34 : Un mud blood ?
— Que s'est-il passé, Lady d'Aveyron ?
La salle se tendit alors que la question tant attendue était enfin posée. Une foule de journalistes mitraillaient Edith au moindre de ses gestes, cherchant à obtenir le meilleur cliché. Celle-ci était installée élégamment dans un fauteuil, touillant distraitement son café. La scène avait été finement millimétrée.
Elle avait d'abord feint d'avoir oublié l'interview : les journalistes avaient dû patienté un quart d'heure devant sa boutique fermée. Elle était arrivée par derrière, un café à la main, l'air surpris puis désolée. Elle s'était empressée de leur ouvrir et d'invoquer des sièges pour que chacun puisse s'assoir. L'objectif était de montrer sa négligence, son absence de préparation, mais aussi sa gentillesse en se souciant de leur confort. Mais c'était aussi une façon de les contrôler, de s'assurer qu'ils soient à sa hauteur et qu'elles n'aient pas à lever les yeux pour leur répondre. De plus, le journaliste qui posait la question devait se lever pour qu'elle le voit, il avait ainsi plus de difficulté à poser des questions personnelles puisqu'il exposait son identité.
— Je vous écoute toujours, finit-elle par relever ses yeux de biche vers le journaliste debout.
L'homme fronça les sourcils, la moustache courbée tremblant d'irritation.
— Que s'est-il passé ? répéta-t-il d'un ton condescendant.
Edith but une gorgée de son café, faisant frémir d'impatience la salle. Tous ces rapaces n'attendaient qu'une parole pour l'aduler ou la menacer dans leurs articles.
Darron était crispé, la baguette fermement empoignée, son bras reposant le long de sa jambe. Il n'avait pas noté de visages ennemis parmi ces journalistes. Il ne devrait pas y avoir d'incident. Les Aurors du Ministère chargés de surveiller la boutique gardaient eux aussi la salle.
Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de craindre cette interview. Bien que ces hommes ne soient pas des Mangemorts, ils pouvaient blesser sa Française par leurs mots.
Il était si facile de détruire la réputation d'une personne en détournant ses paroles de leur contexte. Après avoir vue Edith si tendue lorsque la journaliste française à la plume à papote l'avait interrogée, il avait réépluché tous les articles concernant la grande couturière. Il s'était même rendu au Ministère français, là où tous les articles bannis étaient entreposés. Après avoir montré son insigne d'Auror et fait les yeux doux aux réceptionnistes, il y avait enfin eu accès. Le roux était tombé de haut en se rendant compte que la presse avait harcelé sa Française, lorsque cette dernière avait choisi de se détourner de sa famille pour rejoindre le monde moldu. Tant de journaux avaient résumé cette jeune fille d'à peine dix huit ans à sa position sociale, la traitant de capricieuse et de pourrie gâtée. Certains en étaient même venus à lui inventer des propos dénigrant les sorciers, là où elle prônait égalité et amour.
Mais la jeune d'Aveyron ne s'était pas laissée abattre. Elle avait trainé en justice les journaux diffamatoires et bien qu'ils n'aient pas eu de sanction pénale, une partie de la population s'était rangée de son côté dans cette bataille médiatique. Elle avait convié tous les journalistes à Montmartre, les obligeant à se faire passer pour des moldus. Puis elle avait défendu sa cause, rappelant son amour pour l'humain, qu'il soit moldu ou sorcier, et exprimé sa déception sur le travail des journalistes qui ne courraient plus qu'après les ragots , même infondés. Tous outrés, les critiques avaient fusé. Seul le journal de Beauxbâtons avait relayé l'interview dans son ensemble, rapportant les paroles de la Française mot pour mot sans la moindre interprétation. Tous les élèves de cette école s'étaient rangés de son côté et avaient entrainé avec eux nombre de parents. La médiocrité des journalistes sorciers, relégués au rang d'amateur par l'article de simples élèves, avaient lancé la première vague de soutien de la population envers la jeune Edith.
Lorsqu'elle avait ouvert sa boutique, plutôt que de l'annoncer dans la presse, elle avait dévoilé sa première collection en avant-première, lors d'un défilé gratuit et accessible à n'importe qui. L'unique interdiction : prendre des photos. Les journalistes avaient perdu toute influence. Par le bouche à l'oreille, sans la moindre promotion, six mois plus tard, lorsqu'Edith avait inauguré sa boutique, toutes les robes avaient été vendu dans la journée.
Paria de la presse, elle avait réussi à leur montrer qu'elle détenait le pouvoir en gagnant le cœur de la population.
— Votre nom ? le sortit-elle de ses pensées, un sourire imperturbable sur le visage.
— Oliver James.
— Monsieur James, pourriez-vous préciser votre question ? Quelle est cette fameuse chose qui m'est arrivée ? Je ne pense pas que vous fassiez référence à la vache écossaise qui m'a coursée il y a quelques jours de cela, rit-elle avec délicatesse.
Certains journalistes sourirent, conquis. D'autres levèrent un sourcil, curieux.
— L'attaque du vingt-sept Janvier, grinça des dents le journaliste vexé. Pour quoi d'autre nous auriez-vous conviés ?
— Pour le devenir de mon enseigne, bien sûr, s'étonna Edith en posant sa tasse. Pour quoi donc pensiez-vous que je vous ai faits venir ?
Des murmures s'élevèrent dans la salle. Comment cette femme pouvait être si étonnée qu'on s'intéresse à l'attaque des Mangemorts et non à ses chiffons ?
— Je profite de votre présence pour vous annoncer un grand changement. Cela fait des années que je travaille sans pause. Afin de préparer ma nouvelle collection, je vais me retirer quelques temps. L'enseigne restera ouverte, vous pourrez commander les modèles actuels et ils vous seront ajustés par mes assistants.
— Allez-vous rester en Angleterre ? Ou quittez-vous le territoire ? lui demanda spontanément un journaliste d'un catalogue de mode.
— Je ne sais pas encore. J'ai passé quelques temps en Ecosse, ce qui m'a déjà inspiré de nouvelles créations... Je vous rassure, mes nouvelles muses ne sont pas vos vaches. Leurs franges sont adorables, mais je ne pense pas que cela concorde avec le style de mes robes, plaisanta-t-elle.
Elle tira de nouveaux sourires et laissa frustré le journaliste qui n'avait toujours pas eu sa réponse. On lui posa quelques questions sur l'Ecosse, elle répondit avec enthousiasme. Darron notait bien comment elle s'inspirait de leur propre périple dans sa terre natale. Mais il entendait aussi les mensonges qui semblaient pourtant si véridiques... comme le fait qu'elle avait retrouvé l'inspiration. Il l'avait bien trop vue, furieuse contre ses rares esquisses, pour la croire. Mais qui pourrait le deviner ? Son sourire resplendissait et ses yeux brillaient de malice.
— Lady d'Aveyron, vos aventures écossaisses sont fort intéressantes, mais la sécurité nationale prime. Que s'est-il passé le vingt-sept Janvier ? la coupa virulemment le journaliste à la moustache frémissante.
Edith se tut soudainement. Elle inspira. Ses yeux se perdirent dans le vague. Et elle ne bougea plus. Inquiet, Darron hésita. Était-ce de la comédie ? Ou une crise ? Elle lui avait dit de distraire les journalistes dans ce cas, pour qu'ils ne la voient pas ainsi.
Lady d'Aveyron, tout va bien ? se permit-il d'effleurer sa conscience par pensées.
La sorcière cligna des yeux et reprit sa tasse, comme pour occuper ses mains. Celles-ci tremblaient légèrement.
Elle va faire une crise, comprit-il avec nervosité.
Il allait lancer un sortilège Nox pour plonger la pièce dans le noir. Puis il...
Je suis si bonne comédienne que ça ? entendit-il dans sa propre tête.
Le ton était fier, guilleret. Il pouvait y entendre la malice de la jeune femme.
Vous êtes parfaite, lui confirma-t-il.
Edith releva la tête, regarda les journalistes puis sourit péniblement.
— Je... je ne sais pas comment aborder le sujet... Je suppose qu'il faut retourner en arrière, il y a un gros mois.
Elle but une gorgée de café, laissant leurs flash la transpercer et leurs plumes retranscrire chacune de ses hésitations.
— J'aime beaucoup votre capitale, longer la Tamise, admirer vos bâtiments. Le soir, il m'arrive en rentrant chez moi de visiter Londres. Je me perds très souvent. C'est ainsi que j'ai découvert un petit... comment vous appelez ça ? Un pub.
Darron applaudit mentalement la performance d'actrice de la jeune femme.
— J'y suis entrée et j'ai commandé à boire. Vous comprenez, la marche donne soif.
— C'est un pub sorcier ? demanda un journaliste.
— Non, Moldu, chassa-t-elle la question de la main comme indifférente. Je ne cherchais pas à sociabiliser, juste me désaltérer. Qu'importe. Ce qui compte c'est que j'étais entourée de Moldus quand un groupe de sorciers a transplané.
Elle marqua une pause, comme encore sous le choc des évènements.
— Ils avaient de grands capuchons noirs et des masques sur le visage.
Aussitôt, les plumes s'excitèrent, tous les journalistes ayant l'identité en tête de ces individus : des Mangemorts.
— Comprenez, je ne connais pas toutes vos coutumes. En France, nous n'avons pas de fête avec de tels déguisements. J'ai donc conclu que c'étaient des sorciers saouls qui n'étaient plus conscients de leurs faits et gestes.
Les plumes s'arrêtèrent un instant, les têtes se levèrent les yeux écarquillés. Cette Française avait pris le fléau de leur société pour des ivrognes ?
— J'ai le profil de la bonne élève, continua-t-elle embarrassée. On m'a toujours appris qu'il ne fallait jamais révéler notre existence aux Moldus. Je me suis donc interposée ! Mais ça ne leur a pas plu... Et ils ont commencé à m'attaquer.
Elle s'arrêta, se pinçant les lèvres pour retenir sa lèvre de trembler. Elle attira à elle un mouchoir et elle tamponna ses yeux, comme pour empêcher toute rougeur d'arriver.
Les flash fusèrent, immortalisant Edith dans sa robe de reine de France, avec en arrière fond sa toute première collection qu'elle avait expressément exposées dans leur champ de vision. Elle comptait bien booster ses ventes en rappelant au monde ses modèles les plus iconiques.
— J'ai eu tellement peur ce soir-là... Ils m'insultaient, me promettaient des doloris... Quel homme est capable d'autant de cruauté ? demanda-t-elle aux journalistes.
Face à leur silence, elle reposa la question. Les journalistes furent bien obligés de bredouiller un personne et elle acquiesça en reprenant.
— Pour revenir à votre question, Monsieur James, ce sont ces mêmes hommes qui m'ont attaquée il y a peu, à IllumisMoa. Je préparais mes commandes du lendemain et ils sont arrivés. Ils m'ont demandé de leur livrer mes secrets, murmura-t-elle la voix tremblante. Puis ils m'ont torturé avec un doloris... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ensuite. J'étais entourée d'Aurors, on m'avait donné de la morphine. Depuis, je suis protégée par le Ministère, conclut-elle.
Les plumes finirent de gratter les parchemins, quelques murmures s'échappant de la bouche des plus bavards. Darron vit Edith faire apparaître un plateau de raisin et commencer à croquer quelques grains.
— Vous en voulez ? proposa-t-elle faiblement aux journalistes.
Tous déclinèrent poliment puis le silence s'abattit. Comment pouvaient-ils rebondir sur un tel témoignage ? La parole de la sorcière ne pouvait pas être remis en doute, elle tremblait encore rien qu'au souvenir.
— Mais... Savez-vous pourquoi ils vous ont torturée ? se risqua un.
Edith s'arrêta dans son geste, comme surprise par la question. Le visage stupéfait, elle regarda le journaliste d'un air innocent et posa une autre question.
— Parce qu'il existe une raison qui justifie un sort si cruel ?
Un journaliste toussa de gêne, celui ayant posé la question se rassit honteux.
— J'aimerais bien vous répondre, se reprit Edith. Mais je ne crois pas me souvenir d'un quelconque dialogue... Ils voulaient sûrement découvrir en avance ma prochaine collection masculine ? Je n'espère pas, je ne supporte pas le plagiat, s'insurgea-t-elle faiblement. La création est sacrée, elle est intouchable.
Les britanniques se regardèrent entre eux, oscillant entre compassion et jugement. Comment pouvait-elle imaginer que des Mangemorts courent après ses chiffons ?
— Mais comment s'est fini l'épisode du bar, Lady d'Aveyron ?
— J'ai paniqué, je me suis défendue avec un Feudeymon, avoua-t-elle timidement.
Les yeux s'écarquillèrent, les gorges s'étranglèrent. Cette bonne femme était une mage noire ?
— J'ai appris depuis que la magie noire est interdite sur le sol britannique. Mais je ne le savais pas à ce moment-là ! En France, nous l'apprenons à Beauxbâtons.
Et elle noya les journalistes de toutes les raisons logiques derrière ce choix scolaire. Des questions sur sa jeunesse défilèrent et elle livra de nombreuses souvenirs touchants. Mais certains journalistes restaient sceptiques.
— Avez-vous déjà entendu le terme Mangemort ? demanda l'un d'eux.
Edith fit une moue mais répondit.
— Oui. De ce que j'ai compris, c'est un mouvement politique visant à dévoiler notre supériorité aux Moldus par la force.
Darron se fit violence pour ne pas sourire face aux mâchoires tombantes des journalistes devant son détachement. Edith les malmenait, les faisant tomber de charybde en scylla. Elle avait fait de même au Ministère, lorsque son chef l'avait interrogée. Comme ce temps paraissait lointain...
— Et qu'en pensez-vous ? demanda un autre.
Darron se tendit. La suite des évènements dépendraient de sa prochaine réponse. Mais Edith resta naturelle, réfléchissant réellement. Puis elle répondit avec sincérité.
— On ne peut nier la supériorité magique des sorciers. Cela va de soi. Mais je suis contre la violence. Avec d'autres étudiants, nous avons mené de nombreux combats pour défendre le droit des animaux, comme en obligeant notre école à ouvrir la volière pour que les hiboux puissent voler en toute liberté.
— Vous comparez les moldus aux animaux ? déforma un autre ses propos.
— J'ai dit que j'étais contre la violence, quelle que soit la cible. Toutefois c'est une question très intéressante. Est-ce que les moldus sont des animaux ? Est-ce que les sorciers sont des animaux ? Si on considère la phylogénie, nous sommes tous des animaux. C'est une question à vrai dire très philosophique, je vous conseille de la poser à un homme plus cultivé que moi, sourit-elle innocemment.
Et Darron sut qu'elle s'était sortie avec brio de ce sujet épineux.
— Et qu'en est-il du seigneur des ténèbres ?
Edith nia de la tête, l'air navrée.
— Je suis désolée, je ne fais pas attention à la politique britannique. Par ailleurs, je n'aime pas qu'on adule ou qu'on blâme un parti pour ses prises de position. Ce qui compte, c'est qu'il y ait une diversité politique et que le peuple choisisse ce à quoi il veut adhérer. La beauté de la démocratie en somme.
Les journalistes notèrent avec précision ses propos, laissant à la sorcière un temps pour se désaltérer. Darron commença à se détendre, rassurée par la tranquillité de sa Française. Elle répondit encore à quelques questions, puis le journaliste à la moustache frémissante se releva.
— En voulez-vous aux Mangemorts qui vous ont attaquée ? Ne pensez-vous pas qu'ils ont pu se méprendre sur vos intentions ? Avez-vous quelque chose à leur dire ?
La salle se tendit, les rapaces prêts à relayer sa réponse. Darron vit la sorcière se figer un instant, puis regarder dans les yeux le journaliste.
— Avez-vous déjà subi un doloris, monsieur James ?
L'interpellé nia. Edith se retourna vers les autres reporteurs.
— Quelqu'un ici ?
La salle nia de la tête et elle acquiesça. Elle garda son port altier, mais ses mains posées l'une sur l'autre ne pouvaient s'empêcher de trembler. Elle finit par répondre, les yeux dans le vide.
— Le doloris est interdit pour une raison. La mort est un doux ami face à cette torture. Rien ne peut justifier un tel acte.
— Vous pensez que les Mangemorts sont des monstres ?
— Dans les tranchées de la Somme, quels étaient les monstres ? Les Allemands, les Français ? Dans les faits, aucun ou tous. Parmi ceux qui bombardé le camp ennemi, nombreux étaient des pères de famille aimants qui ne voulaient que protéger leurs familles, donc des héros pour leur patrie. Je ne suis personne pour juger un individu dans son entièreté à partir d'un seul acte.
Les plumes grattèrent les parchemins et le journaliste se rassit de mauvaise grâce. Il écrivit ses observations avec véhémence. Mais Edith resta imperturbable, attendant la prochaine question.
Un journaliste jusque là discret se leva et aussitôt le sang de Darron se glaça. C'était un Serdaigle de son âge. Un sang pur qui ne jurait que par lui-même et qui adhérait à la supériorité des sorciers.
— Vous dîtes donc que vous êtes sous protection du Ministère. Beaucoup de sources anonymes affirment vous avoir vu dernièrement avec cet homme roux, désigna-t-il Darron du menton. Qui est-ce ?
— Mon garde du corps, répondit nonchalamment Edith.
Mais l'Auror lut dans son regard un éclair de méfiance.
— Vous n'en avez qu'un ?
— J'en ai plusieurs qui se relaient.
Le journaliste jeta un regard de dégoût à Darron avant de poser sa vraie question.
— Saviez-vous que cet homme qui vous protège est un Serpentard, cracha-t-il le dernier mot.
L'Auror sentit son cœur s'accélérer, se souvenant de tous les regards méprisants que ce Serdaigle lui avait adressés. Bien sûr, il y avait cette rivalité de maisons. Mais le journaliste le détestait particulièrement puisque le Choixpeau avaient préféré envoyer un sang de bourbe dans la noble maison de Serpentard plutôt qu'un sang pur comme lui.
— Oui, répondit Edith nonchalamment.
Des murmures s'élevèrent.
— Vous n'avez pas... peur ? osa demander un autre.
— Peur de quoi ?
— De ce Serpentard... Il pourrait être un fidèle du...
Edith le coupa.
— Je suis Française. Tout ce que je sais sur vos maisons, c'est qu'un Serdaigle a tendance à être plus studieux, un Poufsouffle à être empathique, un Gryffondor à être courageux et un Serpentard à être ambitieux. Je ne vois pas en quoi l'ambition est effrayante, je ne serais pas assise devant vous si je ne l'étais pas moi-même.
— Et saviez-vous que c'est un sang de bourbe ? rebondit l'ancien Serdaigle.
La salle se tut et Darron sentit son sang battre contre ses tempes. Comment osait-il utiliser sa faiblesse pour mettre en difficulté sa Française ? Comment allait-elle faire pour s'en sortir ?
— Un quoi ? demanda innocemment Edith.
— Un sang de bourbe, répéta-t-il.
— Un mood blood ? tenta-t-elle de bien le prononcer en anglais.
— Un sang de bourbe ! confirma-t-il.
— Un mud blood ? répéta-t-elle convenablement.
Un éclair de frustration éclaira les yeux du journaliste.
— Un sang de b...
— Un mud blood, j'ai entendu oui. Mais qu'est-ce que c'est ? De la boue ensanglantée ? Est-ce une maladie vasculaire ? demanda la sorcière.
— Non, c'est... c'est un sang de bourbe ! s'énerva le Serdaigle.
— Un né-moldu, lui vient en aide un autre journaliste.
Les yeux d'Edith s'écarquillèrent.
— Vous surnommez les né-moldus "boue ensanglantée" ? Je suppose que c'est une caractéristique britannique de distribuer des surnoms à tout va. Vous nous appelez bien les "froggies".
Puis elle sourit et fit apparaître des plats de cuisse de grenouille.
— Goûtez, ordonna-t-elle aux journalistes.
Certains froncèrent du nez, d'autres la regardèrent interloqués. Croyait-elle vraiment qu'elle allait les forcer à manger ces choses ?
— J'ai invoqué celles du cuisinier le plus réputé de France, continua-t-elle, pas le moins du monde perturbée. C'est mon ancien voisin de potion.
Mais la plupart des Britanniques ne semblaient pas disposés à les manger. Edith fit une petite moue.
— Je vois. Les Britanniques sont...prudents. Vous vous contentez de vos habitudes alimentaires sans ne jamais rien explorer. Je suppose que nous avons tous nos faiblesses... haussa-t-elle fatalement les épaules.
L'orgueil entaché, certains journalistes retroussèrent leurs manches et attaquèrent le plat. Des sourcils se froncèrent tandis que le gras se répandait sur leurs doigts. Quelques grommellements accompagnèrent les bruits de mastication. L'effet de groupe convainquit les derniers et les plats furent terminés. Certains finirent par manger de bonne foi, appréciant le goût de ce plat cuisiné avec attention. D'autres serrèrent du poing, humiliés.
Darron fronça des sourcils, ne comprenant pas pourquoi la sorcière tenait tant à ce qu'ils y goûtent, craignant des représailles. Parmi ces journalistes, il y avait forcément des sangs purs dont l'orgueil devait être très facilement blessé. Qu'écriraient-ils dans leurs articles ?
Lady D'Aveyron, se risqua-t-il mentalement.
Avant que vous ne me preniez pour un tyran, lui répondit mentalement, je vous couvre. Je détourne leur attention de vos parents. Vous savez bien que je ne peux pas dire sans répercussion que je me fiche bien que vous soyez un né-moldu. Croyez-moi qu'ils ne s'en souviennent déjà plus. Ils ne pensent qu'à cette cuisse de grenouille.
Darron sourit intérieurement. Il avait lui même oublié cet épisode. Elle les avait tous menés par le bout du nez, comme toujours.
— Vous voyez que c'est délicieux les cuisses de grenouille ! Alors vous pouvez continuer de nous surnommer les "froggies", mais en tant que compliment, sourit la sorcière avant de regarder l'horloge. Par Pasteur, je n'avais pas vu l'heure ! Considérez ce plat comme une demande de pardon pour avoir oublié notre rendez-vous. Je me permets de vous débarrasser, leva-t-elle sa baguette.
Les assiettes disparurent, rendus à leur propriétaire qui devait les chercher dans toute sa cuisine.
— Messieurs, je vous remercie de vous être déplacés jusqu'ici. Je vous annonce par ailleurs que, pour m'excuser auprès de mes clients, je rouvre les commandes pour mes anciennes collections, notamment les premiers modèles exposés dans la boutique que je n'avais commercialisé qu'en France. Je vous souhaite une très belle journée.
Elle s'inclina, glissant sa jambe droite derrière sa gauche et plia le genoux. Les journalistes se regardèrent perdus, pris de court, coupés dans leur interrogatoire. Pour ne pas leur laisser le temps de relancer leurs questions, la sorcière prit congé. Elle rejoignit son arrière-boutique, fermant la porte derrière elle. Après quelques minutes d'hésitation, les journalistes finirent par se retirer. Les Aurors reprirent leur place devant la boutique. Darron se précipita dans la salle du fond, prêt à féliciter la châtain pour sa prestation.
Mais lorsqu'il ouvrit la porte, il trouva un Philipe inquiet et une Edith blanche.
— Je n'ai pas fait d'erreur ? s'enquit celle-ci, adossée difficilement à des cartons de tissu.
— Tu as été parfaite : les réponses vagues, à côté, les réorientations de sujet, les diversions,... Tu as évité tous les dangers. Aucun extrémiste ne peut t'accuser d'être du côté des moldus. Tu n'as pas remis en cause le Seigneur des Ténèbres. Je t'avoue que j'ai un peu sué quand les questions ont concerné Darron. C'est bien plus facile de déformer notre opinion que l'identité d'un autre. Mais tu as gardé ton cap. Cette diversion des grenouilles, juste hilarante ! Je suis sûre que ça va figurer dans les titres : entre deux cuisses de grenouille, Edith d'Aveyron nous délivre ses secrets.
La sorcière sourit faiblement puis s'assit par terre.
— Darron, je vous la confie. Excuse-moi, Edith, j'ai un rendez-vous important. On se voit ce soir, la salua Philipe.
Puis il transplana, laissant Darron seul avec la Française.
— Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il finalement.
La sang pur resta le regard dans le vide.
— Eteinte, finit-elle par articuler.
Puis elle releva son visage vers celui de l'Auror.
— Oppressée, continua-t-elle.
Le grand roux s'accroupit face à elle.
— Que voulez-vous faire ?
La sorcière hésita un instant, puis proposa timidement.
— Ça vous dit de visiter Paris ?
Alors, elle s'en est bien sortie ? ^^
N'hésitez vraiment pas à me dire si un point vous a perturbé ou ne vous semble pas crédible ou si vous auriez posé d'autres questions en tant que journaliste <3
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