1.2 : London, here I am

L'homme qui s'approchait ne semblait pas bien plus vieux qu'elle. Il n'avait rien de sorcier, au vu de sa tenue et coiffure, mais Edith resta sur ses gardes : cet inconnu pouvait très bien être un mangemort, fidèle de Lord Voldemort, sous couverture.

— Bonjour, l'interpella-t-il un sourire charmeur aux lèvres. Enchanté.

La jeune femme sourit poliment pour toute réponse, évaluant encore la situation. Il n'avait pas l'air dangereux et était assez beau garçon. En France, elle l'aurait laissé l'accoster.

— Vous êtes très belle, accepteriez-vous de faire connaissance autour d'un verre ? demanda-t-il.

La jeune Française le détailla une nouvelle fois, ne notant aucune trace de possible magie en lui. Elle ne pouvait imaginer un sorcier britannique se fondre si bien parmi les Moldus : ces sorciers étaient connus pour leur excentricité et ne pourraient troquer leur robe de sorcier contre un costume trois pièces moldu.

Pour s'en assurer, elle projeta son esprit vers son interlocuteur. C'était une capacité très rare, car difficile à maîtriser, qu'elle avait dû travailler en entrant dans la Résistance : elle permettait de lire les pensées.

Pourquoi ne répond-elle pas ? Elle ne me trouve pas assez beau ? Impossible avec un visage comme le mien !

Edith manqua de ricaner en lisant dans l'esprit de cet homme. La possibilité que ce soit un mangemort sous couverture définitivement écartée, la Française lui sourit plus franchement, le troublant encore plus.

Elle se permit de mieux le détailler, balayant son costume trois pièces du regard, costume qui seyait parfaitement sa silhouette, notant la posture confiante de ce londonien puis s'attardant sur son visage. C'était un très bel homme et encore un an plus tôt elle aurait accepté son invitation avec plaisir.

Malheureusement, en comparant ses traits à ceux de son moldu à elle, celui qui lui avait volé son cœur en allumant sa cigarette, elle perdit son attirance. Même cet homme élégant devant elle ne pouvait rivaliser avec la beauté brute de son moldu, un grand roux à la mâchoire carré. Personne ne pouvait égaler ses yeux azur, ni la douceur et l'attention que dégageait son regard. 

Edith soupira face à ce constat et mit fin à son examen, prête à répondre à l'inconnu.

Désolée, je ne parle pas anglais. Parlez-vous français ? demanda-t-elle dans sa langue maternelle.

— Qu... Quoi ? balbutia le grand homme, n'ayant pas compris un mot de cette femme.

— Frrrench ? tenta-t-elle de son ton le plus innocent, cherchant à prendre le meilleur accent français. No english me.

— Vous ne parlez pas anglais ? reformula-t-il, déçu.

— No english me, répéta-t-elle comme si elle ne comprenait pas un mot.

L'homme sembla dépité et une moue se dessina sur son visage. Elle l'aurait presque détrompé en conversant dans un parfait anglais mais elle se retint à temps.

— Sorrrry. Bye.

Puis elle s'engouffra dans une autre ruelle pour échapper à la tentation. 

— Attendez ! s'écria le rejeté en réalisant son départ.

En l'entendant l'interpeller d'un ton si impérieux, et au loin ses pas se dirigeant précipitamment vers sa ruelle, son cœur de jeune femme réagit au quart de tour et, après un rapide coup d'œil, transplana.

Elle se rematérialisa quelques kilomètres plus loin, jurant de sa bêtise. Elle avait beau avoir vérifié qu'il n'y avait pas de témoins, elle venait d'enfreindre l'unique loi commune des sorciers : pas de magie au milieu de Moldus.

Mais elle avait pris peur. Elle avait été effrayée par ce ton impérieux. Sans nul doute qu'il ne se serait rien passé, mais, à pouvoir être attaquée n'importe quand, elle avait les nerfs à vif.

S'accoudant au lampadaire en face d'elle, la jeune femme tenta de calmer son cœur, inspirant lentement et expirant longuement. Sereine, elle reprit possession de son corps et se redressa de nouveau confiante : elle avait été entraînée par des Aurors français, chasseurs de mages noirs au compte du Ministère de la Magie, à combattre tout potentiel Mangemort : elle n'était pas vulnérable.

Le dos droit, la tête haute, elle détailla les alentours dans lesquels elle avait atterri. Elle sourit en notant le bar devant lequel elle se trouvait : c'était ici qu'elle avait rencontré son moldu.

Lorsqu'on transplanait en urgence, on atterrissait souvent dans un lieu familier où on se sentait en sécurité. En France, ça aurait pu être sa maison d'enfance ou à présent sa maison de couture. A Londres, c'était ce bar qui semblait être son lieu de retraite.

Amusée, Edith poussa la porte et y entra. Le barman, habitué à la voir plusieurs soirs par semaine, lui fit directement son cocktail tandis qu'elle s'installait.

— Vous pensez que votre homme viendra enfin ? la taquina-t-il en anglais, connaissant parfaitement sa situation.

Elle se contenta de murmurer un "peut-être", sourire en coin. Depuis le temps qu'elle venait ici le soir dans l'espoir de revoir son inconnu, le barman connaissait sa vie entière - du moins, tout ce qu'un moldu pouvait appréhender - : elle avait évidemment tu le monde sorcier et sa magie.

Sirotant sa boisson, Edith engloba le bar du regard. La sorcière était adossée contre un mur, à l'opposé de la porte. Un tiers de la pièce était occupé par le bar, le reste était parsemé de tables rondes autour desquelles se regroupaient des amies et proches.

La Française adorait l'ambiance de ce bar avec ses tons chaleureux et le rire des Moldus, insouciants de la guerre politique sorcière. A défaut de recroiser son moldu, elle y trouvait de l'inspiration pour ses créations. Elle avait beau être à Londres pour la Résistance, elle ne restait pas moins la créatrice de sa marque IllumisMoa et devait renouveler son catalogue pour satisfaire ses clients.

Alors qu'elle sortait un carnet pour y jeter ses idées, un frisson la parcourut en ressentant une sensation familière la traverser, celle de l'air projeté par un groupe de sorciers transplanant dans un lieu.

Tout comme les clients du bar, hébétée, elle vit une dizaine de personnes en robes noires apparaître par magie. Un frisson parcourut son échine tandis que ses sourcils se fronçaient, ne comprenant pas immédiatement la situation. Comme figée, elle lorgna leur masque de fer dissimulant leur visage : un silence s'abattit sur le bar tandis que chacun s'observait.

Puis l'un des nouveaux arrivants sortit une baguette de sa manche et, après un sort vert, un moldu s'effondra en hurlant à mort. Ses voisins se retrouvèrent projetés dans les airs : ils heurtèrent les murs avant de s'écraser au sol. Les craquements qui suivirent furent l'élément déclenchant la panique dans le pub. Aux supplications du premier attaqué se mêlèrent les hurlements de terreur des clients. Certains tentèrent de fuir mais la porte refusait de s'ouvrir : ils se retrouvèrent piégés dans les airs, au grand plaisir des sorciers.

Edith resta figée par l'effroi en comprenant la situation que trop lentement. Elle avait devant elle des Mangemorts venus orchestrer un énième bain de sang.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top