C͟͟͟͞͞͞h͟͟͟͞͞͞a͟͟͟͞͞͞p͟͟͟͞͞͞i͟͟͟͞͞͞t͟͟͟͞͞͞r͟͟͟͞͞͞e͟͟͟͞͞͞ 7͟͟͟͞͞͞
9 septembre 1998 : PDV Jason
Je ne savais pas trop quoi penser de ce début de soirée aux côtés de Ramona. On avait quand même bien ri. Mais je fus soulagé de constater qu'elle partageait mon enthousiasme à l'idée de skater, aussi tard dans la soirée.
Je l'avais emmenée à ce skatepark dans l'idée de lui apprendre son premier tricks, le Ollie. J'avais personnellement mis plusieurs mois à le maîtriser. Mais j'avais appris seul. J'étais donc presque sûr que Ramona y arriverait plus vite que moi.
- Alors ? On commence par quoi ? Me demanda-t-elle, se saisissant d'une des planches que j'avais avec moi, sautillante et excitée a l'idée de rouler.
- Déjà, je veux te voir rouler. On va voir si tu te débrouilles mieux que la dernière fois.
Je lui souris fièrement, dans la provocation.
Elle me tira la langue en guise de réponse en affichant un sourire puérilement sarcastique.
D'abord hésitante, elle monta ensuite sur la planche, poussant lentement le sol avec son pied droit.
J'observai avec satisfaction et admiration qu'elle était de plus en plus à l'aise sur sa planche. Elle avait réussi à adopter la position légèrement courbée au dessus de sa board, elle n'était plus droite comme un piquet et ses mouvements étaient bien plus fluides.
- Eh Jason ! T'as vu ?! J'y arrive ! Me lança-t-elle fièrement.
Elle tenta de retourner la planche en appuyant sur le tail avec son pied mais elle ne réussit qu'à s'étaler de tout son long devant moi.
-Je vois ça. Tu gères carrément ! Lui répondis-je en l'aidant à se relever.
Elle releva un sourcil tout en me toisant de haut en bas.
- Vous riez de moi, Jason Whey ?
- Absolument pas, madame. Je ne fais que constater.
Un silence nous enveloppa quelques instants suite à ma réponse. Puis je lui pris les mains.
- Monte sur ta board et tiens mes avant-bras fermement.
Elle s'exécuta sans broncher, mais déposa un léger regard interrogateur sur moi.
- Ensuite, tu vas donner un coup de cheville pour que le tail de ta board touche le sol et que ça rebondisse.
Elle mit quelques essais à réussir à faire poper sa planche pour que l'arrière, ou le tail, rebondisse sur le sol. Toujours fermement accrochée à moi, elle affichait un visage très concentré à ce qu'elle essayait de faire. Quand elle réussit, elle releva les yeux vers moi, qui étaient au paravent à ses pieds. Elle attendait la suite des instructions.
- Ramona, maintenant, tu sais faire « poper » ta board. Elle sourit et acquiesça d'un hochement de tête. Pour faire le Ollie, tu dois grater tout le long de ta board avec ton pied avant pour la soulever. Elle ne put s'empêcher de lâcher un rire vainement retenu.
- Je ferai comme si t'avais pas ri. Lui dis-je en riant avec elle.
- Ok, donc je dois poper en même temps que je gratte avec l'autre pied, c'est ça ?
- T'as tout compris.
Elle s'y essaya. La board ne décolla pas d'un centimètre. Elle s'entraîna plusieurs fois, l'avant de la board lui rentrant parfois dans le tibia. Elle commençait à souffler d'épuisement, le skate est tout de même un sport très physique qui demande beaucoup de patience et de volonté.
- Tu veux arrêter ? Il est déjà tard et puis on revient tout juste d'une soirée tu es peut-être fatiguée et...Elle me coupa.
-Chut! Je veux essayer encore une ou deux fois, on sait jamais, ça sera peut-être la bonne.
Sur ces mots, elle essaya encore une fois, et cette fois-ci, la board décolla effectivement du sol. Mais quand Ram' retomba dessus, la planche glissa sous ses pieds allant se fracasser dans un rocher. Ramona, elle, me tomba littéralement dans les bras alors qu'elle était accrochée à moi pour s'entraîner. Je dus faire un pas en arrière pour ne pas ridiculement tomber aussi.
Elle se redressa précipitamment, s'excusant à mainte reprise, la main posée sur mon torse. Je ne bougerai pas et affichai un sourire gêné.
- T'es tombée mais au moins la board a décollé.
- Je suis vraiment désolée, je ne t'ai pas fait mal ? Elle me scrutait d'un regard inquiet.
- Tout va bien. Tu vois, je ne suis même pas tombé.
Un silence un peu gênant s'ensuivit. Elle retira rapidement sa main, encore posée sur moi, et se racla la gorge en détournant les yeux. Elle fit un pas en arrière puis couru chercher la planche qui était toujours à côté du rocher.
- Tiens. J'espère qu'elle n'est pas abîmée. Je récupérai la planche sans exposer la moindre émotion.
-Je devrai peut-être rentrer chez moi, mes parents risquent de s'inquiéter.
Elle me salua de la main, attendit quelques secondes puis commença à s'éloigner.
Un élan de lucidité m'intima de la rejoindre pour la ramener chez elle. Je n'étais pas de ce genre de garcs qui pensent que les filles peuvent pas se défendre seules mais c'était plutôt pour me rassurer.
-Ramona ! Attends. Je peux te raccompagner ?
Elle me toisa de haut en bas quelques secondes puis haussa les épaules, indifférente.
-Si tu veux. J'habite pas très loin de toute façon.
Je me mis alors à marcher à côté d'elle.
Il faisait nuit noir et les rues d'Ajax étaient désertes. Parfois nous sursautions lorsqu'un chat s'extirpait violemment d'une poubelle dans une ruelle mal entretenue. Mais le plus effrayant était qu'aucun de nous ne parlât de tout le trajet et que pourtant, il n'y avait pas de malaise. Je me sentais bien avec elle, même dans le silence.
Il n'y avait presque pas de vent ce soir, et pourtant, les cheveux de Ramona se mouvaient avec élégance. Le léger sourire sur son visage montrait qu'elle avait passé une bonne soirée malgré ses yeux quelques peu fatigués mais toujours aussi beaux, même dans l'obscurité.
Nous pénétrâmes dans une grande allée ou deux rangées de maisons de classe moyenne se faisaient face. La majorité d'entre-elles avaient les lumières éteintes et les voitures garées sur leur place attribuée.
Ram' s'arrêta à quelques mètres de la porte d'entrée de l'une de ces maisons, dont les lumières de la pièce de vie étaient encore allumées et illuminaient la rue à travers la fenêtre.
- Bon, j'habite ici. Me dit-elle en pointant du doigt la maison. Merci pour cette soirée Jason, c'était vraiment sympa.
-Ça m'a fait plaisir. Bonne nuit.
Elle se retourna et rejoignit le palier de la porte.
-Ah ! J'allais oublier, merci aussi pour le skate. On remet ça ! Et elle me fit un clin d'oeil en ouvrant la porte de sa demeure et s'y engouffra me laissant seul dans la rue.
Elle avait apprécié passer du temps avec moi ! J'étais empli d'une immense joie. Je pris alors conscience que ce lycée n'était pas rempli que d'immondes individus. Cette fille s'était intéressée à ma passion, elle voulait même continuer d'apprendre. Et puis cette soirée chez mes amis musiciens s'était globalement bien passée.
Je me rendis compte que je n'avais jamais ressenti cela auparavant. On avait rit ensemble, on a skater ensemble, et puis elle n'a pas fait cela uniquement par pitié pour moi; du moins, je l'espérais.
Pour une fois depuis longtemps, je me sentais bien en rentrant chez moi. Le sourire aux lèvres, je me dirigeais vers chez moi d'un pas nonchalant. Mais ce dernier s'effaça dès l'instant où j'aperçu ma mère sur le palier de la porte d'entrée, une clope à la main, à peine vêtue d'une nuisette.
Alors une violente bouffée de nausée m'accabla à cette vision, dont j'avais hélas pourtant l'habitude. Quand elle me vit à son tour, elle écrasa sa cigarette au sol et me fit signe du bout du doigt de la rejoindre.
Trainant des pieds, sans la moindre envie de rejoindre ma génitrice sur le palier, je m'avançai pour arriver à son niveau. J'essayai de garder une distance de sécurité entre nous pour qu'elle ne puisse m'atteindre. Mais elle m'attrapa par le col et m'attira à elle.
- Mon pauvre petit Jason...dit-elle, faisant un petit claquement de langue. Tu es en retard...et maman n'est pas contente du tout. Ce ton très calme qu'elle utilisait était encore plus glaçant que quand elle criait.
Dans ce genre de situation, je savais que j'allais déguster. Elle était parfois éprise de véritables actes de folie. Je n'avais jamais su si c'était dû aux drogues qu'elle consommait ou si elle était réellement mentalement atteinte.
Je voulu lui répondre mais elle ne m'en laissa pas le temps et m'assena une violente gifle qui accentua ma nausée déjà présente depuis mon arrivée devant notre habitation. Je ne compris pas tout de suite ce geste puisque d'habitude, mes retards ne l'inquiètent pas plus que ça. C'est alors que je compris...
- Une affreuse grosse vache des services sociaux est venue à la maison tu sais ? Elle pense que je m'occupe mal de toi. Tout s'expliquait alors. Mais maman s'occupe très bien de toi, n'est-ce pas mon petit chéri ?
Je ne répondis rien, me contentant de la fixer droit dans les yeux.
- N'est-ce pas ?! Répéta-t-elle plus sèchement et agressivement que la première fois, me donnant un coup de poing en plein dans le ventre, me forçant à me plier en deux.
J'eus tout juste la force de répondre un presque imperceptible « oui » tout en serrant les dents pour ne pas crier.
Elle me redressa et me tapota la joue.
- Très bien. Tu vois, ce n'était pas compliqué. Elle m'agrippa le poignet et m'emmena à l'intérieur de la maison. Une fois à l'intérieur, elle se rendit dans ma chambre. Elle en revint quelques secondes plus tard, ma planche de skate à la main.
Mes yeux s'écarquillèrent de surprise. Que comptait-elle faire ?! Une affreuse sensation de peur se nicha au creux de mon ventre. A cet instant, j'avais plus peur qu'elle n'abîme ma planche plutôt qu'elle me frappe.
- Mon chéri, maman est une bonne mère. Commença ma mère en faisant tourner dans le vide les roues de ma board. Et donc maman se doit de te punir pour être arrivé en retard. Sinon tu recommenceras.
Mon teint devint livide quand elle se saisit du marteau posé sur le comptoir à sa droite. Je cru d'abord qu'elle allait détruire la board sous mes yeux, mais ce qu'elle me fit subir était encore plus cruel.
Cette vipère me tendit l'outil, un large sourire aux lèvres.
-Tiens. Détruis la. Me souffla-t-elle à l'oreille après s'être placée derrière moi.
Les mains tremblantes et les jambes flageolantes, je pris le marteau. Je n'osais plus bouger. Aucun de mes membres ne répondait. Je n'arrivais presque plus à respirer.
- Alors Jason ? J'attends. Maman commence à s'impatienter.
Elle enfonça ses longs ongles de sorcière dans la chair de mon cou me forçant un pousser un léger cri étouffé de douleur.
Les larmes commençaient à venir à mes orbites oculaires. Le bras toujours aussi tremblant, je donnai un premier coup sur ma board qui m'avait coûtée plusieurs mois d'économie. Mais elle ne se brisa pas. Seul une petite rayure se vit sur le grip.
Quand ma mère constata que je n'y mettais pas beaucoup de volonté, elle m'arracha l'outil des mains et le lâcha sur mon pied.
-Oups ! Dit-elle faussement avant de le ramasser et de me le remettre entre les mains. Une vive douleur habitait maintenant mon pied. Mais la douleur de perdre ma board était encore pire.
C'est alors qu'une sombre pensée me traversa l'esprit. Avec ce marteau en mains, je pourrais...peut-être...et bien...me débarrasser définitivement d'elle... Nan ! Je la détestais, mais elle était mère. Et puis je n'étais pas un criminel ! Sûrement pas.
Je n'eus donc d'autre choix que de détruire moi même l'objet qui m'était le plus cher. Mes larmes se mêlèrent à l'objet qui se brisait de plus en plus à chaque coup. Sous mes yeux n'étaient à présent plus que deux morceaux de bois bien distincts l'un de l'autre.
Ma tortionnaire afficha un rictus satisfait et quitta la pièce pour rejoindre sa chambre, me laissant seul, à genoux devant ma propre œuvre de destruction.
Pris de spasmes, je rejoignis ma chambre, les joues encores chaudes et les yeux embués, portant dans mes bras les restes de mon skateboard.
Je déposai les restes dans un coin de la pièce et m'assis sur mon lit. Je restai là, à observer ce qu'il restait de mon investissement passé, maintenant, le regard vide de toute émotion.
Je crois m'être endormi d'épuisement, façon de m'endormir devenue habituelle, après plusieurs heures à contempler ma tristesse.
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