24 : Vous jouez de la cornemuse ?
Dès qu'elle se rematérialisa, Edith stupéfixia la personne qui s'était accrochée à elle. Le cœur battant, elle se retourna et tomba sur Darron. Pourquoi n'était-il pas à terre ? Elle avait lancé son sortilège...
- Stupéfix ! relança-t-elle.
Mais l'écossais ne se figea pas plus, la regardant avec compassion. Edith jura en détournant le regard. Elle adorait cet auror roux, mais elle ne voulait pas de sa pitié. Elle n'en avait pas besoin. Elle allait bien.
- Vous avez un protego ? grogna-t-elle.
- Vous m'avez déjà stupéfixié trois fois. Il était temps que j'en tire une leçon : toujours avoir un protego quand je transplane avec vous, acquiesça-t-il.
Edith hocha de la tête, puis détailla la ruelle dans laquelle ils se trouvaient. Elle ne s'était pas trompée, l'allée de pavés était déserte. Qui s'engagerait dans un cul de sac jonchés de poubelles, à l'arrière d'un restaurant ? Seuls d'éventuels serveurs. Mais elle connaissait ces derniers. Ils étaient les frères moldus de sa meilleure amie de Beauxbâtons. Cette dernière, née-moldue, venait de ce village. Edith était restée quelques temps chez elle quelques années plus tôt pour se resourcer avant de lancer sa maison de haute couture. Elle connaissait donc toute sa famille, ils savaient qu'elle était sorcière.
- Où sommes-nous ? la sortit de ses souvenirs Darron.
Il contourna un sac poubelle à moitié éventré par des chats errants.
- A Gerberoy. C'est dans l'Oise. Dans le nord de la France, précisa-t-elle.
Ils émergèrent de la ruelle sombre. Le soleil les éclaira tandis qu'ils rejoignaient l'artère principale du village.
-C'est mignon, non ? sourit Edith en inspirant avec bonheur l'air doux de la France.
Oui, elle n'était plus dans ce pays pluvieux chargé d'humidité. Elle était chez elle. Elle était en sécurité.
Des centaines de maisons à colombage se dévoilaient à leurs yeux, sous un ciel azur peint de quelques nuages. Des fleurs montaient le long de nombreux murs, encadrant les portes en bois. Le clocher de l'église pourfendait le ciel plus loin.
- On se croirait au Moyen-Âge, souffla Darron impressionné.
Edith se retourna vers lui. Elle se perdit dans la contemplation de son non moldu. Elle admira le soleil jouant avec ses boucles de feu, illuminant son regard saphir. Il était tellement beau... Pour une des premières fois, elle le voyait totalement détendu. Sa mâchoire carrée n'était plus crispée, ses sourcils n'étaient plus froncés. Les soucis de la guerre ne pesaient plus sur ses épaules. Il faisait enfin son âge : celui d'un homme de vingt-deux ans.
Le cœur d'Edith s'accéléra quand ses lèvres s'étirèrent, admirant toujours ce village. Il souriait si rarement. Combien elle donnerait pour que ce soit elle qu'il regarde ainsi, à qui il sourit ainsi...
Je suis ridicule, se reprit Edith.
- Il y a encore plus beau, lui assura-t-elle.
Et tandis qu'ils marchaient dans Gerberoy, la sorcière expliqua l'histoire de ce village. Elle l'emmena jusqu'aux superbes jardins à l'italienne, reposant sur les ruines d'un château. Des glycines, hortensias, clématites, marguerites s'y mariaient.
- C'est un peintre post-impressionniste, Henri le Sidaner, qui les a créés, désigna-t-elle les jardins tout en caressant les pétales d'une rose.
Darron l'écoutait avec attention, se perdant lui aussi dans la contemplation de cette jungle fleurie. Ils marchaient côte à côte, évoluant lentement dans les allées de terre. Parfois, quelques oiseaux gazouillaient une mélodie, avant de s'envoler dans un bruissement de plumes.
Edith se sentait enfin bien. Elle avait l'impression de revenir un mois en arrière, lorsqu'elle rentrait de son travail à pied, longeant le palais de Westminster sous la brume de Londres. Cela ne faisait qu'une trentaine de jours, mais des années semblaient l'en séparer. Il y avait eu tant de secrets, tant de pression. Elle n'aurait jamais imaginé qu'elle déambulerait ainsi avec son non moldu. Lui qui la dégoûtait autant qu'il l'attirait... Il ne restait plus que son obsession décuplée. Elle l'avait toujours trouvé magnifique, mais à présent qu'elle apprenait à le connaître, qu'elle en savait plus sur son passé, il n'était plus qu'un corps. C'était un guerrier, un survivant, un héros pour les victimes dans l'ombre. Mais il était aussi doux, attentionné, préventif : il lisait en elle, elle le sentait. Plus tôt, il avait perçu son trouble face aux Aurors au chemin de Traverse. Il l'avait sortie de son angoisse en lui prenant la main, en la lui caressant...
Bordel, elle voulait qu'il lui reprenne la main ! Mais elle n'oserait jamais le lui demander. Lui ne penserait sûrement pas à le faire. Il devait se considérer comme un auror en mission. Pourtant, il était bien plus que ça pour elle.
- Pourquoi m'avez-vous suivie ? brisa-t-elle le silence.
Il se tourna vers elle.
- Si je ne l'avais pas fait, Monsieur Lebeau vous aurait suivi. Or j'ai cru comprendre que vous vouliez le fuir.
Edith grinça des dents, se souvenant de la trahison de Philipe. Comment osait-il faire des rapports à ses parents !
- Et puis... mon département m'a chargé de votre protection, je ne pouvais pas vous laisser seule... murmura-t-il.
La jeune sorcière soupira. Comme toujours, elle avait raison. Il ne se voyait que comme son garde du corps. Elle pourrait le détromper, mais pour une fois elle préférait être égoïste. Avec Darron, elle se sentait comprise. Il ne la jugeait pas. Et pour une petite fille qui avait toujours dû se conformer aux attentes de la noblesse, puis pour une célébrité dont les moindres faits et gestes étaient criblés, son non moldu était une bulle d'oxygène.
Ils reprirent leur balade côte à côte et quelques fois leurs mains se frôlèrent. La première fois, c'était un pur accident. Mais la deuxième fois, Edith avait peut-être laissé sa main pendre plus près de celle de son non moldu. Par pure inconscience bien sûr. La troisième fois aussi. La quatrième de même. Dès qu'elles entraient en contact, un frisson parcourait l'échine de la jeune française, tandis que son ventre se contractait. Elle n'avait encore jamais ressenti cela. Ce n'était pas la vague de désir qui incendiait son bas ventre lorsqu'elle s'abandonnait dans les bras d'un autre. C'était bien plus innocent et pourtant bien plus intense, comme... des papillons dans le ventre.
Des papillons dans le... oh putain ! écarquilla-t-elle des yeux en en prenant conscience.
Ces insectes étaient associés à... hors de question ! Son corps lui envoyait de mauvais signaux. Elle ne faisait qu'apprécier la compagnie de cet auror,. Rien de plus, rien de moins.
Cette prise de conscience l'inquiéta tant que son cœur s'accéléra et sa respiration s'affola. Une pure réaction physiologique face au stress. Rien de plus, rien de moins.
Pendant les minutes suivantes, Edith ne chercha plus de contact. Mais lorsque le paysage pittoresque lui fit oublier ces papillons dans le ventre, elle souhaita de nouveau prendre sa main.
- Vous jouez de la cornemuse ? brisa-t-elle le silence.
Elle pouffa face à sa réaction. La surprise se peignit sur le visage de Darron, puis l'incompréhension s'y mêla. Il bégaya sa surprise sans réussir à se reprendre.
- Je... Pourquoi ?
- Je ne sais pas, vous avez une tête d'écossais.
Elle espérait ne pas se tromper. Des quelques souvenirs qu'elle avait vu par mégarde la veille, elle se remémorait une ferme au milieu de paysages typiques des high lands écossaisses.
- Je suis écossais par mon père, anglais par ma mère. Mais tous les écossais ne jouent pas de la cornemuse ! s'indigna-t-il. C'est comme si je vous demandais si vous mangez de grenouilles parce que vous êtes française !
Edith se mordit la lèvre, tentant de retenir son hilarité.
- Mais je mange des cuisses de grenouilles. Et c'est délicieux, affirma-t-elle amusée.
La grimace de dégoût que lui offrit Darron la fit éclater de rire. Le regard de l'auror s'adoucit et il sourit à son tour, infecté par la bonne humeur d'Edith.
- Comme quoi, les clichés ne sont pas faux, fanfaronna-t-elle.
- Ah oui ? Alors, puisque vous êtes française, vous êtes toujours de mauvaise humeur et ne faîtes que râler ? leva-t-il un sourcil, prit dans le défi de lui prouver qu'elle avait tort.
- Exactement ! Je suis juste assez bien éduquée pour garder mes jugements pour moi et ne pas les exprimer à voix haute, sourit-elle de toutes ses dents.
- Alors, vous avez une dent contre les Anglais ?
- Au rugby ? Bien sûr ! affirma-t-elle, mais la mélancolie gagna ses traits. Pour le reste, je leur en suis plutôt reconnaissante... Après tout, ils ont libéré la France des Nazis.
Darron comprit et reprit la conversation pour la sortir de ses sombres pensées.
- Vous jugez que votre gastronomie est la meilleure.
- Evidemment ! Je ne vois même pas comment on peut débattre dessus.
- Vous mangez des escargots ! s'insurgea-t-il.
- Certains mangent des insectes ou des serpents ! Chacun mange la faune qu'il a ! se défendit-elle. Nous, on a le fromage et l'alcool. Qu'est-ce que vous avez, vous ?
- On a... notre petit-déjeuner, chercha-t-il vainement.
- On a notre viennoiserie, contra Edith.
Les deux s'étaient arrêtés, ne se lâchant plus du regard. Ils étaient bien trop patriotes pour laisser la victoire à l'autre.
- Le fish and chips, lança Darron.
- Le canard.
- La chicken pie.
- La quiche Lorraine.
Les sourcils de Darron se froncèrent. Il chercha en vain un plat typique mais rien ne lui vint. Edith trépignait en face.
- Le haggis ! lança-t-il enfin.
- Et tu te permets de juger nos grenouilles ? haussa des sourcils la sorcière.
Darron se passa une main dans les cheveux, s'avouant vaincu. Voyant Edith fanfaronnait, il sourit et l'accusa de nouveau.
- Vous êtes imbus de vous-même, se rapprocha-t-il d'elle.
- On a toutes les raisons pour, sourit-elle.
- Vous êtes feignants, fit-il un nouveau pas.
- On travaille pour vivre, pas l'inverse, haussa-t-elle des épaules.
- Vous êtes malpolis, entama-t-il le dernier pas les séparant.
Il la surplombait à présent, obligeant Edith à relever le visage pour maintenir leur contact visuel. La sorcière sentit sa cage thoracique se soulever plus rapidement et sa gorge devenir sèche, alors qu'elle respirait les lèvres entrouvertes.
- Possible, murmura-t-elle.
Le regard azur de Darron s'adoucit. Il ne rompit pas leur défi visuel lorsqu'il souffla son dernier cliché.
- Vous êtes romantiques.
Edith sentit les papillons dans son ventre se réveiller. Elle n'arrivait plus à répondre. Elle s'humidifia les lèvres. Les billes azur du grand roux s'y perdirent. Le contact visuel rompu, elle put enfin réfléchir à la question. Était-elle romantique ?
- Je... disons... Tout dépend de...
Elle chercha en vain ses mots, envoûtée par le parfum de son non moldu, par son ombre la surplombant.
- J'ai toujours préféré Chopin et Litz à Mozard... finit-elle par murmurer. Je suis plus romantique que classique.
Un rictus étira les lèvres du grand roux alors que son regard amusé se replongeait dans le sien. Il la connaissait. Plutôt que de se mettre en difficulté, elle détournait la question de son interlocuteur.
- Lady d'Aveyron, je ne parlais pas de vos goûts musicaux. Ni littéraires. Encore moins votre intérêt pour l'art, lui coupa-t-il l'herbe sous le pied. Je parlais de vous : êtes-vous romantique ?
Alors ce chapitre ? ^^
Sinon j'ai une blague
Quel est le comble pour un écrivain ?
D'avoir moins de temps pour écrire en vacances qu'en période scolaire !
(Désolée pour l'absence. Mais je reviens avec plusieurs chapitres sous le coude !)
J'en profite pour remercier encore une fois tous les lecteurs, une pensée particulière à ceux qui votent et surtout ceux qui commentent ! J'adore voir vos théories et vos réactions !
Je sais que pas mal de nouveaux lecteurs sur wattpad ne sont pas familiarisés avec les commentaires, mais n'hésitez jamais à commenter ! Même juste à la fin de votre lecture pour faire un petit coucou ^^ Il n'y a rien de plus satisfaisant pour un écrivain que de recevoir vos notifs !
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