C͟͟͟͞͞͞h͟͟͟͞͞͞a͟͟͟͞͞͞p͟͟͟͞͞͞i͟͟͟͞͞͞t͟͟͟͞͞͞r͟͟͟͞͞͞e͟͟͟͞͞͞ 1
Les mains tremblantes, je m'approchai de son corps inanimé, il respirait encore mais de manière irrégulière. Le sang couvrait toute la partie droite de son visage ainsi que son bras, entaillé à plusieurs endroits. Hésitante, je courus jusqu'à la cabine téléphonique la plus proche et je composais le numéro des secours. Comment en était-il arrivé là ?
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7 septembre 1998 : PDV Ramona
Je me réveillai en sursaut. Lorsque j'ouvris les yeux, la première personne que je vis fut mon petit frère Paul, assis au pied de mon lit, tout sourire.
- Ramona ! Il est 8h45, tu vas être en retard au lycée, lâcha-t-il en miment une montre inexistante sur son poignet.
Je sautai hors de mon lit en vitesse, enfilant mon jean tout en courant vers la salle de bain. J'adressai un bref « salut » à ma mère en passant dans le couloir. Elle n'eût pas le temps de me répondre, je m'étais déjà enfermée dans la salle de bain, la brosse à dent dans la bouche.
Je m'observais intensément, plongeant mon regard dans mes propres yeux, d'une couleur beaucoup trop fade à mon goût. J'attachai ensuite mes cheveux blond-foncé en un chignon pour finalement le défaire et les laisser lâchés, tombants jusqu'au bas de mon dos.
Il était 8h55 quand je fus enfin prête pour quitter la maison. J'embrassai sur la joue mes parents et mon petit frère et je sortis de la demeure familiale en trombe, mes doc Martens au pied.
Je courais dans les rues d'Ajax, une petite ville près de Toronto, dans laquelle j'avais grandi. Cette dernière fut fondée pendant la seconde guerre mondiale. En 1941, une usine d'obus de la Defence Industries Limited s'était installé sur le territoire et la petite ville avait grandi autour de celle-ci. Il y avait actuellement un peu moins de 70 000 habitants dans la ville, du coup je côtoyais beaucoup de monde.
Je connaissais le chemin du lycée par cœur, mais cette fois, j'allai l'emprunter pour ma dernière année : la fameuse année de terminale.
Par chance, j'arrivai devant Ajax High School pile à l'heure, la sonnerie retentit lorsque j'entrai dans l'enceinte du bâtiment.
Nous étions tous regroupés dans le réfectoire. Tous les visages autour de moi me semblaient familiers. Même celui du concierge qui devait travailler ici depuis au moins 25 ans.
Un vieil homme petit et à l'apparence froide monta sur l'estrade, attirant l'attention de tous les élèves de terminale. Il se racla la gorge avant de s'adresser à nous d'une forte et intelligible voix.
-Bonjour chers élèves de terminale. Je suis le proviseur McBarker, pour ceux qui l'ignoraient. Je suis ravi de vous accueillir pour cette nouvelle année et surtout votre dernière parmi nous à la Ajax High School.
Il afficha un large sourire le forçant à plisser les yeux. Il n'ajouta rien, attendant peut-être la moindre objection de notre part.
Nous nous regardions les uns les autres, attendant la suite de son discours.
- Je disais donc, cette année est décisive pour vous car...
La porte du réfectoire s'ouvrît en un bruit fracassant, coupant le proviseur dans sa tirade. Un jeune homme entra dans la salle, son skate sous le bras. Il fixait le sol, mais lorsqu'il comprit que tous les regards s'étaient tournés vers lui, il releva la tête et nous regarda d'un air outrageusement innocent.
- Mr Whey ! Vous êtes en retard dès le début de l'année. Mais est-ce réellement une surprise ? ajouta sèchement le proviseur, fixant le concerné droit dans les yeux.
« Mr Whey » comme l'avait appelé le proviseur était en fait Jason Whey. Il était dans la même classe que moi depuis la 4e. Mais je crois ne l'avoir presque jamais vu en cours depuis...très longtemps. Il passait son temps à faire du skate et d'autre truc chelou dans son garage. Enfin...d'après les rumeurs.
Disons qu'à chaque fois qu'il passait dans les couloirs, les élèves ne pouvaient s'empêcher de raconter des ragots à son sujet. Les autres garçons ne se gênaient pas pour l'humilier à cause de sa taille de seulement 1m69, et les filles ne se faisaient pas prier pour pousser des gémissements de dégoût à chaque fois qu'il passait devant elles.
Personnellement, je n'avais jamais essayé de l'aider, mais je n'avais pas non plus participé à ce harcèlement collectif si on pouvait appeler ça comme ça. Et puis de toute façon, il n'était presque jamais là, alors à quoi bon vouloir le défendre de personnes qu'il ne voyait presque jamais.
Jason n'avait pourtant pas particulièrement une tête de « victime ». Il était blond très clair, des cheveux courts toujours ébouriffés, et il portait des t-shirt beaucoup trop grands pour lui à l'effigie d'artistes de métal ou de rock tel que « Metallica », « Iron Maiden » ou encore de groupe punk comme « NOFX ».
Je ne savais pas si on pouvait considérer que c'était une raison pour le faire chier, en tout cas la bande de cons qui me servait de camarades de classe avait bien besoin d'un bouc-émissaire, et Jason était la victime parfaite puisqu'il se laissait faire. Il n'en avait visiblement rien à cirer.
Le proviseur se désintéressa rapidement de Jason et reprit sa barbante présentation de bienvenue. A 10h, nous étions dans nos salles de classe et assistions au premier cours de la journée.
Je n'étais pas particulièrement bonne élève, mais je me débrouillais pour maintenir C de moyenne. L'école et moi ce n'était pas l'amour fou. Mais je n'avais jamais causé de problème et on ne m'en avait jamais causé. J'avais une chance particulière, personne n'avait jamais essayé de me harceler. Peut-être grâce à mes amis, certes, ou alors peut-être parce qu'ils n'y voyaient aucun intérêt.
Lorsque la sonnerie du déjeuné retentit à midi, tous les élèves se ruèrent vers le réfectoire dans lequel nous avions été accueillis 3 heures plus tôt.
Je pus enfin discuter avec mes vrais potes : Aiden, Jacob et Lenny. Les trois garçons étaient assis à une table en train de discuter de la sortie d'un nouvel album d'un groupe de musique quelconque, l'album s'appelait « the colour and the Sape », quelque chose comme ça.
Je m'assis à leur table, ravie de les revoir après ces deux mois de vacances sans aucun contact. Mes parents avaient eu la bonne idée de m'envoyer dans un camps d'ado au fin fond du Texas pour que j'apprenne la ¨vraie vie¨. Bref, un supplice total qui s'est avéré être un échec.
- Salut les mecs ! Vous m'avez manqué. déclarai-je.
- Toi aussi tu nous as manqué, répondit Aiden visiblement ravi de me voir.
Lenny sortit de sous la table un Polaroïd et me prit en photo.
-Eh, pourquoi tu me prends en photo ?
- C'est notre dernière année, je veux créer un album souvenir.
- Nan. C'est juste que Lenny est un putain de psychopathe qui veut prendre en photo ses victimes avant de les tuer, ajouta Jacob en éclatant de rire.
-Eh! C'est pas gentil ! s'exclama Lenny en essayant de taper l'épaule de Jacob, sans grand succès.
-Vous êtes vraiment des gamins...soufflai-je en roulant des yeux d'exaspération.
Lenny et moi, on s'était rencontré en maternelle. Il se faisait persécuter par une bande de gros bras qui voulaient lui voler son goûter, oui c'est très cliché, et du coup... je lui ai donné le mien pendant un an. Vous ne croyiez quand même pas que j'allais essayer de me battre à l'âge de 5 ans face à trois petits caïds ? Mais donc après cela, on est devenu amis.
Pour Aiden, il avait emménagé dans la maison à côté de la mienne, il y a 4 ans de cela je crois. Ma mère m'envoyait demander du sel chez les voisins à chaque fois qu'on en avait plus. Aiden en avait tellement marre de me voir presque toutes les semaines leur demander du sel, qu'un jour il m'a donné un billet de 10 dollars pour aller en acheter. Et on a commencé à traîner ensemble dans le quartier, avec Lenny.
Jacob ? Je ne suis plus sûre. Je crois que c'était en seconde. Il venait de se faire larguer par sa copine Meg et du coup il était complètement déprimé. Il était nouveau mais il avait déjà toutes les filles à ses pieds. Lenny était venu lui offrir une glace au chocolat pour le réconforter. Et on sait tous que la bouffe ça crée des amitiés. Du coup il a rejoint la bande.
Après le déjeuner, nous devions assister à une conférence sur le bac, que nous passions à la fin de l'année. Le bac, c'était quelque chose qui ne m'avait jamais vraiment effrayée. Je ne dis pas cela parce que j'étais bonne élève, pas du tout. Seulement, que je l'ai ou pas, ça ne changerait rien pour moi.
Cette conférence était d'un ennui profond, je n'avais pas besoin qu'on m'explique que j'allais devoir trimer pour avoir mon bac. Je l'avais déjà compris en entrant au lycée. Et je ne comptais pas me pourrir ma dernière année pour ce foutu diplôme.
Assise au fond de la salle, je réussis à me lever discrètement et à quitter les lieux sans que personne ne le remarque. Enfin personne, à part ma voisine, Fanny Higinson qui me toisa d'un regard dédaigneux lorsqu'elle me vit partir sans rabattre ma chaise correctement.
Errer dans les couloirs vides du lycée me procura une satisfaction immense. Mes pas résonnèrent au contact du carrelage et mon regard se promenait sur les vieux murs abîmés du lycée. Des portraits d'anciens étudiants ornaient ces murs, tous munis d'un rouleau de papier, sûrement leur diplôme de fin d'année. Ils avaient l'air si fiers d'eux-mêmes.
Je m'arrêtai devant l'un d'entre eux. Une jeune femme blonde était au milieu du cadre, coiffée du chapeau des diplômés et munie du même rouleau de papier que les autres. Mais ce qui m'avait interpelé chez elle, c'était son visage. Plus précisément, la tâche de naissance qui entourait son œil droit. Une tâche brunâtre qui était inévitable quand on observait le cadre.
Je possédais la même. La raison ? Cette femme était ma mère. J'avais hérité de cette même anomalie génétique. Je ne l'avais jamais vraiment vécu comme un handicap car j'avais toujours raconté à mes camarades que c'était dû à un accident de voiture et non à une maladie génétique.
Avec les années, j'avais appris à vivre avec, et les autres m'ont toujours acceptée malgré cette tâche qui était à l'origine d'un complexe chez moi. Mais comme on dit, il est plus difficile de s'accepter soi-même que d'être accepté par les autres. Pas vrai ?
J'arrivai enfin devant l'entrée principale du lycée, par laquelle je pus fuir cet enfer. L'air frais imprégna mes narines à ma première inspiration, et le vent fit voler mes cheveux devant mon visage.
J'observais à présent le ciel bleu et le parking vide qui s'offraient à moi jusqu'à la fin de cette conférence. Je descendis rapidement à grandes enjambées les escaliers de pierre, mais je fus coupée dans mon élan par une vision qui me figea net.
..... 3 heures plus tard .....
La fin des cours avait enfin sonnée. Je rentrais chez moi en empruntant le même chemin que dans la matinée. Cette fois-ci, je fixais mes pieds et le bitume qui défilait devant mes yeux. Les accords de basse de « Master of puppets » qui résonnaient dans mes tympans me donnaient la force de continuer d'avancer après ce que j'avais vu pendant la conférence.
Je devais faire comme s'il ne s'était rien passé. Sinon, cela compromettrait tout ce que j'avais mis des années à construire au sein de la communauté et au sein de ce lycée. Si ce que j'avais vu était vrai, alors notre hiérarchie n'aurait plus aucun sens.
Je décidai donc d'essayer d'oublier et de faire comme si de rien n'était. Enfin, pour l'instant. Enfermée dans ma chambre, les écouteurs dans les oreilles, je faisais les cents pas, me forçant à me sortir de la tête les images qui défilaient et tournaient en boucle dans mon encéphale. Cela allait être difficile mais j'allais le faire, je devais le faire.
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