10 : Filer entre ses doigts

Et Philipe Lebeau revint ainsi tous les jours, sous la couverture du prétendant charmant. Derrière cela, entre deux clients, lui et Edith s'enfermaient dans la salle ronde et s'entrainaient à l'Occlumentie : tout le défi de la sorcière était d'abaisser ses défenses pour laisser l'auror britannique fouiller ses souvenirs et lui donner l'impression de ne plus rien lui cacher, tout en camouflant son ultime barrière protégeant les secrets de la résistance, pour qu'il ne la voit pas et ne tente pas de la détruire.

Cela n'était pas si facile, notamment parce qu'elle avait tendance à fermer son esprit par habitude.

— Edith, qu'est-ce que tu veux me cacher ? souffla faussement exaspéré son mentor en français en passant sa main dans ses boucles brunes. Respire et fragilise moi cette forteresse mentale ou tu ne te débarrasseras jamais de ton non moldu.

Une lueur s'alluma dans son regard et il se pencha vers elle, l'air conspirateur.

— D'ailleurs, pourquoi veux-tu te débarrasser de lui ? Si le Ministère t'avait mis un auror banal, je comprends que ce soit dangereux pour notre secret. Mais ils t'ont assigné Darron Shepherd ! Celui que tu cherches depuis neuf mois ! Tu ne veux pas le garder à tes côtés ?

Edith sourit amèrement, voyant qu'elle n'était pas la seule à abaisser ses défenses lorsque les sentiments entraient en jeux : son confident, n'ayant pourtant jamais rencontré son non moldu, le voyait déjà comme un être à part, pas un simple auror pouvant être agent double.

— Je protège notre secret, finit-elle par avouer. Darron Shepherd tente de le découvrir, alors qu'il soit homme du Ministère ou mangemort, je ne peux pas le laisser en apprendre plus.

— Mangemort ? Attends, j'ai raté une étape ? Depuis quand tu as des soupçons ? Il travaillerait pour le fou furieux ?

Edith se mordit la lèvre, triturant ses mains. Devait-elle lui en parler ? Les indices s'accumulaient pourtant : le britannique venait de Serpentard, parlait du seigneur des ténèbres avec dévotion, tentait de fouiller ses souvenirs, avait un lien avec les Malefoy... Non, elle devrait plutôt parler de ceux-là au résistant, elle était sûre que le blond platine était un mangemort.

— Je ne suis pas encore sûre, finit-elle par avouer. Mais nous vivons dans un monde où la confiance est un luxe qu'on ne peut plus accorder. De plus, j'ai découvert que c'était un Serpentard et qu'il est en relation avec les Malefoy. Philipe, si pour Darron je n'ai que des doutes, pour Lucius Malefoy, je suis sûre de moi. C'est l'un des mangemorts qui a participé à l'attaque du bar ! l'implora-t-elle de le croire. Il a les mêmes cheveux, la même voix trainante et méprisante !

Et elle lui raconta tout ce qu'il s'était passé depuis cette nuit terrible, sa voix se cassant parfois lorsqu'elle arrivait aux épisodes traumatisants. Elle conserva un certain recul dans son discours, comme si elle contait les mésaventures d'un héros de livre et non les siennes. Elle garda toutefois quelques détails pour elle, comme les souvenirs qu'elle avait volé au grand blond platine ou les souvenirs qu'elle avait donné à Darron Shepherd : il y avait d'une part une honte de sa part à assumer ses erreurs, mais surtout une certitude qu'elle les avait réparées. Elle tut finalement que Lucius Malefoy l'avait reconnue, qu'on la cherchait.

Rationnellement, elle devrait en parler à son mentor pour se protéger de toute potentielle attaque. Mais elle ne pouvait croire que ces fanatiques oseraient s'en prendre publiquement à elle. Ce ne serait plus une simple guerre civile mais une guerre mondiale ! La France entrerait officiellement dans la bataille : sa famille était l'une des plus importantes, s'attaquer à elle, c'était s'attaquer au pays tout entier. Non, les mangemorts avaient trop à perdre en l'attaquant, ils ne le feraient pas. De plus, elle avait bien prouvé aux époux Malefoy qu'elle était inoffensive, presque naïve. Lui attribuer une protection ne mettrait qu'à jour sa fragilité, son besoin de cacher quelque chose. Ce serait contre-productif.

Elle tut donc l'information qu'elle avait lu dans l'esprit du blond platine.

— Edith... Tu es sûre de toi ? Avoir des cheveux blond platines ou la même voix, ce n'est pas suffisant comme preuve. Ça sera ta parole contre la sienne.

Il réfléchit un instant, avant de soupirer.

— Par ailleurs, aussi triste que ce soit, ton témoignage ne servira pas à grand-chose, avoua-t-il. Tu as dû remarquer que le Ministère de la Magie britannique n'est guère efficace : lorsqu'il suffirait de faire boire du véritasum à toute la population et leur demander à qui va leur allégeance, il se contente de paroles creuses. Ces gens du Ministère se disent dépassés, mais je pense qu'il y en a un tas qui adhèrent à la théorie des sang-pur, à la suprématie des sorciers sur les moldus. Ce n'est pas pour rien que nous, résistants français, avons interdiction de parler de notre appartenance à la Résistance à qui que ce soit : il y a trop de probabilités que la personne se retourne contre nous plus tard.

Edith ricana amèrement, ne l'ayant que trop bien expérimentée. Heureusement, elle n'avait pas eu la bêtise d'avouer ce secret là à son non moldu, il n'en restait pas moins qu'elle lui avait prouvé qu'elle défendait les moldus et s'opposaient aux mangemorts. Il sait très bien que nous ne sommes pas dans le même camp, d'où la surveillance.

— Ton témoignage ne risque que de prouver ton allégeance envers le Ministère, continua le résistant français, et t'attirer la méfiance et le dédain des fanatiques : ils ne viendront plus et te surveilleront même peut être. Non, ne parle à aucun britannique de tes soupçons.

— Mais Phil', je ne peux pas laisser Lucius Malefoy se balader dans la nature tout en sachant ce qu'il est !

— Tu es sûre de toi ?

-— Sûre à cent pour cent. Ce n'est pas quelque chose que tu oublies, lui assura-t-elle droit dans les yeux.

Il la jugea du regard, et convaincu, se passa une main sur le visage tout en réfléchissant.

—Je suppose... que je peux faire remonter l'information à nos services secrets. Peut-être qu'ils pourront le surveiller... Mais ça ne sera guère discret. Ça risque de nous dévoiler, ce qui n'est pas le but : leur fou furieux fait déjà assez de mal en Grande Bretagne, il ne peut pas se tourner vers la France.

— Et si on pouvait le tracer ? l'interrompit dans sa réflexion la française.

Voyant qu'elle avait attiré l'attention de son collègue, elle lui fit part de son idée.

— A Beauxbatons, j'ai fait un bac Alchimie... commença-t-elle.

— Alchimie ? s'étrangla l'auror français. Mais tu étais maso !

Elle avait surtout des parents qui plaçaient de grands espoirs en sa carrière. Le baccalauréat Alchimie était le plus difficile, non seulement par son volume horaire à la semaine très chargée, mais surtout par ses matières : les étudiants devaient parfaitement maitriser le latin pour créer de nouveaux sortilèges, maitriser l'arithmancie -les mathématiques magiques-, étudier la chimie pour parfaitement comprendre l'effet des potions, tout cela dans le but de devenir chercheur plus tard. La difficulté des travaux demandés faisait fuir de nombreux étudiants, pourtant habitués à toujours donner le meilleur d'eux même.

— Ce n'est pas ce qui est important ! J'ai l'habitude de créer des sortilèges et potions. Je suis sûre qu'avec un peu de temps, je pourrais trouver un sort indétectable qui trace la personne touchée !

— Je ne doute pas de tes capacités, mais tu ne peux pas le jeter sur le client comme cela. En ces temps troubles, la plupart des sorciers s'entourent d'un protego, ils détecteront ta tentative.

Edith se pinça les lèvres en se rappelant de sa sottise avec le mangemort blond platine : comment avait-elle pu croire pouvoir lui voler ses souvenirs ainsi ? Elle sentit son rythme cardiaque accélérer au souvenir des évènements qui avaient suivi.

— Et si je le tissais dans mes vêtements au préalable ? finit-elle par proposer. Ca me demandera encore plus de travail pour le rendre parfaitement indétectable, mais je suis sûre que je pourrais le faire d'ici peu !

— Mais qui te dit qu'il portera le vêtement lorsqu'il revêtera son masque de mangemort ?

— Je devrais peut être investir dans des accessoires, ne l'écouta pas Edith. Des cannes où l'on peut ranger sa baguette par exemple : je suis sûre que ça plairait énormément à l'aristocratie. Mais je devrais aussi investir dans quelque chose que tout le monde porte... DES CALECONS !

Philipe s'étouffa en buvant son thé et bientôt ils tombèrent dans un fou rire incontrôlable. La situation était pourtant dramatique, alors qu'on ne pouvait se fier à personne et qu'il était impossible de traduire en justice les meurtriers connus, mais la finalité de leur résonnement balayait tout cela.

Entre deux hoquets, la jeune femme de vingt-trois ans parvint pourtant à se projeter.

— Je peux lancer une filiale de lingerie, cela ne détonnera pas avec la direction d'IllusmiaMoa. Il faut que je trouve une matière très douce, agréable à porter comme à regarder, et qui en devienne si addictive qu'on ne puisse porter plus que cela. Avec ma potion enjôleuse, cela devrait se faire tout seul...

Comme beaucoup le supposaient, il y avait en effet un secret derrière l'engouement pour ses collections. Qu'importe l'aspect esthétique que les journaux et clients acclamaient continuellement, c'était au niveau de la confection que tout se jouait. Qu'importe ce que disaient ses détraquer, son Bac Alchimie ne lui était pas inutile : au contraire, sans lui, elle ne serait pas là où elle était aujourd'hui. En effet, elle avait pris part à des recherches sur les hormones de plaisir et d'addiction, et avait grâce à cela réussit à les isoler. Le reste avait été très simple, elle avait réussi à les synthétiser et en infiltrait ses tissus. Le client en le portant était alors influencé par ces hormones et adorait la création. Si cela se savait, certains crieraient au scandale : mais les potions d'amour n'agissaient-elles pas de la même façon ? De plus, les hormones n'influençaient que la personne portant le vêtement : si il n'était pas parfait dans sa coupe, l'entourage s'en plaignerait ou s'en moquerait au lieu de courir dans sa boutique s'en procurer à leur tour.

— Je vais faire ça ! décida-t-elle. Lucius Malefoy tombera amoureux de mes caleçons et ne portera plus que les miens ! On pourra le tracer et intervenir très rapidement dès lors qu'il sera dans le monde moldu !

A défaut d'enfermer ces fanatiques, la résistance pourrait les neutraliser en les empêchant de s'en prendre aux moldus. De plus, si tous ses clients portaient sa lingerie, elle pourrait voir qui côtoyait qui, et peut-être débusquer d'autres mangemorts !

— Tu as ma bénédiction. Et pour ton berger ? la sortit le français de sa réflexion.

— Mon berger ?

— Oui, ton Shepherd, sourit-il de tous ses dents.

La française leva les yeux au ciel face au jeu de mot plus que facile quand au nom de famille de l'auror anglais, qui en effet se traduisait en français comme berger.

— Tu as dit qu'il te surveillait : mais il peut autant te surveiller en tant que mangemort ou en tant qu'homme du Ministère. Tu as quand même utilisé de la magie noir cette nuit-là, avec le Feudeymon. Lors de l'interrogatoire, tu n'avais pas ta baguette.

— Non, répondit-elle avant de comprendre le sous-entendu. Ils ont regardé les sorts que j'ai lancés !

— S'ils ne l'ont pas fait, ils sont totalement incompétents. Je pense qu'ils savent que tu maitrises la magie noire. N'oublies pas qu'en Grande Bretagne, c'est illégal ! Il faudrait trouver un moyen de l'interroger tout en vérifiant la sincérité de ses réponses... Pourquoi ne pas utiliser du veritasum ?

— La potion de vérité ? Déjà essayé d'en mettre dans un thé avant de lui proposer. Il ne boit rien que je lui donne, grimaça-t-elle. Surtout, je ne pense que ce soit pertinent dans son cas : ça ne sert à rien de savoir que c'est un mangemort s'il se rend compte qu'on le sait et disparait dans la nature. Même si une fois qu'on a bu un véritasum, on ne peut plus mentir, on se rend bien compte qu'on est pas dans notre état normal et on peut toujours transplaner.

Philipe Lebeau hocha de la tête, convaincu par la jeune femme. Celle-ci réfléchissait d'ailleurs à une autre solution. Comment s'assurer de la véracité des propos de la personne ? La première réponse fut de lire dans ses pensées. Mais il maitrisait l'Occlumentie, il savait donc camoufler ses secrets et avait une maitrise totale de son esprit : elle ne pourrait pas le tromper. Alors qu'est-ce qui n'était pas contrôlable ?

— Les sentiments... souffla-t-elle.

— Pardon ?

— Les sentiments ! répéta-t-elle triomphante. Ça ne se contrôle pas ! On peut masquer la colère ou la peur dans notre comportement, mais le sentiment persiste tout de même. Il faut que je trouve un moyen de capter ses sentiments ! S'il est dégouté dès qu'on parle de moldus, ou fier lorsqu'on parle de l'autre ziguoguo, on saura que c'est un mangemort !

L'excitation parcourait tout son corps alors qu'elle avait la solution à leur problème. Il fallait simplement à présent trouver comment créer cette solution, mais elle se savait capable de faire bien plus compliqué. Elle n'était pas major de son année pour rien.

Le son du mécanisme de l'horloge la tira de ses pensées.

— Prêt à jouer le prétendant dévoué ? soupira-t-elle en voyant l'heure.

Son prochain client allait bientôt arriver. Elle se leva et machinalement repassa sa jupe. Mais son confident nia de la tête avec un sourire taquin et lui plissa au contraire son jupon, avant de défaire ses longs cheveux châtains tressées habituellement en une coiffure sophistiquée, puisque les cheveux détachés étaient réservés aux personnes intimes.

— J'en connais un qui va être vert, sourit l'auror français en embrassant une de ses mèches à présent ondulées.

— Il va plutôt être rouge, répondit-elle avec un clin d'œil par-dessus le rire franc de son ami.

Et ce fut en effet elle qui eut raison. Lorsqu'elle sortit précipitamment de la salle, plissant son jupon après s'être assuré que son état désordonné avait bien été noté, et qu'elle réattacha ses mèches châtains, Darron Shepherd détourna les yeux, le rouge aux oreilles.

Edith retint un soupire en se rendant compte qu'encore maintenant, la vision de l'effet qu'elle lui provoquait lui créait des papillons dans le ventre, et qu'elle aimerait enlever son non moldu et ne le garder que pour elle, pour que seule elle ait le droit de voir la beauté de son émoi.

Elle ne réagit pas tout de suite quand son mentor accrocha dans sa nuque un collier au fin ouvrage, une pierre d'ambre venant loger au creux de sa gorge.

— Pour vous rappeler l'ambre des mes yeux, lui souffla-t-il dans sa nuque assez fort pour que l'auror britannique l'entende.

— Il ne fallait pas, ils sont déjà inoubliables, lui sourit-elle amusée en se retournant.

Il lui rendit son sourire tendre et la laissa lui caresser la joue, avant de se retirer galamment. Elle resta ainsi, regardant la porte, serrant la pierre dans son poing, un sourire sur les lèvres. Ce n'était pas dur de jouer la comédie, car elle était réellement amusée par la situation : le collier qu'elle serrait contre elle, c'était elle qui l'avait acheté. Philipe n'avait aucun goût en matière de bijoux, elle avait toujours été là pour l'aider à choisir pour ses conquêtes. Cette-fois ci n'était pas une exception, elle avait prévu la veille quelle tenue elle allait porter et donc quel bijou il lui faudrait pour parer son cou.

Elle se retourna finalement et son sourire disparut en voyant le regard dépréciateur de son surveillant sur la pierre logée au creux de sa gorge.

— Vous auriez préféré que ce soit un saphir ? se moqua-t-elle en anglais.

La surprise se peint un moment sur le visage d'habitude imperturbable de l'auror, avant qu'il tousse en détournant le regard.

Oui, un saphir lui aurait rappelé en permanence ces yeux bleus qui avaient envahi ses rêves pendant tous ces mois. Ces yeux à présent sources de cauchemar.

Elle le dépassa pour rejoindre l'arrière-boutique, mais il lui retint le bras, non sans pour autant lui faire face. La tête regardant à l'opposé, il s'éclaircit la gorge.

— Vous envisagez une relation sérieuse avec lui ?

— Pourquoi, vous comptez me donner votre bénédiction ? lui répondit-elle froidement. Ne vous prenez pas la peine de faire ça, c'est un homme des plus aimables, mais des hommes comme lui il en existe des milliers. Je ne vais pas me priver de qui que ce soit en m'emprisonnant dans une quelconque relation.

Et les jours qui défilèrent prouvèrent bien ses dires. Philipe Lebeau la visitait toujours quotidiennement, pour autant, lorsque certains jeunes clients lui faisaient la cour, elle ne les repoussait pas. Edith savait les anglais non sérieux la concernant : elle était considérée comme un défi inatteignable, mais aucun ne serait capable de s'engager pour quelques temps. Les britanniques vivaient encore dans l'ancien temps lorsque venait la question des relations et de la sexualité, et puisqu'elle avait été très claire dans les journaux quant à son refus de se marier, aucun prétendant londonnien ne serait sérieux dans leur demande. Elle pouvait donc s'amuser avec eux le temps de la confection de leurs vêtements, sans se soucier de leur briser le cœur.

Comme tout bon sorcier britannique, Darron Shepherd ne comprenait pas son manque de sérieux.

—Ça ne vous dérange pas d'être ainsi ?

— Ainsi, répéta-t-elle distraite en continuant ses retouches dans l'arrière-boutique.

— D'être aussi peu soucieuse du regard des autres, de vous laisser séduire par le premier venu ?

La jeune modiste arrêta un instant ses retouches et se retourna pour voir l'auror au seuil de la porte. Le visage toujours aussi froid, il semblait légèrement crispé.

Oh, cela ne plait pas au petit mangemort qui croit encore qu'une femme doit se préserver pour son mari, le plaignit-elle faussement dans sa tête.

— Si cela me dérangeait, je n'aurai pas couché avec vous, assena-t-elle la vérité en retournant à son ouvrage.

Le britannique ne lui adressa définitivement plus la parole, se chargeant d'accomplir sa mission dans l'ombre de la haute maison de couture. Edith d'Aveyron ne s'en plaignait pas, trop occupée à s'occuper de ses nombreux clients. Lorsqu'elle n'était pas à leur contact, elle tentait de travailler le fameux sortilège de localisation ainsi que la potion des émotions. Cela lui prit une semaine.

Un des premiers matins de Février, Edith d'Aveyron entra dans sa boutique d'excellente humeur : elle avait enfin réussi à créer le parfum qui prouverait la culpabilité de l'auror. Elle se dévêtit, enlevant la redingote et l'écharpe la protégeant du froid, puis tenta en vain de camoufler son appréhension : aussi excitée qu'elle était par sa nouvelle victoire sur la chimie, cela ne changeait pas que dans quelques minutes, elle saurait. Elle saurait si son non moldu était oui ou non un mangemort. Elle espérait au fond d'elle que non, afin qu'il ne soit pas son ennemi, bien qu'elle soit effrayée par cette même idée. S'il n'était pas un serviteur du seigneur des ténèbres, cela changerait-il le fait qu'il prenait de haut les moldus ? Deviendrait-il bon pour autant ? Cela expliquerait-il le fait qu'il la soupçonnait d'être une mangemort simplement parce qu'il était impensable qu'elle ait pu défendre des hommes et femmes ce soir-là dans un bar, alors qu'ils n'étaient pas sorciers ? Et pourquoi avait-il réagit si violemment lorsqu'elle avait découvert l'écharpe de sa maison de Poudlard ? Non, rien d'autre que le fait d'être mangemort ne pourrait expliquer son aversion pour les moldus. Il ne pouvait être un de ces sorciers détestant les moldus par défaut.

Le cœur tambourinant dans sa poitrine, elle releva la tête derrière son comptoir lorsqu'elle la clochette tintinabulla. Quelle ne fut sa surprise en ne voyant pas le grand roux, mais un petit sorcier à lunettes, un chapeau entre ses mains.

Bonjour... balbutia-t-elle en français avant de se reprendre en anglais. Bonjour monsieur, comment puis-je vous aider ?

Un sourire professionnel sur les lèvres, elle contourna élégamment le meuble et s'avança vers l'inconnu qui fouillait ses poches.

—Vous êtes placée sous protection du Ministère, répondit-il finalement.

—C'est... fort aimable, tenta de garder son sourire la jeune sorcière non sans se démonter. Mais je suis déjà sous la protection d'un auror, monsieur Shepherd, si je n'écorche pas son nom...

—Le Ministère le veut sur le terrain, grogna son interlocuteur. Je prends donc la relève, pour ce que ça vaut, se plaint-il.

Edith garda son sourire, mais elle sentait sa mimique légèrement crispée. Non seulement le roux disparaissait entre ses doigts juste quand elle allait réussir à l'inculper et voilà qu'elle devait garder un nouvel auror à ses côtés, bien moins agréable pour les yeux. Comment allait-elle faire pour garder ses clients si ce rat immonde, sans le moindre sens de la mode en vue de ses vêtements déplorables, trainait dans sa boutique ? Et qu'allait-elle faire s'il était encore plus intrusif que son non moldu ? Personne ne devait savoir qu'elle entretenait des relations avec les résistants !

Très vite, au fur et à mesure que la journée se passait, Edith comprit que l'apparence physique et sensorielle de la personne ne seraient pas les seules défis pour conserver sa clientèle : l'auror n'hésitait pas à la déranger dans ses consultations, interrogeant ses clients sans le moindre respect et critiquait les tissus et coupes.

—Pourquoi quelqu'un comme moi dois enquêter sur une foutue vendeuse de chiffons ! Ce n'est qu'une femme qui fait joujou avec la fortune de ses parents ! se plaignit-il toute la journée.

Quand vint le soir, Edith d'Aveyron n'en put plus. Elle décida donc de prendre les choses en main et s'assura le lendemain de pousser à bout la patience et l'égocentrisme de l'individu. Entre les propositions de tasse de thé toutes les dix minutes, les critiques et conseils sur son style vestimentaire, les logorrhées dignes d'une jeune femme écervelée et encore bien d'autres, l'auror déserta son poste et elle put enfin respirer une fois sa boutique vide.

Etrangement, elle se sentit seule, une fois sa dernière cliente partit, n'ayant plus le moindre auror à ignorer. Non, il n'y avait que le silence autour d'elle et ses créations ornant ses mannequins.

Seule dans ce silence, elle eut tout le loisir de réfléchir en faisant ses comptes. La disparition de l'auror roux lui paraissait fortement louche. Avait-il senti qu'elle ne lui faisait pas confiance ? Non, ce n'était pas lui qui avait décidé de partir, mais on l'avait rappelé sur le terrain selon l'explication de l'homme rat. Cela n'en restait pas moins une très belle coïncidence, que juste le jour où elle allait pouvoir l'inculper il ne se présente plus. Aurait-il réussi, malgré sa vigilance, à lire ses pensées ? Avait-il vu son plan ? Qu'avait-il vu d'autres ? Aurait-il eu une preuve de son appartenance à la Résistance ?

Non, il l'aurait éliminée aussitôt, tenta-t-elle de se rassurer. Et s'il n'était pas un mangemort, mais prêtait réellement allégeance au Ministère... Il le leur aurait rapporté et on ne lui aurait pas mis sur le dos un nouvel auror si cela avait été le cas. Non, son secret n'avait donc pas pu être découvert.

Il n'en restait pas moins que la coïncidence l'effrayait. A trop y penser, elle ne vit pas l'heure passer et bientôt plus personne n'arpentait les rues du chemin de Traverse.

La cloche tintillabula, sortant la jeune modiste de sa concentration.

—Monsieur, la boutique est fermée, nous rouvrons demain à huit heu... perdit-elle ses mots en croisant le regard de l'individu.

Elle resta ainsi, figée par les billes rouges de l'homme en face d'elle, si on pouvait appeler cela un homme. Blafard, un visage de serpent, il ressemblait plus à un reptile qu'à un être humain.

Ses lèvres quasi inexistantes s'étirèrent en un rictus moqueur et il s'avança lentement, sa robe noir créant comme un aura maléfique autour de l'individu.

—Voilà donc la femme qui a tenu en joue mes meilleurs mangemorts, siffla la voix de l'individu.

Edith sortit de sa transe et attrapa sa baguette, mais trop tard, celle-ci volait déjà loin, suite à l'experlliamus du sorcier.

—N'aies pas peur, femme, contente toi de livrer tes souvenirs à Lord Voldemort.


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