C͟͟͟͞͞͞h͟͟͟͞͞͞a͟͟͟͞͞͞p͟͟͟͞͞͞i͟͟͟͞͞͞t͟͟͟͞͞͞r͟͟͟͞͞͞e͟͟͟͞͞͞ 9͟͟͟͞͞͞
10 septembre 1998 : PDV Jason
J'ignorais pourquoi le proviseur m'avait convoqué dans son bureau. Je n'avais pas le souvenir d'avoir fait quelque chose de répréhensible ces derniers temps.
Il ferma la porte derrière moi, sans n'avoir encore prononcé un seul mot. Le regard que la plus grande autorité du bahut posa sur moi était des plus déconcertants. Il me regardait avec...compassion ? C'était bien ce qu'il semblait faire en tout cas.
- Monsieur Whey, vous pouvez vous assoir. Il me pointa, d'un geste de la main, la chaise qui était devant son bureau.
Il s'assit avec lenteur face à moi et rapprocha son fauteuil du bureau. Il joignit ses deux mains et commença à me fixer droit dans les yeux.
J'étais de plus en plus soucieux. J'attendais avec impatience que le proviseur m'explique la raison de ma venue dans son entre plus que terrifiante. Je me tordais sur ma chaise, quelque peu mal à l'aise, ne sachant quelle émotion afficher sur mon visage.
- Monsieur Whey...Jason. Il marqua une pause, hésitant. Il but d'abord une gorgée dans son verre d'eau avant de continuer. Nous avons reçu une agent des services sociaux, hier soir.
Je déglutis bruyamment, de stupeur. Les services sociaux ?! L'angoisse commença à envahir mon être mais je tentais de le dissimuler le plus possible, me redressant et essayant de demander d'une voit à peu près confiante :
- Et donc ? Qu'est-ce que vous me voulez ?
Cette pointe d'insolence le fis grincer des dents, mais Mr McBarker se retint de me réprimander, sûrement trop mal à l'aise à l'idée de le faire alors que j'avais déjà des « problèmes », apparement.
- Elle m'a parlé de ce qu'elle a pu observer lorsqu'elle a rendu visite à votre mère au domicile familiale.
L'indifférence que j'essayai d'afficher le troubla. Il me regardait comme s'il pensait que je n'avais pas bien compris ce qu'il venait de me dire.
- Si vous avez besoin de parler, vous pouvez venir me voir moi ou n'importe quel membre du corps enseignant.
Je restai plutôt perplexe face à cet affirmation. Je n'avais jamais eu confiance en lui ou l'équipe pédagogique. Ce n'était tous qu'une bande de faux derches, d'hypocrites, remplissant leur fonction au strict minimum uniquement pour la fiche de paye à la fin du mois.
- C'est bon ? Vous avez fini avec moi ? Lui avais-je lancé nonchalamment en commençant à me relever.
- Une dernière chose, monsieur Whey. Il baissa ensuite d'un ton pour finir sa phrase comme s'il m'avouait quelque chose de grave. Nous avons été obligés de prévenir votre mère à propos de notre rencontre.
Je me figeai sur place. Mon sang se glaça. J'avais l'impression d'avoir complètement beugué. Je retombai sur la chaise, le regard dans le vide.
- Je suis désolé, c'est la politique de transparence du lycée qui le veut. Mais je suis sûr que si vous risquiez vraiment quelque chose, les services sociaux auraient pris les mesures nécessaires.
Il me sourit jovialement, et m'indiqua la porte de son bureau de la main.
- Bonne journée, monsieur Whey.
Je ne lui répondis pas et sortis de son bureau, d'un pas las.
Le corps enseignant et l'administration avaient pris la pire des décisions en prévenant ma mère. Elle allait me tuer ! Ou pire... J'étais complètement désemparé. J'étais à présent terrorisé à l'idée de rentrer chez moi ce soir. Rien que d'imaginer le regard foudroyant et empli de folie de ma génitrice posé sur moi me coupait le souffle au point de me donner la nausée.
A peine étais-je sorti de cet enfer que je sursautai à l'entente de la voix de Ramona. Je n'avais absolument pas envie d'avoir une conversation avec cette fille pour qu'elle me prenne la tête. Son intention était louable mais je ne comprenais pas ce qu'elle me voulait.
Elle me harcela pendant près de cinq minutes avant que j'abandonne mes tentatives pour être courtois et que je fuis à l'autre bout du lycée, la laissant en plant au milieu du couloir. Une part de moi culpabilisa d'avoir été aussi froid. Mais je ne comprenais pas pourquoi elle s'intéressait à mon cas. Même si j'appréciai tout de même le geste.
Je décidai de partir du lycée pour prendre l'air, de toute façon, sécher les cours était une activité dont j'avais l'habitude. Je me promenais dans la rue, sans véritable destination. J'avançais sans but, sans ambition, sans désire, seulement par dépit. Ne pas pouvoir skater me frustrait au plus haut point. Cela pouvait paraître bizarre, mais sentir le béton et non ma board sous mes pieds me procura une sensation de manque.
Chacun de mes pas était plus lourd, chacun de mes souffles était plus douloureux, je me sentais comme emprisonné dans mon propre corps. D'un instant à l'autre, mes émotions vacillaient entre la colère et la tristesse. Mais la peur prenait toujours le dessus. Cette peur qui t'arrache les tripes, qui te pâlie, qui te hante jour et nuit.
Mais ce qui me terrorisait le plus, c'était de devenir un jour comme ma mère, aussi fou et détraqué qu'elle. J'étais de son sang, même s'il elle aurait préféré que ça ne soit pas le cas. J'ignorais si elle était née comme ça ou si la vie l'y avait conduite. Tout ce que je savais c'est que je l'avais toujours connue comme cela.
/!\ TW : La scène qui va suivre n'est évidement pas à reproduire et est déconseillée pour les personnes sensibles ou qui traversent une période difficile
(auto mutilation) /!\
Je pouvais sentir mon sang bouillir en moi, ma gorge était sèche et mes yeux humides. Je sentis comme une décharge électrique qui me traversa, un regain d'énergie profond qu'il fallait absolument que j'évacue. J'avais envie de libérer cette énergie. J'éprouvais le virulent besoin de me prouver que je pouvais encore avoir un contrôle sur mon sors.
Dans une ruelle transversale à l'allée principale, j'étais à présent face à un mur de béton, gris, sombre, tagué et abimé. J'y vis comme une métaphore de moi même. Je le regardai longuement.
J'avais envie de l'explorer, de lui parler, qu'il me raconte tout ce qu'il lui était arrivé, dans l'espoir que ce soit pire que ce que j'avais connu.
Je commençais à trembler, les nerfs à vif, la boule au ventre. Ma respiration s'accélérait et devenait de plus en plus saccadée. J'avais l'impression que mon cerveau se vidait, que plus rien ne comptait, je ne pouvais plus me concentrer sur mes sentiments. Je m'arrêtai de réfléchir et évacuai toute l'énergie que je contenais en un coup de poing dans ce mur qui émit un violent bruit sourd.
La douleur fut très vive. Mais elle me procura une sensation de libération. Je mouvais mes doigts, les faisant craquer. Puis je recommençai, à la recherche de cette intense sensation de défoulement. Plus je frappais ce mur, plus mes problèmes s'évaporaient. J'avais si mal, je ne respirais presque plus, l'air quittant plus facilement mon corps qu'elle n'y pénétrait. Mes phalanges laissaient maintenant d'apparentes traces de sang sur le bloque de béton mais cela ne me choqua pas le moins du monde.
Et je continuais, encore et toujours. J'avais l'impression que je pourrais continuer jusqu'à ce que le mur se brise. Je commençais à pleurer, mes larmes tombant sur mes mains se mêlant au sang. La peur s'était transformée en rage et avait pris la forme de la douleur physique.
Mais au bout d'une dizaine de minutes, je n'avais plus la force. Je n'y arrivais plus. Ma vue commença à se brouiller et je perdis progressivement la sensibilité de certains de mes membres. Mes coups étaient de moins en moins forts et je me sentis partir. Mes genoux cédants, je glissai contre le mur, le souffle court, puis tout s'éteignît.
/!\ Fin du TW /!\
••••••••
J'ouvris péniblement les yeux. Ma vision encore floue s'affina petit à petit et je pus reconnaître la ruelle où je m'étais effondré...j'ignorais combien de temps.... Je regardai sur ma montre, il était presque 22h30. Merde !
Mais je fus soudainement rappelé à l'ordre par mon système nerveux. Je jetai un coup d'œil à mes mains qui me faisaient un mal de chien. Je fus traversé d'un frisson quand je vis le sale état dans lequel je les avais mises. Je me rappelai alors de ce qui s'était passé quelques heures plus tôt.
Je sortis donc un mouchoir froissé de la poche de mon jean et essayai tant bien que mal de recouvrir les plaies ouvertes et encore sanguinolentes présentes sur mes mains. Le tissu blanc s'imbiba immédiatement devenant rouge vif. Mais je le laissai là, dans l'espoir qu'il absorbe tout ce qui était possible d'absorber.
Je me souvins que ma mère devait sûrement être en train de m'attendre à la maison, folle de rage. J'hésitai à rentrer, mais devais-je réellement le faire si je tenais à la vie ? J'étais épris de culpabilité à l'idée de laisser ma mère seule à la maison, elle n'était clairement pas capable de se gérer toute seule. Elle risquerait de se tuer. Mais je ne le voulais pas, même si j'avais peur d'elle et que je la détestais d'une certaine façon. Elle restait la femme qui m'avait mis au monde.
J'avais également affreusement mal à la tête. Je ne savais pas combien de temps j'avais pleuré ni même combien de temps je m'étais mutilé les mains. Je me sortis donc une cigarette de la poche, et l'allumai. La première taffe me procura un intense sentiment de bien être. Tout mon corps se détendit en un instant.
Assis au sol, adossé contre le mur, j'enchaînais les clopes les unes après les autres, les jetant autour de moi au fur et à mesure que je les brûlais. J'avais complètement perdu pied. Je me sentais comme sur un petit nuage, loin de tout soucis. Mon rythme cardiaque avait retrouvé une cadence régulière et la culpabilité ou la peur de dormir dehors m'avait complètement échappée.
Après plusieurs minutes à répéter continuellement les mêmes gestes, je fus sortis de mon monde par un bruit qui atteignit mes oreilles. Une silhouette venait de pénétrer dans la ruelle dans laquelle je m'étais réfugié. Je me raidis brusquement, me redressant quelque peu, par peur que la personne qui allait me repérer puisse être malintentionnée. J'avais à présent du mal à déglutir, le souffle court, comme si la moindre inspiration de ma part puisse signifier ma présence.
Mais la personne qui me fit face était clairement la dernière personne que j'avais imaginée croiser ici.
Cette silhouette féminine...même dans l'obscurité je la reconnus immédiatement. Elle s'approcha lentement de moi, un regard de pitié posé sur ma personne.
Ce regard...ces yeux...cette compassion à la noix...ça me dégoûtait. Ramona resta pourtant à distance raisonnable, n'osant pas parler, peut-être de peur que je la rejette. Je n'espérais qu'une chose, qu'elle s'en aille et qu'elle oublie m'avoir vu ici. L'idée qu'elle puisse imaginer une seule seconde que j'étais victime de quoi que ce soit me répugnait au point de me donner un haut-le-cœur.
Je fuyais le plus possible ses yeux, j'espérais qu'elle allait abandonner croyant que j'étais indifférent à sa présence. Je refusais qu'elle puisse lire la quelconque émotion qui me traversait. Je regardais à l'horizon, continuant de fumer. Pourtant, je sentais toujours son lourd regard posé sur moi, il ne déviait pas d'un centimètre.
Mais à mon plus grand désespoir, elle ouvrit la bouche pour me poser la question que je redoutais le plus d'entendre.
- Pourquoi t'es pas chez toi ?
Un désagréable frisson me secoua de la tête au pied. Ma gorge était devenue aussi sèche que le désert et mes muscles s'étaient tendus. Je me décidai alors à enfin oser la regarder.
Quand je croisai finalement ses yeux, je lis de l'étonnement plus que de la pitié, étrangement. Je la détaillais du regard. Même dans le noir, inquiète et étonné, elle était toujours aussi belle. La lueur du lampadaire à une dizaine de mètres de nous se reflétait dans ses iris. Comment faisait-elle pour garder autant de contenance alors qu'elle avait en face d'elle le dernier des ratés complètement amoché et défoncé ?
J'avais l'impression qu'aucun mot n'allait sortir de ma bouche, restant coincés en moi, mais hurlants pour sortir, pris au piège. Je déployai toute la force que j'avais pour lui répondre avec le peu d'assurance que j'avais.
- Je ne peux pas rentrer chez moi...
J'avais dis la vérité, en évitant les détails, espérant que cette réponse allait la contenter. Mais c'était mal connaître Ramona Murphy.
Espérant qu'elle s'en aille, je retournai à mon occupation principale et m'allumai une nouvelle cigarette. Mais évidemment elle avait décidé de me faire une scène. C'était la question de trop. De quoi elle se mêle ?! Je ne pouvais pas lui raconter toute ma vie, on ne se connaissait pas ! Et je n'avais pas envie de l'entraîner dans mon merdier...elle ne méritait pas ça, elle était trop bien pour ça...
Être sec et froid avec elle était la seule solution que j'avais trouvée pour essayer de la faire fuir, qu'elle comprenne enfin que je n'étais pas un mec fréquentable.
- Si Jason ! Je le veux. Explique moi ! J'ai tout mon temps. Sa voix...elle était si suppliante à présent. Je voulus pourtant la virer une nouvelle fois mais elle ne m'en laissa pas le temps et s'assit en tailleur face à moi. J'étais complètement interloqué.
Elle m'observait maintenant durement, les bras croisés sur sa poitrine, comme si elle allait carrément m'engueuler. Je me sentais totalement impuissant face à cette figure d'autorité qui ne céderait pas avant que je crache le morceau.
J'étais surpris et perplexe. Depuis quand elle s'intéressait à mon sors ? Et puis en vérité, ça m'aurait étonné qu'elle ait réellement tout son temps. Tout en faisant danser ma cigarette entre mes doigts, je tentais de trouver un moyen de formuler ma réponse sans trop en dévoiler.
Mais je n'y arrivais pas. Je commençais à bouillonner. Je ne trouvais pas le moyen de l'épargner sans attiser sa foutue pitié. Je relevai les yeux vers elle. Ramona me toisa à nouveau, toujours aussi impassible, attendant que je m'exécute.
- Je ne peux pas rentrer chez moi. C'est tout ce que je peux te dire. Avais-je réussi à articuler.
J'avais de nouveau baissé le regard.
Une vive et grinçante douleur me piqua à nouveau au niveau de mes pseudo-bandages aux mains. Je me mis à les gratter nerveusement, dans l'espoir de faire disparaître la douleur.
Soudain, ses douces mains chaudes attrapèrent les miennes dans un mouvement incertain mais tout à fait réconfortant. Le contacte de son pouce sur le dos de ma main, complètement glacé, me procura une agréable chaire de poule. J'essayai de cacher ma stupeur face à ce geste. Mais elle réussit à me mettre un peu plus en confiance. Je me calmais petit à petit tout en la laissant caresser mes mains avec ses fins doigts.
Elle essaya une nouvelle fois de me poser la question. Elle attendait de moi des explications que je refusais de lui donner. Mais je vis dans ses yeux une lueur de détresse qui me secoua violemment, comme une claque. Je lui faisais du mal. Elle avait réellement peur pour moi. J'avais rarement eu l'occasion d'observer ce genre de sentiment avec les personnes de mon entourage.
Je devais le faire. Je devais lui parler. Il était déjà trop tard de toute façon. Ramona m'avait trouvé dans cet état. Le temps n'était plus aux mensonges et aux dissimulations. Elle avait le droit de connaître la vérité. Donc même si ce fut affreusement douloureux, je réussis à me jeter dans cette pente glissante.
- Très bien ! Si tu tiens tant à le savoir, je vais tout t'expliquer. Mais viens pas pleurer après, je déteste la pitié. Comme si elle n'avait pas déjà remarqué...
Elle hocha timidement la tête, semble-t-il tout à fait prête à m'écouter. Je savais qu'elle allait me laisser parler sans m'interrompre, qu'elle saurait m'épauler, j'ignorais encore pourquoi et comment mais j'étais persuadé qu'elle allait savoir comment me soutenir.
Pris d'un élan de courage et de confiance, je m'élançai dans mon récit, en fixant le sol et toujours mes mains enlacées par les siennes. Elle exerçait une légère pression sur celles-ci comme pour me donner la force de continuer alors que chaque mot qui sortait de ma bouche représentait une lame tranchante qu'on m'enfonçait dans les cotes.
Je relatais chacun des faits qui avaient eu lieux après notre soirée tous les deux chez le groupe One Home, évitant le plus possible de détailler mes émotions pour rester tout à fait factuel. A chacune de mes phrases, son visage se décomposait petit à petit. Mais elle essayait de le cacher, pour que je continue. Elle retenait ses larmes, vainement, je le voyais.
Quand j'eus fini, elle dégluti difficilement et seul un petit « Oh mon dieux... » presque inaudible lui échappa. Ses mains toujours entourant les miennes étaient devenues tremblantes. Elle regardait à présent frénétiquement autour d'elle dans l'espoir de trouver un appui pour répondre à cela. Rien ne lui vint.
- Je te jure qui si tu le dis à quelqu'un, je te bute ! C'était peut-être un peu agressif comme approche, mais je préférai assurer le coup. Je ne pouvais pas prendre le risque qu'une nouvelle rumeur de ce genre circule dans le lycée. J'en bavais suffisamment assez.
Elle répondit immédiatement, comme si la menace que j'avais proférée était déjà une évidence à ses yeux.
- Je te jure que j'enterrerai ton secret avec moi !
Je la crus immédiatement. Elle me semblait être une personne de confiance. Je me sentais étrangement en sécurité en sa présence; plus que dans mon propre foyer familiale, en tout cas.
Elle ne dit rien de plus et nous continuâmes à nous fixer dans le blanc des yeux. Je croyais qu'elle allait maintenant partir puisqu'elle avait eu ce qu'elle voulait : des réponses. J'allais pouvoir finir ma nuit ici, à me défoncer jusqu'à ce que je tombe une nouvelle fois d'épuisement. Mais elle prit une tout autre décision complètement spontanée et inconsciente qui me laissa sans voix.
- Est-ce que tu peux venir dormir chez moi, ce soir ? Ce n'est pas de la pitié, c'est moi qui te le demande.
Je ne répondis pas dans l'immédiat, est-ce que j'avais bien entendu ?!
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