14 : Edith d'Aveyron
Il n'osa rompre le silence de la nuit, ne sachant pas même comment l'approcher. Il se sentait idiot d'être autant intimidé par cette femme, elle qui n'était qu'une simple couturière après tout. Pourtant, elle avait cette posture fière, sûre d'elle, qui ne pouvait qu'intimer à la respecter. Aujourd'hui, il faisait face à la descendante D'Aveyron, non à la jeune femme qu'elle était. Cela détonnait de leur première rencontre lorsqu'elle s'était lamentablement avachie dans ses bras, ayant plus que bu, en l'implorant de lui donner du feu. Comment aurait-il pu deviner qu'elle était une sorcière à cette époque ?
La nostalgie de leur passé lui noua la gorge et il se força à se calmer en la voyant s'approcher de lui.
— Un café ? propose-t-elle dans un parfait anglais.
Il ne dit rien mais la suivit alors qu'elle continuait son chemin.
Quelques pas en arrière, il tenta de calmer son cœur pour le bien de sa mission. Il ne devait pas penser aux cicatrices qui s'étaient réouvertes mais seulement se concentrer sur les mots qu'elle lui dirait et ce qu'elle cacherait.
— Je pensais que vous étiez un moldu, avoua-t-elle en anglais pour briser le silence.
Darron fut légèrement surpris d'entendre son parfait accent anglais. Lors de leur rencontre, elle lui avait exclusivement parlé dans la langue de Molière. Il lui semblait que le fossé les séparant de leur rencontre s'élargissait encore.
Il ferma les yeux un court instant en prenant conscience qu'il s'était de nouveau perdu dans ses souvenirs et ne vit donc pas que sa française s'était retournée. Il manqua de la percuter et, les yeux écarquillés, il étouffa un « be careful » entre ses lèvres.
Il reprit tout de fois bien vite son masque d'impassibilité et se redressa l'air de rien. Cependant, il sentait ses oreilles rouges et pour cause, il venait de s'humilier devant sa française : quel idiot était-il pour manquer de la percuter ! Et pourquoi se souciait-il du regard qu'elle pourrait lui porter ! Il était en mission, quand est-ce que son cerveau accepterait cette réalité ?
— Lorsque je vous ai proposé un café, c'était une pro-po-si-tion, le sortit-elle de ses injures en articulant le dernier mot. Pas un ordre. Ou vous êtes intéressé et je m'attends à un minimum de conversation, ou vous vous sentez obligé et dans ce cas-là mieux vaut nous séparer. Cette nuit avait été fort agréable, je ne veux pas me rendre compte que mon moldu n'est qu'un sorcier sans le moindre intérêt !
Darron tiqua sur le qualificatif qu'elle venait de lui donner. Son moldu ? Elle pensait avoir passé la nuit avec un non sorcier ? Cela ne la dérangeait pas alors même qu'elle était une sang pur ? Cela ne lui faisait rien de se mêler à l'impureté selon la théorie des sangs ?
Puis il traita le reste de la phrase. Ainsi, elle ne voulait pas avoir passé la nuit avec un banal sorcier ? Était-ce parce qu'elle ne pouvait pas côtoyer pour une nuit des sorciers car elle connaissait leur respect pour les liens du mariage ? Cela signifiait donc qu'elle voyait les moldus comme des bêtes sauvages qui ne s'en soucient pas ! Ou alors cela lui plaisait de s'écarter des convenances et se mêler à la crasse, tout comme certains riches aimaient se tourner vers les drogues et les tromperies... Quoi qu'il en soit, elle faisait une différence entre moldu et sorcier et l'un méritait le respect quand l'autre pouvait être perverti sans regret.
— Pourquoi ? Vous trouveriez ça moins exotique ? la coupa-t-il blessé.
— Pardon ? répliqua-t-elle.
L'auror rompit le mètre qui les séparait, la dominant de sa taille et l'obligeant à lever son visage vers le sien.
— Seuls les moldus piquent votre intérêt ? Ils ne sont que des sources d'observations et des objets de curiosité ? demanda-t-il d'un ton impartial.
Edith d'Aveyron le fusilla du regard et recula d'un pas mais il réduisit de nouveau la distance qui les séparait. La colère lui fit oublier tous les sentiments qu'il nourrissait à son égard et il garda son calme alors même que leurs visages se touchaient presque.
— Moldu, sorcier, je m'en fiche, finit-elle par souffler. Je veux juste quelqu'un envers qui je puisse porter de l'intérêt.
Ne croyant pas en la sincérité de son propos, Darron l'observa encore quelques instants. Mais son écœurement se réduisit et il remarqua leur proximité : il lui suffirait de se pencher de quelques centimètres pour regoutter à ses lèvres dont le souvenir de leur douceur le pourchassait encore.
Le grand roux s'éloigna d'un pas pour se rendre un espace suffisant pour expirer. Il fallait qu'il calme son esprit, il ne pourrait pas continuer son enquête ainsi. Barricadant ses sentiments dans un coin de son cœur, il commença à l'interroger.
— Vous, une sang pur, vous côtoierez un moldu de manière sérieuse ?
Il la vit se tendre et un éclair passait dans ses yeux mais il ne sut comment interpréter ce dernier.
— Comment connaissez-vous mon ascendance ? détourna-t-elle la conversation.
— Vous êtes Edith d'Aveyron, votre portrait apparait au moins quatre fois par an dans les journaux, lorsque vous organisez vos défilés de mode pour vos nouvelles collections de saison. Personne ne peut ne pas vous reconnaitre, se justifia-t-il peut-être un peu trop.
Il ne souhaitait pas non plus qu'elle découvre qu'il avait épluché tous les journaux pour en apprendre le plus sur elle, cela pouvait être effrayant quand on prenait un peu de recul.
Mais pourquoi t'en soucies-tu Darron, c'est une tortionnaire !
— Cette redingote, désigna-t-elle celle qu'il portait, le sortant de ses blâmes. C'est la collection hiver 77. Je me souviens l'avoir faite en repensant à vous.
Puis elle se retourna et continua sa marche, le laissant figé comme un idiot, le souffle coupé. Il avait vu son regard appréciateur que le manteau qu'il portait et, bien qu'il sache qu'il était destiné à sa propre création, il ne pouvait s'empêcher de revivre leur nuit lors de laquelle elle l'avait regardé lui ainsi.
Idiot, oublie la et concentre toi ! s'injuria-t-il de toute sa force.
Le rouge aux oreilles, il rattrapa la créatrice de mode qui continuait de déambuler dans le Londres endormi.
— Vous n'êtes pas des plus aimables mais vous avez au moins bon goût, le taquina-t-elle tout sourire. Il n'y a pas meilleure pièce que mes collections sur mesure.
Amusé par la satisfaction évidente de la française envers ses propres créations, Darron émit un léger rire avant de le masquer aussitôt par une quinte de toux. Mais il ne trompait personne, tous les deux l'avaient parfaitement entendu.
— Vous avez une petite amie ? demanda-t-elle abruptement, tournant son doux regard vers lui.
Darron écarquilla sûrement les yeux de surprise, s'attendant à tout sauf cette question. Mais quand il faillit répondre non, il se souvint de Poudlard et de ses années passées auprès de Narcissa. Il s'assombrit alors, perdu dans ses pensées et souvenirs douloureux.
— Ne me dites pas qu'un bel homme comme vous n'a jamais côtoyé qui que ce soit ? l'entendit-il au loin.
Meurtri par ses souvenirs mais aussi blessé par la créatrice de mode qui lui prouvait encore et toujours qu'il ne pouvait définitivement donner son cœur à personne en ce bas monde, il se tourna brusquement vers elle, la mâchoire crispée, prêt à mettre le plus rapidement fin à leur entrevue.
— Pourquoi vous êtes-vous installée à Londres ? lui demanda-t-il sèchement.
Edith d'Aveyron perdit son sourire. L'auror analysa son regard et vit bien qu'elle réfléchissait à toute allure. Il faillit maugréer, comprenant qu'elle allait encore lui mentir.
— Pour l'argent.
— Pour l'argent ? répéta-t-il froidement.
— Tout à fait, pour l'argent.
L'auror aurait ri s'il en avait la force. A d'autres ! On ne pouvait pas être assez vénale pour ouvrir une boutique dans un pays en guerre et y rester ! Qu'elle mette en danger des employés, cela était monstrueux mais avait encore un certain sens si l'argent venait y jouer un rôle. Mais qu'elle mette sa propre vie en danger, s'en était trop ! Elle avait forcément une autre motivation !
— Mais pourquoi l'Angleterre ? Pourquoi pas l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie ? énuméra-t-il sèchement. Ne connaissez-vous pas le contexte politique de la Grande Bretagne ?
Si seulement elle n'avait pas choisi ce pays, il ne l'aurait jamais rencontrée et il ne souffrirait pas comme il souffrait en cet instant, déchiré entre son puissant attrait pour elle et son dégout profond ! Il n'aurait pas eu à l'interroger ainsi, blessant son cœur toujours plus profondément pour sa mission d'auror. Il n'aurait pas eu à la pourchasser pour tout faire pour l'inculper.
Et pourtant, il suffisait qu'elle ne réponde qu'une chose pour qu'il perde sûrement toute résistance à son attirance pour elle.
Je suis venue pour toi. Pour te retrouver.
Combien de nuits avait-il rêvé de leur retrouvaille, l'imaginant lui avouer s'être installée à Londres car elle souhaitait le revoir ? Il avait appris dans des interviews qu'elle avait visité de nombreuses villes européennes durant le mois de Mars 1976, afin de décider où ouvrir sa nouvelle boutique. Même s'il savait que jamais il ne pourrait être à l'origine de ce stupide choix, une part infime espérait l'entendre. Et tout le reste de son être répugnait à cette idée et se blâmait d'être aussi fragile face au regard noisette de la jeune femme.
— Je suis une sang pur, je ne risque rien, bégaya-t-elle finalement.
Et voilà qu'elle lui prouvait encore une fois qu'il était un imbécile de s'attacher encore à elle. Bien sûr, pour qu'elle ait réussi à faire fleurir un tel commerce, elle ne pouvait pas être idiote ! Elle s'était forcément intéressée au contexte politique du pays ! Mais en tant que sang pur, elle ne risquait en effet rien : elle pouvait se permettre de vendre de jolies tenues aux riches alors même qu'une purge à l'impureté rougissait les sols du pays.
— Vous n'êtes venue que pour le profit ? répéta-t-il apathique. Pas pour rejoindre les fidèles du Seigneur des ténèbres et profiter du chaos de la Grande Bretagne pour vous faire la main sur des moldus ?
— Flamel, non ! Pourquoi ferais-je une chose pareille ?
C'est ce que je me demanderai toujours, voulut répliquer l'auror.
Pourquoi les sorciers se pensaient supérieurs aux moldus ? Pourquoi les sangs purs se pensaient supérieurs aux sang de bourbe ? Pourquoi les nazis s'étaient sentis supérieurs au reste du monde ? Pourquoi la haine d'un petit groupe pouvait faire tant de dommage autour d'eux, blesser tant d'innocents pour de simples idéaux éphémères ?
Sa mère avait perdu son père durant la seconde guerre mondiale alors qu'elle n'avait que dix ans, sa petite soeur dans les bombardements allemands, sa propre mère dans l'alcool.
Lui avait perdu sa meilleure amie, avait été trahi puis rejeté par ses camarades pour une simple question de sang. Il avait vu une vieille dame expirer son dernier souffle dans ses bras, alors qu'il tentait en vain de stopper l'hémorragie lancé par un sortilège inconnu de magie noire. Il avait vu des cadavres démembrés, carbonisés ou encore violés par la magie noire, ramenés à la vie pour se retourner contre la contre-attaque des aurors.
Tant de vies réduites au néant pour rien, voilà ce qu'était la triste réalité de la haine.
— Vous pensez que j'ai profité de cette attaque pour torturer des moldus ? le sortit-elle de ses pensées.
— Je ne demande qu'une preuve, répondit-il acidement.
— Alors trouvez-moi une pensine, je vous montrerai ce qu'il s'est passé.
Il haussa un sourcil, plus qu'étonné, ne s'attendant certainement pas à ce qu'elle collabore ainsi. Était-ce un piège ? En vue du regard qu'elle lui lançait il ne pensait pas. Prudent, il sonda rapidement son esprit et bien qu'il ne puisse y lire grand-chose, il n'eut pas l'impression que c'était encore une de ses ruses.
Il n'y a qu'une manière de savoir la vérité, jugea-t-il.
Il lui tendit alors le bras. La sorcière s'y accrocha et il les transplana tous les deux dans le couloir de son immeuble.
A peine les pieds au sol qu'il s'écrasa tête la première au sol, stupéfixié une nouvelle fois. Ne pouvant faire quelque mouvement, il jura contre lui-même pour son manque de prévoyance : il aurait dû s'entourer d'un protego ! Mais il fut aussi une nouvelle fois étonné par la rapidité de la sorcière. Tout comme lors de l'attaque du bar, il n'avait même pas eu le temps de faire le moindre mouvement qu'il était déjà stupéfixié. Cela ne pouvait que prouver qu'elle n'était pas qu'une simple civile, contrairement ce qu'elle voulait montrer. Cette rapidité demandait une certaine expérience. La gorge nouée, il prit de nouveau conscience que tous les indices convergeaient vers une même conclusion : elle devait être une fidèle du Seigneur des Ténèbres.
— Enervartum.
Libéré, il roula par terre avant de la menacer de sa baguette.
— Expliquez-vous ! cria-t-il presque encore tremblant.
Edith d'Aveyron le dominait, son visage figé dans un masque insondable.
— Il semble que vous oubliez qui je suis, lui répondit-elle froidement. Je ne suis pas une aurore, je n'ai pas suivi la moindre formation pour me défendre autre que mes études initiales à Beauxbâtons. Je suis une simple citoyenne française qui a déjà subi une attaque dans un bar puis un interrogatoire. Qu'importe qui vous êtes, je n'ai l'air en sécurité avec quiconque au vu de ce que vous me dites.
Durant son discours, Darron Shepherd s'était relevé et pointait toujours sa baguette vers elle, mais il se sentait fléchir face à ses arguments. Après tout, peut-être qu'en effet, elle n'était qu'une simple civile. Peut-être que Beauxbatons était particulièrement sévère avec ses élèves et attendaient la meilleure dextérité magique de leur part ce qui expliquerait son niveau phénoménale. Mais enfin, il était censé être un des meilleurs lanceurs de sort de la Grande Bretagne dû à son entrainement d'auror, cela n'avait pas de sens. Et pourquoi diable pratiquerait-elle de la magie noire ?
— Vous ne pouvez pas me téléporter dans un endroit inconnu sans me prévenir alors que je ne connais rien de vous, l'accusa-t-elle en s'approchant de lui.
Il recula d'un pas, l'odeur de lilas lui volant toute capacité de réflexion.
— Ou si vous le faites, attendez-vous à ce que je vous stupéfixie, en effet, afin de vérifier la sécurité des lieux.
Il déglutit tandis qu'elle ne le lâchait pas du regard, un air de triomphe sur son visage. Il la dépassait pourtant d'une tête mais il se sentait minuscule face à l'aura de la jeune femme.
— Je peux vous appeler Darron ? le coupa-t-elle de ses pensées innocemment.
Il superposa à la scène les souvenirs de leur rencontre et la revit trempée après leur saut dans la Tamise, lui proposant d'aller chez elle. Ses oreilles rougirent et il détourna le regard en déglutissant. Son bras descendit le long de sa jambe, sa baguette pointant à terre.
Quelle idée de m'envoyer moi, maudit-il ses collègues. Je n'ai pas la moindre volonté face à cette femme. Vivement que tout cela se finisse.
— C'est Daiwone ? Deille-wone ? chercha-t-elle la prononciation.
— Le deuxième, toussa-t-il.
Il la contourna et entreprit d'ouvrir la porte, levant certains sortilèges empêchant quiconque d'entrer. L'automatisme de la chose lui permit de se calmer et reprendre un semblant de contrôle. Il était en mission, il allait la mener à bien et récupérer ce fameux souvenir ! Puis il couperait tout lien avec cette sang pur lacérant son cœur par ses mensonges.
— Entrez, dit-il en ouvrant la porte avant de replacer les sortilèges qui la protégeaient.
Edith obéit et le suivit. Il sentait la jeune femme analyser l'espace d'intérieur d'un œil critique : elle étirait presque le cou tant elle cherchait à tout voir. Un rictus étira alors ses lèvres et Darron déglutit : ce n'était pas le sourire d'une personne aux pensées catholiques.
— Je ne sais pas à quoi vous pensez, mais je n'aime pas votre sourire idiot, grogna-t-il en lui prenant le poignet.
— Il vaut mieux que vous ne sachiez pas, en effet, rit-elle.
J'avais vu juste, la maudit mentalement l'auror en l'entraînant vers son bureau.
Pourtant, malgré son agacement profond, une certaine timidité continuait de roder dans son cœur. C'était la première fois qu'il emmenait une femme chez lui et il fallait que ce soit sa française. Il était sûr que ses oreilles étaient roses, à son plus grand désespoir.
Ils débouchèrent sur le bureau, une pièce ronde où trônait au milieu un grand secrétaire. Si tout l'appartement était rangé, on ne pouvait en dire autant de cette pièce : des tas de feuilles et de dossiers traînaient ci et là, il fallait faire attention où l'on mettait ses pieds.
— C'est très bien rangé ici, l'entendit-il se moquer.
— C'est un bazar organisé, toussa-t-il en ouvrant un placard.
Délicatement, il en sortit un grand vasque en pierre rempli d'un liquide indescriptible : il semblait être fait d'eau cristalline mais avait pourtant l'allure d'argent fondu.
— Vous possédez votre propre pensine ? Lucky you ! s'émerveilla Edith derrière lui tandis que le sorcier posait précieusement le réceptacle sur le bureau.
— Lorsqu'on chasse des mages noirs sans nom, le moindre indice peut aider, se contenta-t-il d'expliquer.
Il ferma les yeux un court instant, s'insultant mentalement. Venait-il clairement de lui indiquer qu'il faisait la chasse de ses collègues ? Elle allait à coup sûr faire encore plus attention à cacher ses sombres activités.
— Montrez-moi ce qu'il s'est réellement passé, ordonna-t-il d'un ton impérieux.
La scrutant, il la vit hésiter. Elle resta immobile quelques instants, les yeux incertains. Puis une nonchalance illumina son regard et elle haussa des épaules, avant de poser sa baguette contre sa tempe pour lancer un sort. En grimaçant, elle en extirpa un long filament argenté qu'elle fit tomber dans la pensine : des images commençaient déjà à se former à la surface du liquide, on pouvait l'y voir en train de boire.
— Donnez-moi votre baguette, quémanda-t-il plus que sérieux.
— Pardon ? s'offusqua-t-elle.
— Je n'ai pas encore visionné votre fameuse preuve : vous pourrez très bien m'attaquer dans mon dos.
Il s'était déjà fait avoir deux fois, il ne se ferait pas avoir une troisième fois. Hors de question qu'il soit à sa merci alors qu'elle était si suspecte. Il nota bien ses mâchoires serrées mais il ne plia pas pour autant.
— Je ne peux pas, murmura-t-elle en s'accrochant à sa baguette.
Elle le défia du regard tandis qu'il la fusillait pour son refus. Mais il remarqua qu'elle n'était pas aussi sûre d'elle qu'elle voulait le prouver car elle tremblait légèrement : si elle était bien une simple civile s'étant trouvée au mauvais endroit, elle devait garder un certain traumatisme. Elle ne pourrait se défaire de sa baguette si facilement. Cherchant un compromis, il réfléchit à toute vitesse. Il ne fallait pas qu'elle puisse l'attaquer pendant qu'il visionnait le souvenir, il ne fallait pas non plus qu'elle puisse fuir. Les sorts qu'il avait lancé à son appartement empêchaient toute personne d'y transplaner mais aussi d'en sortir sans son autorisation. Si il bloquait l'entrée de son bureau, il pouvait la laisser avec sa baguette dans son appartement, il ne risquait pas grand-chose.
Après un soupir, il maugréa un sortilège et la française hurla en se retrouvant projetée hors de la pièce, avant que celle-ci ne soit barricadée par d'autres sortilèges.
Comme ça je pourrai aussi mon concentrer, se convainquit-il qu'il n'avait pas cédé pour elle mais pour lui.
Il s'approcha de la pensine, dans laquelle il devinait sa française en train de discuter avec le barman. Un pincement lui serra le cœur, alors qu'il voyait celui-ci rire avec elle. Ils avaient l'air bons amis, elle devait être une cliente régulière. Et si elle s'y rendait pour me revoir ? rêva-t-il un court instant. Après tout, ils s'étaient rencontrés là-bas, en vue de leur discussion elle l'avait apprécié, ça ne semblait guère la déranger de côtoyer des moldus, ce ne serait pas si inimaginable ?
Mais à quoi est-ce que je pense ! s'exaspéra-t-il en prenant conscience de son égarement. Elle est la plus grande suspecte de l'attaque !
Darron soupira et se passa une main dans ses boucles de feu, ne comprenant plus la situation. Comment une femme se fondant si bien dans le monde moldu, semblant discuter avec enthousiasme avec ces non sorciers, pourrait être cette même sorcière au regard de haine, mage noire par-dessus cela ? La réponse se trouvait dans ce souvenir, il le savait, mais à présent à un rien de connaitre la vérité il prenait peur. Une fois plongé dans la pensine, il ne pourrait plus fermer les yeux, plus espérer. Il serait une nouvelle fois transpercé par la trahison, lame aiguisée par le mépris et la cruauté, et celle-ci s'enfoncerait en lui jusqu'à déchirer son cœur et son âme. On pouvait ignorer la haine des inconnus, mais l'abandon de l'être aimé était insurmontable. Cela faisait plus d'une demie-décennie que son premier amour tel un détraqueur lui avait volé toute joie de vivre, il portait encore son deuil. Sa rencontre avec la française lui avait quelque peu pansé ses plaies, mais à présent qu'il l'avait tant désirée durant une dizaine de mois, il tomberait de trop haut. Non, il ne voulait pas savoir.
Mais je ne peux pas la laisser en liberté pour autant, se rappela-t-il, elle est trop dangereuse.
Il gémit de frustration en s'éloignant de la pensine, se tordant ses boucles rousses. Il devrait peut-être faire appel à un collègue ? Mais qu'allait-il faire de la française en attendant son arrivé ? D'ailleurs, que faisait cette dernière ? Avait-il laissé quoi que se soit trahissant son origine dans son appartement ? Mais pourquoi s'en souciait-il ? Il était fier de ses parents, qu'importe qu'ils soient moldus ! Ce n'était pas un crime de ne pas avoir de pouvoirs magiques, il n'était pas le fils de criminels !
Mais je ne pourrais pas supporter de voir son regard me traverser comme si je n'existais plus, savait-il.
Il leva les sortilèges et sortit de son bureau à toute vitesse, balayant des yeux son appartement pour s'assurer qu'il n'avait pas exposé de photographies de son enfance ou d'objets typiquement moldus.
Ne voyant rien de tel, il fut quelque peu rassuré et se permit de respirer, puis se figea en se rendant compte qu'il n'avait pas vu la sorcière. Elle n'était ni dans le salon, ni dans la cuisine. Tirant sa baguette, les tempes battantes, il se fit plus vigilant, remontant son appartement en silence. Se cachait-elle, attendant qu'il ne soit pas attentif pour l'attaquer ? Ca serait ridicule, elle n'avait pas l'air de vouloir lui faire de mal... Mais elle est une formidable actrice, sa conscience lui souffla. Elle est plus que vive d'esprit, elle a forcément vu tes oreilles rouges et a noté ton enclin pour son sourire. Elle a très bien pu te séduire pour mieux te détruire.
Déglutissant, il chassa sa conscience, refusant de réfléchir plus et de voir la réalité en face, et s'avança vers la dernière pièce : sa chambre.
Il s'arrêta dans l'embrassure de la porte et fut soulagée de la voir inoffensive, à genoux au sol. Cependant, lorsqu'il aperçut l'écharpe qu'elle tenait dans ses mains, son sang ne fit qu'un tour.
— C'est privé, gronda-t-il furieux.
— Qu'est-ce... balbutia-t-elle en tentant de se retourner mais il la coupa aussitôt.
— Nox, siffla-t-il.
Chaton, qu'est-ce que c'est que cette réaction démesurée ?
Vous comprendrez dans le prochain chapitre ;)
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