36 : Vous ne devez avoir de yeux que pour moi


Darron hésita un instant, cherchant du regard sa Française. Elle dansait avec un nouveau partenaire. Celui-ci lui chuchotait bien trop souvent à l'oreille. Était-ce du harcèlement ? Devait-il intervenir et lui mettre une droite ? Ce n'était pas l'envie qui lui manquait.

Il se reconcentra sur l'inconnue qui lui tendait toujours la main.

J'accepte, la lui sera-t-il.

Il n'avait pas compris ce qu'elle voulait exactement, seulement le principal : ils devenaient alliés.

Wow, je ne m'attendais pas à tant de solennité, rit la brune. Vous étiez censé prendre ma main et m'emmener sur la piste de danse.

Darron rosit, honteux. Il n'y avait même pas pensé. Il se rattrapa et l'emmena au milieu des danseurs. Mais bien vite, la parisienne comprit que leur alliance était fragile : il avait deux pieds gauches.

Il ne faisait que s'excuser, écrasant ses pieds parfois, bousculant d'autres couples sinon. Il essayait de se concentrer, mais les pas s'enchainaient bien trop vite. Sa mère lui avait appris la valse, pas le rock ! Et puis, il perdait bien souvent son regard dans la foule, cherchant Edith des yeux.

On va reprendre les bases, c'est pas comme ça que vous allez impressionner votre dulcinée, ricana l'inconnue.

— Doulciné ? répéta tant bien que mal Darron, ne connaissant pas ce mot.

Oh, vous n'êtes pas français. Vous avez un accent anglais. Euh... Honey ? Dear ?

Darron rosit, cette fois pas de concentration. Comment cette femme avait pu deviner ses sentiments pour sa Française ?

— Enyway, dou like mi !

Après l'avoir entraîné en périphérie pour ne pas gêner les autres danseurs, elle lui montra les pas les plus basiques. Ils durent refaire chaque pas des dizaines de fois, mais au bout d'une vingtaine de minutes de lutte, les mouvements devinrent enfin naturels.

Bien, on y retourne ? sourit la brune.

Darron sourit, satisfait de ses progrès, et l'emmena sur la piste. L'enchainement des pas était enfin fluide. Il commença à apprécier cette proximité avec les autres couples. Ce n'était plus anxiogène comme précédemment, au contraire l'ambiance était bon enfant. On s'heurtait, on en rigolait. Arriva la fin du morceau. Tous les danseurs applaudirent l'accordéoniste suant après avoir tenu un rythme de rock 'n' roll aussi intense. La brune fit une petite révérence. Pour y répondre, Darron s'inclina et déposa un baiser chaste sur sa main. Il n'avait à vrai dire pas même embrassé ce dos, posant juste ses lèvres pour ne pas agresser l'épiderme de l'inconnue. Quand il se redressa, il la vit se mordre la lèvre.

Tous les anglais sont comme vous ? Je risque de chercher un travail à Londres, si oui.

Je suis Scottish, hum... E-co-ssais, articula-t-il lentement après avoir cherché le mot en français.

Il fait froid en Ecosse ? Qu'importe, vous pourriez m'y réchauffer si j'y passais... ? demanda-t-elle en remettant une mèche derrière son oreille, la voix plus élevée.

Darron fronça des sourcils, d'autant plus quand elle se rapprocha de lui, enroula sa main derrière sa nuque pour l'obliger à se pencher. Elle se hissa sur la pointe des pieds et lui chuchota à l'oreille.

Votre dulcinée nous regarde. Dansez encore avec quelques autres femmes et vous pouvez être sûr qu'elle viendra d'elle-même vous voir.

Puis elle le relâcha et s'écarta, lui souriant franchement.

Ce n'est pas ma doulcinè, la contredit-il dans un murmure.

Mouais... Bientôt alors, l'encouragea-t-elle en lui frappant le dos. Enchantée de vous avoir rencontré...

— Darron.

Maryse.

Merci Mawyse pour votre patience.

Bon courage, lui chuchota-t-elle avant de chercher son prochain partenaire dans la foule.

Darron ne parvint pas à retenir de sourire. Il ne reverrait jamais cette femme. Plus tôt, il en aurait été triste, se serait maudit de s'être attaché à quelqu'un qu'il perdrait aussitôt. Pourtant, à présent il était au contraire reconnaissant d'avoir pu la rencontrer et chérirait ce souvenir.

Il croisa enfin le regard d'Edith, mais déjà un autre homme l'invitait. Elle détourna ses yeux de l'Auror et accepta avec un grand sourire. Darron hésita. Rentrait-il se terrer ? Ou invitait-il une autre inconnue ? Notant une rousse aussi seule que lui, il croisa son regard et lui tendit sa main, espérant qu'elle comprenne le message. Elle acquiesça, la mine soulagée, et le rejoignit en quelques pas.

— Darron, se présenta-t-il.

— Liliane, lui sourit-elle timidement.

Et ils commencèrent à valser sur un nouveau Piaff comme lui expliqua sa nouvelle partenaire. Il dansa ainsi avec plusieurs femmes. Ce n'était pas aussi drôle qu'avec la première, mais il put perfectionner sa technique. Il arrivait enfin à mener ses partenaires correctement.

L'actuelle le regardait en battant des paupières. Il n'osa pas lui demander si elle avait une poussière dans l'œil. C'était peut-être un tic ou encore le symptôme d'une maladie.

Loin de l'euphorie plus tôt, Darron commençait à se sentir mal à l'aise. Certes, cette inconnue ne respectait pas son espace vital, se collant à lui sans raison, mais ce n'était pas cela qui le troublait. Elle lui rappelait quelqu'un... Ses yeux verts ne lui disaient rien... sa forme de visage non plus...

La lèvre inférieure entre les dents, la femme se passa une main dans les cheveux, repoussant ses mèches blondes en arrière. Le cœur de l'Auror s'alerta. Cette couleur... C'étaient les mêmes cheveux argentés que Narcissa. Bien qu'ils continuaient de danser, Darron ne voyait plus sa partenaire. A ses traits se superposaient ceux de son ancienne meilleure amie. Le visage devint froid. C'était celui qu'il avait aperçu à IllumisMoa. Pourtant, il savait que Cissy avait un des sourires les plus doux lorsqu'ils étaient seuls, loin des convenances sociales. Il se souvenait de son rictus fier lorsqu'elle lui avait offert un rapeltout pour Noël, pour qu'il n'oublie plus rien, comme ses ballets. L'été d'avant, elle l'y avait invité. Il ne s'y était pas rendu. Elle l'avait taquiné en rejetant la faute sur sa mémoire de vache écossaisse. Il ne l'avait pas contredite. Pourtant il s'en était rappelé tout l'été, avait même passé la journée tant attendue à l'imaginer dans son costume de cygne. Mais comment aurait-il pu s'y rendre ? Il ne pouvait pas y aller seul, étant mineur. Mais il ne pouvait encore moins s'y rendre avec ses parents. Comment aurait-il pu les présenter à la famille Black ? Il avait une nouvelle fois repoussée la confrontation, cachant encore pour quelque temps son origine moldue à la sang-pur.

Une pression sur sa nuque le sortit de ses souvenirs douloureux et il eut un petit mouvement de recul, en retrouvant le visage de sa partenaire de danse. La musique s'était arrêtée. La femme était accrochée à son cou, sur la pointe des pieds. Tentant toujours de chasser sa poussière, elle cligna rapidement des yeux.

Vous êtes anglais, non ?

Ecossais, rectifia Darron.

Vous ne devez pas être au fait des traditions françaises. Mais après un slow, la coutume est d'embrasser son partenaire.

L'Auror leva un sourcil, vérifiant rapidement les autres couples. Il n'allait certainement pas l'embrasser, il avait des principes : il réservait ses lèvres pour celle qui ferait battre son cœur. Mais il vérifia tout de même par acquis de conscience si c'était une réelle tradition, ne voulant pas l'humilier. Certains couples s'embrassaient bien, un peu trop même à ses yeux, mais ce n'était pas une généralité.

Il s'écarta donc, s'inclinant rapidement.

— Je n'ai pas tout compris, mais merci pour cette danse. Bonne soirée, la salua-t-il froidement en anglais.

Et il s'enfuit au bar où il demanda un verre d'eau. Le barman le jugea, mais l'Auror ne s'en soucia guère. Il avait besoin de reprendre son calme, il devait reprendre contenance. Pourquoi Cissy le poursuivait même en France ? Il pensait avoir fait son deuil. Pourtant la tournure de leur amitié continuait à lui tordre les boyaux. S'il lui avait avoué qu'il était né-moldu plus tôt, l'aurait-elle rejetée aussi brutalement ? Détestait-elle tant sa nature ou avait-elle seulement suivi ce que lui dictaient les convenances ? Son cœur se tordit en se rendant compte qu'aucune réponse n'allégerait sa peine. Aucune ne justifiait qu'elle ait ainsi fermé les yeux sur les tortures infligées par ses harceleurs.

— Je croyais que vous ne buviez pas en service ? le sortit de son angoisse une voix qu'il connaissait bien.

Il baissa la tête et tomba sur sa Française, la tresse lâche, des petites mèches collées au front. Elle devait danser depuis presqu'une heure.

— C'est de l'eau, haussa-t-il des épaules.

Il finit son verre d'une traite. Il avait soudainement chaud sous le regard intense de la sang-pur.

— Vous êtes fatiguée ? demanda-t-il.

Un sourire étira ses lèvres et elle nia de la tête.

— Je pourrais danser toute la soirée. Mais j'ai vu que vous étiez ailleurs tout à l'heure. Puis que vous avez fui la foule. Je me suis dit que vous ne vouliez pas être dérangé.

— Alors pourquoi venir me déranger ? demanda-t-il un rictus sur les lèvres.

La sorcière ouvrit la bouche, un air faussement choqué sur le visage.

— Je vous protège de toutes ces... harpies qui veulent vous sauter dessus, s'offusqua-t-elle. Si je n'étais pas là, vous seriez assailli par ces femmes, désigna-t-elle du menton des filles assises non loin.

Lorsqu'il les remarqua, elles détournèrent le regard, gloussant entre elles.

— Je suis sûre qu'elle pariait sur laquelle aurait votre prochaine danse. Mais ne vous inquiétez pas, bien que je vous dérange, je créé une concurrence : elles voient bien qu'elles ne font pas le poids face à moi.

Darron pouffa, avant de se reprendre. Mais il ne parvint pas à tuer son sourire. Les lèvres rieuses, il changea de sujet.

— Vous devriez vous concentrer sur votre partenaire de danse, plutôt que de me regarder. Il risquerait de mal interpréter vos intentions.

Le fait qu'elle ait remarqué son égarement plus tôt prouvait qu'elle lui avait prêté attention. Il en tirait une fierté mal placée.

— Et vous, vous devriez me regarder plus souvent, contrattaqua-t-elle en le défiant du regard. Vous êtes là pour me protéger. Vous ne devez avoir de yeux que pour moi.

Le cœur de l'Auror s'emballa. Le roux se força pourtant à le calmer, devant gagner son duel contre sa Française. Il aurait toute la nuit pour repenser à cette scène dans son lit et en rougir.

— Si je ne regarde que vous, je ne peux pas analyser le danger qui vous entoure. Je suis là pour vous protéger, plus pour vous surveiller.

Les yeux de l'Auror s'écarquillèrent d'horreur en réalisant trop tard que, par ses mots, il lui rappelait la surveillance du Ministère, l'attaque des Mangemorts et la torture du Seigneur des Ténèbres.

— Je... ce.. bredouilla-t-il, tentant de se rattraper.

Mais Edith ne sembla pas plus touchée. Elle sourit gentiment et entrelaça ses doigts aux siens.

— Ne vous inquiétez pas. Philipe a dit bien pire ce matin. Allons danser. J'ai besoin d'oublier toute cette merde, conclut-elle en français.

Ne lui laissant guère le choix, elle l'attira à elle. Naturellement, il accueillit sa taille dans sa main droite, la ramenant vers lui. Leurs visages bien plus proches, Darron se récita à toute vitesse son serment d'Auror. Il ne devait pas tomber sous le charme de sa cliente, aussi envoûtante qu'Edith l'était.

La valse à mille temps, de Jacques Brel, lui souffla Edith tandis qu'il la faisait tournait sur elle-même.

Il acquiesça pour toute réponse, bien concentré à ne pas faire d'erreur. Il jetait parfois quelques coups d'œil à ses pieds, pour vérifier qu'il ne risquait pas d'écraser les siens. Le rythme commençait à s'accélérer.

— Je vais finir par mal le prendre. Vous préférez vos chaussures à mes yeux, bouda faussement la sorcière.

— Pas du tout ! Je... s'arrêta soudainement Darron, se rendant compte qu'il l'avait un peu trop rapidement détrompée.

La malice brillait dans le regard de la sang-pur. Elle l'attira encore plus à elle et lui murmura dans son cou :

— Si vous fixez vos pieds, vous perdrez votre équilibre. Il faut vous ancrer à un point fixe et ne plus le quitter. Comme mes yeux.

Darron rosit mais écouta ses conseils. Après tout, si elle y tenait tant, il n'allait pas s'en plaindre. Il n'osait jamais se noyer dans son regard, de peur qu'elle le trouve trop envahissant. Il craignait d'y lire une lueur de dégoût. Pourtant, seule la satisfaction et la joie étincelaient dans ses iris. Alors que le rythme s'accélérait, ils ne se quittèrent pas du regard, s'écrasant les pieds, bousculant les autres danseurs. Leurs lèvres s'étirèrent jusqu'à rire. Il n'y avait plus de théorie de sang, plus de guerre. Seule la musique guidait leur vie. Celle-ci continuait d'accélérer, jusqu'à l'apothéose. Les applaudissements fusèrent dans la nuit, acclamant la dextérité de l'accordéoniste. Celui-ci cria qu'il prenait une pause. Quelques exclamations de déception se firent entendre.

Darron tut son propre désenchantement. Il avait été sur un nuage durant cette courte valse. Il n'était pas prêt à retomber sur terre.

Un homme arriva alors sur la place, une guitare sur le dos. Le pauvre parisien se retrouva kidnappé par la foule, lui demandant de jouer n'importe quel air. Bien qu'effrayé au début, les acclamations et encouragements du public finirent par le motiver. Il sortit son instrument de la housse mais prévint.

Je suis un chanteur, je vais faire de mon mieux.

Il commença alors à gratter quelques accords.

— Wise men say... entama-t-il. Only fools rush in...

Darron se sentit léger. C'était un slow. Il pouvait garder Edith encore quelques minutes dans ses bras. Cette dernière enroula ses bras autour de sa nuque, collant sa joue à son pectoral. Lui descendit sa main au creux de ses reins. Sa deuxième main se posa sous ses omoplates. Ils dansèrent ainsi lentement. L'odeur de sa Française endormit toutes ses craintes.

Au milieu de la chanson, elle releva son visage vers le sien. Il n'arrivait pas à déchiffrer ses yeux noisettes, mais elle ne le quitta pas du regard. Darron sentit son cœur s'accélérer. Il avait parfois l'impression que la sorcière connaissait tous ses maux, tous ses cauchemars. Pourtant, elle ne le repoussait jamais. Au contraire, elle l'acceptait tel qu'il était.

— And I can't stop... falling in love, with you, chantait le guitariste.

Le chanteur semblait dévoiler à Paris les sentiments de l'Auror. Ce n'était pourtant qu'une chanson... Une autre strophe s'écoula avant qu'Edith prenne la parole.

— Par rapport à tout à l'heure... à votre instant d'absence... si vous voulez parler, je suis une oreille muette. Vous n'avez pas à tout porter vous-même. Vous pouvez partager votre fardeau.

Bien que touché, Darron se mordit la lèvre. Il ne voulait pas l'offenser en riant. Mais Edith d'Aveyron, la plus grosse tête de mule qui refusait catégoriquement de voir un psychologue, lui faisait la leçon.

— Je suis sûr que Monsieur Lebeau se mordrait les doigts s'il vous entendait. Il me semble que vous n'avez pas toujours été tendre avec lui, sur cette question...

Edith fit une petite moue.

— Je voulais seulement vous aider...

— Et je vous en remercie. Mais ma cicatrice n'est pas urgente. Votre plaie, elle, l'est, lui murmura-t-il en la fixant dans les yeux.

Avec l'Auror Français, ils avaient commencé à se faire des rapports sur l'évolution du traumatisme de leur protégée : chaque crise, chaque évocation de prise en charge étaient partagées. Bien que leurs intentions soient similaires, leurs méthodes différaient. Darron ne validait pas le rentre dedans du Français. Il pensait qu'il valait mieux sous-entendre de temps en temps ce besoin, sans plus y insister. Comme à cet instant.

— Ne vous tracassez pas pour moi, lady d'Aveyron, dîtes-moi juste ce que je peux faire pour vous.

— Serrez-moi plus fort, il fait froid, maugréa-t-elle en reperdant son visage dans son torse.

Il se plia à ses ordres, resserrant son étreinte. Ils continuèrent leur slow. La main d'Edith vint chercher la sienne à un moment, comblant le vide de sa paume. L'Auror ferma les yeux. Il en avait assez de réfléchir, il devait simplement profiter du moment. Malheureusement, le dernier couplet s'entama. Il rouvrit les yeux, baissa sa tête vers celle d'Edith qui se relevait. Le roux se perdit dans ses prunelles. Puis son regard s'abaissa sur les lèvres de la sorcière. Nue de tout maquillage, il se rendit compte de leur pâleur : avaient-elles toujours été ainsi ou avait-elle froid ? Devait-il la réchauffer ? D'expérience, un baiser le pourrait... Mais oserait-il le lui demander ? Finalement, quand les dernières notes conclurent le morceau, Darron se lança.

— Est-ce que c'est vrai ? demanda-t-il.

— Hum ? murmura Edith.

— Que selon une tradition française, à la fin d'un slow, les danseurs s'embrassent ?

Il l'avait demandé. Il se doutait que ça n'avait aucun fondement et il s'en fichait. Si ça pouvait être l'excuse pour qu'il regoutte enfin à ses lèvres, il s'en contenterait bien. Mais Edith se détacha de lui, inquiète.

— Qui vous a dit ça ? C'est faux. Ne me dîtes pas qu'on vous a embrassé de force et...

— Une femme avec qui j'ai dansé, la coupa-t-il. Je n'y ai pas cru. Il ne s'est rien passé. J'étais juste inquiet que ce soit une réelle tradition et que je l'ai offensée, mentit-il effrontément.

La sorcière acquiesça, soulagée. Darron se passa une main dans ses boucles de feu, tentant de retenir sa déception. Elle n'avait pas profité de cette occasion pour l'embrasser, elle n'y avait même pas pensé. Elle n'en avait donc pas envie. Il le savait pourtant. Il devait se faire une raison.

— Philipe Lebeau doit vous attendre, il est presque vingt heure, se reprit-il.

— C'est vrai... souffla la sorcière. Je vais juste saluer Albert.

Puis elle hésita un instant avant de s'expliquer.

— A mes dix-huit ans, lorsque je suis montée sur Paris, je me suis retrouvée seule pour la première fois, livrée au monde. Avec mon maigre salaire de serveuse en essai, personne ne voulait me louer quoi que se soit. J'ai réussi quelques temps à me loger chez des collègues ou encore chez des coups d'un s... se tut-elle soudainement.

Elle lui jeta un rapide coup d'œil et Darron hocha de la tête, signe qu'il avait compris.

— C'est Albert qui m'a sortie de cette difficulté : contre un simple portrait – celui qu'il expose toujours pour attirer les clients visiblement -, il m'a logée et nourrie. Il refusait que je le paye, arguant qu'il ne pouvait pas dépouiller une « pov'gosse comme moi », se souvient dans un sourire Edith. Grâce à lui, j'ai pu faire des économies et ainsi découvrir la société moldue. De fil en rencontre, je suis tombée amoureuse de la mode et j'ai travaillé pour Yves Saint Laurent. Puis j'ai quitté le Paris moldu pour rejoindre celui magique et lancer ma marque sorcière. Sans Albert, je n'aurais sûrement jamais eu toutes ces opportunités. Je lui serai toujours redevable.

Darron observa le vieil homme au loin qui continuait de peindre sous son lampadaire. Comment imaginer que l'élévation sociale de l'icône sorcière avait été possible grâce à cet homme au béret en feutre ? Il semblait tout droit sorti d'une autre époque. Si on lui disait qu'il était un ancien vétéran de la Grande guerre, l'Auror ne serait même pas étonné. L'âge avait voûté les épaules de cet homme, quelques tremblements secouaient parfois ses membres. Les rides creusaient son visage. Mais le temps ne lui avait pas volé sa passion pour la peinture, ni la bonté dont il avait fait preuve quelques années plus tôt. Le regard gris du peintre s'illumina en voyant Edith s'approcher et Darron comprit que sa Française n'était pas la seule à le considérer comme un membre de sa famille. Dans les yeux du vieil homme brillait la fierté d'un grand père assistant au triomphe de sa petite fille.

Darron soupira et se passa une main dans les cheveux. La vision de ce vieil homme lui rappelait une énième fois que le temps avait éteint ses propres passions. L'Auror n'était plus qu'une simple coquille sans vie qui suivait les ordres de ses supérieurs.

Lamentable...

L'Ecossais souffla douloureusement et rejoignit sa protégée. La sorcière ne le remarqua pas, riant d'une blague d'Albert. Darron perdit son regard sur ses lèvres, ces lèvres qui l'appelaient même dans ses rêves...

Reprend toi, idiot, elle n'est pas intéressée.

Le cœur lourd, le grand roux recula de quelques pas pour leur laisser de l'intimité. 

Qui veut faire un gros câlin à Darron ? 

J'espère que vous avez apprécié ce chapitre ! Prochain pdv Edith ! 

Et les musiques sont : 

- la valse à mille temps de Brel 

- can't help falling in love de Elvis Presley

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