Chapitre 19 - Retour au combat

30 mai 1944.

Le jour J approche à grands pas, Hannah se prépare à y faire face, bien qu'elle redoute le fait qu'elle n'ait jamais pris part à des combats armés. Vienne n'a pas perdu de temps et rapidement, il a pu faire savoir à Hannah qu'elle va pouvoir partir avec lui pour la région de Caen, lieu où l'un des nombreux réseaux de résistance, prépare l'arrivée des Alliés. C'est donc aujourd'hui qu'elle va quitter Lille pour rejoindre les alentours de Caen. Henriette s'est opposée à cette idée ; pour elle, le danger est bien trop élevé. Mais Hannah est déterminée et ce n'est pas le risque qui la fera reculer.

La jeune femme entasse ses vêtements dans son sac à dos, elle en met le plus possible ; rien de désagréable à porter, seulement des pantalons, des chemises et des sous-vêtements confortables. Elle range dans les petites poches, à l'intérieur du sac, des couteaux ; elle glisse dans le fond, sous ses habits, un pistolet automatique 1935S que Vienne lui a donné lors de sa dernière visite. Elle se tourne vers la commode de la chambre, sur laquelle est posée une photo de son père. Elle s'approche et prend la photographie dans ses mains ; elle a été prise en 1938, avant que la guerre éclate en Europe. Hannah ne peut pas partir sans prendre avec elle quelque chose qui lui rappelle son père bien aimé, et rien de mieux qu'une photo de lui. Quand elle est descendue sur Paris cette année-là, elle est partie sans souvenirs, persuadée qu'elle reverrait ses parents très vite.

Hannah prend son sac à dos et descend dans le salon. Henriette est assise dans le sofa, les bras croisés, perdue dans ses pensés. La jeune femme s'approche de sa tante soucieuse de ce qui peut bien faire réfléchir la vielle femme.

- Quelque chose ne va pas ? demande la résistante.

- Je continue de penser que c'est une mauvaise idée.

- Que veux-tu que je fasse ici ? Je me risque plus en restant à Lille, plutôt qu'en partant.

- Et si Friedrich Strauss appelle, que vais-je lui dire ?

- Dis-lui que je n'allais pas mieux, alors un de tes amis m'a proposé de partir vers l'ouest.

- Es-tu sûre que ce soit sans risque ? Je ne veux pas perdre un autre membre de ma famille.

- Tout ira bien, je te le promets, je reviendrai te voir dès que tout ceci sera terminé.

Henriette est sur le point de répliquer mais quelqu'un frappe à la porte, interrompant la discussion des deux femmes. Henriette se lève et se dirige vers la porte d'entrée avant de l'ouvrir ; Vienne apparaît dans l'encadrement. La Française s'écarte légèrement pour laisser l'ami d'Hannah entrer. La résistante vient vers lui et le prend dans ses bras pour le saluer.

- Vienne ! Comment allez-vous ? demande Hannah.

- Tout va pour le mieux. J'espère qu'il en va de même de votre côté !

- Nous allons bien toutes les deux, répond Henriette, bien qu'Hannah ne tienne plus en place.

- Et bien cela tombe bien car nous devons partir maintenant. Il faut que nous soyons à Courseulles-sur-Mer avant ce soir.

- Que se passe-t-il ? demande Hannah.

- Oh rien de particulier. C'est juste que nous avons un certain nombre de choses à planifier pour la suite ; il ne faut pas qu'on tarde à rejoindre les autres là-bas. Prenez vos affaires et allons-y.

- Alors nous y sommes vraiment ? s'empresse de demander Hannah.

- Je l'ignore, tout le monde ignore la date exacte. Mais Mars vous rassurera sur l'imminence de la chose.

Hannah acquiesce et prend son sac à dos, puis elle se souvient qu'elle a oublié son carnet à l'étage. Elle dépose son bagage au sol et remonte dans la chambre qu'elle occupe. Pendant ce temps, Henriette souhaite faire part de son avis sur cette décision. Elle rabat les bords de son gilet l'un sur l'autre et croise les bras.

- Vienne écoutez, Hannah a traversé des épreuves difficiles, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée qu'elle parte avec vous.

- Que voulez-vous qu'elle fasse en restant ici ? Vous l'avez dit vous-même, elle ne tient plus en place...

- Je sais, mais c'est dangereux !

- La guerre est dangereuse où que nous allions. Ne vous inquiétez pas, je veille sur elle.

- Promettez-moi qu'il ne lui arrivera rien.

- Je vous en donne ma parole.

- Votre parole pour quoi ? demande Hannah, qui vient de descendre les escaliers.

- Que vous ne ferez pas de bêtises, répond Vienne sur un ton moqueur.

- Je pense que vous en faites plus que moi !

- Vous êtes prête ?

- Affirmatif, répond-t-elle sur un ton déterminé.

- Alors ne nous attardons pas.

Hannah prend son sac et suit Vienne hors de la maison. Henriette reste dans l'encadrement de la porte d'entrée et elle regarde les deux résistants se préparer au départ. Vienne prend les affaires d'Hannah et les met dans le coffre de la voiture Cadillac série 70. Hannah se rapproche d'Henriette et la prend dans ses bras pour lui dire au revoir.

- Merci pour tout ce que tu as fait, lui dit Hannah en serrant la vieille femme contre elle.

- C'est moi qui te remercie. Tu m'as apporté un peu de réconfort.

Vienne fait signe à Hannah que tout est prêt. La jeune femme salue sa tante, puis elle entre dans le véhicule. Vienne démarre la voiture et les deux résistants se mettent en route pour la Normandie. Sur le chemin, alors que le paysage défile sous ses yeux à mesure que la voiture parcours les kilomètres, une question perturbe l'esprit d'Hannah ; que faire des Allemands ?

- Si nous nous faisons arrêter sur la route, que faisons-nous ? demande la jeune femme à son ami qui tourne légèrement la tête vers elle.

- Dans la boîte à gants, il y a un portefeuille avec nos pièces d'identité, enfin... Nos fausses pièces d'identité... Nous sommes un jeune couple et nous nous rendons chez mes parents à Caen pour préparer notre mariage. Je m'appelle Antoine Bouchet et vous Suzanne Caron.

- Vous avez toujours le don de penser à tout, vous !

- Si on ne le fait pas, on se fait avoir. Avant que je n'oublie, il est préférable que vous utilisiez un pseudonyme avec le groupe, au cas où ça tournerait mal.

- J'en avais un à Paris, mais je ne suis plus très sûre de sa pertinence aujourd'hui.

- Ce n'est pas un problème, je me suis permis de vous nommer Victoire auprès de Mars.

- Pour quelle raison avez-vous opté pour ce surnom ?

- Vous êtes revenue d'un endroit où les gens qui s'y perdent ne donnent plus de nouvelles. Vous avez manipulé d'une manière impressionnante l'ennemi, la Résistance n'a pas de plus grande chance que de vous compter dans sa grande famille. Vous méritez de porter le terme que l'on criera à plein poumon quand les Allemands auront été chassés.

Hannah sourit timidement, flattée par les propos de son frère d'armes.

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