Edith le fusilla du regard, mais il n'en fut que plus amusé. Les bras croisés sous sa poitrine, elle s'ancra dans ses yeux océans.
— Si être romantique, c'est offrir des roses, battre des cils à son bien aimé, se conformer aux attentes de l'autre et s'oublier pour le bien de son couple, non. Moi, je prône la liberté, l'indépendance, l'amour propre, des valeurs qui nous permettent de survivre à tout. Lorsqu'on est sûr de ne pas être sous tutelle, de ne pas dépendre de l'estime de l'autre, de ne pas se retrouver emprisonner par les liens du mariage, alors on peut aimer. On peut se battre pour celui qu'on veut, laisser la passion nous envahir tout entier ! Car on est sûr qu'une fois cet idylle terminé, on sera toujours maître de nous-même. Que rien ne nous brisera.
Elle finit sa tirade essoufflée. Darron avait perdu son rictus moqueur. Pourtant, elle ne lut ni dégoût, ni jugement dans ses yeux. Seule la compréhension et l'acceptation dansaient dans les miroirs de son âme. Les deux sorciers se dévisagèrent encore quelques temps. Finalement, Darron s'humidifia les lèvres, au grand damne d'Edith qui sentit des papillons se livrer une bataille dans son ventre.
— So you, murmura-t-il.
Edith déglutit, se consumant sous le regard tendre de l'auror. Il ne la quittait plus des yeux. Ne pouvant plus soutenir son regard, Edith baissa ses yeux, tombant sur les lèvres entrouvertes de l'auror. Ses lèvres roses. Ses lèvres fines. Ses lèvres qu'elle rêvait de capturer lorsqu'elles s'étiraient. Quelques centimètres séparaient les deux sorciers. Si elle se mettait sur la pointe des pieds... si elle s'accrochait à son cou... elle pourrait l'embrasser. Elle perdrait ses mains dans ses boucles de feu tandis qu'elle goûterait enfin aux lèvres qui hantaient ses rêves depuis des mois. Elle les mordillerait, introduirait sa langue pour se fondre dans la sienne... Peut-être qu'il y répondrait, qu'il enroulerait ses bras musclés autour de sa taille, qu'il la serrerait contre lui pour mieux la sentir... Mais s'il ne le faisait pas ? S'il restait immobile ? S'il n'en avait pas envie ?
Edith recula précipitamment pour s'empêcher de tout gâcher. Elle n'allait pas perdre son amitié avec Darron pour de stupides pulsions sexuelles. C'était si rare qu'on la comprenne, qu'on l'accepte telle qu'elle était... Il ne l'avait pas jugé en entendant sa version de l'amour ! Tant de personnes la trouvaient au contraire frivole, passant des bras d'un à ceux d'un autre, ne s'attachant jamais. Mais que pouvait-elle faire ? Elle n'allait pas inventer l'amour lorsqu'il n'y était pas ! Ce n'était pas un sentiment qu'on pouvait modeler à son envie. On ne le maîtrisait pas. Ce cadeau empoisonné nous tombait dessus lorsqu'on s'y attendait le moins. La seule façon de se protéger, c'était d'assurer ses arrières. Pour pouvoir se relever lorsque le rêve se terminerait.
Raison de plus pour ne pas sauter sur Darron. Une nuit avec lui l'avait déjà tant perturbée, se glissant dans ses rêves et dans ses pensées... Qu'est-ce que ça serait à présent qu'elle le connaissait ? A présent qu'elle avait entendu son rire, vu ses faiblesses et ses forces ? A présent qu'elle s'était attachée plus que de raison à ce simple auror ? Qu'allait-elle faire lorsqu'il n'aurait plus à la protéger, qu'il débuterait une nouvelle mission loin d'elle ?
Le cœur lourd, Edith se racla la gorge, tentant de retrouver son calme en admirant le paysage. Comment en étaient-ils arrivés là ? La cornemuse. Les clichés. Il fallait qu'elle se reprenne.
— Vous voyez ? Les clichés ont un fond de vérité, reprit-elle la conversation le plus fièrement possible.
Elle n'en mena tout de fois pas large quand elle chercha le regard de l'auror et qu'elle le trouva ancré sur ses lèvres à elle. Darron resta encore quelques instants immobile, puis la défia de nouveau du regard.
— Je ne joue pas de la cornemuse pour autant, la prévient-il, un rictus sur ses lèvres. Pourquoi cette question ?
— Je ne sais pas. Une interrogation aléatoire.
Un léger rire s'échappa de la gorge de l'auror et les papillons se livrèrent une guerre dans l'abdomen de la sorcière.
— Et vous, Lady d'Aveyron, vous jouez d'un instrument ? Quel serait le cliché français ? Piano ? Pas très original...
— Du clavecin, le détrompa-t-elle. Mes parents sont assez vieux jeu.
Edith se tut, sentant soudainement son cœur se pincer. Comme les représentations de clavecin devant sa famille lui paraissaient lointaines. Les yeux brillant de fierté de ses parents... La jeune sorcière secoua la tête et se concentra sur ses mains, longues et fines.
Sans réfléchir, elle prit vivement l'une des mains de Darron et la posa sur la sienne, racines de paumes au même niveau.
— Que...
— Je mesure la taille de nos mains, expliqua-t-elle sans contexte.
Edith sentit son cœur palpiter en sentant la chaleur de la paume de Darron contre la sienne. Pourquoi avait-elle fait ça ? Elle n'allait jamais l'oublier !
— Tous les pianistes font ça ? demanda Darron, ne retirant pas pour autant la sienne.
Edith hocha de la tête, la gorge trop nouée pour répondre autrement. Les doigts de l'écossais étaient longs et fins. Et grands. Ils dépassaient les siens d'une phalange. Jusqu'où pourraient-ils aller en elle...
Edith verrouilla ses doigts sur les siens et s'empressa de quitter ces jardins, l'entraînant derrière elle. L'odeur des fleurs devait la rendre folle ! Elle devait fuir.
— Où... où allons-nous ? hoqueta Darron derrière elle, tiré sans pitié, leurs mains toujours nouées.
— Là où j'étais censée aller, répondit rudement Edith.
Elle s'en voulait d'être aussi agressive, mais par Flamel ! Elle devenait complétement folle ! Les papillons n'étaient plus les seuls à danser dans son abdomen. Une flamme les avait rejoint, bien plus bas. Et ce feu qui la consumait, elle le connaissait très bien : c'était celui du désir.
— Vous aviez rendez-vous ? demanda Darron entre deux foulées.
— Pardon ?
— Vous semblez soudainement pressée, comme si vous fuyez un Feudeymon.
Edith étouffa un ricanement. Il n'avait pas tort. Un putain de dragon de feu la brûlait consciencieusement de l'intérieur, lui murmurant les plus sottes pulsions, toutes tournées vers l'intégrité physique de l'auror.
Edith, tu peux contrôler un Feudeymon, tu peux contrôler tes hormones, se convainquit-elle silencieusement.
La jeune sorcière s'arrêta – l'auror l'évitant de justesse – et se força à expirer doucement. Petit à petit, elle éteignit l'incendie en elle et se retrouva enfin maîtresse d'elle-même.
— Vous avez de la fièvre ? se risqua Darron, ne devant définitivement plus la comprendre.
Il posa délicatement le dos des - longs - doigts de sa main libre sur les pommettes d'Edith. Un geste galant pour lui annoncer qu'elle était rose.
— Un coup de chaleur, répondit-elle avec un sourire confiant.
Elle était de nouveau elle-même. Tout allait enfin mieux : elle était à Gerberoy, réchauffée par le soleil, sa main dans celle de Darron.
— Je vais visiter une amie de Beauxbâtons, expliqua-t-elle enfin à l'auror. Elle s'appelle Suzie.
L'Ecossais acquiesça et les deux sorciers repartirent moins rapidement. Au contraire, leur allure correspondait plus à celle d'une promenade. Mais cela convenait parfaitement à Edith. Son inconscient la fit même se tromper plusieurs fois de chemins, les perdant dans ce petit village, tout dans le but de faire durer l'instant. A présent qu'elle avait calmé le feu en elle, seuls les papillons continuaient de la chatouiller, mais c'en était devenue agréable.
Edith se retrouva à sourire involontairement, appréciant enfin le contact de la main chaude de son non moldu. Lors de leur première rencontre, elle avait été trop pompette pour apprécier ce rare moment : elle avait juste pris sa main pour le tirer dans sa course sous la pluie, jusqu'à la Tamise. Il avait fallu une dizaine de mois pour que leurs mains se rencontrent de nouveau : ce matin. Mais de nouveau, elle n'avait pas pu prendre pleinement conscience de sa caresse : elle était entourée d'Aurors, tétanisée. Mais à présent qu'elle était enfin maîtresse d'elle-même, elle pouvait pleinement apprécier ce contact minime et pourtant si rassurant. La chaleur de la main de l'auror, sa poigne ferme mais douce, sa façon d'enserrer son pouce, sa caresse involontaire lorsque leurs doigts glissaient...
Le sourire d'Edith s'élargit. Mais il se fana aussitôt lorsqu'elle aperçut un homme immobile, proche de la trentaine, au regard fixé sur leurs mains enlacées. Aussitôt, elle dégagea la sienne de celle de Darron. Elle hâta le pas, s'éloignant de l'auror précipitamment.
— Etienne ! interpella-t-elle l'homme avec enthousiasme – du moins l'espérait-elle -.
Un rictus moqueur étira les lèvres de ce dernier.
— Edith... Toujours aussi pressée... Tu fuis la peste ? ironisa-t-il.
La sorcière se retint de justesse de l'incendier du regard. Elle devait protéger Darron de cet homme. Elle figea donc son visage en un sourire taquin et, une fois au niveau du brun, lui fit la bise.
— Je préfère visiblement me jeter dans les bras du choléra.
Des suppositions pour cet Etienne ? Et que pensez-vous d'Edith ?
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