40 : Vous avez promis
— Incendio !
Une flamme s'envola de la baguette d'Edith, se cabra dans les airs avant de finir sa danse sur les mèches d'une dizaine de bougies. A peine éclairée par leur lueur, la sorcière se tourna vers Darron, plongé dans l'obscurité.
— C'est toujours mieux que rien, tenta-t-elle de positiver.
L'Auror acquiesça bien que peu convaincu. Edith soupira : l'électricité des Moldus lui avait toujours paru bien plus magique que n'importe quel sortilège. Mais même ce pouvoir sur la physique avait ses limites : une panne de courant privait actuellement de lumière tout son quartier.
— Il y a une odeur étrange... s'inquiéta l'Ecossais.
Edith inspira, cherchant le moindre arôme inhabituel. Pourtant elle ne sentait que son propre parfum de lilas... et celui de vanille de ses bougies parfumées.
— C'est de la vanille ! souffla-t-elle amusée.
Mais avant de le taquiner, elle se figea. Ce parfum... Déglutissant, elle se retrouva dans sa boutique, finissant les commandes de ses clients malgré l'heure tardive à la lueur de ses bougies parfumées. Le cœur battant, elle balaya la pièce du regard. Elle était vide. Il n'y avait personne. Elle était en sécurité. Elle devrait être en sécurité. Pourtant, une angoisse oppressait sa poitrine. La porte, face à elle... elle était fermée. Mais elle pourrait s'ouvrir. Le front suant, Edith entendit le grincement de cette porte, puis aperçut des billes rouges. Haletant, la sorcière chercha à fuir, mais elle ne pouvait plus bouger. Les larmes dévalèrent ses joues alors que tout son corps se consumait dans un incendie de douleur, sous le doloris de Lord Voldemort.
— Edith ! l'appelait au loin une voix.
La française sursauta, la respiration affolée, et tomba sur le visage inquiet de Darron. Elle balaya la pièce du regard mais il n'y avait plus de Seigneur des Ténèbres. Elle n'était pas dans sa boutique, elle ne l'avait jamais été, elle se trouvait en sécurité dans son appartement. Ce n'était qu'un souvenir. Un cauchemar. Elle était en sécurité. Elle ne craignait rien. Tout allait bien. Tout irait bien.
Un sanglot secoua ses épaules et elle se cacha le visage dans les mains. Elle sentit Darron s'approcher et l'envelopper de ses bras, lui caresser doucement le crâne en lui murmurant des paroles rassurantes. Mais cela ne l'aidait plus. Elle était trop épuisée. Elle se sentait humiliée. Encore une fois, elle se retrouvait au sol, détruite par ce cauchemar. Adieu la digne descendante sang pur, il ne restait plus qu'une pauvre femme traumatisée. Non ! Elle ne pourrait le supporter. Elle était forte, elle allait très bien !
Reniflant, la sorcière se dégagea de son étreinte et se releva. Elle lissa ses cheveux emmêlés, déplissa son jupon et essuya les traces de larmes sur ses joues.
— En fin de compte, je n'aime pas l'odeur, décréta-t-elle en éteignant les bougies dont le parfum lui oppressait la poitrine.
L'obscurité les réengloutit, cachant sa soudaine faiblesse à son Ecossais. Mais celui-ci n'était pas du même avis.
— Lumos, lança-t-il d'un ton ferme.
Une lueur émergea de l'extrémité de sa baguette, éclairant le visage d'Edith. Son expression s'assombrit en voyant l'air sérieux de Darron. C'était le même masque que Philipe portait lorsqu'il la confrontait.
— Vous devriez aller voir le Docteur Paré, conseilla-t-il.
— Et vous, vous devriez éteindre votre baguette. Ça m'éblouit, grogna Edith.
L'auror baissa légèrement sa baguette, mais il n'abandonna pas la discussion contrairement à d'habitude.
— Vous devez aller voir le Docteur Paré, répéta-t-il plus fermement.
Edith déglutit. Darron avait déjà évoqué l'idée plusieurs fois. Mais il n'avait jamais cherché à l'y contraindre, contrairement à Philipe.
— Je n'en ai pas envie, croisa-t-elle les bras sous sa poitrine.
— Ce n'est pas une question d'envie, mais de besoin, souligna l'auror.
La française fronça ses sourcils, ne comprenant pas. Où était passé le doux écossais qui ne la jugeait jamais ? Pourquoi celui-ci s'était transformé en Léviathan ?
— Je n'en ai pas besoin. Je vais bien, siffla-t-elle en colère.
Il la jugeait. Elle le voyait. Ses yeux azurs étaient plissés, ses sourcils froncés, sa mâchoire crispée.
— Vous allez bien ? répéta le grand roux d'un ton impartial. Alors que vous étiez il n'y a même pas deux minutes au sol, en larmes, en panique ?
— Je...
— Ce n'est que la troisième fois cette semaine, c'est toujours mieux que les cinq de la semaine dernière.
— Je...
— Vous ne pouvez plus aller sur votre lieu de travail. Le moindre grincement de porte vous fait perdre toutes vos couleurs. La moindre porte vous angoisse. Dès qu'une baguette est tirée, vous êtes effrayée. Et maintenant ? Maintenant, une... fucking bougie vous fait vous évanouir ? énonça-t-il les faits en perdant son calme.
— Je...
— Et vous allez bien ?
Les larmes dévalèrent les joues de la française. Ses épaules tremblaient au rythme de ses sanglots. Seuls ses reniflements ponctuaient la mélodie de sa tristesse. Daron éteignit sa baguette, laissant l'obscurité lui offrir un voile pour se reprendre. Mais elle n'avait pas envie de se reprendre. Elle ne voulait pas être raisonnable et allez voir ce foutu psychologue ! Elle allait très bien ! Elle avait toujours brillé, ce n'était pas un petit doloris qui la priverait de sa lumière ! Et à quoi lui servirait ce con de psy ? A lui dire comme Darron qu'elle s'évanouissait ? Elle le savait ! Non, elle avait tout à perdre à s'y rendre. Si ses parents l'apprenaient, ils se féliciteraient de leur prédiction, qu'elle perdrait tout si elle se mêlait aux Moldus. Or elle n'avait jamais été aussi heureuse qu'à Paris, puis dans le milieu de la Mode. Oui, elle voulait défendre ces humains contre ce foutu mage noir et ses cons d'acolytes ! Elle n'avait pas à en avoir honte ! Elle n'avait pas à en souffrir ! Elle n'avait pas à se cacher !
— Lumos ! siffla-t-elle furieuse.
Cette fois-ci, la lueur émergea de sa propre baguette et éclaira implacablement le visage de l'Auror. Celui-ci plissa des yeux pour s'y habituer, mais ne daigna pas en être plus dérangé. Cela ne fit qu'énerver davantage Edith.
— Oui, je panique ! C'est comme ça ! s'écria-t-elle, les larmes dévalant toujours ses joues. Mais que va faire votre psychologue adoré ? Me parler ? Vous croyez que me parler va modifier ma mémoire, empêcher mon cerveau de me protéger ? éleva-t-elle la voix, furieuse.
— Vous en prendrez conscience, plutôt que d'être dans le déni !
— Je sais très bien que j'ai été torturée par votre mage noir, pas besoin d'en faire un drame !
— Mais il faut en faire un drame ! la confronta enfin l'écossais, frustré.
Edith se tut, les bras croisés sous sa poitrine.
— Vous avez vécu un évènement terrible, continua Darron le regard un peu plus doux. La peur face au Seigneur des Ténèbres, puis la douleur la plus inhumaine avec le doloris. Il y a de quoi être traumatisée. Ce n'est pas un signe de faiblesse de l'admettre, au contraire. Cela demande bien plus de courage de l'accepter et de se battre pour aller mieux, que de faire l'autruche... conclut-il dans un murmure.
— L'autruche ? s'étouffa Edith. Vouloir me protéger, c'est faire l'autruche pour vous ?
— De quoi vous protégez-vous ? demanda-t-il doucement.
— De tout !
Elle voulait se protéger du regard des autres, de celui de ses parents notamment. Ils ne pouvaient pas la prendre en pitié. Elle ne pouvait pas leur montrer sa soudaine faiblesse. Ses cinq années de combat pour devenir celle qu'elle était aujourd'hui, elles ne pouvaient pas être réduites au néant à cause d'un petit traumatisme... Et puis que penseraient ses collègues de la Résistance ? Eux aussi en avaient vu, et ils continuaient de se battre !
— Cela ne vous protégera pas d'une potentielle vengeance du Seigneur des Ténèbres... Et vous ne risquez rien de la presse puisque le docteur Paré est tenu au secret médical... chercha comme raison Darron. Vous n'avez rien à perdre, tout à gagner.
— Gagner quoi, ironisa Edith, une belle facture médicale ?
— Gagner votre liberté ! s'avança-t-il vers elle, désespéré. Pouvoir retourner dans votre boutique sans vous évanouir, rallumer vos bougies vanille ! Pouvoir vivre !
Quelques décimètres les séparaient à présent, obligeant Edith à relever son visage vers le sien. Les yeux azur du grand roux n'étaient plus que tourbillons de frustration, mais aussi d'espoir de la faire changer d'avis. Mais Edith refusait catégoriquement d'aller voir un psychologue.
— Allez donc voir votre docteur Paré vous-même, siffla Edith en éteignant sa baguette.
Les ténèbres réenveloppèrent son appartement. Elle ne voyait plus le visage de l'auror, mais elle devinait qu'il n'appréciait guère son refus. Elle entendait son souffle agité, témoin de sa colère. Jugeant le sujet clos, elle commença à se détourner pour rejoindre sa chambre. Mais Darron lui attrapa le bras, la gardant près de lui. Désorientée, Edith ne savait plus où est-ce qu'il était. Le cœur battant, elle posa sa main sur celle de l'auror, sur son bras, et parvint à retrouver le grand roux. Elle se retourna et lui fit face, la main sur son torse. Elle sentait le cœur de l'écossais battre rapidement contre sa cage thoracique, son souffle caressant le cuir chevelu de la Française.
— J'y pense, répondit-il en s'écartant vivement.
Edith déglutit, sentant la fraicheur l'envahir, privée de la chaleur de l'Auror. Elle entendait toujours sa respiration au loin, mais n'arrivait pas à le rejoindre. Elle n'avait jamais su s'orienter dans le noir. Elle aurait pu éclairer les ténèbres par magie, mais elle sentait que la suite de leur discussion serait personnelle. L'absence de lumière offrait un certain réconfort pour se livrer.
— Vous allez bien pourtant, murmura-t-elle, étonnée.
Il était toujours calme, maître de lui-même, prêt à intervenir. Il allait forcément bien.
— Cela fait des années que le harcèlement a cessé, des années que je ne les avais pas revus... Alors pourquoi suis-je incapable de faire face à Lucius, encore moins à Cissy ? ironisa Darron plus loin.
Cissy... nota intérieurement avec amertume Edith.
Cette vipère avait droit un à surnom. Elle, c'était Lady d'Aveyron. Plus impersonnel, il n'y avait pas.
Mais elle ne devait pas se laisser aller dans les bras de la jalousie. Son non moldu se livrait enfin. Elle devait l'écouter. Mais il ne parlait plus. Il s'était tu. Seule sa respiration frustrée s'entendait plus loin. Edith se remémora ce qu'il venait de lui dire. Alors pourquoi suis-je incapable de faire face à Lucius, encore moins à Cissy ?
Il s'était pourtant opposé à son tortionnaire...
— Vous êtes intervenu face à Malefoy... nota-t-elle lentement.
Elle se souvenait très bien qu'il l'avait soutenue lorsqu'elle avait surpris Lucius Malefoy fouiller ses registres.
— Parce que vous étiez en danger, avoua-t-il. L'adrénaline a pris le dessus. Mais avant ça, quand je les ai vu entrer dans votre boutique, je me suis caché, cracha-t-il dégoûté de lui-même, la gorge nouée. Je me suis caché comme un enfant effrayé. Alors que je suis Auror ! Est-ce qu'une personne allant bien se serait caché ?
Edith se mordit la lèvre, sentant une douleur profonde dans la voix de Darron. Que ne ferait-elle pas pour le guérir ? Elle voulait qu'il oublie tous ces douloureux souvenirs. Mais elle savait d'expérience que ce n'était pas la solution.
— Ce n'est pas parce que la vie continue qu'on est guéri, continua-t-il doucement. Bien sûr que la vie reprend. Elle ne s'arrête jamais. Mais... on garde en nous une part meurtrie. On se forge une carapace autour, pensant l'aider à se cicatriser. Mais c'est en la laissant libre que la blessure se refermera. En en prenant conscience et en l'acceptant.
Je ne suis pas médecin, mais je suis sûre qu'une plaie devrait être désinfectée puis pansée... pensa Edith.
Mais elle ne voulait pas le contredire. Il se livrait enfin.
— S'il vous plait, la supplia l'Auror en tentant de la rejoindre dans le noir.
Une de ses mains heurta l'épaule d'Edith et il la fit tourner sur elle-même, la positionnant face à lui.
— Profitez de cette aide que je n'ai jamais eu. Allez voir le Docteur Paré. Croyez-moi, pour quelqu'un qui n'a jamais eu de personnes à qui se confier, être écouté est le plus beau des cadeaux.
Edith déglutit, sentant l'une des mains de Darron remonter le long de son bras jusqu'à sa joue. Des frissons parcoururent tout son corps. A quoi jouait-il ? La chaleur et la douceur de sa main sur sa joue lui firent perdre toute réflexion. Incapable de le contredire, elle capitula.
— Soit, souffla-t-elle finalement, ne pouvant lutter contre ses arguments en plus de son propre corps.
Alors qu'elle sentait le souffle de l'Auror s'abattre sur son visage puis sur son nez, un grésillement la fit sursauter et l'électricité revint. La lumière se ralluma et la sorcière plissa des yeux face à l'intensité des ampoules. Mais Darron, lui, ne la quittait pas du regard. Leurs visages à dix centimètres l'un de l'autre, il se pencha davantage vers elle.
— Vous avez promis.
Edith grogna, incapable d'articuler la moindre réponse.
Dans quoi s'était-elle embarquée ?
Ici gît Philipe Lebeau, qui après 20 chapitres à tenter de convaincre Edith d'aller voir ce psy n'a obtenu qu'un licenciement.
Darron a juste eu à s'approcher d'elle pour qu'elle capitule.
Ah, les hormones XD
Hâte de voir Edith, raaaavie d'être ici, chez le psy ? Vous pourrez vous régaler vendredi ^^
Pour la petite histoire, j'ai écrit cette scène en tant que one shot pour le concours The Book deAidons_nous où je suis allée jusqu'en quart de finale si je ne dis pas de bêtise haha. Je n'étais pas sûre de l'intégrer au manuscrit final, mais je voulais trop confronter Edith à Emile Paré XD So here it is !
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