20,1 : Sous Véritaserum
[Rappel de l'intrigue en commentaire ->]
— Que voulez-vous ? finit-elle par demander, le ton froid.
Elle l'ignorait toujours du regard mais il l'acceptait. Il se plierait à ses besoins sans la moindre question.
— Je voulais vous demander pardon, finit-il par souffler, pardon pour tout : pour ma méfiance infondée, pour mon comportement, pour mon mépris, pour mon abandon. Je voulais vous demander pardon pour ne pas vous avoir accordé le bénéfice du doute quand j'ai su que vous pratiquiez la magie noire, alors même que j'avais bien pu voir que vous n'aviez pas la mentalité des Mangemorts. Vous demander pardon pour ne pas avoir visionné le souvenir que vous m'aviez laissé. Vous demander pardon pour ne pas avoir été là quand vous aviez besoin de moi... murmura-t-il la gorge nouée.
Il se sentait si lamentable, si idiot ! Si seulement il pouvait prendre un retourneur de temps et confronter son jeune lui pour changer le cours des choses : mais c'était impossible, jouer avec le temps n'était jamais sans conséquences.
— Si ça peut soulager votre conscience, vous êtes pardonné, annonça la châtain d'un ton désintéressé. Ce n'est pas comme si vous me deviez quoi que ce soit, vous n'êtes qu'un auror en mission, conclut-elle amèrement en le regardant enfin dans les yeux.
Le constat faisait mal mais elle n'avait pas tort. Il l'avait approchée sous les ordres de son supérieur. Si il avait pu confier cette mission à quelqu'un d'autre, il l'aurait fait avec joie. Alors pourquoi l'entendre le peinait tant?
Et pourquoi avait-elle presque craché le mot auror, comme si elle n'y croyait pas ?
Oh, elle pense toujours que je suis un mangemort... comprit-il un brin trop tard.
Il s'apprêtait à la détromper mais s'arrêta aussitôt : quelle valeur avait sa parole ? Alors, conscient qu'il ne pourrait plus revenir en arrière, il prit la fiole contenant le reste de Veritaserum et le but à son tour, ne pouvant plus mentir. Si par malheur la discussion s'orientait vers ses sentiments, il n'aurait d'autre choix que de les avouer. Et cette perspective était terrifiante.
Ne sachant comment lancer la conversation, il demanda sans réfléchir la plus stupide des questions.
— Vous n'avez rien à voir avec le Seigneur des Ténèbres ?
Aussitôt dit, il s'injuria de tous les noms alors qu'il voyait défiler dans les yeux de sa française toutes sortes d'émotions. Mais quelle ne fut sa surprise quand se dessina l'esquisse d'un sourire sur ses lèvres rosées.
— J'allais partir dans le sarcasme, mais cette con de potion m'en empêche, ricana-t-elle en français en s'entortillant une mèche autour de l'index.
Le cœur de Darron se serra en voyant sa tresse habituellement impeccable aussi hirsute, après qu'elle se soit roulée de douleur.
— Et vous. Vous venez de Serpentard. Ce sont les gosses de votre promotion qui se sont engagés, retourna-t-elle la question en le fixant dans les yeux.
Il pouvait lire dans son regard de la colère ou encore du mépris, mais il semblait y apercevoir une lueur d'espoir, la même qu'il avait eu de nombreuses fois ces dernières semaines. Oubliant le reste, il s'accrocha à cette lueur et, sans la quitter du regard, défendit sa maison :
— Merlin était aussi un Serpentard. Pour entrer dans cette maison, il faut avoir de l'ambition. Tout comme la magie noire, ce n'est pas le fait d'en avoir qui ronge la société, mais le fait que des individus en ayant croient en des idéaux cruels : c'est le cas de mes anciens camarades de classe s'étant rangés du côté du Seigneur des Ténèbres.
La lueur d'espoir balaya la colère dans les yeux de sa française, mais il voyait bien que son corps restait tendu : elle ne lui faisait toujours pas confiance.
— Je préfère me tuer plutôt que de me ranger du côté du Seigneur des Ténèbres. Je ne serai jamais mangemort.
Un souffle s'échappa des lèvres de la grande couturière alors qu'elle le fixait avec attention et, pour la première depuis longtemps, sans la moindre trace de mépris : il n'arrivait pas à déchiffrer toutes les émotions qui peignaient son visage mais il put y lire de l'incompréhension et de la remise en question.
— Je peux ? demanda-t-elle en effleurant de ses doigts les tempes de l'auror.
La caresse était si douce qu'il accepta sans hésiter et elle s'enfonça dans son esprit. Se rendant compte trop tard qu'elle avait à présent accès à ses plus profonds désirs, il tenta de garder le cap et de l'éloigner de tout ce qu'il n'aimerait pas qu'elle sache de lui : Cissy, Malefoy, elle... Il préféra lui montrer sa vision de leurs dernières semaines, non sans taire tous ses questionnements quant à ses sentiments, lui dévoiler des souvenirs le mettant en valeur comme ses combats en tant qu'auror, tout ce qui pourrait la rassurer sur sa non appartenance au cercle du Seigneur des Ténèbres.
Mais sentant qu'il pensait trop souvent à ce qu'il ne fallait pas, il reconsolida sa barrière en douceur et rouvrit les yeux en expirant, se rendant compte qu'il avait été tout ce temps en apnée.
L'auror écarquilla les yeux en voyant une larme couler de ceux encore clos de sa française. Doucement, il l'essuya tout en évitant de baisser son regard sur ses lèvres entrouvertes, bien trop tentantes pour le pauvre fou qu'il était.
Elle ouvrit alors ses paupières et il se noya dans son regard noisette dans lequel pétillaient des étoiles : cela faisait si longtemps qu'il n'avait pu les admirer, il ne put rompre le contact de lui-même.
Ce fut elle qui détourna le regard et trembla en tombant sur la porte d'entrée, par où son tortionnaire était entré. Sa respiration s'accéléra, alors qu'une fiche couche de pellicule recouvrait son front à la résurgence du souvenir.
Sans réfléchir, Darron la prit dans ses bras et, en lui caressant les cheveux, lui demanda ce dont elle avait besoin.
— De calme, répondit-elle en français d'une toute petite voix. Un endroit où il ne pourra pas me trouver.
Darron se mordit la lèvre en comprenant très bien de qui elle parlait, du mage noir en personne. Il avait un endroit où ce dernier ne pourrait se rendre.
— Le plein air vous tente ? essaya-t-il vainement de se vouloir enjoué, mais aucun des deux n'y crue.
— Je peux vous faire confiance ? s'assura-t-elle un brin accusateur.
— Je ne vous ferai jamais de mal, promit-il et elle le crut puisqu'il était toujours sous véritaserum.
Alors elle attrapa son bras et il transplana.
Evidemment, il tomba raide par terre, une nouvelle fois stupéfixié. Jamais deux sans trois, comme disent les français ! tenta en vain de positiver le britannique, le nez dans la boue.
— Pardon, réflexe, s'excusa la française dans sa langue maternelle en le défigeant, nettoyant avec un mouchoir en tissu la face de son non moldu.
Les yeux au sol, Darron chercha à contrôler le teint de ses oreilles en se rendant compte qu'elle était encore plus séduisante lorsqu'elle parlait français. Et puis, même si il appréciait l'attention qu'elle lui portait en le débarbouillant, il ne pensait pas qu'il réussirait à tenir son regard s'il relevait la tête... Quoi, elle me débarbouille ? Elle me prend pour un gosse ? s'inquiéta-t-il soudainement.
Oui, elle lui avait littéralement dit quoi faire lors de leur première nuit mais, mis à part son inexpérience de ce côté-là, il avait vingt deux ans et n'était plus un gamin ! Il voulait qu'elle le considère comme l'homme qu'il était ! C'était à lui de la protéger et de prendre soin d'elle !
— Vous n'avez pas à vous excuser, j'aurais dû vous prévenir, ancra-t-il ses yeux dans le sien.
Délicatement, il prit le tissu de la main fine de sa française et finit de s'essuyer lui-même. Un minimum coquet, il fit apparaitre un miroir et vérifia son allure dedans. Une fois acceptable, il se retourna vers la grande couturière et la vit admirer le lac, ce même lac dans lequel il était tombé après avoir fui Edith lors de leur retrouvaille, lorsqu'elle avait découvert qu'il venait de Serpentard.
Cela ne faisait pas même un mois et tant de choses avaient changé... Il avait l'impression d'être tombé de charybde en scylla, mais à présent tout irait mieux. Il tenta de s'en convaincre.
— Vous parlez français, se tourna-t-elle vers lui, un air curieux sur le visage.
Ce n'était pas tant une question qu'une constatation et Darron se demandait comment, par Merlin, elle le savait.
— Vous m'avez comprise tout à l'heure, quand je me suis excusée, expliqua-t-elle un brin amusée en le voyant si perdu.
Le britannique sourit à son tour, heureux de la voir ainsi. Combien de fois avait-il espéré pouvoir de nouveau se tenir près d'elle sans qu'elle ne le méprise du regard ?
-Je comprends surtout, finit-il par répondre à son tour en français.
Un sourire illumina le visage de la châtain alors qu'une lueur taquine s'allumait dans son regard. Darron en savait très bien la cause : oui, il avait un accent un peu plus que prononcé. Pour sa défense, il n'avait jamais conversé avec personne, ayant appris en autodidacte la langue de l'amour à travers des livres grammaticaux et le dictionnaire.
— Et moi j'ai failli ne pas vous comprendre, se moqua-t-elle sans le moindre état d'âme.
Habitué aux moqueries, il savait que sa française ne cherchait pas à le blesser mais plutôt à le taquiner. Et il ne s'en lasserait jamais. Si elle pouvait le titiller pour le restant de ses jours, il serait le plus heureux des hommes. La voir ainsi si joyeuse, entendre son rire si communicatif et si doux, admirer ses yeux plissés et son sourire sincère...
Le contraste était saisissant entre l'Edith devant lui et celle pas même une heure plus tôt.
— Pourquoi donc le français ? ne lâcha-t-elle pas le sujet, s'asseyant dans l'herbe avec grâce.
— Votre robe... s'inquiéta-t-il en la rejoignant au sol.
— Mes créations sont protégées par des sortilèges pour ne pas se froisser ou se tâcher, quand bien même on viendrait à se jeter dans la Tamise.
Epaté, Darron l'interrogea sur sa façon de procéder et s'inclina face à sa maitrise de la magie. Il savait qu'elle avait fait un bac Alchimie à Beauxbatons, ça devait être un jeu d'enfant pour elle de faire de telles prouesses.
Et puis il eut une révélation. Se jeter dans la Tamise... Ils l'avaient fait tous les deux. Lorsqu'il l'avait rencontrée, qu'elle lui était tombé dans les bras, implorant pour du feu, après qu'ils aient partagé cette cigarette en silence, elle l'avait entrainé dans une course folle dans la capitale de la Grande Bretagne, avant de sauter du pont enjambant le fleuve londonien : lui qui l'avait suivie jusque-là, sans même savoir pourquoi, il n'avait pas hésité un seul instant avant de s'élancer à son tour dans la Tamise. Et puis elle l'avait embrassé : c'était si doux, aussi léger qu'une caresse, ça aurait pu n'être qu'une parenthèse dans sa vie... mais quand il avait croisé son regard si tendre après cela, il avait senti qu'il lui appartenait tout entier. Et puis elle l'avait attiré chez elle... sous prétexte qu'elle ne devait pas salir sa robe ! Elle lui avait pris son innocence par ce petit mensonge !
— Vous m'aviez dit que c'était une pièce de haute couture, qu'il ne fallait pas la salir... hésita-t-il, n'osant rappeler le contexte par timidité.
Face à son silence, il lui jeta un petit coup d'œil et rougit jusqu'aux racines en la voyant sourire, les yeux dans le vague, éclairée par la douce lueur de la lune.
Par Merlin, qu'est-ce qu'elle était belle.
Elle ressemblait à une nymphe, à une déesse de la nature, à Artémis. Ses cheveux s'étaient totalement détachés, retombant dans le creux de son dos en une cascade de miel brun. Quelques mèches rebelles venaient encadrer son visage, certaines retombant devant ses yeux pétillants. La courbe de son nez droit laissait place à celle de ses lèvres pétales de rose. Qu'est-ce qu'il voudrait se pencher vers elle, relever son menton pour croiser son regard, chasser les quelques mèches rebelles de ses yeux et cueillir ce fruit du péché...
Par Merlin, il était fou.
Fou de la désirer autant après l'avoir tant fait souffrir.
Se forçant à détourner le regard pour se concentrer sur le lac sombre, il ne la vit pas le détailler à son tour.
— Je n'avais pas à l'époque tous ces sortilèges dans mes créations. Mais après coup, je me suis rendu compte qu'aucune femme ne devrait se retenir de s'amuser, de s'assoir dans l'herbe, de s'y allonger, de courir sous la pluie, de craindre les bourrasques de vent, tout cela par peur de perdre en prestance dans une robe froissée et de ne plus être aussi parfaite qu'elle aimerait l'être pour l'homme qu'elle aime, expliqua-t-elle.
Il allait perdre la raison. Elle était toujours sous Véritaserum, elle ne pouvait pas mentir. Cela voulait dire qu'elle l'aimait ? Ou simplement qu'elle avait imaginé cette scène avec un autre qu'elle aimerait vraiment, comme le mangeur de grenouilles ?
Il lui suffisait de poser la question et il serait fixé, mais il n'osait pas. Il avait peur des deux réponses : vu comment il l'adorait déjà, si c'était réciproque, il ne pourrait plus jamais se passer d'elle. Mieux valait l'aimer de loin.
— Alors, pourquoi le français ? revint-elle à la charge.
Darron toussa en comprenant bien qu'il devait éviter de répondre, sinon il passerait pour un obsédé : lire tous ses articles puis apprendre la langue de l'amour pour lire ceux publiés dans les journaux français...
Pourvu qu'elle n'ait rien vu de compromettant dans mon esprit...
— Vous êtes légimentiste ? demanda-t-il pour détourner le sujet de conversation.
— Oui, occlumentiste aussi. Tout comme vous.
Ce n'était pas une accusation, juste un fait. Elle avait répondu en toute honnêteté sans même chercher à la camoufler, elle ne devait plus le craindre.
— Honnêtement, je pensais que vous étiez un mangemort, finit-elle par briser le silence de la nuit. Désolée pour ce jugement hâtif.
Elle ne lui demandait pas pardon car elle respectait le fait qu'il refuse de le lui accorder. Elle exprimait juste son regret de manière sincère.
Comment puis-je retomber encore et encore plus amoureux ?
— Aussi, pourquoi m'avoir rejetée aussi brusquement, après que j'ai découvert que vous étiez un Serpentard ? nota-t-elle en fixant le lac. C'était forcément suspect.
— Je... hésita-t-il avant d'accepter de se livrer. Je ne voulais pas refaire face à mes souvenirs dans cette maison. J'ai préféré fuir, comme toujours... finit-il dans un murmure tremblant.
Il sursauta en sentant la main de sa française se poser sur la sienne et en caresser dos de son pouce pour le soutenir. Il sentit sa gorge se nouer face à tant de tendresse de la part d'une femme qui ne connaissait rien de son histoire, mais qui percevait simplement sa douleur. Il n'avait pas besoin de s'expliquer pour qu'elle le comprenne et l'accepte. Et son cœur ne battait que plus vite.
Ils restèrent ainsi de longues minutes, chacun perdu dans ses pensées. Un léger vent venait caresser leur visage et ébouriffer leurs cheveux, tandis que quelques croassements de grenouilles jouaient une symphonie au loin.
— Vous êtes un excellent occlumentiste, je n'ai pu percer votre défense qu'une fois, avoua-t-elle.
Darron se crispa. Elle venait de lui avouer qu'elle avait tenté de lire son esprit sans sa permission. Bien sûr il l'avait aussi fait, donc ils étaient quittes. Mais qu'avait-elle vu ?
— Quand ? demanda-t-il un peu sèchement.
— Quand je vous ai demandé si vous aviez une petite amie, se rappela-t-elle amusée. Vous aviez l'air tellement mélancolique que je n'ai pas pu résister à l'envie d'en connaitre la raison. J'ai juste vu un nom : Narcissa Black. Désolée d'avoir utiliser cette femme pour gagner nos joutes verbales, s'excusa-t-elle.
Sa sincérité venait guérir les blessures qu'elle lui avait causées et effaçait leurs querelles inutiles : qu'elle soit sous véritaserum n'amplifiait que plus cette cure.
— Et pourquoi avoir tenté de relire mon esprit ? osa-t-il demander quelques minutes plus tard, trop curieux.
— Pour voir si vous étiez un mangemort.
Evidemment, faillit-il grogner.
A quoi s'attendait-il ? Il ne savait même pas et ne voulait pas plus y réfléchir, exaspéré par son envie de romance.
— Pourquoi êtes-vous parti, d'ailleurs ? s'enquit-elle.
— Je... bégailla-t-il, ne pouvant mentir. Je ne supportais plus de vous voir, finit-il par expliquer un ton un peu trop désintéressé.
Un hoquet souleva les épaules de la grande couturière qui se retourna aussitôt vers lui, ses grands yeux écarquillés, un air stupéfait sur le visage.
Darron repensa à ce qu'il avait dit pour la choquer ainsi et tenta de se rattraper comme il put, sous le rire naissant de sa française. Il ne voulait pas dire qu'il ne la supportait pas ! Il ne supportait juste plus de la voir sourire à un autre que lui... Mais comment pouvait-il lui avouer cela ?
— Vous n'avez pas besoin de vous justifier, je sais que je suis une femme in-su-por-table ! accentua-t-elle chaque syllabe, un grand sourire aux lèvres. On devrait vous décerner la légion d'honneur pour avoir tenu tant de semaines avec une femme aussi frivole et inintéressante, votre collègue n'a même pas tenu deux jours !
— Ce n'est pas ce que je voulais dire... balbutia-t-il gêné, en se passant une main dans ses boucles rousses.
Face au silence soudain de sa française, il chercha son regard et le vit fixé sur son crâne, plus précisément sur ses mèches de feu retombant le long de ses tempes.
Elle... m'admire ?
Après 20 chapitres de quiproquos inutiles, ils se parlent en-fin ! Champagne !
(Je ne sais pas si c'était frustrant à lire, mais ça l'est encore plus à écrire XD)
Vous en avez pensé quoi ? ^^
Est-ce que c'est cringe ou cute ? La limite entre les deux n'est malheureusement pas toujours nette...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top