce bel étalon qui s'éloigne doucement de moi, mécontent.
— Bordel ! Je t'avais dit de pas me regarder.
Le contenu blanchâtre dans le préservatif attire mon attention et je fronce des sourcils, étonnée. Il ne plaisantait pas lorsqu'il disait que mon regard le perturbait. Pourquoi cette découverte me fait-elle plaisir ?
— Finalement, je suis pas un si mauvais coup, plaisanté-je en l'approchant quand il s'allonge.
Il m'aide à rejoindre son torse et caresse le bas de mon dos, perdu dans ses pensées.
— T'étais vraiment irrésistible à gémir comme si tu découvrais c'est quoi un cunni.
— C'était la première fois.
Il me jette un regard en coin, amusé.
— Alors, la nuit ne fait que commencer pour toi.
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Ohlala... Ces deux-là vont me donner du fil à retordre, je le sais, je le sens 🤣 Je les aime tellement déjà ! Et j'ai hâte de vous faire découvrir leurs âmes noircies par les coups de la vie 🤧
Encore une fois, j'essayerai d'être régulière mais ma priorité reste Abrasion, donc merci d'avance pour votre compréhension 🫶🏽
N'oubliez pas de l'ajouter à vos bibliothèques pour avoir les notifs des nouveaux chapitres.
À bientôt ! 😘
🌟 : Une étoile si vous avez aimé.
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Esther.
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