22 : Fidelis
Rappel : lorsque le personnage parle en français, la réplique est en italique.
Edith sursauta et tira sa baguette. Elle la pointa sur un Darron qui ne cilla pas. Soufflant pour se rassurer, elle baissa sa baguette et contempla l'homme dans l'embrassure de la cuisine. Elle fronça les sourcils en notant sa robe d'auror sur le dos, toujours aussi laide. Mais même cet immonde uniforme ne pouvait cacher la beauté de son non moldu, ses grands yeux bleus ne la lâchant pas du regard. Elle dut se perdre un instant de trop dans ces billes océans car elle oublia la question. Qu'est-ce qu'il voulait savoir ?
— Bien dormi ? demanda-t-elle en retour, tentant de garder contenance.
Elle lut un éclair de culpabilité dans ses yeux, mais il se contenta d'acquiescer, avant d'observer avec intérêt le téléphone encore dans ses mains.
— C'est incroyable n'est-ce pas ? sourit-elle, oubliant le mage noir un court instant. Avec ça, je peux parler à n'importe qui, qu'importe quand, n'importe où. C'est bien plus pratique que les chouettes ! Quel objet magique...
Son sourire devait être contagieux car Darron baissa la tête, essayant de dissimuler le rictus étirant ses lèvres. Edith aurait voulu lui relever son visage pour admirer les étoiles dans ses yeux lorsqu'il souriait ainsi, mais elle était trop loin pour cela. Elle ne pouvait pas non plus l'obliger à lui dévoiler ce qu'il souhaitait garder pour lui. Elle attendrait qu'il soit prêt.
— Qui est-ce que vous aviez au téléphone ? s'enquit-il en relevant son regard vers elle.
— Phil, répondit-elle avant de se reprendre. Philipe. Philipe Lebeau. Le grand blond qui vient parfois me rendre visite.
— Oui, je sais qui c'est, grogna-t-il en s'assombrissant. Et il n'est même pas grand, marmonna-t-il lui pour lui-même.
Est-ce qu'il serait jaloux ? espéra-t-elle en le suivant du regard, un sourire taquin aux lèvres.
— Et, qu'est-ce qu'il voulait ? l'interrogea l'auror britannique.
— S'assurer que j'étais vivante. Il n'arrivait pas à retrouver mon appart... se rappela-t-elle, intriguée.
Elle releva les yeux vers Darron et le vit serrer ses poings. L'auror tentait de dissimuler une frustration intense. Mais avant qu'elle ne tente de le taquiner, les yeux de l'écossais s'écarquillèrent et il souffla dans un murmure.
— Le fidelis...
La sorcière fronça les sourcils, ne comprenant pas.
— Il se peut que... en visionnant votre souvenir, je me suis permis de vous chercher... et que j'ai toqué à votre porte, rosit-il en s'expliquant. Puis, dans un instant de psychose, de peur qu'il vous soit arrivé quelque chose, je me suis peut-être permis d'entrer... Puis en ne voyant aucune protection magique, alors que vous pouviez être attaquée par des Mangemorts à cause de votre prise de position... j'ai lancé un fidelis sans réfléchir.
Edith se mordit la lèvre, plus amusée qu'étonnée. Comment pouvait-elle lui en vouloir en observant son embarras, ses boucles rousses semblant pâles face à ses oreilles.
— Je suppose que c'est plus prudent, le rassura-t-elle d'un ton posé.
Ce sortilège rendait indétectable un lieu. Nul ne pouvait le trouvait, à moins que le gardien du fidelis ne partage son adresse. Celui qui la connaissait pouvait alors le trouver. Cela expliquait pourquoi Philipe n'avait pas pu y accéder, le sortilège ayant effacé sa mémoire.
— Soit ! Il faut que je retourne travailler, décréta-t-elle en se redressant. Merci d'avoir veillé sur moi. Combien vous dois-je ?
— Pour ? bredouilla Darron.
— Pour les heures supplémentaires !
L'auror la regarda un instant sidéré puis se gratta la nuque.
— Je... tenta-t-il de formuler ses pensées mais rien ne suivit.
Il souffla puis la regarda gravement.
— Vous devriez vous reposer, votre corps a subi un grand traumatisme.
Edith serra ses poings, une boule dans le ventre. Elle se doutait qu'il avait raison, mais elle refusait d'être aussi faible.
— Je n'ai pas besoin d'un deuxième Philipe, répliqua-t-elle acidement. Il m'a déjà fait la leçon, j'ai compris, merci.
— Lady d'Aveyron...
Son murmure réprobateur fit frissonner l'échine de la sorcière, n'ayant encore jamais été ramené par son non moldu à sa position sociale.
— Est-ce que votre Philipe a déjà été torturé ? demanda-t-il doucement.
— Je... ne crois pas, hésita-t-elle, comprenant où il allait en venir.
— Moi, oui, continua tristement Darron. Je sais bien que c'est plus facile de garder sa routine quotidienne, pour noyer notre douleur dans l'habitude. Mais attendez demain. Votre corps a besoin de repos.
Comment pouvait-elle lui refuser cela ? Mais elle le devait pourtant, un d'Aveyron n'était jamais blessé.
— Il faut que je voie Philipe, murmura-t-elle.
Elle déglutit en voyant son non moldu retrouver son masque froid, mais elle devait rester fidèle à ses envies : elle allait montrer au monde que personne ne pouvait la blesser. Quand à ses parents, ils verraient bien qu'elle assumait chacun de ses choix sans le moindre regret.
— Êtes-vous sûr de pouvoir lui faire confiance ?
— A Phil ? Pas la moindre doute ! acquiesça-t-elle.
— Il ne mentait donc pas en affirmant avoir été chargé de votre protection par la famille d'Aveyron ?
Edith fronça les sourcils, soutenant le regard froid du britannique. Elle ne comprenait pas la question de Darron. Philipe avait-il laissé entendre qu'il était aux ordres de ses parents ? C'était impossible, ça devait être une stratégie pour cacher le fait que c'était un résistant, rien de plus... Alors pourquoi commençait-elle à douter ? Elle savait Philipe sincère dans leur amitié. Mais était-il aussi chargé de la surveiller et de faire des rapports avec sa famille ?
Un gout âcre lui brûla la gorge en imaginant son père et sa mère lire les rapports hebdomadaires au coin du feu dans leur grand salon, alors qu'elle était sans nouvelle depuis cinq ans.
— Exactement, il était chargé de ma protection, mentit-elle un peu trop virulemment.
Elle croisa le regard peiné de son non moldu et elle lui tourna le dos, refusant de paraître faible. Il avait très bien compris qu'elle n'était pas au courant.
— Je vous accompagne, murmura Darron en la rejoignant, lui tendant son bras.
Refoulant sa colère, Edith lui sourit faiblement pour le remercier. Elle s'accrocha à son coude et l'auror les téléporta sur le chemin de Traverse.
Aussitôt, une dizaine de baguettes les encerclèrent. Seul le protego de Darron, lancé en prévention sur lui et Edith, les protégea des stupéfix qui fusèrent. Edith regarda, tétanisée, les silhouettes noires les encerclaient, le visage froid et menaçant.
— Auror en mission ! s'égosilla Darron pour rassurer ses collègues.
Les aurors écarquillèrent les yeux en reconnaissant la grande couturière et aussitôt toutes les baguettes se baissèrent.
Toujours immobile, le cœur battant, Edith tenta en vain de se calmer. Sa vision était brouillée et son audition était comme défaillante : elle n'entendait plus rien d'autre que les battements de son cœur. Mais qu'avait-elle donc ? Pourquoi n'avait-elle pas pensé à lancer un protego ? Pourquoi n'était-elle pas prête à stupéfixier tout ce qui pourrait la menacer, comme à son habitude ? Pourquoi n'était-elle pas capable de tenir tête à cette poignée d'hommes ? Pourquoi ne pouvait-elle pas même bouger ? Pourquoi n'entendait-elle rien ?
Elle sentit la main de Darron enlacer la sienne et la presser doucement, comme pour lui donner un rocher où s'ancrer. La douce caresse qu'il exerçait de son pouce sur sa peau la calma. Son audition lui revient et sa vue se rééclaira.
— J'emmène Lady D'Aveyron à son lieu de travail, j'étais chargé de sa protection jusque-là, expliquait Darron d'un ton professionnel à ses collègues.
— Dispersez-vous à présent ! ordonna un des aurors à ses collègues avant de se tourner vers Edith. Mille excuses, Lady D'Aveyron, nous ne voulions pas vous accueillir ainsi. Mais il est à présent interdit de transplaner dans le Chemin de Traverse. Il faut passer par le Chaudron Baveur. Ainsi, si il y a une nouvelle attaque....
Il se tut subitement en voyant la pâleur de la sang pur. Il se contenta de s'incliner puis de retourner à son poste, laissant Edith seule avec Darron. Les mains toujours enlacées, elle profita encore un instant de sa chaleur. Mais il retira sa main, avant de l'inciter à s'avancer.
— Tout le monde vous regarde, chuchota-t-il.
La jeune femme détailla le chemin de Traverse. Bien qu'il soit bien moins fréquenté que d'habitude, il ne devait y avoir pas moins d'une centaine de visages tournés vers elle. Elle se redressa aussitôt et sourit aimablement à certains de ses clients, avant de marcher à pas vifs vers sa boutique. Elle devait leur montrer qu'elle ne craignait rien, que rien ne pouvait l'ébranler.
Des murmures bruyants la suivirent le temps d'atteindre IllumisMoa et Edith se retrouva à souffler de soulagement en entrant dans sa boutique, après avoir salué rapidement des aurors britanniques gardant ses portes.
— Edith ! s'écria Philipe au loin, avant de la rejoindre et de l'enlacer.
La jeune femme sourit du mieux qu'elle put, tapant dans son dos pour le rassurer.
— Ne redisparais plus comme ça : tous nos Aurors t'ont cherchée, j'étais prêt à contacter le Ministère français ! gronda-t-il à toute vitesse en français.
— Tu ne risquais pas de me trouver, j'étais en Ecosse, devant un lac paumé au milieu de la cambrousse, rit légèrement Edith en se détachant de lui.
Mais déjà son mentor ne la regardait plus, défiant du regard Darron.
— Vous n'avez pas pensé à nous prévenir ? l'accusa l'auror français en anglais.
— Ce n'était pas responsable de ma part, admit le britannique. Mais si vous aviez prêté plus attention à votre amie, vous auriez vu qu'elle n'allait pas bien. Vous ne pouviez pas la laisser dans cet environnement où elle venait d'être agressée.
Philipe fronça des sourcils en se tournant vers Edith. Celle-ci lui sourit pour le rassurer.
— Désolé, Edith, lui demanda-t-il pardon.
— Ce n'est rien, je suis une grande fille. Je peux me débrouiller toute seule.
—Vu ton état hier... continua-t-il de s'inquiéter.
Mais très vite, un sourire vint étirer ses lèvres.
— Heureusement que j'ai fait signé à tous les Aurors présents un contrat de confidentialité. Sinon tu pourras avoir peur pour ta réputation.
Puis il prit une voix de petite fille.
— Phil, mes robes n'ont pas de fils ! Fiou, fiou, je suis un oiseau ! Barbie a trouvé ses ken, barbie est contente !
Edith rougit violemment. Elle ne se souvenait pas de cette partie de la soirée mais sa fierté en prenait un coup. Cela ne faisait que lui confirmer que le contrôle était primordial. Dès qu'on ne l'avait plus, on n'était à l'abri de rien.
— Tu es sûr qu'ils ont bien tous signer ? s'assura-t-elle, ne souhaitant pas faire la une des journaux pour une raison si ridicule.
— Il n'y a que ton berger qui n'a rien signé, lui murmura son ami avant de se tourner vers Darron et de lui parler en anglais. Si vous pouviez signer cet accord...
Philipe invoqua la feuille et la donna à l'auror britannique. Puis il se tourna vers Edith.
— Je ne comprends toujours pas pourquoi je n'ai pas trouvé ton appart... J'ai beau chercher l'adresse...
— Darron a lancé un fidélis.
La mâchoire du français se décrocha alors qu'il regardait la sorcière, estomaquée. Tout en murmurant des injures de surprise, il détailla l'écossais qui lisait avec attention les clauses.
— Donc tu lui fais entièrement confiance ? lui chuchota-t-il.
— J'ai lu dans son esprit, hier. Il m'a aussi juré sous Véritaserum qu'il préférait mourir que s'allier à... Tu-sais-qui.
Le blond siffla tandis qu'Edith souriait, fière d'elle.
— Tu crois vraiment que je l'aurai suivie tranquillement si je ne m'en étais pas assurée, même sous morphine ?
Philipe se retourna vers elle et la détailla. Le sourire qu'il lui offrit ne dit rien de bon à la jeune sorcière.
— Honnêtement, Edith ? Je crois que tu te serais noyée dans ses yeux, que sa voix t'aurait rendue mièvre et que tu l'aurais suivi. Comme un marin envoûté par une sirène.
—Je t'emmerde, grogna Edith.
Mais il n'avait pas totalement faux. Elle avait perdu trop de fois toute capacité de réflexion, plongée dans l'abysse de ses yeux. Et ça l'effrayait. Elle aimait l'avoir à ses côtés. Mais elle détestait perdre le contrôle. Or il risquait de le lui faire perdre souvent.
Comme s'il avait lu ses pensées, Darron releva la tête et sonda le regard d'Edith. Puis il signa ce contrat de confidentialité et le donna à Philipe.
— Je vous remercie. Je m'adresse maintenant au gardien du Fidelis. Pourriez-vous me donner l'adresse de notre chère Edith ? demanda le blond, un éclair de provocation dans les yeux.
Ils virent tous la mâchoire du roux se crisper à l'entente du qualificatif d'Edith. Darron défia Philipe du regard un long moment. Finalement, il se retourna vers Edith et lui demanda son accord, du regard. Celle-ci le lui donna et Darron murmura à l'oreille de Philipe l'adresse de la jeune femme.
Au même instant, un auror britannique entra.
— Monsieur Lebeau ? Un certain Emile Paré souhaite entrer. Il prétend vous connaître.
— Nous l'attendions justement ! lui confirma le français.
L'auror britannique les salua donc et laissa entrer un sorcier inconnu, d'une trentaine d'années. Ce dernier s'inclina avant de se présenter, le regard ancré dans celui d'Edith.
— C'est un honneur Lady D'Aveyron, je suis le docteur Emile Paré.
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