1 : London, here I am
Un mur de brume tombait sur la cité londonienne, voilant les rues et enlaçant les grands bâtiments. Le palais de Westminster se masquait dans les nuages. Seule sa gigantesque horloge se distinguait, semblant pourfendre le brouillard.
Les londoniens hâtaient le pas. Le visage fermé, le regard voilé, ils rentraient chez eux tels des automates programmés pour cette vie grise.
Au milieu de ceux-ci, une jeune femme détonnait. Sourire aux lèvres, immobile, elle admirait le symbole de la capitale, le lumineux Big Ben, qui tentait d'éclaircir en vain ce soir brumeux.
Il lui semblait y percevoir le symbole de la lutte de l'humanité pour la liberté, ce désir, non, cette obligation de combattre l'obscurité pour offrir un monde meilleur à ses enfants. Comme la brume, l'obscurité revenait toujours. Elle s'absentait parfois, laissant le soleil nimber le cœur des hommes et leur offrir des instants de bonheur. Mais toujours, elle finissait par revenir. Alors lorsque l'obscurité tentait d'étouffer les cris de liberté, il fallait la chasser car le soleil ne pouvait à lui seul trancher cette brume étouffante.
Cette obscurité n'était autre que la folie cruelle des hommes. Nulle autre espèce du règne animal ne connaissait tous les crimes perpétrés au nom d'idéaux éphémères. Pourtant, aucun homme, quelle que soit sa nationalité, n'avait échappé à cette obscurité : on la trouvait dans la méfiance engendrant des injustices, dans la haine aboutissant à des violences, mais aussi dans la société, dans les religions ou encore la politique. Trente-cinq ans plus tôt, le régime nazi asphyxiait l'Europe, accomplissant crimes et génocides.
La jeune Française frissonna en y repensant. Sa famille n'avait pas été touchée par la seconde guerre mondiale, mais son pays oui. Que serait-il advenu de ce dernier si n'y avait pas eu la Résistance, interne comme externe, et ses Alliés ?
On parlerait allemand... ou russe.
Il lui était impensable d'imaginer sa France entre les mains d'un de ces deux régimes.
—Merci, souffla-t-elle émue à la grande horloge.
Son remerciement s'évanouit dans la nuit et nul ne l'entendit. Il exprimait toute la gratitude de cette enfant de France, ayant grandi dans un pays en paix, qui ressentait cette profonde dette envers les Alliés.
— And now, London, here I am, murmura-t-elle le visage grave.
Cela faisait sept ans que ces mêmes Alliés étaient menacés. Bien trop souvent, des Britanniques disparaissaient, retrouvés morts sans la moindre explication scientifique après autopsie, lorsqu'ils ne s'évaporaient pas comme par magie.
Et pour cause, il y avait bien de la magie dans cette sombre période.
Edith grinça des dents. Son regard se perdit dans l'eau noire de la Tamise. La magie... Cette aptitude qui permettait de créer de si belles choses... Ce don qui l'avait toujours émerveillée...
Que ce pouvoir, capable de soumettre l'esprit le plus fort, soit entre les mains de simples hommes, qu'ils aient une tendance prétentieuse à se croire supérieurs, voilà que la magie les confortait dans leur idée et leur donnait tous les droits sur les Moldus, humains non sorciers. Dans les faits, qu'est-ce que ces derniers pouvaient bien faire lorsqu'un sorcier leur volait des souvenirs ou les faisait léviter ? Oui, avec un simple stupéfix, un sorcier figeait n'importe qui dans ses actes. On ne pouvait être libéré qu'une fois le sortilège levé. Pour autant, les sorciers n'étaient que de simples hommes parmi tant d'autres, avec une certaine capacité : la magie.
Ils ne tiraient leur pouvoir que du fruit du hasard, nul n'était capable d'expliquer comment la magie se transmettait. Il n'était pas question d'hérédité puisque, bien qu'il y ait des lignées de sorciers et lignées de Moldues, il apparaissait parfois chez des familles Moldues un enfant apte à maîtriser la magie. Au contraire, dans les familles sorcières, on trouvait parfois un enfant sans pouvoirs magiques : il était alors Cracmol.
La méprise des sorciers envers les Moldus se retrouvait dans le traitement infligé à ces dits Cracmols, pourtant enfants de sorciers, moqués et écartés de la société. Ils étaient la honte de leur famille et parfois même tués pour que nul ne l'apprenne.
Cette haine se retrouvait aussi dans le jugement fait à l'encontre des nés-Moldus, réels sorciers mais nés dans une famille sans magie. Ils étaient souvent considérés comme inférieurs et moqués par les familles de sang-pur, ces lignées purement sorcières.
Edith enfonça ses ongles dans son derme de frustration. Bien loin de valider ces idéaux dangereux, la jeune sorcière de vingt-trois ans vouait, au contraire, une admiration sans borne pour les Moldus. Elle s'était battue depuis son adolescence pour faire évoluer les mentalités. Suivant l'exemple des étudiants français en mai 68, elle avait mené plusieurs fois des grèves au sein de leur école de Magie, Beauxbâtons. Grâce à cela, le directeur avait dû intégrer de nouvelles matières au programme scolaire. Ainsi, l'Histoire Moldue, la littérature Moldue ou encore de la Physique y étaient à présent étudiées. La jeune sorcière était convaincue qu'en apprenant à connaître les Moldus et qu'en profitant de leurs savoirs, la haine qu'on leur vouait diminuerait.
Ainsi, en France, les jeunes sorciers commençaient à apprécier les travaux Moldus. Mais il restait encore bien trop de sorciers traditionnels, figés dans leur jugement condescendant, notamment chez les Britanniques. Cette absence d'interaction et de compréhension entre sorciers et Moldus expliquait comment la Grande Bretagne avait basculé dans la terreur.
En effet, depuis des années, l'horreur secouait ce pays. Tous les jours, de nouveaux morts, nouveaux disparus, nouvelles souffrances s'ajoutaient à la liste bien trop longue des crimes inexpliqués.
Si les Moldus Britanniques ne connaissaient pas les raisons derrière ces horreurs, les sorciers oui.
Le tonnerre gronda et les cieux s'ouvrirent. Un rideau d'eau recouvrit la cité londonienne.
— Bordel, jura Edith en sentant la pluie l'envelopper.
Dans une étreinte violente, les gouttes la giflèrent, trempant sa chevelure châtain. Son chignon sophistiqué ne ferait pas long feu. Pourtant, au lieu de courir s'abriter, elle apprécia le moment. Sous la pluie, elle n'avait pas besoin de penser. Elle se laissait juste aller. Elle se retrouva ainsi à fermer les yeux, à pencher la tête en arrière, à goûter l'eau tombant des cieux. Elle sourit en se souvenant des épisodes d'averse dans son domaine familial, d'elle petite fuyant sa gouvernante pour pouvoir jouer dans les flaques.
Mais quand l'orage se calma, elle retourna à ses pensées sombres.
Sept ans plus tôt, un mage noir avait imposé son nom : Lord Voldemort, mieux connu sous le nom de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Si à ses débuts de terreur, lui et ses partisans, les Mangemorts, se contentaient d'attaquer les Moldus, il s'était bien vite tourné vers une guerre de pouvoir et terrorisait à présent la société sorcière.
Le Ministère de la Magie britannique tentait en vain d'y mettre fin. Mais le seigneur des ténèbres était insaisissable et nul ne connaissait les visages sous les masques de ses fidèles Mangemorts. Plus personne n'osait se fier à qui que ce soit. N'importe qui pouvait se révéler être un assassin ou un pantin de ceux-ci.
En effet, le sortilège impero privait sa victime de tout contrôle et l'obligeait à obéir aux ordres du lanceur de sort. Il était évidemment interdit, faisant partie des trois sortilèges impardonnables qui condamnaient à la prison à perpétuité tout sorcier y ayant recours. Mais en temps de guerre, la loi n'était plus respectée. Combien d'impero obligeaient des sorciers et Moldus à coopérer malgré eux avec ce mage noir ? Combien d'endoloris torturaient leurs victimes, sous les gloussements de plaisir des Mangemorts ? Combien d'avada kedavra volaient le dernier souffle des tués ?
Nul ne le savait, ils étaient bien trop nombreux pour les compter.
Mais une chose était sûre, l'Angleterre avait besoin d'aide.
Tout comme les Américains étaient venus porter secours à la France après que Lafayette les ait épaulés des siècles plus tôt, c'était au tour d'Edith de soutenir la Grande Bretagne après que cette dernière ait libéré sa France.
La sorcière française admira une dernière fois l'immense horloge avant de s'en détourner. Elle marcha dans les rues de la capitale, une main négligemment dans sa poche, serrant pourtant fermement sa baguette, prête à se défendre au moindre danger.
Elle ne risquait pourtant pas d'être attaquée par des Mangemorts : elle venait d'une lignée de sang-pur. Son hérédité la préservait du mage noir tant qu'elle se comportait comme tel, soit qu'elle déteste les Moldus et soutienne Lord Voldemort. Malheureusement pour elle, quiconque se penchant un tant soit peu sur son profil verrait qu'elle n'était sang-pur que de nom.
—Tant pis, je ferai partie des héros de l'ombre tombés pour la liberté, marmonna-t-elle dans sa langue maternelle.
Entrer dans la Résistance n'était pas un choix aisé, personne ne souhaitait disparaître prématurément. Mais comment pourrait-elle se regarder dans la glace si elle fuyait ses responsabilités ? Elle était une sorcière extrêmement douée et avait surtout une qualité hors du commun : elle était une femme qui travaillait dans la mode. Quel Mangemort, homme patriarcal et limitant ce domaine à de vulgaires chiffons, penserait qu'une femme comme elle puisse faire partie de la Résistance et que sa boutique soit un relais d'information ?
Toutefois, bien qu'elle ne combatte pas les hommes du Seigneur des Ténèbres directement, être à Londres signifiait qu'elle pouvait être une de leurs victimes collatérales. Bien qu'elle ait suivi une formation intense auprès des Aurors français en intégrant la Résistance, parfois, l'angoisse l'empêchait de respirer. Comme à cet instant.
Seule dans une ruelle, Edith tenta d'inspirer lentement, mais cela ne suffit pas à chasser le poids qui comprimait sa poitrine. Abandonnant les conseils infructueux de sa mère, louant la respiration ventrale comme le remède à tout, elle se tourna vers la nicotine.
— Pourquoi je pense à tout ça, aussi, râla-t-elle en sortant une cigarette de son paquet.
Elle était une femme d'action : tant qu'elle agissait, elle ne craignait rien. Mais dès lors qu'elle s'arrêtait, sa confiance pouvait se retrouver étouffée par la crainte.
— Merde, où est mon briquet ?
S'arrêtant, la jeune sorcière fouilla ses poches, délaissant sa baguette un bref instant. Elle réessaya une nouvelle fois mais nul briquet ne s'y trouvait.
Et dire que je ne peux même pas utiliser un incendio ... se maudit-elle.
Qu'importe les différentes lois régissant les sorciers de nationalités diverses, une seule les unissait : ne pas faire de magie en présence de Moldus, ne pas leur laisser apprendre l'existence des sorcières et sorciers.
Cela paraissait simple de ne pas l'utiliser, de vivre comme n'importe quel Moldu, mais pourtant, c'était si difficile ! Il lui suffisait chez elle de lancer un simple sort pour allumer sa cigarette, elle oubliait donc son briquet inutile ! Mais en pleine rue, elle ne pouvait pas sortir sa baguette.
Edith soupira en regardant sa cigarette intacte, incapable de l'allumer. Cette vue fit alors ressurgir un souvenir, celui d'une soirée de mars 1976, dix mois plus tôt.
Elle venait d'arriver à Londres pour chercher l'emplacement de sa future enseigne. En contact avec la Résistance sorcière française, elle avait bien conscience que derrière sa future boutique serait installé un réseau pour la lier à la Résistance anglaise, permettant de s'entraider sans éveiller le moindre soupçon.
A cette époque, l'entraînement qu'elle avait suivi était trop récent. Elle n'avait pas encore assez confiance en elle et redoutait de se retrouver face à un Mangemort. Pour calmer ses nerfs, on lui avait offert une solution miracle, celle de la nicotine, inhibant le stress nuisible.
La jeune sorcière d'un an plus jeune s'était retrouvée dans la même situation d'aujourd'hui, idiote, sans pouvoir faire de feu. Dépitée, elle était entrée dans un bar au hasard et avait noyé son stress dans la boisson. Enivrée, elle avait percuté un moldu en sortant et s'était retrouvée dans ses bras à pleurer.
Encore aujourd'hui, elle avait honte en y repensant. Heureusement qu'elle n'avait pas bien articulé, car elle avait supplié l'inconnu de lui faire un incendie, au lieu d'un incendio. Il avait eu l'extrême délicatesse de chercher à comprendre le pourquoi du comment et, en ayant vu la cigarette intacte, lui avait tendu un briquet.
Edith soupira en songeant au doux visage de cet inconnu, à ses yeux bleus, à sa chevelure de feu auréolant son teint de porcelaine. Elle revit son regard doux, soucieux, son sourire discret, alors qu'elle partageait avec lui sa cigarette enfin allumée.
Ce rictus et cette douceur l'avait conquise, elle devait l'admettre. Dix mois plus tard, elle se retrouvait encore à rêver de lui. Ils n'avaient pourtant passé qu'une nuit ensemble, puis ne s'étaient plus jamais revus à son grand désespoir, mais quelle nuit mémorable ! Auparavant, nul homme ni femme n'avait réussi à l'émouvoir comme il l'avait fait. Cela restait d'actualité. Elle avait tenté de l'oublier dans d'autres bras, mais rien ne semblait guérir ce manque.
Leur bain de minuit dans la Tamise, sa galanterie, sa timidité, son torse sculpté...
Le rose aux joues, la jeune femme sourit rêveusement en repensant à lui. Elle espérait secrètement pouvoir le revoir, mais elle ne lui avait pas demandé son nom et les chances de le croiser étaient bien faibles. Elle était retournée souvent au bar, lieu de leur rencontre, mais il n'y venait plus.
Soudain, ses poils se hérissèrent. Elle sentait une présence derrière elle s'approcher. La baguette prête à être tirée, elle se retourna vivement.
Quelques petites informations pratiques :
1. L'histoire se déroulant à Londres, la plupart des dialogues sont techniquement en anglais : lorsque Edith parle en français, la réplique sera en italique pour le signaler.
2. Comme dit dans le résumé, c'est une fanfiction Harry Potter se déroulant avant la naissance d'Harry Potter, soit sous le règne de terreur de Voldemort.
3. Ce premier chapitre est très condensé en informations (désolée T^T), le but étant que les lecteurs n'ayant jamais lu Harry Potter comprennent le contexte de ce roman. Mais ne vous inquiétiez pas, à présent on passe à l'action ! ;)
J'espère que la lecture vous envoûtera !
N'hésitez pas à commenter, c'est toujours un plaisir de lire vos retours !
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Pour voir les coulisses de ce roman, vous pouvez me retrouver sur insta ou tik tok au compte edenemontagnol_auteure
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