17 : Philipe Lebeau


En sentant son ancien camarade prêt à insulter la sorcière, il s'était avancé dans la lumière pour encaisser les coups à sa place. Il était idiot de penser ainsi, mais il avait toujours su encaisser les humiliations car il savait qu'en prenant tout il ne laissait rien aux autres. Il était le souffre-douleur de Malefoy, donc celui-ci ne prêtait pas attention aux autres.

Tout comme il s'était résigné à porter le poids de la théorie des sangs purs à Poudlard, il voulait protéger la fille d'Aveyron de tout dommage émotionnel provoqué par le britannique.

Alors même que c'est une mage noire, lui souffla sa conscience.

Mais qui sait, peut-être qu'en France ce n'est pas interdit ? espérait-il. Nulle magie n'est bonne ou mauvaise, ce ne sont que les intentions qui comptent, tout comme son oubliette n'était pas mal intentionné.

Toutefois, il ne put s'empêcher de frissonner en accusant le regard de reptil de l'ancien Serpentard.

— Darron Shepherd... susurra Lucius Malefoy dans un sourire malveillant. Dans l'arrière-boutique d'une sang pur... Tu aimes toujours fréquenter celles que tu ne pourras jamais atteindre, se moqua-t-il.

Oui il frissonnait, mais il frissonnait de dégout. Il ne l'avait jamais porté en grande estime plus jeune, mais à présent qu'il avait muri, qu'il avait du sang sur les mains et des morts à venger, les sous-entendus du sang pur ne l'atteignaient plus, lui laissant tout le loisir de mépriser cet individu malveillant.

Il soutint le regard de ce serpent d'un air indifférent, connaissant d'expérience que rien n'était pire qu'un regard sans vie vous transperçant. Il eut bien raison car la fierté du blond platine fut grandement touchée par cette inertie, ses narines frémissaient de frustration.

— Tu n'es personne pour me prendre des souvenirs, Darron.

— Je suis auror, représentant du Ministère. Et j'ai les pleins pouvoirs, assena ce dernier.

— Je ne suis qu'un citoyen, personne pour que tu y prêtes attention, susurra le grand blond platine.

— Tu n'es en effet personne à mes yeux, répliqua l'auror. Mais devant la loi, tu es fautif de vols de données. Choisis donc, c'est soit Lady d'Aveyron, soit moi qui m'en occupe.

— J'aimerais bien entendre la réponse d'un tribunal, ricana Lord Malefoy.

— J'aimerais bien aussi. Le seul témoin qu'il y a, c'est moi. Tu plaideras que je n'ai pas de parole. La seule façon de prouver l'une de vos versions sera de la Legimentie ou du veritaserum... Que se passerait-il si une question venait à être posée malencontreusement sur tes idéaux et actions ? le menaça-t-il.

Le blond platine lui jeta un regard noir, mais ne se défendit plus. Tous deux savaient très bien que le Ministère découvrirait des activités illicites très compromettantes. Peut-être valait-il mieux qu'il porte en effet plainte ? Quoique cela impliquerait la fille d'Aveyron, et si elle était innocence, cela lui ferait de la mauvaise publicité et surtout attirerait l'attention des mauvaises personnes.

— Ne m'approche pas Mudblood, cracha-t-il simplement.

Il est cuit, je le tiens, se lécha les lèvres l'écossais.

— Lord Malefoy, me laisseriez-vous protéger la confidentialité de mes clients ? les interrompit Edith d'un ton bien moins accusateur que précédemment, tout faible et innocent. Je m'excuse encore de vous avoir pris par surprise ainsi, ce n'était on ne peut plus peu noble de ma part. Je sais que ce n'est pas une excuse, mais dernièrement, une cliente m'a fait part de sa peur quant à un vieux prétendant la harcelant et la suivant sans cesse. Sa peur a dépeint sur moi : je ne veux pas que par ma faute, n'importe qui ait accès aux informations concernant mes clients. Je sais bien que vous ne feriez jamais cela, mais imaginez que l'harceleur de cette femme ait eu accès à ses horaires de rendez-vous ? En tant que femme, je dois la protéger tout comme j'aimerais qu'on me protège. Vous-même ayant une femme, je suis sûre que vous ne pouvez que nous comprendre.

Darron ricana en sachant très bien qu'elle l'avait coincé, tout comme elle avait coincé le Ministère lors de son entretien. Il espérait de tout cœur qu'en jetant un œil à la législation française ce soir pour vérifier le caractère interdit de la magie noire, il n'en verrait pas, et qu'elle était donc bien innocente. Cela pourrait expliquer tous ses actes jusque-là, pourquoi elle tentait tant de ne pas se positionner quant à la politique du pays, cela n'étant pas son combat. Bien sûr, il aurait aimé qu'elle use de son influence pour changer les choses, mais il ne pouvait pas lui en vouloir d'éviter de se mettre à dos le moindre mangemort, ne souhaitant pas en affronter. Après tout, il y avait bien eu quelques traitres dans les rangs d'aurors ces dernières années.

Que c'est jouissif de ne pas être celui qu'elle embrouille.

Car il fallait le dire, si c'était extrêmement frustrant lorsqu'il en était la cible, n'être que spectateur lui permettait d'admirer toute la finesse de sa gymnastique d'esprit et son éloquence pour retourner la situation à son avantage. 

— Ai-je votre autorisation, Lord Malefoy ? finit-elle la voix faussement tremblante.

Sa petite comédie sembla suffir pour endormir la méfiance du sorcier qui acquiesça. Darron observa la sorcière se concentrer et lancer le sortilège d'amnésie. Il sentit son cœur battre de nouveau derrière sa forteresse gelée, en la voyant défendre une cause qui lui tenait à cœur. L'aura lumineuse qui la hâlait à l'instant était la même qu'il pouvait lire dans ses articles. C'était cette femme dont il était tombé amoureux : pas un nom, pas un corps, une âme courageuse et belle.

Elle trébucha et il la réceptionna, encaissant sa collision avec son torse. Elle se laissa adosser à lui et il put voir sa poitrine se soulever à toute vitesse. Était-ce du soulagement ? Ou de la peur ? Avait-elle vu quelque chose qu'elle n'aurait pas dû voir ? Avait-elle une preuve qui lui permettrait d'inculper Malefoy ?

Le cœur battant, il vola un instant avec les anges, mais elle le renvoya dans sa souffrance en une simple phrase.

— Que vous ai-je dit, grinça-t-elle des dents. Ne me touchez pas, sang de bourbe, cracha-t-elle en français.

Cela eut l'effet estompée car il se recula comme brûlé vif.

— Je ne veux pas vous voir, pas vous entendre, rappela-t-elle sans se retourner. Le Ministère a toute ma confiance, mais pas vous.

Sang de bourbe. Il savait très bien ce que ça voulait dire. C'était l'équivalent français de mudblood. L'entendre de la bouche de Malefoy, c'était une chose. Mais l'entendre de la sienne ?

Il tomba des nues, se sentant profondément humilié et privé de tout ce qu'il était pour n'être plus qu'une chose : une erreur de la nature.

Le souffle coupé, il recula et rejoignit l'arrière-boutique sans un mot. Mais la porte dépassée, les larmes dévalèrent silencieusement ses joues sans qu'il ne puisse les retenir et roulèrent sur sa poitrine endolorie.

Elle savait donc à présent son origine. Elle n'avait pas même tenté de pouvoir le supporter. Le dégoût que sa voix avait laissé percevoir le rendit malade. Comment était-ce possible d'être si détestable ? Qu'avait-il fait pour être haï de la sorte ?

Il l'entendit débouler dans l'arrière-boutique et lui jeta un regard incendiaire. Celle-ci le lui rendit et lança un sortilège.

Accio châles, grogna-t-elle et tous les châles vinrent à elle.

Elle commença donc à les regarder pour trouver la couleur s'accordant le mieux avec sa cliente, mais elle semblait ailleurs.

A quoi pense-t-elle ? voulut savoir rageusement l'auror. A quoi pouvait-elle penser après l'avoir traité ainsi ?

Ne prenant pas garde à se cacher, il se glissa dans ses pensées et tenta de les lire. Mais il fit une nouvelle fois face à une muraille sans faille. Toutefois n'abandonnant pas, il continua de longer ce mur, espérant trouver la moindre fragilité pour s'y introduire. Au bout de ce qui lui parut une éternité, il trouva une fissure d'à peine un millimètre et s'y engouffra avec précipitation.

Est-ce que les Malefoy étaient vierges avant leur mariage ?

Il oublia de respirer tant cette pensée le surprit. Bien sûr que oui, pourquoi donc se posait-elle-même la question ? La France ne pouvait pas être si dépravée pour qu'elle hésite dans sa réponse ? Il se souvint au même moment de leur nuit passée tous les deux et du fait que ni elle ni lui ne l'étaient plus, et il chassa cette pensée avant de se concentrer.

Alors, que devrais-je prendre comme couleur ? Rouge, rose ? Non, du bleu irait mieux à cette belle lady... Quel dommage que je ne sois pas un homme, elle est très belle quand elle sourit... Ou alors du jaune pétant ?

Tout comme au Ministère, elle le noyait dans ses réflexions continues et sans queue ni tête. C'était fatiguant de suivre, mais il tint bon, sachant qu'elle ferait une erreur. Et elle la fit.

Oh, mais la lady maitrise l'Occlumentie, peut être qu'elle fait de la Légimentie ? Il ne faut pas qu'elle lise en moi !

Il fut projeté de sa conscience lorsque la faille se referma d'elle-même et il comprit que c'était elle qui l'avait créé pour le mener dans ces stupides pensées. Cela voulait dire qu'elle avait perçu sa présence, donc qu'elle se méfierait encore plus. Toutefois, cela montrait aussi qu'elle était assez sûre d'elle-même pour lui laisser accès à ses pensées, sûre de pouvoir les contrôler. Son assurance causerait sa perte, car elle lui avait donné une information qu'il n'avait jamais envisagé et qui changeait tout : pour qu'elle sache que Narcissa était maitresse dans l'Occlumentie, il fallait qu'elle ait essayé de lire son esprit. Elle n'était donc pas qu'une simple Occlumentiste cachant des secrets, mais aussi une Légimentiste à la recherche d'une chose, ce qui s'apparentait bien à une mission. Et à qui pouvait-elle donner ces informations, autres que le seigneur des ténèbres lui-même ?

Elle qui défendait ses clients plus tôt... Elle les espionnait et rapportait sûrement ce qui pouvait intéresser le Mage Noir : quel sorcier le soutenait et lequel comploterait pour sa chute. Qui se méfierait d'elle ? Même le Ministère ayant ouïe de son Occlumentie n'avait pu imaginer pareille hypothèse.

Darron, tes petits espoirs ne sont plus de l'ordre du jour. Mène ta mission à bien et enferme la pour de bon.

Le dégoût d'avoir ainsi été trompé même quelques instants profondément ancré dans sa chair, il se redressa et forgea une carapace tout autour de son cœur : ni le regard vide Narcissa, ni le sadisme de Malefoy, ni le mépris de la française ne le toucherait.

Il s'avança donc dans la lumière et s'appuya contre l'embrassure de l'arrière-boutique, notant l'air détendu de la couturière alors qu'elle saluait les deux époux. Elle ne les craignait pas, ne s'attendait pas à la moindre revanche de la part de Malefoy : ou elle était leur égale, ou même leur supérieur. Elle n'était certainement pas qu'une simple combattante aux ordres du Seigneur des Ténèbres mais une espionne.

Une seule chose lui échappait désormais, la raison qui l'avait poussée à jeter cet Oubliettes. Que pouvait donc cacher son registre de clients pour que même un collègue n'y ait accès ? Il s'était promis d'y jeter un œil, c'était désormais une obligation.

Les jours et bientôt les semaines défilèrent. Patient, l'auror attendit que la vigilance de la mage noire s'amenuise, si bien qu'elle oublia bien vite de lui cacher son registre. Il put donc le feuilleter en long et en large et fut bien déçu de n'y trouver que des noms et commandes. Bien sûr, il les nota pour les analyser plus tard, mais il savait qu'il ne trouverait pas d'informations de ce côté. Il avait espérait y trouver des mots clés sous chaque nom, preuve qu'elle espionnait leurs pensées et remontait leurs informations à son seigneur. Ce n'était pas le cas.

Seul un veritaserum ou le Légimentie pourrait lever le voile sur ses sombres activités... Mais enfin, il lui était impossible à présent de faire ami ami, elle n'accepterait jamais un verre de sa part. Son Occlumentie était aussi bien trop solide. Il ne restait plus que l'alcool ou la force, mais elle risquait de s'échapper dans le deuxième cas. Peut-être devait-il faire appel à un nouveau collègue, pour que lui réussisse à l'apprivoiser ? Cela faisait presque un mois qu'il la surveillait et il n'avait pas pu trouver la moindre preuve directe.

Il avait appris qu'elle était Légimentiste, qu'elle connaissait les Malefoy, et ne supportait pas les sang de bourbe. Elle ne lui avait plus adressé la moindre parole et le moindre regard depuis le dernier accident.

Cissy, celle-là, elles devraient bien s'entendre... les maudit-il en suivant une conversation avec un client.

Gideon Prewett

Un autre sang-pur.

Il devait bien le voir chaque semaine. Il venait assez souvent pour des essayages, n'hésitant pas à demander des retouches encore et encore. Edith semblait adorer sa présence car dès lors qu'il venait, un éternel sourire étirait ses lèvres. Pour avoir suivi chacune de leurs conversations, il les savait être de parfaits inconnus. Le seul élément qui pouvait expliquer leur proximité était le fait que chacun était plus bavard que l'autre : l'un racontait sa jeunesse à Poudlard, dans la maison Griffondort, l'autre à Beauxbatons. Une vague de nostalgie l'immergeait à chaque fois que son école était évoquée, tandis qu'il ne pouvait s'empêcher d'envier les français pour leur école qui paraissait si magique. Des fées lucioles dans les jardins, des statues grecques douées de vie, une cascade gelée en hiver sous laquelle ils pouvaient patiner...

— Et donc Molly l'a épousé !

—  Le fameux Arthur Weasley ? Celui avec qui elle avait passé la nuit hors des dortoirs ? put-il l'entendre s'esclaffer.

—  Lui-même ! Ils ont déjà trois enfants. Mais ça ne suffit pas à ma sœur : il lui en faut sept !

Darron décrocha quelque peu de la conversation, connaissant de vue ce fameux Arthur Weasley : c'était la némésis de Lucius durant leurs premières années. Le premier était un Gryffondor, l'autre un Serpentard. L'un vouait une passion pour les moldus, le deuxième les considérait comme de la vermine. Combien de colles avait subies le Gryffondor par la faute de Lucius, sans que ce dernier ne soit lui aussi puni, réussissant toujours à retourner la situation à son avantage ?

Aucun ne rattrapait l'autre du point de vue de l'auror. Bien sûr, Arthur Weasley ne pouvait rivaliser en terme de sadisme avec Lucius, toutefois il restait cruel -bien que sans le vouloir- par son obsession envers les moldus. Il ne les considéraient pas comme n'importe quels êtres mais comme des objets à étudier, posant toujours questions sur questions plus stupides que les autres, comme partant du fait que les moldus étaient des enfants auxquels il fallait apporter la connaissance. Et comment les moldus font s'ils n'ont pas de galions ? avait-il demandé une fois en arithmancie, cours partagé entre leurs deux maisons. La bande de Malefoy s'était bien gardée de l'imiter encore et encore dans la salle commune, c'était ainsi que l'écossais en avait eu connaissance. Si les quatrièmes années de l'époque se moquaient de l'amour du Gryffondor pour les moldus, Darron l'avait méprisé pour sa stupidité. Les sorciers avaient leurs galions, les moldus les pounds. Ce n'était qu'un nom différent pour le même mécanisme des échanges. Était-ce si inimaginable que les moldus ne soient pas encore à faire du troc mais qu'ils aient eu l'idée ô combien brillante de la monnaie ?

Colère sur frustration, les jours se ressemblaient les uns les autres et sa mission commençait à lui peser, n'arrivant à rien et n'en pouvant plus de cette ambiance tendue. Ils n'avaient toujours pas échangé le moindre mot depuis la visite des Malefoy, lui la surveillant de loin, elle l'ignorant royalement. Parfois, dans un bref élan d'espoir, il tentait de passer sa défense mentale, mais elle devait le sentir car dès qu'une faille se présentait, il en ressortait le rose aux oreilles, gêné par de telles pensées.

Alors il passait le reste de la journée à l'écouter rire avec ses clients et regretter d'être entré dans ce bar, en Mars 1976. S'il n'y était pas entré... il ne l'aurait jamais rencontrée. Il ne serait pas tombé à ses pieds comme un malheureux envouté par une vélane, et il n'aurait pas tant voulu la revoir. Lors de l'attaque, il n'aurait pas été effrayé par l'optique qu'elle soit l'origine de celle-ci et il n'aurait pas eu à découvrir son aversion pour les moldus, donc lui, car il n'aurait jamais eu à la surveiller. Non, tout aurait été beaucoup plus simple s'il n'avait jamais rencontré cette femme aux yeux noisette et au parfum de lilas.

La clochette tintinnabula et un homme entra, le dos droit, la démarche assurée, réduisant la distance le séparant de la grande couturière en quelques enjambées.

Darron se redressa de son poste d'observation, surpris.

Madame d'Aveyron, souffla-t-il en français son nom avant de prendre délicatement sa main pour y poser ses lèvres. C'est un plaisir de vous revoir

/!\ Petite question : est-ce que vous trouvez le passage sur Arthur Weasley pertinent ou je l'enlève ? /!\


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