C͟͟͟͞͞͞h͟͟͟͞͞͞a͟͟͟͞͞͞p͟͟͟͞͞͞i͟͟͟͞͞͞t͟͟͟͞͞͞r͟͟͟͞͞͞e͟͟͟͞͞͞ 3
8 septembre 1998 : PDV Ramona
Ce matin, j'eus du mal à sortir de mon lit. Je repensais à ce que j'avais vu la veille. Devais-je en parler au proviseur ? Ou peut-être garder ça pour moi ? Je l'ignorais. Enroulée dans ma couette, je restais pensive, ignorant encore que le choix que j'allais faire jouerai un rôle décisif.
Une vague de culpabilité me submergea soudainement. Je remettais en question mes agissements de la veille. Ou plutôt mes non agissements. Je n'avais rien fait alors que j'avais vu ce jeune homme étalé là, au sol, alors que la voiture de ce connard de Dan McDelly partait au loin, il ne s'était même pas arrêté.
Le visage fermé et endormi de Jason Whey, couvert de sang me revint subitement en mémoire. J'analysai de nouveau la scène dans mon esprit. Je le voyais, étalé sur le sol, sans bouger, à un moment il avait seulement ouvert péniblement les yeux avant de les refermer. Quand j'ai vu ça, je n'ai pu m'empêcher de pousser un cri étouffé de surprise.
Ma bonne conscience voulait absolument que j'aille balancer Dan, mais ce mec était le plus influent de tout le lycée, et si je faisais ça, je serai rejetée et marginalisée par tout le monde, comme Jason.
Au contraire, si je ne faisais rien, sachant ce qu'il s'était passé, j'aurai le sentiment d'être aussi une criminelle, même si j'avais appelé une ambulance quand j'avais surpris la scène.
J'étais tiraillée entre égoïsme et bonté d'âme. On pourrait croire que c'était une décision facile, mais il faut le vivre avant de pouvoir juger. Mais en mangeant mes tartines devant un dessin animé, j'eu une illumination et je pris ma décision, ce qui me semblait être le plus juste pour moi, et Jason. Ce pauvre mec ne méritait pas ce qu'il lui était arrivé.
J'arrivai au lycée un peu anxieuse, même terrorisée. Je ne pouvais m'empêcher de baisser les yeux devant les autres. Personne à part moi n'avait vu ce qu'il s'était produit, et je crois que c'était cela le pire.
J'avais espoir de voir Jason arriver, je priais pour qu'il aille bien, assez bien pour revenir au lycée, et pour que personne ne porte plainte, que tout se passe comme avant. Mais évidemment, cela n'était qu'une pure fiction de mon imagination. Après ce genre d'accident, il était évident que Jason ne pourrait pas revenir de sitôt.
J'errais dans la cours, tel une touriste perdue au milieu de nulle part. Lenny, Jakob et Aiden n'étaient pas encore arrivés, et j'attendais là comme une idiote, le regard plongée dans le vide de mes pensées.
Les cours de la journée s'annonçaient plus qu'ennuyants. J'avais Anglais, puis deux heures de maths avant le déjeuner avec le prof le plus barbant de l'histoire du professorat : Mr Thunder. Ensuite, j'avais promis à Ashley Jonson que je mangerai avec elle pour la remercier de m'avoir fait mon devoir de physique l'année dernière. Oui, ça date, mais une promesse est une promesse. Enfin, dans mes principes. Mes principes...ce qu'il en restait. Peu importe à quoi je pensais, cela me ramenait à l'accident d'hier.
J'aurais pu faire tellement plus, et je me suis contentée de fuir, telle la pire des lâches. J'avais honte de moi, d'avoir laissé Jason sur le parking, de ne pas être restée avec lui. J'aurais dû, car je savais que si je ne le faisais pas, personne ne l'aurait fait. J'essayai finalement de repenser à tout ce qu'il avait traversé à cause des rumeurs qui couraient sur lui. Je ne savais même pas si au moins l'une d'entre elles était vraie.
Je fus sortie de mes songes par le bruit sourd d'un roulement, du frottement de roues contre le bitume. Lorsque je levai la tête, je dû cligner trois fois des yeux pour être sûre de ce que je voyais. Ce n'était pas un mirage, Jason Whey était bien debout, sur un skate, comme si de rien n'était. La seule chose qui trahissait l'accident de la veille était le bandage blanc qui entourait son bras droit et celui qui entourait son oreille droite.
Mon premier reflex, contre mon gré, fut de me diriger vers lui. Je n'étais plus maîtresse de mes mouvements. En un instant, je me retrouvai face à lui. L'expression de son visage trahissait une incompréhension certaine face à ma présence devant lui.
Nous restâmes plantés là, à nous regarder dans le blanc des yeux, sans rien dire. Il était tout naturel de penser que c'était à moi de parler la première puisque j'avais fait le déplacement. Mais étrangement, j'espérais qu'il m'adresse la parole le premier.
Il descendit de son skate, le plaça sous son bras, tout en continuant à me regarder. Ses yeux gris particulièrement sombres étaient implantés dans les miens alors que les secondes défilaient à toute allure. Je lisais un début d'impatience dans ses iris, me forçant à m'exprimer.
- Jason, j'ai vu l'accident hier, c'est moi qui ai appelé l'ambulance, je suis désolée...
Je fixais à présent le sol, attendant sa réponse.
- Je n'ai pas besoin de ta pitié, répondît-il sèchement en passant devant moi pour rejoindre le bâtiment.
Il s'éloigna, marchant d'un pas régulier, la tête haute vers le bâtiment scolaire, replaçant son écouteur dans son oreille non abîmée.
Je levai rapidement la tête, indignée, les yeux ronds. Il se foutait de ma gueule ?! Je n'avais d'un coup plus aucune envie d'être amicale avec ce mec ingrat. Je lui avais peut-être sauvé la vie en appelant les secours, chose que Dan McDelly n'aurait jamais faite, et voilà comment il me remerciait. Mais dans quelle monde il vivait celui-là ?
Mais je m'arrêtais net dans mes insultes cérébrales lorsque je fus surprise de constater qu'il portait une énorme cicatrice sur la joue gauche, près de l'oreille. Sauf que, j'avais très bien remarqué que lors de l'accident, seul son côté droit avait été affecté.
Je fus traversée d'une vague de frissons qui déferla le long de mon échine dorsale. J'étais presque sûre que cette cicatrice n'était pas sur son visage lors de l'accident. Je déglutis bruyamment toute l'angoisse qui était montée en moi.
J'eus une soudaine reprise de conscience et je pressai le pas, pour ne pas dire : me mis à courir, pour rejoindre Jason qui avait déjà parcouru une dizaine de mètres. Je posais ma main sur son épaule pour qu'il se retourne, ce qu'il fit, mais il me hurla :
-Mais qu'est-ce que tu me veux à la fin ?! Je sais même pas qui t'es. Je pouvais distinguer une flame qui brûlait dans ses yeux, tel son agacement était grand face à mon acharnement.
- Je m'appelle Ramona Murphy, on est dans la même classe depuis la 4e je te rappelle. Et à titre informatif, c'est moi qui t'ai trouvé sur le parking hier soir après que Dan McDelly t'ai renversé.
Jason continuait de m'écouter, mais son regard avait changé, il était devenu plus calme.
Il regarda frénétiquement autour de nous, comme s'il voulait vérifié qu'on était pas espionné.
-Tu ne devrais pas rester avec moi. Si les gens te voient, ils vont se mettre à te faire chier aussi. Et je te le déconseille, juste à titre informatif, hein.
-Jason, je m'en fous des autres, ce sont des cons, lui répondis-je, très sérieusement.
-Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord, dit-il en riant légèrement.
Cela me fit très étrange de le voir rire, disons que c'était pas vraiment une habitude ici. Mais, l'avis que j'avais de lui venait de changer drastiquement en seulement une conversation. Ce mec n'était pas si différent de nous finalement. Son sourire était même plutôt beau, d'un point de vue tout à fait objectif.
-Si ce n'est pas trop indiscret Jason, comment as-tu fais pour aller mieux aussi vite ?
Ma question le déboussola quelque peu car il eu un mouvement de recule. Peut-être ma question était trop indiscrète ?
- Je savais que si je ne revenais pas, cela allait me foutre encore plus dans la merde. C'est tout.
J'acquiesçais d'un mouvement de tête. Il n'avait probablement pas envie de m'en dire plus. C'est vrai qu'on se connaissait que depuis 10 minutes en même temps.
Une main se posa sur mon bras et je me retournai en sursaut. Je fus rassurée de constater que ce n'était que Jakob.
- Ram' qu'est-ce tu fous, on va être à la bourre ?
- Attend, faut juste que je...
Je me retournai pour saluer Jason mais il était déjà parti. Ce mec était un vampire ou quoi ? Peut-être qu'il aurait dû jouer dans « entretien avec un vampire » aux côtés de Brad Pit et Tom Cruise. C'était ce genre de réflexion qui me firent me rendre compte que parfois, mes pensées divaguaient beaucoup trop.
Je rejoignis mon groupe d'amis pour le début des cours. Mais aujourd'hui, Lenny avait une tête vraiment bizarre. Une sorte de mixte entre un chien battu et un petit garçon. Je me décidai à lui faire cracher le morceau avant la fin de la journée.
Je me mis derrière lui, passant ma tête par dessus son épaule.
- Qu'est-ce que tu fais Ramona? demanda-t-il timidement.
-Je ne sais pas, dis-je en riant, Je me disais qu'en montant sur ton dos j'arriverais à te faire parler plus rapidement.
- N'importe quoi ! souffla Jakob entre deux éclats de rire, à bout de souffle.
-Aller ! S'te'plais Lenny ! Qu'est-ce qu'y a ?!
dis-je d'une voix de petite fille implorante.
-Je ne sais pas...je...peut-être ce soir je vous le dirais.
Je descendis de son dos et lui mit un léger coup de poing dans l'épaule.
-T'inquiète mec. On a le temps. Enfin, fait gaffe, sinon Ramona va te tuer si tu lui parles pas. murmura Aiden à Lenny, la voix vacillante par l'hilarité.
-Eh ! Je vous entends bande d'enfoirés.
La sonnerie retentit et nous nous dirigeâmes en troupeau vers nos salles de classe.
Le cours d'anglais était un véritable supplice. Étudier Shakespeare n'était pas du tout une de mes passions et devoir en plus faire semblant de trouver le cours passionnant, c'était un véritable travail d'actrice que je devais fournir.
La délivrance fut de courte durée quand la sonnerie stridente retentit à nouveau, car c'était un cours de maths qui s'ensuivit. Soit la définition de la mort par excès d'ennui.
Les heures commençaient à se faire un peu longues. Clairement, j'en avais marre. Alors je me mis à dessiner un peu tout et n'importe quoi sur mon cahier de maths. Un bonhomme qui tirait la langue était maintenant à côté des calculs de cosinus et un chat bourré ornais la page sur les révisions de probabilités.
À l'heure du déjeuné, nous mangeâmes tous les quatre attablés autour d'un splendide ragoût. Mais évidement, Lenny ne toucha pas à son assiette.
Jakob craqua et l'attrapa par le col.
- Bon, tu vas arrêter de faire ta mijotée maintenant et nous dire ce que tu as !
Nous nous tournèrent tous vers lui un peu confus.
-Euh...mec, t'es sur que c'est pas « mijaurée» plutôt ?
- On s'en fout !
Notre attention se tourna de nouveau vers Lenny dont les joues devenaient rouges et le mains moites. Que pouvait-il cacher de si important.
- Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de la mort de mon chat « Carpet », il y a 3 ans. finit-il par dire en baissant les yeux vers son assiette.
-T'es sérieux ? répondit Aiden et se frappant le visage avec la main.
Nous nous mîmes tous à pouffer comme des idiots. Il nous avait fait tout ce cirque juste pour un chat. Je le plaignais tout de même un peu, car c'est toujours triste, la perte d'un animal de compagnie. Mais y'a pas de quoi en faire une montagne.
Je ne sus pourquoi, mes yeux se baladèrent quelques instants dans le réfectoire, inconsciemment à la recherche de Jason Whey. Mais comme je m'y attendais, il n'était pas ici. Je crois ne l'avoir presque jamais vu dans le self, à vrai dire.
Je ne pouvais expliquer mon récent intérêt pour lui, peut-être avait-il raison ? J'avais un peu pitié de lui. Mais en même temps, j'ignorais tout de sa personne. Je ne connaissais rien de ce qu'il avait traversé dans le passé. Était-ce peut-être mon humanité qui avait enfin décidé de se réveiller pour me dire de porter intérêt aux personnes qui en ont besoin ?
La fin de journée se passa dans la plus grande banalité, sans grand événement notable. A part Mary Huston qui s'est faite larguée au milieu du couloir des terminales par Tony Grant.
En sortant des cours, au lieu de me conduire chez moi, mes jambes m'amenèrent jusqu'au terrain vague de la ville. Quelle idée de merde ! Quand je dis que je ne contrôle même plus mon corps !
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