23 : Emile Paré
— Tout le plaisir est pour moi, répondit machinalement Edith en s'inclinant à son tour.
La française contempla ce médecin, ne comprenant pas sa présence dans sa boutique. Détestant ne pas mener la conversation, elle décida d'en apprendre plus. Elle s'éclaircit donc la voix puis demanda avec son sourire professionnel :
— Vous êtes ici pour une robe ?
Elle vit la stupeur peindre le visage du médecin et entendit une toux camouflant un rire dans son dos. Jetant un coup d'œil derrière elle, elle aperçut Darron, un sourire nostalgique sur les lèvres.
— Vous m'aviez posé la même question, se justifia-t-il.
Edith sourit en s'en souvenant : lorsqu'il était venu dans sa boutique, son décret d'auror sous le bras, devant la surveiller derrière une ordonnance de protection alors qu'elle pensait à l'époque qu'il était potentiellement un mangemort, elle l'avait en effet accueilli de la même façon. Cela devait être une habitude car elle avait fait de même avec le Seigneur des Ténèbres la veille...
Elle frissonna. Aussitôt, le regard de Darron s'assombrit. Le sourire de Philipe se crispa un instant. Mais très vite, l'auror français reprit contenance et présenta l'inconnu.
— Edith, le docteur Emile Paré a certes fait des études médicales magiques, mais il a aussi suivi une formation de psychologie. Il s'occupe de la santé mentale de notre régiment, commença à expliquer Philipe.
Il continua de décrire les bienfaits de la thérapie de cet Emile Paré, mais Edith ne l'écoutait déjà plus. Un psychologue ! Philipe pensait qu'elle avait besoin d'un psychologue ! Certes, elle avait frissonné au souvenir de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Certes, elle avait enchainé cauchemar sur cauchemar cette nuit. Certes elle s'était retrouvée tétanisée plus d'une fois ce matin. Mais un psychologue ? Elle n'était pas malade !
— Quel noble métier, je vous remercie de tout cœur de prendre soin de nos Aurors, coupa-t-elle Philipe en s'adressant au dit docteur.
Le psychologue sourit pour la remercier. Mais son regard restait perçant, analysant la moindre de ses mimiques pour évaluer son état psychologique, à la recherche d'un signe de faiblesse.
Chose qu'il ne trouvera pas puisque je vais très bien, pensa Edith en tentant de garder un visage cordial.
Le monde semblait être contre elle aujourd'hui. D'abord les journaux, puis sa tante, ses parents, Philipe, Darron et maintenant ce docteur ! Ne pouvait-elle pas simplement travailler en paix ?
— Je vais malheureusement devoir vous demander de partir, il faut que j'ouvre ma boutique, déclara-t-elle fermement.
— Edith... s'avança Philipe.
— Toi aussi, Philipe, appuya-t-elle froidement son prénom.
L'auror français pinça des lèvres, sachant très bien qu'elle l'appelait par son prénom entier lorsqu'elle voulait garder le contrôle. Et si elle le désirait, c'est qu'elle ne le maîtrisait pas. Or une Edith qui ne contrôlait pas la situation était une Edith qui n'allait pas bien. Il ne pouvait pas l'abandonner.
— Edith, continua-t-il, IllumisMoa est fermée pour quelques temps. Le Ministère de la Magie veut y avoir accès pour rechercher le moindre indice les emmenant jusqu'au Seigneur des Ténèbres.
— Ils ne trouveront rien, ce n'est qu'une boutique de vêtements, argua-t-elle glacialement.
La sorcière croisa le regard du français et grinça des dents en y lisant de la pitié.
— Quoi qu'il en soit, je ne vais pas laisser qui que se soit dans ma boutique, alors que je ne suis pas là.
IllumisMoa représentait tout pour elle. Son travail. Sa réussite. Son tremplin. Sa preuve. La preuve qu'elle pouvait autant réussir dans la mode que dans l'Alchimie. La preuve que vivre parmi les Moldus lui avait bien plus apporté que ce qu'elle avait perdu. Elle n'allait pas laisser des inconnus y vagabonder, alors qu'ils pourraient lui voler ses œuvres ou pire, ses idées !
Les mâchoires serrées, elle balaya son havre de paix du regard. Ses yeux passèrent sur le comptoir d'accueil, puis montèrent sur les lustres de crystal dont la lumière se reflétait dans les grands miroirs. Son regard ne manqua pas le petit salon avec fauteuils, puis tomba sur la porte d'entrée.
Un bourdonnement brouilla son audition alors qu'elle ne quittait pas des yeux cette porte. Celle-ci était fermée. Personne n'entrait. Elle était en sécurité. Pourtant son cœur s'accélérait, ses extrémités s'engourdissaient. Elle sentit sa respiration devenir sifflante et la sueur perler sur son front. Mais elle n'arrivait pas à détacher son regard de cette porte. Tant que cette dernière était fermée, elle était en sécurité. Tant que personne n'entrait, elle n'aurait rien. Elle ne devait pas la quitter du regard, sinon quelqu'un entrerait. Et si quelqu'un entrait, elle souffrirait encore. Sa gorge devint sèche, sa vue se voila. Elle entendit la clochette tintinnabuler et le grincement de la porte d'entrée. Tétanisée, elle vit deux rubis l'observer avec mépris avant qu'un rire glacial s'élève dans ce silence. Une baguette la cibla et un sort vert fusa vers elle.
— Edith ! Edith, tu m'entends ?
Paniquée, Edith hoqueta et se redressa. Elle chercha partout du regard son bourreau mais il avait disparu. Il n'y avait que Darron, Philipe et le médecin, l'observant tous avec attention. La jeune sorcière souffla, tentant de reprendre ses esprits. Voldemort n'était pas là. Elle avait dû se l'inventer. Elle était toujours dans sa boutique, assise au sol. N'était-elle pas plus tôt debout ? Était-elle tombée ?
Les mains tremblantes, elle tenta en vain de se relever. Darron lui vint en aide et ne la lâcha pas lorsqu'elle fut debout. Presque adossée à lui, elle confronta Philipe du regard. Elle savait ce qu'il pensait. Mais il avait tort. Elle allait bien. Ce n'était rien.
— Lady d'Aveyron ? attira doucement son attention le docteur.
Edith inspira puis étira ses lèvres dans un sourire de convenance et se tourna vers le médecin mage.
— Docteur Emile Paré ? retourna-t-elle la question.
Ce dernier l'observa un instant, sans rien dire. Puis, en voyant que la jeune sorcière ne comptait pas reprendre la parole, il reprit.
— Que s'est-il passé ?
Aussitôt, Edith se crispa. Elle déglutit furieusement. Pourquoi ne lui avait-il pas demandé si elle allait bien ? Elle aurait pu le lui confirmer puis ils seraient passés à autre chose. Mais non, il la confrontait ! Que devait-elle lui dire ? Qu'elle avait cru revoir Voldemort dans l'embrasure de la porte ? Qu'elle avait eu si peur qu'elle était tombée sans même s'en rendre compte ? Jusqu'à quand devrait-elle s'humilier ! Elle allait très bien, elle voulait juste être tranquille !
— J'ai dû faire un malaise vagal, répondit-elle finalement en haussant des épaules. Ça m'arrive parfois. Quand il fait chaud.
Elle se mordit la lèvre en s'injuriant. Quand il fait chaud, oui ! Elle était en Angleterre, en Février ! Il caillait ! Et le magicomage face à elle le savait bien.
— Assez drôle de dire ça en Angleterre, tenta-t-elle de se rattraper en riant faussement. Mais bon, les hormones, les cycles... c'est peut-être la ménopause qui me guette ! C'est vous le docteur.
Mais qu'est-ce qu'elle racontait ! La ménopause, à son âge ? Non seulement elle s'humiliait devant ce médecin qui n'était pas dupe, elle ressentait la pitié de Philipe, et en plus elle se donnait en spectacle devant Darron ! Mais que lui arrivait-il ? Elle qui avait toujours réponse à tout, elle qui avait tourné en bourrique le Ministère, elle qui avait fait rougir son non moldu, elle n'était même plus capable de garder la face face à ce médecin !
La gorge sèche, Edith déglutit, croisant une dernière fois le regard empli de pitié de son mentor. Non, Philipe ne devait pas avoir pitié d'elle ! Elle allait très bien, elle avait juste besoin de vacances. Oui, j'ai juste besoin de vacances. Toutes ces tensions m'ont usée, se convainquit-elle.
— Comme il fait beau dehors ! Puisqu'on m'empêche de travailler, je devrais en profiter, s'enjoua-t-elle un peu trop.
Elle évita le regard de Philipe et ne réagit pas quand il se rapprocha d'elle.
— Tu fuis, Edith, lui chuchota-t-il.
Insultée, la jeune femme se tourna vers lui, furieuse.
— Ce verbe ne fait pas parti de mon vocabulaire !
— Alors laisse moi te le définir. Fuir, c'est s'éloigner en toute hâte pour échapper à une difficulté.
Edith déglutit en ne pouvant rien lui répondre.
— Tu fuis, Edith, asséna-t-il la vérité.
Humiliée, la jeune femme baissa la tête, cherchant à cacher ses yeux humides.
— Laisse nous t'aider.
Mais plutôt qu'être soulagée, la sorcière se retrancha dans ses positions.
— Je n'ai pas besoin d'aide, Philipe, détacha-t-elle chaque mot dans une colère froide. Je vais profiter du plein air, le temps que leurs Aurors fassent leur travail. Ensuite, je reprendrai le mien.
Elle s'apprêta à se détourner définitivement de lui, mais il lui attrapa le bras.
— Dis-moi où tu vas, au moins.
Edith déglutit, se rappelant de la question de Darron, plus tôt dans la matinée. Savait-elle que Philipe était envoyé par les d'Aveyron pour la surveiller ? Elle n'y avait jamais songé. Elle refusait d'y croire. Philipe savait tout d'elle, toute sa rancœur envers sa famille. Il ne pouvait pas avoir pris leur parti. Et pourtant...
— Pour que tu le dises à Lord d'Aveyron ? l'accusa-t-elle.
Philipe écarquilla les yeux avant de bredouiller.
— Edith... je ne sais pas qui t'a dit ça, mais... ce n'est pas ce que tu crois...
— Puisque tu es bien à la botte des d'Aveyron, je te dis où je vais : à Gerberoy, pour gerber ta trahison.
Puis elle se dégagea de sa poigne. Elle se tourna vers Darron et lui tendit son bras. Mais il ne le prit pas. Surprise, elle chercha ses yeux et y lut de la confusion. Mais déjà il détournait le regard... pour chercher celui de Philipe ! Humiliée comme jamais, elle baissa son bras brusquement.
— Sur ce, messieurs, belle journée, s'éclaircit-elle la gorge.
Elle avait voulu s'enfuir dignement. Mais elle avait entendu sa voix craquer. Elle ferma ses yeux pour tenter de chasser les larmes d'humiliation et de fureur. Elle les rouvrit puis, alors qu'elle sentait quelqu'un s'accrocher fermement à son bras, elle transplana.
Si le message n'était pas clair, Edith va parfaitement bien ! ;)
Blague à part, la réaction d'Edith est celle de nombreuses personnes quand on leur propose d'aller voir un psychologue. Ils se braquent. Pourtant, si vous avez un AVC, qu'est-ce que vous faites ? Vous allez aux urgences, vous êtes pris en charge par des médecins, des neurologues, etc. Quand vous vous cassez la jambe, vous ne restez pas chez vous à vous dire que ça se soignera tout seul. Ca devrait être pareil pour les psychologues. Ca ne sert à rien de garder tout pour vous, sous risque de craquer plus tard. Allez voir le professionnel de santé adapté, ici le psy <3
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Vous préférez un prochain chapitre pdv Darron ou Edith ? (promis, quel que soit le pdv, ça sera la suite XD)
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