— Protego, murmura Edith.
Un bouclier magique la recouvrit aussitôt, inhibant la majorité des sortilèges la visant. Elle se téléporta derrière le comptoir. À l'abri, elle lança le charme d'impassibilité, puis de désillusion. Invisible, silencieuse et protégée, elle était prête à contre-attaquer.
Son sang se glaça en entendant le rire des Mangemorts se mêlant aux hurlements de frayeur des Moldus. Certains sorciers faisaient tourner à toute vitesse, comme des toupies, les hommes et femmes piégées dans l'air, en faisant vomir plus d'un. D'autres préféraient enchanter le mobilier qui se retournait contre les clients terrorisés, les fourchettes se plantant dans la chair, les couteaux marquant leur derme à vif. Ecœurée par cette torture, Edith intervint.
— Protego ! Protego ! Protego ! Stupéfix !
La baguette tirée, Edith se téléporta au cœur de la salle. Elle protégea chaque Moldu qu'elle voyait, stupéfixia quelques Mangemorts lorsqu'elle le pouvait. Mais avec l'agitation de la salle et sa propre terreur, ses sorts n'atteignaient pas toujours leurs cibles.
— Aussi gros qu'un porc, il serait mieux rôti, nota d'un ton cruel un mangemort blond platine sous les rires de ses collègues.
Il immobilisa un homme d'une cinquantaine d'années dans l'air, la tête à l'envers.
— William ! s'époumona la femme de cet homme piégé, en tentant vainement de le ramener au sol, tirant sur sa tête désespérément.
— Que se passe-t-il ! hurlait un autre Moldu, désemparé.
— Incendio, miaula joyeusement le blond platine sous le cri des spectateurs.
Une langue de flamme fonça lécher le cinquantenaire piégé dans les airs qui se débattait furieusement, la tête rouge de sang.
— Protego ! hurla folle de rage Edith.
Le bouclier magique enveloppa le Moldu juste à temps : la flamme épousa cette protection mais ne put brûler vif le Moldu.
— Qu'est-ce que... s'étonna le mangemort blond, n'ayant pas le temps de finir sa phrase.
— Stupéfix ! le coupa-t-elle.
Le bourreau fut paralysé et tomba à la renverse, bousculant dans sa chute un autre mangemort.
— Malefoy ? Il est stupéfixié ? s'étonna celui-ci en se dégageant. Qui l'a stupéfixié ? hurla-t-il en utilisant un sonorus.
Le son de sa voix amplifié par la magie résonna dans le bar, suivi par un silence détonnant avec les hurlements précédents.
Nul ne parla, ni Mangemort, ni Moldu. Personne ne bougea. Ceux dans les airs cessèrent de se débattre. Ceux qui pleuraient retinrent leurs sanglots. Ceux qui tentaient en vain d'ouvrir la porte s'arrêtèrent. Tous les regards convergeaient vers ce mangemort, tenant son camarade figé.
— Quelqu'un l'a stupéfixié ! Je répète, est-ce que l'un d'entre vous l'a fait ? redemanda-t-il à ses collègues.
Tous nièrent, puis petit à petit, des murmures commencèrent à se faire entendre. La conclusion était évidente : il y avait dans cette pièce un sorcier qui n'était pas de leur côté. Edith ne réfléchit pas et en stupéfixia un autre. Un grand Mangemort tomba, sous les jurons de ses collègues. Il y avait un Auror dans la salle ! L'un des fidèles du seigneur des ténèbres hurla de rage et se désintéressa du Moldu qu'il faisait tournoyer, mettant fin au sort de lévitation, sa victime s'écrasant par terre.
— Montre-toi, traître ! ordonna ce mage noir.
Mais Edith en avait déjà stupéfixié d'autres. Ils tombaient les uns après les autres. Les jurons se transformèrent en panique.
— On se replie ! On se replie ! en hurlait un.
Certains attrapèrent leurs camarades stupéfixiés et transplanèrent, laissant Edith folle de rage, elle qui les voyait déjà livrés au Ministère. Mais d'autres Mangemorts restèrent, dont celui qui l'avait menacée.
— Finite incantatem ! hurla-t-il.
Edith entendit son cœur rater un battement, la panique la prenant. Ce sort annulait tous les autres. Les Moldus encore en l'air s'écrasèrent. Les boucliers magiques furent détruits. Et elle, elle fut de nouveau visible.
— Avada Keda...
Elle le stupéfixia et se jeta sur le côté, alors qu'un autre Kedavra la ratait de peu. Aucun protego ne pourrait les protéger, elle ou Moldus, de ce sortilège de mort. C'était le seul sort qu'on ne pouvait dévier. Plus personne n'était en sécurité !
Paniquée, elle explosa les portes et fenêtres, laissant les moldus s'enfuir.
Elle se jeta derrière le bar, alors qu'un autre sortilège de la mort la frôlait. Le sang battant dans ses tempes, elle réfléchit à toute vitesse, cherchant comment se sauver. Il était évident qu'en transplanant, elle se sauverait. Mais elle n'osa pas essayer. Elle était presque certaine d'avoir senti un sortilège la mordre plus tôt : le charme antitransplanage. Si elle venait à transplaner pour s'échapper, elle en serait incapable, mais surtout serait figée et à leur libre disposition. Elle ne pouvait donc plus fuir. Elle était faite comme un rat.
Ne pouvant plus rien faire, comprenant qu'elle était prise au piège, la jeune femme sentit l'adrénaline la quitter pour la laisser à ses pensées morbides. Elle n'avait pas les compétences des Aurors, quelle idée avait-elle eu d'intervenir ? Il était écrit d'avance qu'elle ne pouvait pas gagner ce combat. La panique lui comprima la poitrine, ses inspirations devinrent sifflantes, son front suant.
Les quelques Mangemorts restant ricanèrent.
— Qu'importe qu'elle soit sorcière, une femme reste une femme. On entend sa respiration affolée d'ici, minauda l'un d'eux en lançant un kedavra sur le bar pour l'effrayer.
Cachée derrière, Edith déglutit. Lorsqu'elle serait frappée par ce sortilège vert, elle serait aussi inerte que le bois mort du bar.
— Sorcière, c'est un trop bon compliment. Ça doit être une sang de bourbe pour vouloir sauver "ses petits Moldus adorés" ! se moqua un autre, en imitant l'air d'une petite fille de quatre ans.
Si la situation n'était pas si catastrophique, Edith aurait ri. Alors quoi ? Parce qu'elle voulait défendre des innocents, elle devait forcément venir d'une famille de Moldus ? Elle qui était une sang pur de souche, elle leur aurait ri au nez.
Mais la situation ne le permettait pas. Elle les sentait approcher, conscients de leur supériorité numérique. Elle ne pouvait pas leur échapper en transplanant. Si elle en stupéfixiait un, elle serait vulnérable aux kedavra des autres. Cela ne servait à rien de se soustraire de leurs sens puisqu'ils connaissaient la supercherie.
— Et si on s'amusait un peu ? croassa un autre. Ça fait longtemps que je n'ai pas entendu le doux son d'un doloris.
La peur transit Edith au nom du sort qu'ils lui promettaient. Le doloris était l'un des trois sortilèges impardonnables. C'était le sort de la torture, une torture invisible qui déchirait intérieurement la personne au point qu'elle en devienne folle et supplie d'être tuée. Elle n'y survivrait pas une seule seconde. Elle n'était pas Jean Moulin !
— Elle doit sûrement avoir des choses à nous dire, qui sait. Elle fait peut-être partie de la clique du vieux dingo amoureux des Moldus ! railla un autre.
Il parlait de la Résistance anglaise, créée par le directeur de l'école de Magie de Grande Bretagne. Cette même Résistance qu'elle mettait en contact avec la française et le Ministère par sa boutique.
Non, elle ne pouvait pas se laisser aller ! Elle avait des secrets à défendre ! se réveilla-t-elle soudainement.
Edith leva le bras, sa baguette dépassant du bar, coupant court aux moqueries des Mangemorts.
— Feudeymon.
Un gigantesque dragon de feu en sortit, plongeant sur les Mangemorts. Effrayés, ils s'éparpillèrent. Edith n'y fit pas attention, trop occupée à maîtriser ce sortilège interdit en Grande Bretagne. En effet, la magie noire était difficilement contrôlable et le lanceur de sort ne la maîtrisait que rarement. C'était mal de se nouer à cette branche noire de la magie, selon les britanniques.
En France, l'avis était différent. Un sort quelle que soit son origine n'était qu'un outil pour atteindre un objectif. Il était considéré comme dangereux ou non selon la maîtrise de son lanceur de sort et, surtout, selon l'intention. Beauxbâtons avait comme principale mission de faire de ses jeunes sorciers des citoyens dignes d'exercer la magie et assez compétents pour ne pas se laisser dompter par celle-ci.
Le dragon cracha ses flammes et le bâtiment commença à prendre feu.
Risquant un coup d'œil par-dessus le bar, Edith vit que les Mangemorts s'étaient téléportés dans la panique. Il n'y avait plus qu'elle et la magie noire qui incendiait son bar et ses souvenirs. Ce lieu ne serait plus le lieu de rencontre avec son beau moldu, mais celui où elle avait failli tomber et rejoindre les héros de l'ombre morts au combat.
— J'ai... j'ai survécu ? murmura-t-elle, n'arrivant pas à y croire.
Des larmes de soulagement coulèrent le long de ses joues, alors que ses jambes la lâchaient. Elle se rattrapa au bar et grimaça en sentant le bois taillé par les sortilèges de mort lui arracher la peau.
— J'ai survécu... répéta-t-elle hébétée.
Elle éclata de rire, d'un rire angoissé. Elle avait survécu. Elle avait lâché une quarantaine de Moldus affolés, traumatisés et qui connaissant l'existence de la magie dans Londres. Elle avait incendié un bâtiment. Elle avait dévoilé son visage aux fidèles du seigneur des ténèbres, leur montrant sa prise de position. Mais elle avait survécu.
— Oh merde, jura-t-elle en se rendant compte de ce qu'elle avait fait.
Que se passerait-il si l'un des mages noirs de l'attaque l'avait reconnue ? Se vengeraient-ils sur elle ? Non, elle était une sang pur, elle trouverait une façon d'expliquer ce qu'il s'était passé sans engager la moindre prise de position politique.
Quant aux Moldus... qu'arriverait-il si les victimes racontaient tout à d'autres ? Seraient-ils crus et l'existence des sorciers ne serait plus un secret ? Ou pire, seraient-ils pris pour des fous et internés par sa faute ? Normalement, les victimes étaient prises en charge aussitôt et on leur retirait tous souvenirs liés à ses traumatismes par le sortilège d'Oubliette. Mais comment les hommes du Ministère allaient-ils tous les retrouver maintenant qu'ils s'étaient évanouis dans la nature ?
Une poutre tomba à l'autre bout de la pièce et elle se rendit compte que son Feudeymon continuait de ronger le bois.
— Merci.
Et elle rompit le sort, son sauveur se volatilisant aussitôt.
Le bar n'était plus qu'un désastre : les tables et chaises accueillant les conversations étaient en cendres, le bar comme lacéré par des bêtes sauvages, les lustres brisés à terre, les murs noircis et les fondations rongées.
— Agua ! Reparo !
Edith éteignit les derniers feux, tentant tant bien que mal de réparer au mieux ce qu'elle avait abîmé. Elle avait besoin de s'occuper, de ne pas laisser à son esprit le temps de comprendre ce qu'il s'était passé. Elle avait failli mourir, failli être torturée...
— REPARO !
Il ne fallait pas qu'elle pense. Non, pas encore.
Elle se déplaça au milieu des débris, tentant de calmer sa respiration. Soudain elle hoqueta. Il y avait un corps, sous une table renversée. C'était le Moldu qui s'était pris le premier doloris de l'attaque. Tentant en vain de chasser la boule dans sa gorge bloquant sa respiration, Edith s'approcha prudemment. Elle trébucha et tomba par terre, choquée, en voyant le regard éteint du Moldu. Il avait été piétiné par le mouvement de foule. Mais son visage déformé par la douleur témoignait du doloris qu'il avait subi.
— Je suis désolée, murmura-t-elle les larmes aux yeux.
La respiration douloureuse, elle se força à s'approcher et referma ses plaies. Elle tenta en vain de masquer ce qu'il avait subi. Mais elle ne pouvait pas le ramener à la vie : même la magie avait ses limites.
Avait-il de la famille ? Des amis ? Ou était-il un être solitaire comme elle ? Avait-il l'habitude de venir dans ce bar ou l'avait-il testé pour la première fois ? Pourquoi le destin avait tragiquement écourté sa vie ainsi ? Il ne devait pas avoir plus de cinquante ans. Il avait l'âge de son père.
Est-ce que des proches le pleureraient, sans jamais comprendre la raison de sa mort ? Ou personne ne se soucierait de lui, tomberait-t-il dans l'oubli ?
Edith resta un instant aux côtés de cet inconnu, ne ressentant rien d'autre qu'une dévastation profonde. Mais bientôt, elle trembla de colère. Ce n'était pas la faute du destin, mais celle des Mangemorts. Encore une fois, ils n'avaient laissé derrière eux que des pleurs. De simples hommes s'étaient pensés assez importants pour avoir le droit de vie ou de mort.
— Je ne suis pas croyante, mais j'espère que l'enfer existe... les maudit Edith, furieuse.
Elle se releva, prête à se rendre au Ministère de la Magie pour les prévenir de cette attaque. Mais au même instant, le mouvement de l'air caractéristique d'un groupe de personnes transplanant l'alerta, et avant que les arrivants n'aient pu émettre le moindre mot, elle les stupéfixia.
Ils tombèrent au sol, certains le visage en avant, d'autres en arrière. Les bruits mats de ces corps heurtant le sol la laissèrent de marbre. Elle s'approcha, baguette en avant, le visage crispé par la rage.
Les Mangemorts étaient revenus ? Non, ceux-là n'avaient pas de masque. Des Résistants ? Non, ils avaient tous le même uniforme. Des Aurors, donc. Ils n'arrivaient que maintenant !
Edith rit de frustration. S'ils étaient arrivés plus tôt, ce Moldu ne serait pas mort ! S'ils s'étaient hâtaient, ils auraient pu au moins capturer ces Mangemorts ! Elle hésita à les laisser ainsi. Mais, malgré sa fureur, elle savait que ces Aurors mettaient leur propre vie en danger tous les jours pour lutter contre les forces du mal. Elle devait mettre sa peine de côté et leur venir en aide, beaucoup s'étant blessés sur des bouts de verre dans leur chute.
Leur venir en aide... Non, elle ne voulait pas qu'ils la voient, elle ne voulait pas que quiconque fasse attention à elle : personne ne savait si un de ces Aurors n'étaient pas sous impero, aux ordres du seigneur des ténèbres malgré lui. Très peu de personnes étaient au courant de son implication dans la Résistance, seules des personnes de confiance vérifiées le savaient.
— Je peux les soigner s'ils se sont blessés par ma faute... murmura-t-elle en français. Ensuite, juste avant de partir, je lèverai le sort et ils n'auront pas le temps de me voir... Nox.
Edith plonge la pièce dans le noir et les jambes vacillantes, elle lança un sortilège pour voir à travers les ténèbres. Invisible aux yeux des aurors, mais les voyant eux, elle s'en approcha et entreprit de les asseoir contre le bar, soignant leurs blessures à l'aide de sortilèges, replaçant des nez parfois déformés par l'impact.
Elle arriva au dernier, face contre terre.
— Oh, il est bien habillé celui-là. Enfin un peu de goût, nota-t-elle en français.
Une redingote noire recouvrait le dos de cet homme. Elle attrapa ses flancs et le tira vers elle, le retournant sur le dos.
— Mais c'est ma marque de vêtement, s'étonna-t-elle en notant la coupe qu'elle avait conçue il y a quelques mois. Quel bon goût !
Légèrement amusée, oubliant ce à quoi elle avait été confrontée, Edith s'autorisa un instant de détente, analysant le tissu. Il avait l'air assez neuf, était-ce un nouvel achat ? Peut-être était-ce le grand brun qui l'avait courtisée le mois dernier ? Elle se tourna vers le visage de cet homme de goût et son souffle la quitta.
Les yeux bleus de l'homme étaient toujours écarquillés de surprise, ses lèvres étirées en une question tue. Ses cheveux roux encadraient en désordre son visage.
Tremblante, Edith essuya avec un mouchoir le filet de sang qui coulait du nez fin de cet homme, émue.
C'était son moldu. Elle l'avait retrouvé.
Elle fut si choquée qu'elle ne réagit pas lorsque le souffle caractéristique d'un transplanage balaya son cou. Elle s'effondra, elle aussi, un stupéfix lancé dans le dos.
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