28 : C'est Lebeau. Je ne suis pas un arc !

Mot de l'auteure : 

Comme vous le savez, lorsque mes personnages parlent français, la réplique est en italique. Pour des raisons de confort de lecture, je ne vais pas mettre d'italique pour ce chapitre. Mais Philipe et Edith parlent bien français entre eux lorsqu'ils sont seuls ;)

Merci de suivre les aventures d'Edith et bonne lecture !


Tuer, c'est mal.

Edith dut pourtant se faire violence pour ne pas se jeter sur l'Auror français. Elle contint ses pulsions meurtrières dans ses poings fermés. Philipe ne bougea pas, toujours avachi sur le canapé d'Edith, un verre de rouge à la main. Ses lèvres restaient étirées dans ce rictus moqueur, les yeux alternant entre Edith et Darron. La sorcière jura brusquement, ne pouvant contenir plus longtemps sa frustration. Elle était dans les bras de Darron ! Ils auraient pu... mais non ! Son non moldu s'était écarté brusquement et avait à présent sa baguette pointée sur Philipe. Foutu réflexe d'Auror ! Elle aurait pu priver le blond de ses sens un court instant, le temps qu'elle goûte enfin aux lèvres du roux...

Elle jura une énième fois, se passant une main sur le visage. Il fallait qu'elle se reprenne. Elle était plus élégante qu'une charretière.

— Philipe... quel plaisir de te voir dans mon appartement, sur mon canapé, en train de boire mon vin...

Le rictus de Philipe s'élargit et il pointa Darron du nez.

— Tu peux lui dire de baisser sa baguette ? Il ne m'écoutera pas.

— Vous vous êtes introduit dans les appartements de la femme que je protège, évidemment que non, grogna le britannique.

Edith soupira. Aussi frustrée était-elle, elle devait confronter ce traître de Philipe. Elle ne pouvait pas en même temps gérer la méfiance justifiée de son grand roux. Elle se fit donc violence pour prendre le parti du blond et s'interposa entre les deux hommes. Dos au Français, elle sourit gentiment à l'Ecossais en baissant sa baguette.

— Aussi exaspérant soit-il, il reste l'Auror référent de ma protection. Je ne risque rien avec lui, promit-elle.

Le roux ne bougea pas. Edith projeta donc son esprit vers le sien. Elle s'arrêta respectueusement à la lisière de sa barrière mentale, ne la pénétrant pas.

Je ne parle pas sous la contrainte, lui promit-elle par pensées. Il ne me fera pas de mal.

Darron baissa sa baguette mais sa mâchoire restait crispée, ses yeux ne lâchant pas l'intrus.

— Vous... chercha ses mots Edith. Ça fait vingt heures que vous êtes en service. Allez-vous reposer. Philipe prend la relève.

Elle aurait voulu lui dire tellement plus, mais elle devait d'abord confronter le traître. L'étreinte du grand roux lui avait redonné la force pour faire face à Philipe. Elle ne voulait pas perdre ce regain de volonté. Si elle préférait utiliser cette once de courage pour dévoiler ses sentiments à Darron et qu'il la rejetait... non, c'était bien trop effrayant. Elle préférait rester dans le déni. Profiter des instants présents.

La sorcière se mordit la lèvre inférieure. Elle était vraiment ridicule. L'Edith de douze ans lui hurlerait de se lancer. Elle lui scanderait qu'elle était assez forte pour que le refus d'un homme ne la perturbe pas. Mais l'Edith de vingt-trois ans savait que toutes ses convictions étaient chimères. Elle était une femme forte, mais Darron la perturbait. Elle ne se souciait pas du regard des autres, mais du sien oui. Quelle idiote. Elle valait mieux que ça. Mais Darron valait mieux qu'elle. Il ne méritait pas qu'elle profite de sa gentillesse.

— Merci pour hier soir, ce matin, cet après-midi...

Sa gratitude resta coincée dans sa gorge, les mots refusaient de s'en échapper. Elle ne le remercia pas pour sa gentillesse, sa patience, sa compréhension. Elle se contenta de lui offrir un maigre sourire, pâle récompense pour ses efforts.

Darron la regarda enfin et le cœur d'Edith se serra en lisant la déception dans ses yeux. Mais l'acceptation balaya vite son regard et il acquiesça.

— Soit. Vous êtes donc responsable de sa protection, s'adressa-t-il à Philipe d'un ton froid. Quand est-ce que mon service reprend ?

Le blond sirota son vin un instant, camouflant son rictus éternel. Puis il déglutit sa boisson et se redressa, rejoignant les deux sorciers debout dans le salon.

— Je pense que pour le confort de notre adorable Edith, il vaut mieux qu'elle soit entourée d'Aurors qu'elle connaisse. Moins elle a d'interaction sociale, mieux elle se porte.

Connard... grommela Edith dans sa barbe.

Philipe ricana puis reprit.

— En plus, elle risque de psychoter en voyant autant de potentiels taupes autour de ses nouvelles créations. Si cela convient donc à notre douce Edith, je pense que nous pourrions rouler à deux. Bien entendu, si vous ne vous sentez pas de tenir le rythme, une armée d'Aurors français peut vous remplacer à tout instant. Et avant de vous reconfier Edith, je dois vous tester pour voir si vous êtes apte à la protéger.

— Philipe ! s'insurgea Edith.

Mais son ami était étonnamment sérieux. Darron acquiesça, conscient de la légitimité de sa demande.

— Qu'en penses-tu, Edith ? se tourna Philipe vers elle.

— Darron est tout à fait apte à me protéger, tu n'es personne pour...

— Ce n'est pas ce que je te demandais, sourit malicieusement le Français. Que penses-tu du fait qu'on tourne tous les deux ? Je peux tout à fait embaucher d'autres Aurors...

— Non, c'est très bien comme ça, le coupa-t-elle.

Philipe toussa pour camoufler son rire, mais le regard amusé qu'il lui lança dévoila toutes ses pensées. Il savait très bien qu'elle ne remplacerait Darron contre personne d'autre. Et il s'en délectait, comme tout ami se le devait. Edith sentit un poids compresser sa poitrine. Philipe était son confident depuis presque un an. Il était le seul avec qui elle pouvait râler, pleurer, rire de la situation de la Grande Bretagne. Lorsqu'elle ne se sentait pas bien, il la distrayait avec ses propres mésaventures. Elle ne pouvait pas perdre son amitié à cause de ses parents !

— Ça te va, Edith ? la sortit de ses pensées le blond.

N'ayant pas écouté, elle se contenta de lever un sourcil.

— Darron est avec toi le jour, moi la nuit, réexpliqua-t-il. Ce qui paraît plus approprié en vue de nos relations...

Elle hocha la tête, puis jeta un coup d'œil à l'Ecossais. Ses poings étaient fermés. Lorsque son regard se posa sur elle, elle y lut une indifférence jouée. Mais l'étincelle de déception ne lui échappa pas. Le cœur de la sorcière se serra. Elle s'humifia les lèvres, prête à lui parler, mais il s'inclina soudainement.

— Lady d'Aveyron, Monsieur Lebow, les salua-t-il froidement.

Puis il transplana. Le silence étouffa un instant le salon. Edith se mordit la lèvre, le cœur douloureux. Elle détestait voir son non moldu ainsi. Il venait d'agir aussi froidement qu'à IllumisMoa, lorsqu'il la surveillait et qu'ils étaient tous les deux convaincus que l'autre était un Mangemort. Philipe la sortit de ses pensées en maugréant.

— Lebooow, imita-t-il son accent britannique. C'est Lebeau. Je ne suis pas un arc !

Edith l'incendia du regard et il se dédouana.

— Tu es la première à râler quand les Anglais détruisent ton prénom : Idèss d'Aviwooone, lui rappela-t-il.

Edith frissonna. En effet, tout son corps la démangeait lorsqu'on s'adressait à elle. Si la prononciation de son nom n'était pas un drame, celle de son prénom, oui ! Edith, c'était élégant mais puissant ! Lorsqu'on l'appelait Idèss, elle avait l'impression de n'être plus elle même.

— Tu râles quand ton berger t'appelle comme ça ? sourit malicieusement Philipe.

— Il faudrait déjà qu'il m'appelle par mon prénom, grogna la sorcière.

— Donc il est toujours aussi formel ? Lady d'Aveyron, pourrais-je ci ? Même au lit ?

Edith le foudroya du regard. Philipe ricana puis soudain se tut. Ses yeux s'écarquillèrent, sa mâchoire se décrocha de surprise.

— Attends... Vous n'avez toujours pas conclu ? Avec toute la tension entre vous ?

— Ca ne fait qu'un jour que je sais qu'il n'est pas un Mangemort ! Et toi, pourquoi lui fais-tu autant confiance ! Pourquoi tu ne t'inquiètes pas ? Tu ne devrais pas te méfier de tout le monde ? changea-t-elle de sujet.

— Ce matin, je l'ai sondé, haussa des épaules l'auror. Et puis il ne faut pas être un génie pour se rendre compte à quel point tu es importante pour lui. Il suffit d'avoir des yeux.

Edith rosit légèrement.

— Tu... tu rougis ? s'exclama son ami horrifié.

— C'est l'alcool ! s'empressa-t-elle de le détromper.

Les deux sorciers se regardèrent un instant puis pouffèrent. Son excuse minable ne bernerait personne.

— C'est ça, la taquina le blond. C'est les hormones. Certainement pas les endorphines. C'est peut-être la ménopause... lui jeta-t-il un clin d'œil.

Mais au lieu d'en rire, Edith se tut soudainement, le visage fermé. Cette référence lui rappela la rencontre d'Emile Paré, le psychologue de Philipe. Elle se souvint s'être évanouie plus tôt dans la matinée, à IllumisMoa, après avoir cru revoir Voldemort.

La sorcière se figea et le Français s'approcha doucement, inquiet.

— Edith ?

La châtain se força à respirer profondément pour chasser les billes rouges de son esprit. Lorsque son cœur se calma, elle releva son visage et croisa le regard plein de compassion de Philipe.

— Tu viens de le revoir, non ? demanda-t-il doucement.

En même temps, il lui prit délicatement le bras et la fit s'assoir sur le canapé. Il s'agenouilla devant elle.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? répondit Edith, la voix nouée.

— Tu t'es tue, les yeux dans le vague. Puis tu as commencé à trembler, à hyperventiler. Tu as réussi à te calmer, mais la peur dans tes yeux est toujours là.

La grande couturière grogna une réponse inintelligible. Que pouvait-elle bien lui répondre ? Il n'avait fait qu'exposer des faits.

— Edith, reprit-il avec plus de précaution. Tu as vécu un traumatisme. N'importe qui serait terrifié par ce qu'il t'est arrivé, s'empressa-t-il d'ajouter en la voyant se tendre.

Il chercha son regard mais elle garda le sien planté sur ses pieds.

— Beaucoup d'entre nous portons les cicatrices d'un traumatisme, continua-t-il tout de même. Avant d'être chargé de former les Aurors, j'ai moi-même exercé sur le terrain. J'avais vingt-six ans. J'étais chargé de retrouver Argus Ignis...

Surprise, Edith leva les yeux vers lui. Elle se souvenait très bien de l'affaire Ignis, un sorcier pyromane. Il avait suscité l'émoi dans le monde Moldu en 1970, après avoir mis le feu à une discothèque dans l'Isère, tuant cent quarante-six personnes. Par ignorance, les Moldus avaient déclaré l'origine du feu accidentelle. Mais le monde Sorcier savait reconnaitre les traces d'un Incendio. Un an plus tard, c'était un immeuble à Argenteuil qui explosait. Quelques temps plus tard, il s'en était pris à la cathédrale de Nantes. Un fidèle catholique sorcier y étant présent l'avait aperçu. C'est ainsi qu'on avait découvert l'identité de ce criminel. Les Aurors français s'étaient donc mis à sa recherche.

— Et nous l'avons retrouvé, conta Philipe la gorge nouée. Il s'était attaqué à un collège Moldu. Il se cachait à Paris. Lorsqu'il a vu deux élèves tentaient d'y mettre le feu, il a lancé son Feudeymon pour achever leur travail. Seule la fumée dans le ciel nous a alerté. Le temps qu'on arrive, son serpent de feu consumait tout le bâtiment. Des élèves étaient coincés à l'intérieur. Et lui riait.

L'auror souffla, s'asseyant dos au canapé.

— Vu que j'étais le plus jeune, mon chef m'a chargé avec un autre Auror de chercher mentalement des survivants. Eux devaient contrôler le Feudeymon et arrêter Ignis. J'ai donc jeté mon esprit dans le feu et je les ai trouvés. Les enfants pleuraient la vie qu'ils ne vivront jamais, une femme l'enfant qu'elle portait dans son ventre qui ne verrait jamais le monde. Impuissant, je les ai sentis sombrer dans la mort, alors qu'ils se faisaient asphyxier.

Edith lui caressa l'épaule pour le soutenir, la gorge nouée. Elle ne pouvait imaginer l'horreur qu'il avait vécu, sachant ces enfants piégés dans ce bâtiment sans pouvoir les libérer à cause du Feudeymon.

— Je me suis cru plus fort que je l'étais. J'ai transplané dans le bâtiment pour essayer d'en sauver au moins un. Mon collègue a tenté de me retenir, mais je l'ai attiré avec moi dans ce cauchemar. Le Feudeymon nous a senti. Il s'est jeté sur nous. Sans André, je serais mort, murmura presque Philipe. Il nous a transplané à Pasteur. Les infirmières nous ont vu brûlés au troisième degré. Elles nous ont aussitôt pris en charge. Les magicomages ont fait des miracles. Après plusieurs mois, je n'avais plus la moindre séquelle. Je les ai remercié, mais ils étaient embêtés. Je n'avais pu être sauvé que parce qu'André m'avait lancé un protego qui avait atténué la brûlure. Il n'a pas eu le temps de se protéger lui. Il est mort arrivé à Pasteur.

Edith s'agenouilla doucement à ses côtés et le prit dans ses bras. Philipe ne la repoussa pas mais il ne lui rendit pas son étreinte. Il avait le regard triste mais résolu. Il avait fait son deuil.

— J'ai vécu ce traumatisme, de nombreux collègues en ont eu d'autres. Être traumatisé n'est pas une marque de faiblesse. C'est une pure réaction naturelle, ton cerveau tente de te protéger. Tu ne pourras pas l'ignorer éternellement. Et tu ne peux pas t'en relever toute seule. Tu as besoin de quelqu'un d'habilité pour t'aider.

Edith se détacha de lui, le regard menaçant.

— Ne me parle pas de ton putain de psy.

— Edith ! haussa la voix Philipe. Tu ne peux pas au moins m'écouter avant de t'arcbouter comme un âne ? Il y a plein d'Aurors à avoir été comme toi, à s'être convaincu que le temps guérirait tout ! Mais tous ceux qui ont refusé l'offre du Ministère d'un psychologue se sont retrouvés impeccables d'exercer leur métier, retombant sans cesse dans leurs cauchemars ! Alors que moi qui n'ait pas eu le choix, vu que j'étais coincé au lit, je m'en suis relevé. Bien sûr, le psy ne fera pas de miracle. Je m'en voudrais jusqu'à la fin de mes jours d'avoir tué André ! Je me souviendrai toujours des dernières pensées de ces gosses piégés dans ce bâtiment en feu ! Je n'oublierai jamais la gueule du Feudeymon ! Mais je ne tremble plus à leurs évocations, je ne me retrouve pas figé dans la terreur. Je peux vivre, Edith ! Et ça, grâce à l'aide de ce psychologue. Et c'était Emile Paré. Je sais qu'il ne pourra que t'aider, alors attrape sa main.

Edith leva les yeux au ciel et attrapa sa baguette. Si il comptait sucer son psy encore longtemps, elle avait besoin d'alcool.

Accio, lança-t-elle froidement.

Sa bouteille de vin lui atterrit dans les mains et elle but au goulot de nombreuses gorgées.

— Sérieux, Edith ? Tu comptes soigner tes plaies dans l'alcool ? Crois moi, l'alcool ne guérit pas !

— Ca désinfecte au moins, railla Edith.

Et elle reprit de nouvelles gorgées.

— Edith, gronda l'auror.

Mais l'intéressée n'apprécia pas son ton menaçant.

— Qu'est-ce que tu vas faire, pleurer dans les jupes de mes parents ? ironisa-t-elle. 

Philipe se figea et toute trace de colère s'envola. Un souffle s'échappa de ses lèvres.

— Je... Edith...

— Ne cherche pas à fuir cette conversation ! C'est la seule raison pour laquelle je ne t'ai pas viré de chez moi !

— Je suis là pour qu'on en parle, Edith, la rassura-t-il. Bien sûr, il fallait qu'on décide du roulement des Aurors, mais tes parents restent ma préoccupation principale.

Son regard était doux quand il releva ses yeux vers elle. Edith ne se fit pas avoir.

— Alors ? Tu es à la botte de mes parents ?

Pour information, tous les incendies évoqués dans l'affaire Ignus ont réellement eu lieu en France. Paix aux âmes des victimes. 

Sinon que pensez-vous de Philipe ? De Darron ? D'Edith ? J'espère que je ne l'ai pas rendue trop chiante haha (je ne vous en voudrais pas si vous me le confirmez XD)

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