Chapitre 4 partie 3

Le lendemain, Romain se tire de son lit avec hâte, il gagne le petit cabinet de toilette situé dans une pièce annexe de sa chambre, et s'appuie sur les rebords du lavabo. Il lève la tête pour croiser le regard de son reflet dans le miroir, tout en expirant lentement par le nez. Ses pensées ramènent à lui, la soirée de la veille, et l'image de sa fille embarquée avec insistance par Friedrich, s'impose comme une punition. Comment peut-il laisser sa fille fréquenter un tel homme ? Il dévie son regard vers le robinet avant de l'ouvrir et de passer ses mains sous l'eau pour nettoyer son visage. Peu importe ce qu'il dira à Hannah, à partir du moment où elle est décidée à suivre un plan, elle ne le lâche pas ; il ne peut pas aller contre sa volonté, même si cela lui déplait.

Le son brutal d'un poing sur la porte vient sortir Romain de ses pensées. Il coupe l'eau et se dirige vers la porte d'entrée. Prudent, il pose son œil contre le judas et découvre Henry, attendant nerveusement derrière la cloison de bois. À peine a-t-il le temps d'ouvrir à son ami, qu'Henry rentre précipitamment dans l'appartement. Romain ferme la porte et l'invite à aller dans le salon.

- Que se passe-t-il pour que tu arrives dans cet état de si bon matin ? le questionne Romain.

- Je devais vite te trouver, on a une mission assez... périlleuse.

- Quel genre de mission ?

- Attends... laisse-moi reprendre mon souffle s'il te plaît.

Romain fait signe à son ami de s'asseoir et Henry se laisse tomber dans le fauteuil derrière lui.

- Il y a un soldat britannique dans la capitale, reprend le libraire, il faut qu'il regagne Londres au plus vite.

- Où est-il actuellement ?

- Notre contact du BCRA le cache dans un lieu sûr, le problème, c'est que les résistants qui veillent sur lui sont déjà connus de la Gestapo. S'ils se chargent de le déplacer, ils se feront prendre trop facilement.

- Mais nous non.

- Ceux qui connaissent ton visage te voient comme le beau-père du bras droit de Bömmelburg, et moi... je ne suis qu'un simple libraire.

- C'est une mission vraiment très risquée ! répond Romain après un instant de réflexion.

- Je sais bien, surtout que si l'anglais parle, les Allemands entendront son accent et on sera facilement démasqués.

- Comment doit-on le transporter ? Et jusqu'où ? Tu dois me donner plus de détails, je ne peux pas m'embarquer là-dedans comme ça.

- En train. On prendra le Paris-Lille qui dessert Lens, on descend là, et on le confie à un autre groupe qui le conduira à l'aérodrome, puis il s'envolera pour l'Angleterre.

- Très bien, quand doit-on partir ?

- Le train part à quatorze heures, donc à onze heures au plus tard. Le point de rendez-vous est à deux rues de Gare du Nord. Alors tu marches avec moi ?

Romain passe ses mains dans ses cheveux, se demandant si c'est une bonne idée de s'engager dans un tel risque. Son ami ne lâche pas son regard, impatient d'entendre sa réponse.

- Oui, je marche avec toi, finit-il par répondre.

- Parfait ! Alors habilles-toi, il est déjà neuf heures.

- Et Hannah dans tout cela, qu'est-ce qu'on va lui dire ?

- Oh, tu n'as qu'à lui dire que tu pars rendre visite à ta sœur, ce sera la même excuse que nous donnerons en cas de contrôle.

- Hum... Elle n'est pas aussi dupe, je ne lui ai rien dit hier, elle va très certainement trouver cela étrange que l'idée me vienne subitement.

- Avez-vous prévu de vous retrouver aujourd'hui ?

- Non... ce n'est pas au programme.

- Alors laisse un mot sur ta porte, si elle te cherche, elle viendra ici, et avec ce mot, elle ne pourra te confronter qu'à ton retour.

Romain acquiesce d'un signe de tête sans ajouter d'autre remarque, il se lève et Henry le laisse retourner dans sa chambre pour s'habiller. Romain récupère rapidement une feuille et un stylo puis s'empresse de noter dessus l'indication de son absence pour Hannah. Il ouvre légèrement la porte et la tend à son ami, lui demandant de l'accrocher sur la porte d'entrée.

Une heure et demie plus tard, Romain et Henry quittent l'appartement, munis de fausses pièces d'identité qu'Henry a pu obtenir auprès du réseau, ils se mettent en route vers Gare du Nord. Ils longent le boulevard Rochechouart jusqu'à Barbès avant d'emprunter le boulevard Magenta. Tout au long de leur trajet, Romain, voulant s'assurer que personne ne les suit, scrute les alentours de gauche à droite mais aussi derrière lui. Henry pose sa main derrière son épaule pour le rassurer et le pousse à s'engouffrer dans la rue Saint-Vincent-de-Paul donnant sur l'hôpital Lariboisière. Au sommet de cette dernière, les attendent un petit groupe de trois personnes. Henry comprend immédiatement qu'il s'agit de membres du réseau qui accompagnent le soldat britannique.

- Bonjour, les salue Henry, il semblerait que nous ayons un léger retard, j'en suis navré.

- Nous commencions à croire que vous ne viendriez pas, commence l'un des deux résistants, mais ce n'est rien, vous êtes présents, c'est le plus important.

- Nous n'avons pas pu prendre de billets, pour qui que ce soit, vous devrez donc le faire, ajoute le deuxième. Nous avons donné des papiers français à Lewis, mais il ne doit parler sous aucun prétexte, ou bien ils comprendront qu'il voyage sous un faux nom. Pour eux, il s'appelle Richard Legrand.

- Bien, enchanté de faire votre connaissance Richard, ajoute Romain en lui tendant la main.

L'anglais rend la poignée de mains au professeur avec un léger sourire, ne comprenant pas la totalité des propos tenus par les hommes qui l'entourent.

- Ne perdez pas trop de temps, puis... nous devons éviter au maximum d'être vus tous ensemble. Prenez vos billets pour Lille mais descendez à Lens, vous devrez ensuite descendre vers Vimy, un village au sud de votre destination. C'est là-bas qu'un autre groupe prendra l'anglais en charge. Est-ce bien clair ?

Romain et Henry acquiescent d'un mouvement de tête franc puis l'un des deux résistants leur donne le signe du départ. Les cinq hommes se saluent et l'anglais suit Romain et Henry vers le carrefour principal du boulevard Magenta. Le groupe tourne sur la rue de Dunkerque avant de se retrouver sur le parvis de la gare. Lewis détaille la devanture du bâtiment à l'architecture néoclassique où vingt-trois statues, représentant les grandes destinations européennes, ornent le sommet de la façade. Remarquant qu'il ne les suit pas, Romain se retourne et fait signe à Lewis de les suivre. L'anglais obéit et pénètre dans la gare découvrant un immense hall où boutiques et quais de gare se mêlent les uns aux autres. Les trois hommes se dirigent vers le poste de vente de billets, Romain et Lewis s'arrêtent quelques pas derrière Henry qui appuie ses avant-bras contre le comptoir. La jeune femme qui tient le bureau de vente, lève son regard vers le libraire, laissant ses yeux dépasser des lunettes qui lui tombent sur le nez.

- Bonjour mademoiselle, commence Henry, mes amis et moi voudrions trois billets pour Lille s'il vous plaît.

- Celui de quatorze heures ?

- Oui celui-ci.

- Hum... il nous reste uniquement des places en deuxième et première classe, la troisième est complète.

- Ce n'est pas un problème, nous irons en deuxième.

- Très bien, trois places en deuxième classe, cela vous fera cinq-cent-treize francs. Pour vous les délivrer, je vais avoir besoin de vos pièces d'identité s'il vous plaît.

Henry se retourne vers son ami, ce dernier sort immédiatement de sa veste, le papier qu'on lui a donné un peu plus tôt. En l'observant, Lewis comprend ce qu'on lui demande et tend à son tour sa fausse carte d'identité. Henry récupère le tout et les dépose sur le comptoir. La jeune femme les consulte rapidement avant de les rendre au libraire. Elle tend ensuite les billets en leur souhaitant un très bon voyage.

Après un rapide déjeuner, les trois hommes se dirigent vers leur voiture, située à l'avant de la deuxième classe. Arrivés à hauteur du contrôleur, l'inconnu les salue en tendant son bras, attendant qu'on lui donne les billets. Henry lui sourit et lui tend les dits billets, d'un coup de poinçon, le contrôleur atteste la validité de leurs titres. Les trois hommes remercient l'inconnu avant de monter dans le train. Ils s'installent, et préférant ne pas se faire remarquer, Lewis croise les bras et s'enfonce dans son siège, faisant mine de vouloir se reposer pendant le trajet. Henry pose sa sacoche sur ses genoux, soulève le loquet de fermeture et lève le rabat avant de plonger sa main dedans pour en sortir deux livres. Romain l'observe, intrigué par sa démarche, mais il comprend vite l'objectif de son ami quand celui-ci lui tend l'un des deux livres.

- Si Lewis ne dit pas un mot, commence Henry en se penchant vers Romain pour chuchoter à son oreille, il serait étrange que nous parlions tous les deux sans l'intégrer dans nos conversations.

Romain acquiesce et se saisit du livre puis se redresse en s'installant confortablement dans son siège.

À quatorze heures, les sifflets retentissent, annonçant le départ imminent du train, et en moins d'une minute, il se met en marche et quitte progressivement la gare. Leur wagon est peu occupé, indépendamment des trois hommes, seuls quelques sièges sont occupés par des civils qui semblent porter aucune attention au groupe. Romain détaille rapidement l'ensemble du wagon et n'y trouve aucun SS, aucune soldat de la Wehrmacht ni aucun agent de la milice, c'est une bonne nouvelle pour eux. Il se plonge dans le livre, souhaitant découvrir quelle merveille son ami lui a prêté.

Le trajet se déroule sans la moindre inquiétude, jusqu'au premier arrêt du train à Amiens, où Henry aperçoit des SS sur le quai. Ne cherchant pas à contrôler les voyageurs qui montent ou descendent du train, le résistant comprend qu'ils ont l'intention de monter à bord, et de potentiellement effectuer des contrôles une fois le train reparti. Il donne un léger coup de coude dans le bras de Romain qui relève immédiatement la tête vers son ami. Romain se penche brièvement vers la fenêtre puis adresse un regard inquiet à son ami. Tous deux se tournent vers Lewis, bras croisés et tête en arrière, l'anglais semble s'être réellement endormi.

À peine quelques minutes après son arrêt, le train repart en direction d'Arras, sur la centaine de kilomètres qui les séparre de la prochaine ville, personne n'entre dans leur wagon à l'exception d'une femme accompagnée de son fils. Romain interpelle la mère lorsqu'elle arrive à son niveau, en veillant à être le plus discret possible.

- Madame excusez-moi de vous interpeller soudainement, commence-t-il poliment, est-ce que les Allemands contrôlent les passagers ?

- Oui, je me suis permise de m'installer au début de la deuxième classe alors que je suis au bout de celle-ci, ils m'ont renvoyée derrière.

- Très bien, je vous remercie.

L'inconnue offre un sourire poli à Romain avant d'entraîner son fils vers le bout de la voiture. Henry se penche en avant et secoue la cuisse de l'anglais pour le réveiller. Lorsque Lewis ouvre les yeux, il se redresse soudainement face à l'inquiétude flagrante qui naît sur le visage de ses accompagnateurs.

- Les SS sont à bord, prévient discrètement Henry, surtout ne parler pas, comme Romain est le plus proche du couloir, il va prendre nos pièces d'identité, c'est lui qui les donnera lors du contrôle.

Henry tend la sienne à son ami, permettant à Lewis de comprendre la consigne, qui s'empresse d'en faire de même. Les trois hommes se détendent, essayant de paraître le moins stressés possible pour ne pas éveiller les soupçons. Le train s'arrête à Arras et aucun signe des Allemands. Henry surveille le quai, espérant les voir descendre du train mais rien, le sifflet retentit et le train reprend sa route vers Lens. Soudainement, la porte avant de la voiture s'ouvre, et deux SS entrent dans le wagon. Ils saluent les premiers voyageurs qu'ils rencontrent et leur demandent immédiatement leur pièce d'identité. Henry et Romain se regardent, et le libraire se rassure voyant l'assurance qui baigne dans le regard de son ami. L'un des SS arrive à leur hauteur, Romain se lève et le salue poliment tandis que les deux hommes derrière lui se contentent d'un signe de tête en marmonnant un bonjour.

- Je dois vérifier vos papiers d'identité messieurs, indique l'officier dans un français tout juste compréhensible.

- Oui bien-sûr, je vous les donne tout de suite.

L'Allemand récupère les documents des mains de Romain avec peu de délicatesse, tout en lui adressant un regard méfiant.

- Comment se fait-il que vous ayez les papiers de vos compagnons ?

- Nous vous avons vu monter dans le train à Amiens, informe Henry, nous nous sommes dit que pour faciliter votre travail, il valait mieux que Martin vous les donne tous, puisqu'il est assis côté couloir.

- Hum... Où allez-vous ?

- À Lille monsieur, pour l'anniversaire de mariage de ma sœur, répond Romain sans inquiétude.

Après avoir inspecté les papiers, l'officier pose son regard sur Lewis, qui fixe le sol.

- Votre ami n'est pas très bavard.

- Oh, mon cousin a toujours été comme cela, indique Romain, nous ne sommes pas très proches, mais puisqu'il vit lui aussi à Paris, nous sommes partis ensemble, plus pratique.

- Monsieur, est-ce que tout va bien ? interpelle le l'officier à l'attention de Lewis.

L'Anglais relève la tête et la hoche de haut en bas avec le sourire.

- Comment s'appelle cet homme ? demande-t-il en désignant Romain.

Lewis rassemble toutes ses forces pour articuler le mieux possible et camoufler son accent.

- Martin.

- Et celui-ci ? demande-t-il cette fois-ci en désignant Henry.

Les deux Français se regardent, comprenant leur erreur. Lewis hésite, mais l'absence de réponse devenant suspecte, il baisse les yeux et finit par répondre.

- Jacques.

Les deux résistants ferment les yeux, l'hésitation de l'Anglais couplée à son erreur indique clairement qu'Henry voyage sous un faux nom. Le SS sourit, montrant qu'il les a démasqués.

- Jules vient de rencontrer Pierre, tente Romain, alors vous comprenez, il peine un peu à retenir son prénom.

L'officier se retourne vers son coéquipier et lui donne une consigne que les trois hommes ne parviennent pas à comprendre.

- Monsieur, demande une nouvelle fois le SS à Lewis, pouvez-vous me réexpliquer la raison de votre venue à Lille ?

- Nous allons à...

- C'est à lui que j'ai demandé ! hurle l'Allemand, alors que Romain tentait de répondre. Et bien, répondez-donc, à moins que vous ayez subitement perdu votre langue.

- Nous rendons visite à ma cousine, pour son anniversaire de mariage. Répond Lewis, dont l'accent britannique prononcé trahit la couverture.

- Messieurs, je vais vous demander de bien rester assis jusqu'à ce qu'on vous emmène dans un poste de police à Lens. Est-ce bien compris ?

Romain tourne légèrement la tête pour croiser le regard d'Henry, ce dernier, comprenant ce que le professeur s'apprête à faire, hoche la tête de gauche à droite pour l'en dissuader. Mais Romain n'écoute pas, il se suspend soudainement aux barres horizontales, maintenant les bagages sous le plafond, et se balance avant de donner avec ses pieds, un violent coup dans le torse du soldat qui se retrouve projeté en arrière.

- On s'en va, maintenant ! crie Romain sous le regard choqué des autres voyageurs.

Lewis et Henry se lèvent rapidement en prenant soin de récupérer le peu d'affaires qu'ils avaient avec eux. Les trois hommes se dirigent rapidement vers la porte arrière du wagon au moment où le SS qui secondait celui qui les a contrôlés, revient sur ses pas après avoir entendu du bruit. Le soldat, voyant son coéquipier à terre, sort son arme et fait feu sur les résistants, mais Henry parvient à les protéger des balles en utilisant sa sacoche en cuir. Romain attrape un bagage et le lance sur le soldat pour leur donner le temps de passer dans l'autre wagon. Lewis ouvre la porte et se penche en avant pour atteindre la poignée de la seconde alors qu'Henry le retient par ses bretelles pour l'empêcher de tomber dans l'espace de vide qui sépare les deux voitures. Les deux hommes parviennent à atteindre l'autre wagon avant que la porte ne se referme derrière Henry. Coincé au fond de la voiture, Romain jette un deuxième bagage sur l'Allemand pour se donner le temps de trouver une autre solution. Mais la réalité est claire pour lui, s'il passe de wagon en wagon pour rejoindre ses compagnons, ils se heurtent toujours au fait que le SS sera juste derrière eux, Romain doit faire diversion. Il inspecte rapidement l'ensemble du wagon et remarque la trappe de secours juste au-dessus de sa tête. Le train commençant à freiner, il prend le risque et se hisse à sa hauteur avant de l'ouvrir et de monter sur le toit. Romain ne perd pas de temps et saute d'un wagon à l'autre, mais la cinétique du train le fait chuter. Il se rattrape aux poignées disposées sur le toit et avance à quatre pattes avant d'atteindre l'autre wagon. Entre les deux wagons, il aperçoit Lewis et Henry le cherchant.

- Je suis là-haut !

- Tu es devenu fou, tu vas te tuer ! lui crie Henry.

- Il fallait vous faire gagner du temps ! On doit rejoindre le bout du train et sauter, il a commencé à freiner, on devrait pouvoir le faire sans se tuer !

- On ne peut pas juste attendre d'être à Lens ?

- Non ! Ils ont dû les prévenir, ils vont nous cueillir dès que le train sera à l'arrêt !

- Alors descends !

Entendant du bruit derrière lui, Romain se retourne et découvre le SS sur le toit, marchant prudemment dans sa direction.

- Continuez ! Je vous rejoins dans un instant !

L'accentuation du freinage du train fait à nouveau chuter Romain qui parvient à s'accrocher à la toiture et à remonter sur cette dernière, mais une fois dessus, le SS est à arrivé à sa hauteur et tente de le faire tomber d'un coup de poing. Romain bloque sa tentative et parvient à le faire basculer au sol, lui permettant de s'éloigner du bord du toit. Mais le SS se débat et parvient à se redresser avant d'attraper les avant-bras du résistant. Les deux hommes sont face à face, à genoux sur le toit du train, luttant pour faire tomber l'autre. L'Allemand se redresse et prend le dessus, forçant Romain à s'allonger, avant de venir l'étrangler. Sous la pression des mains écrasant sa gorge, Romain rejette sa tête en arrière pour faciliter la circulation de l'air dans ses poumons, et en regardant derrière lui, il parvient à apercevoir un pont, vers lequel se dirige le train. Le professeur s'allonge de tout son long et cesse de lutter, en seulement quelques secondes, le SS percute violemment la structure du pont libérant Romain de son emprise. Il se relève doucement faisant attention de ne pas perdre l'équilibre et respire brutalement pour reprendre son souffle.

Le train continue de ralentir, signe qu'il sera à Lens dans quelques minutes. Romain descend dans la voiture, par la petite trappe et s'empresse de rejoindre ses camarades à l'arrière du train.

- Que fait-on maintenant ? demande Henry.

- On saute, on n'a plus de temps à perdre.

Romain prend l'initiative et saute depuis le côté droit du wagon pour ne pas atterrir sur les rails. L'impacte avec le sol déchire ses vêtements et le blesse au visage ainsi que sur la longueur du bras. Lewis et Henry le suivent et chutent à quelques mètres de lui. Les trois hommes se relèvent avec difficultés, chacun d'eux prend le temps de constater ses blessures, et fort heureusement, personne ne l'a gravement été. Le groupe s'éloigne rapidement de la voie de chemin de fer, à la recherche d'un chemin pour Vimy. Bien qu'ils aient dépassé la gare, ils ont sauté assez près du village et pourront atteindre leur point de rendez-vous, avant que les Allemands ne les retrouvent.

Sur le chemin, Henry repense au déroulé des événements les ayant conduit dans cette situation.

- Nous n'avons pas été suffisamment prudents, commence-t-il. Je n'ai pas pensé à regarder ta pièce d'identité, ni celle de Lewis... On s'est fait avoir comme des débutants.

- On ne peut pas vraiment dire que j'ai arrangé les choses, répond Romain.

- Que veux-tu dire par là ?

- Je l'ai appelé Jules, mais vu la tête qu'a fait l'Allemand, ce n'est pas le prénom qui était sur ses papiers.

- Je suis désolé, je suis responsable de cette mission, c'était à moi de veiller à ce que notre couverture soit solide.

- Ce n'est rien, et puis nous sommes vivants alors, c'est tout ce qui compte...

Après trois quart d'heure de marche, le groupe arrive dans la ferme où les attend le groupe de relève. Ils y rencontrent deux hommes, vêtus comme s'ils vivaient ici. Stupéfaits de l'état dans lequel les trois hommes sont arrivés, les deux inconnus les saluent en leur demandant comment ils en sont arrivés là.

- Je suis navré que tout ne se soit pas déroulé comme prévu, mais vous saviez que votre mission comportait des risques. En tout cas, nous vous sommes reconnaissant de nous avoir amené Lewis sain et sauf. Nous allons le conduire à l'aérodrome d'Arras maintenant.

- Arras ? interroge Romain, il ne devait pas prendre l'avion à Lens ?

- C'est trop risqué. Nous aurons plus de temps pour partir en allant à Arras. Bien, messieurs, le temps presse, nous devons partir. Merci encore à vous deux !

Romain et Henry acquiescent avant de proposer une poignée de mains aux deux hommes. Puis tous deux s'installent sur des bottes de paille, regardant l'anglais partir avec les deux résistants.

- Tu t'es battu sur le toit d'un train, pauvre fou, ironise Henry.

- S'il te plaît, n'en parle jamais à Hannah, lui répond Romain avec un léger rire.

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