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18 septembre 1998 : PDV Jason
J'étais ravi que Ramona ait pu venir me voir à l'hôpital. Je n'étais pas sûr qu'elle ait reçu l'info. Tout d'abord, j'avais eu peur quand je l'ai vue passer cette porte, ce visage marqué par l'inquiétude. Mais lui parler m'a fait un bien fou et m'a redonné espoir.
Les flics étaient venus me voir, plus tôt dans la semaine. C'était logique, après le départ précipité de ma génitrice. Ils m'ont parlé de mon replacement dans le cas de la disparition de ma mère.
Depuis mon arrivée à l'hosto, je n'avais pas songé au détail qu'à présent, je n'avais plus de lieu où vivre. Notre maison avait été réquisitionnée pour l'enquête sur la disparition de ma mère, et je me retrouvais ici, sans logement, pour le moment dans un lit d'hôpital.
Ces policiers m'ont parlé de mes possibilités. Mais je n'avais finalement pas l'impression d'avoir le choix.
« Il y a peu de place en famille d'accueil, tu sais... » m'avait dit l'un d'entre eux, avec une fausse compassion collée au visage.
« Nous pensons que tu es assez grand pour te débrouiller seul, maintenant, mon grand. » Avait ajouté le second, me toisant d'un rictus mesquin. J'avais alors très bien compris qu'à 17 ans, il n'était évidement plus envisageable d'être placé en famille d'accueil. C'était cuit pour moi.
Alors quand je suis finalement sorti de l'hôpital au bout de quelques jours, je n'avais aucune idée d'où me rendre. Je restais planté au milieu de l'allée donnant accès au centre hospitalier, attendant désespérément et vainement que quelqu'un daigne m'apporter son aide.
Ce ne fut pas le cas, bien évidemment. Même si m'imposer où que ce soit m'a toujours paru insupportable, je ne vis d'autre solution que de demander son aide à Neil. Il m'était impensable de m'incruster chez qui que ce soit d'autre, encore moins chez Ram', comme la dernière fois. Humiliante expérience...
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Ce fut donc le coeur battant que je déposai deux légers coups contre la porte de l'appartement de mon ami. J'attendis un instant, déjà prêt à partir si la porte ne venait pas à s'ouvrir. Mais, heureusement pour moi, la porte d'entrée s'ouvrît sur le visage compatissant du skater.
- T'as nulle part, c'est ça ? Me demanda-t-il, sans le moindre jugement. Je secouai la tête négativement. Un sourire attristé se dessina sur son faciès et il se recula pour me laisser entrer dans l'appartement.
Il n'eut pas besoin de me faire visiter, j'étais déjà venu chez lui nombre de fois... mais jamais dans ces circonstances. L'appartement n'était pas très grand, mais il était assez spacieux pour accueillir au maximum quatre habitants si on considérait le canapé comme un lit.
Ce fut donc sur ce divan que je m'installai non sans une once de gêne à l'idée de m'imposer chez mon ami. Neil me rejoignit avec une tasse de thé qu'il me tendit et une autre qu'il garda pour lui.
Neil n'était pas vraiment le genre de mec à s'étaler sur les sentiments, ni à vraiment paraître compatissant. Souvent sur la réserve, il avait toujours été assez mystérieux aux yeux des autres. Mais pourtant, il avait à chaque fois été présent pour moi, du peu qu'on se connaissait. Il m'épaulait, m'écoutait et me soutenait à sa manière.
- Tu penses qu'elle reviendra ? Il ne faisait pas le tour du pot. Il me posait directement la question que tous se posaient. J'étais moi-même assez perplexe à l'idée qu'elle revienne.
- Je sais pas trop...je bu une gorgée de thé, peut-être qu'elle reviendra pour récupérer des affaires, ou bien pour s'assurer qu'on l'accuserait pas de meurtre à mon égard. Je haussai les épaules, en vérité assez indifférent au sors qu'il lui était réservé.
- Pourquoi seulement maintenant ? Ça fait des années que ta mère est comme ça, pourquoi elle a attendu la semaine dernière pour « passer à l'acte » ? Neil mima des guillemets.
- Peut-être qu'elle n'en a plus rien à foutre des allocations...suggérai-je peu convaincu. Tu sais...j'ai toujours eu peur qu'elle « passe à l'acte », comme tu dis. Le regard attentif de Neil était posé sur moi.
Je lui racontai alors que cela faisait de nombreuses années que je vivais dans cette angoisse, cette tranchante peur qu'un jour je ne me relève pas de ses coups. Heureusement pour moi, ça n'était jamais arrivé quand je n'étais qu'un enfant...ça m'aurait été fatal.
Et puis, si ça n'avait pas été sous ses poings à elle, ça aurait été sous ceux d'un de ses coups d'un soir complètement drogué et alcoolique. Il m'arrivait, parfois, alors que j'étais encore à l'école primaire, d'entendre ma mère crier sous les coups d'un homme. Mais jamais l'implorer. Jamais. Comme si elle avait toujours consenti à l'état auquel elle était réduite.
Ce souvenir me valut un frisson désagréable et laissait un goût amer au fond de ma gorge. La nuit tomba bien vite et la fatigue vint s'emparer vicieusement de mon être. Neil le remarqua.
- Bon, je vais te laisser pioncer mec, bonne nuit. Il me frappa vigoureusement l'épaule et quitta le salon, me laissant seul dans la pénombre et le silence de la pièce.
À présent seul, cette salle me parut immensément grande. Maintenant, je n'étais plus qu'accablé par mes pensées et le brouhaha que le silence faisait gronder dans mon esprit. Tout se brouillait en moi. Comment était-ce possible ? Tout ça... cela me semblait si irréel.
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19 septembre 1998
En ouvrant les yeux le lendemain matin, mon attention fut immédiatement attirée par des chuchotements venants de la cuisine, adjacente au salon où j'avais passé la nuit.
En me levant, je sentis immédiatement mes membres engourdis me supplier de me rallonger. Mais ma curiosité fut plus forte en ce jour. Alors, non sans un léger gémissement de douleur quand mon dos craqua, je me rendis d'un pas décidé dans la cuisine.
Je m'arrêtai subitement sur le pas de la porte. Je cru d'abord halluciner. Il me fallut cligner des yeux deux ou trois fois à répétition pour m'assurer de la véracité du spectacle auquel j'assistais.
Sasha, la sœur de Neil, en train de rouler une pèle à...Jakob ?! J'en restai bouche bée. Les deux concernés s'arrêtèrent immédiatement quand ils m'aperçurent et la gêne prit possession de leurs traits.
Sasha, que je connaissais depuis presque aussi longtemps que je connaissais Neil m'adressa la première la parole, s'étant détachée de son amant.
- Hey Jason ! Neil m'a prévenue hier soir que t'étais là...Mais je t'avoue que j'avais complètement zappé. Elle rit un peu maladroitement mais son visage angélique se détendit.
Elle échangea un regard rapide avec Jakob et se saisit de l'élastique autour de son poignet pour attaché en une queue de cheval haute sa longue chevelure brune. Puis d'un sursaut, elle posa sa main sur le bras de son...« copain » ?
- Désolée ! J'allais oublier. Jason, je te présente Jakob, mon petit ami. D'accord...Jakob, voici Jason, le meilleur ami de mon frère.
Je souri poliment à Jakob. Nous nous serrâmes la main vigoureusement comme si nous nous rencontrions pour la première fois.
- Ravi de te rencontrer Jakob. Mes yeux appelèrent une prompte explication de sa part.
- De même. Son regard fut évasif.
-Bon, je vous laisse faire connaissance les mecs, je dois rejoindre des amis dans une heure, je m'en vais m'apprêter de ce pas ! Lâcha-t-elle d'un air enjoué en déposant un baiser sur la joue de Jakob.
Nous la vîmes disparaître dans l'entrebâillement de la porte en sautillant, faisant danser ses cheveux.
Je me retournai alors vers Jakob, complètement ahuri.
- C'était elle la meuf dont tu parlais l'autre jour ?! J'étais presque agressif dans ma question.
- Et toi ?! Qu'est-ce tu fous là ?! Me lança-t-il, désemparé. Aucun de nous ne répondit à la question de l'autre. Mes iris implantées dans les siennes, nous nous fusillions du regard. Puis il lâcha son emprise visuelle et fixa ses pieds au sol.
- Jason ?
-Mmmm ?
- Je sais qu'on se connaît pas depuis longtemps, mais s'il te plaît...
- Quoi ?
- Promets moi de ne rien dire aux autres, encore moins à Lenny.
Je ne compris pas vraiment pourquoi lui faire cette promesse mais j'acceptai sans grande conviction. Il m'adressa un sourire amical qui calma mes doutes à l'égard de notre éventuelle amitié naissante. Il n'était pas aussi mauvais que ce que je croyais avant de le connaître. Et cela me rassurait à propos de l'image de la nature humaine que je me faisais depuis des années.
Suite à cela, Jakob quitta l'appartement. Je ne pris pas la peine de le saluer, Sasha s'en chargea gracieusement pour nous tous. Puis ce fut au tour de la seule femme de l'appartement de disparaître, rejoignant, je le supposais, son groupe d'amis.
Je me retrouvais alors une nouvelle fois seul avec Neil.
Il émergea de l'obscurité de sa chambre vers 14h. J'avais passé la matinée à faire défiler les quelques chaînes de télévision dont disposait mon ami. Ce fut donc avec entrain que j'allai à la rencontre du skater quand il se présenta à ma vue, lassé de tous ces télé-achats.
Il était uniquement vêtu d'un short, ses cheveux en épis et un duvet naissant au dessus de ses lèvres. Il remarqua ma présence qu'après son troisième bâillement. Il me salua de la main en sortant une tasse de son évier. Il se servit un fond de café et récupéra un t-shirt qui était étendu sur une chaise depuis je ne sais combien de temps.
- Bien dormi ? Lui demandai-je ironiquement. Il leva un sourcil dans ma direction.
- Et toi ? Je ne répondis rien.
- Tu savais que ta sœur se tapait un mec de mon lycée ? Il leva les yeux au ciel.
- Elle fait dans les minets de moins de 18 ans maintenant ? On aura tout vu... je lui lançais un regard blasé. Sans vouloir te vexer mec.
Ce fut le premier éclat de rire auquel j'eus droit depuis le début de la journée et cela me réchauffa le cœur. Je pris alors conscience que ma vie n'était pas faite que d'insipides instants.
Clairement, nous avons passé la journée à glander sur le canapé à commenter des match de basketball. C'était vraiment hyper marrant. Je ne m'étais pas senti aussi bien depuis longtemps, Neil était un vrai ami.
Puis, le soir venu, il m'annonça qu'il devait rejoindre One Home dans un bar pour un concert. J'avais presque oublié qu'en plus d'être un super bon skater, Neil était aussi l'un des meilleurs batteurs du coin. Il me proposa de l'accompagner mais je déclinai l'invitation. J'avais un tout autre projet.
....................
Mon palpitant battait à tout rompre quand j'arrivai devant le terrain vague qui faisait aussi office de skatepark d'Ajax. Le soleil commençait à peine à se coucher et la brise caressait la peau de mon visage. J'inspirai profondément avant de me lancer.
Je savais qu'elle serait là. Au fond de moi, j'en étais persuadé. Alors quand sa fine silhouette m'apparu, je ne fus pas si étonné que ça. Elle mit quelques secondes à remarquer que j'étais arrivé.
Ramona afficha une grand sourire quand elle me reconnu et accouru vers moi. A ma grande surprise, elle se jeta dans mes bras. Elle se décolla ensuite aussitôt, me laissant dans cette même incompréhension.
- J'ai un cadeau pour toi ! Je la regardais, interrogateur, attendant la suite de ses explications. Mais elle n'en fit rien et se retourna en un mouvement. Elle courut jusqu'à son sac à dos à côté duquel était allongé au sol un grand caba.
Je n'en croyais pas mes yeux ! Elle en sorti une board...toute neuve ! Elle me rejoignit et me tendit le skate. Je l'acceptai, tremblant.
- Tu vois, je t'avais promis que je t'en offrirai une. Je n'osais même pas refuser ce cadeaux d'une valeur inestimable à mes yeux.
Elle récupéra ensuite le skate que je lui avais prêté, ou donné, je ne sais plus, dans un buisson. Maintenant tous deux munis d'un skate, je savais qu'on allait pouvoir s'amuser.
Les minutes défilaient alors que nous riions, skations, tombions ensemble. De nombreuses marques de bleus commençaient à apparaître sur nos bras, nos jambes, notre dos, mais nous n'en avions que faire. Ramona réussit enfin à lancer son premier Ollie toute seule, j'étais super fier d'elle. Et elle l'était également d'elle même vu l'air faussement condescendant qu'elle m'adressa suite à cela.
La nuit était complètement tombée. Seuls les reflets des lampadaires sur les bidons métalliques du terrain vague nous éclairaient. La fatigue commençait à se faire sentir, autant que les courbatures au niveau des adducteurs et des chevilles. Essoufflés, nous décidâmes de nous poser.
Chacun assis sur son skate, nous nous fixâmes un instant dans le blanc des yeux. Elle était si belle, si resplendissante. Son éclat illuminait chaque personne qui avait la chance de croiser sa route. Du moins, j'en étais persuadé.
Un sourire timide se dessina sur son doux visage.
- J'ai eu peur pour toi, Jason.
- Moi aussi j'ai eu peur. Répondis-je passant ma main derrière ma tête, quelque peu gêné. Je ressentais une culpabilité mal placée de l'avoir inquiétée.
Je me perdais dans son regard si intense. J'avais presque l'impression de percevoir des sentiments à travers ses yeux. Mais je me faisais sûrement des idées. Je baissai les yeux, qu'un instant, vers ses lèvres. Roses, bien dessinées, fines, elles me donnaient affreusement envie d'y goûter. Mais nan ! Je n'avais pas le dr....
Ramona venait de plaquer sa bouche contre la mienne. Je gardai d'abord les yeux ouverts de surprise. Puis je pris conscience de ce qui était en train de se passer et je les refermai pour savourer cet instant. Je plaçai délicatement ma main sur sa joue, extrêmement douce.
Ce baiser était timide, peu assuré au début. Mais j'y répondit un peu plus intensément. Cet échange déclencha une explosion de sentiments en moi. Mon ventre s'enflamma, mon cœur accéléra ses palpitations et tout se brouilla dans mon encéphale.
J'étais en train d'embrasser Ramona Murphy.
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