Chapitre 4

~ Madeleine ~

L'infirmière me regarda sans savoir quoi dire. Et surtout quoi faire. Mais l'officier claqua du talon, ramenant le regard de l'infirmière sur lui. Elle entrouvrit les lèvres et se redressa. Mais fut incapable de quoi que ce soit de plus. Le regard tendu de Verhoeven n'annonçait rien de bon. Il grinça des mâchoires en refaisant le signe et scandant à nouveau les mêmes mots. 

- Heil Hitler ! 

Anne resta pétrifié, serrant ses mains l'une contre l'autre. C'était la première fois que je la voyais aussi démunie face à quelqu'un. L'officier entrouvrit les lèvres pour siffler un simple mot. 

- Bitte (s'il vous plait). 

Mais l'infirmière resta immobile, comme figée. Elle voulut se tourner une nouvelle fois vers moi mais le capitaine l'en empêcha en faisant écran de son corps. Mon amie disparut derrière la carrure de l'allemand, me faisant me mordre la lèvre inférieure à sang. C'était contrevenir à un ordre. C'était porté préjudice au parti allemand. Elle allait se faire tuer, si elle ne... Mais l'allemand ne me laissa pas le temps de finir de penser. Il ouvrit brusquement la porte et un soldat apparut, montant la garde. Il se mit aussitôt au garde à vous, sans rompre sa position. Un deuxième se présenta devant l'officier, me faisant me raidir. Il me fit signe de le rejoindre, le regard peu enclin à la discussion. J'obéis et me laissais traîner dans le couloir. Verhoeven garda la main sur mon bras, me tenant maintenant contre lui. Puis Anne nous rejoignit. Elle était sans le vouloir entre les deux gardes. Et l'ordre tomba. 

- Erschieß sie ! (Fusillez-là) 

Je me pétrifiais. Et lorsque les deux soldats la saisirent et malgré l'ordre d'Anne de ne pas me trahir, je me mis à hurler. Ce ne fut d'abord qu'un cri mais lorsque les soldats amorcèrent leur départ, je me tournais vers Verhoeven avec détresse. 

- Non, non ! Attendez ! Hurlai-je. Elle va le faire ! Elle va le faire ! Et moi aussi ! 

- Halte ! Tonna l'allemand en faisant revenir les soldats. 

Anne me regarda pétrifiée mais je me mis devant le capitaine et levais le bras, la main tendue. Mon cœur menaça de rompre ma cage thoracique lorsque je prononçais les deux mots qu'il avait prononcé deux fois en l'espace d'une minute. 

- Heil Hitler ! 

J'accentuais mon accent français et fis volte-face pour regarder Anne, les yeux exorbités. 

- Bien sûr que tu vas le faire, maman, appuyai-je. 

Anne se redressa, le visage décoloré. Elle savait que si j'utilisais un tel signal pour l'alarmer d'un danger, il fallait qu'elle obéisse. Et se taise. Nous n'avions pas le choix. Soit elle me trahissait et prenait le risque de se faire fusiller. Soit elle me faisait confiance. Elle hocha la tête sans quitter mon regard puis leva le bras. Je fermais les yeux, sentant la vague de soulagement déferler avec fureur dans mes veines. Verhoeven me lâcha pour contourner mon amie qui murmurait les deux mots qu'il attendait, le bras toujours tendu. Il s'arrêta dans son dos et se rapprocha légèrement de son oreille, le visage toujours aussi glacial. 

- Il faut lever le bras plus haut... 

Et comme pour appuyer ses dires, il lui releva le bras. 

- Si vous voulez soutenir l'empire allemand, autant bien le faire, non ? 

Anne hocha la tête sans rien dire. Le militaire se tourna vers les deux soldats en faction, le regard toujours ombrageux. 

- Et nous soutenons l'empire allemand, n'est-ce pas ? 

Les deux soldats échangèrent un bref regard avant de hocher la tête. Leur supérieur les regarda un long moment avant de s'écarter de la mère infirmière. Je me dégonflais comme un ballon de baudruche, rattirant le regard de l'allemand. Il nous fit signe de retourner dans la chambre et une nouvelle fois, je ne me fis pas prier. La porte claqua brutalement alors qu'Anne regagnait sa place à mes côtés. Les mains du militaire se posèrent soudain sur mes genoux, me faisant sursauter. Il inclina légèrement la tête, accroupi devant moi, le regard incandescent. 

vergib mir, aber sprichst du die Sprache von Goeth ? (Pardonnez-moi, mais parlez-vous la langue de Goethe ?)

Il avait utilisé une tournure volontairement compliqué. Et un peu, que je la parlais... J'haussais les sourcils par reflex de compréhension avant de les froncer en perdant le peu de couleur qu'il devait me rester. 

- Je... n'ai pas compris, capitaine. 

- Vraiment ? Et pourquoi tant de panique, alors ? 

- Je... C'était un reflex, soufflai-je. Et vous étiez si sérieux que... j'ai agi sans réfléchir. Puis "s'il vous plaît", tout le monde comprend "s'il vous plaît" non ? 

Il amorça un début de sourire, pourtant toujours inquisiteur. Puis se redressa sans me quitter des yeux et s'assit enfin sur son lit. 

- Bien-sûr. Pardonnez-moi, reprit-il en français. 

Il n'en croyait visiblement pas un traître mot. Mais il se contenta de passer sur ce petit incident. Je lui adressais un bref sourire en détournant les yeux, les nerfs définitivement mis à trop rude épreuve. J'attrapais la main d'Anne, encore sonnée. L'allemand soupira bruyamment en s'installant plus confortablement et nous désigna le lit. 

- Vous resterez dormir ici, ce soir. Hoffman s'attend à ce que je... profite de vous toute la nuit. Si vous sortez, il n'hésitera pas à vous amener dans sa chambre. Et ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas ? 

Je hochais la tête, incapable de faire quoi que ce soit d'autre. Verhoeven se redressa et rattrapa la tunique qu'Anne avait délaissé lors de sa dispute avec lui. Il la lâcha pourtant juste après l'avoir prise et retira la veste de son uniforme pour la lui passer sur les épaules, faisant sursauter l'infirmière. Elle fronça les sourcils, aux aguets. Lorsqu'il resserra le col pour l'emprisonner dans l'habit, son visage se pencha sur celui de mon amie, légèrement plus calme. 

- Évitez d'attraper froid. Prenez la couverture que vous aviez laissé pour le colonel. Je vous donnerais la mienne, s'il faut. 

Il posa sa ceinture avec son arme sur le bureau de son côté et nous refit face en silence. Anne resserra les pans du vêtement, toujours renfrognée. 

- Je peux..., commençai-je. 

- Vous ne sortez pas de cette chambre, me coupa-t-il. C'est trop risqué, Madeleine. 

- Mais vous ? 

- J'ai passé beaucoup de temps dans des endroits beaucoup plus petits que celui-là et avec une compagnie moins agréable. 

Je lui souris à nouveau sans savoir si c'était par mécanisme ou par peur. Un soupir m'échappa pourtant, le faisant arquer un sourcil alors qu'il se rasseyait face à moi, le dos contre le mur. 

- Je vous ai dit que je ne vous voulais pas de mal. 

Dit celui qui avait fusillé mon amie, pensais-je un peu trop fort. Il jeta un regard en biais sur Anne avant de faire un bref signe de main. 

- Oui, bon... Elle n'a pas sa langue dans sa poche, non plus ! 

Je lui concédais dans un rire étouffé, me tournant vers Anne en la couvant du regard. Elle lança un regard peu amène à l'allemand en resserrant mes doigts dans les siens. Il nous fit un léger signe de main et nous incita à dormir. Lorsque je relevais les yeux vers lui, il m'indiqua la porte du menton et cette fois, je compris sans lui demander qu'il guetterait le retour d'Hoffman pour nous trois. Et qu'il agirait en conséquence. 

Et cela ne manqua pas. Sur les coups des 3h du matin - heure que l'horloge afficha sur le mur -, l'allemand me réveilla brusquement en me saisissant les bras. Je tressaillis mais il plaqua sa main sur ma bouche en m'indiquant la porte. Du bruit se faisait entendre dans le couloir et bientôt la voix d'Hoffman nous parvint. Une once de panique me traversa alors qu'il retirait sa chemise grise. Je le regardais faire sans comprendre et il m'indiqua mon uniforme à la hâte. 

- Déshabillez-vous et venez contre moi ! Murmura-t-il sans cesser de quitter ses affaires. Tout de suite, Madeleine ! 

- Quoi ?! 

- Seulement l'uniforme, gronda-t-il en retirant son pantalon. Maintenant ! 

J'obtempérai en retirant mes chaussures et défis mon tablier à la hâte. Puis sans que je n'ai le choix, il saisit le bas de mon uniforme et le fit passer au-dessus de ma tête. Il glissa une main dans mes cheveux pour les ébouriffer et me fit signe de rejoindre sa couche. Une légère appréhension me guetta mais il me poussa presque aussitôt sur le matelas, manquant de m'arracher un cri de surprise. Sa main s'abattit une nouvelle fois sur ma bouche. Il ramena la couverture sur nous et posa ma tête d'autorité dans le creux de son bras, à même sa peau. Le rouge m'échauda les joues, le faisant hausser les sourcils. 

- Ne me dites pas que vous êtes vierge ? 

- D'accord, je ne vous le dis pas ! Murmurai-je contre la couette. 

- Vous êtes vierge ?! 

- Non ! Mais je... enfin, j'avais quelqu'un mais... 

- Mobilisé pour le service, comprit-il. Il n'est jamais revenu ?

Je secouais la tête en attrapant la couette, la main au niveau de son torse. Il la prit pour la plaquer contre lui et posa ses lèvres sur mon front en murmurant encore. 

- Alors pensez à lui, Madeleine.... et faites semblant de dormir ! 

J'opinai derechef et me blottis contre lui en pensant très fort à Paul. Il était blond aussi, tout comme l'allemand. Mais ses yeux rappelaient l'océan et non l'émeraude. C'était ce qui nous différenciait aussi. J'avais des yeux marrons clair, presque ambré au soleil. La porte s'ouvrit brusquement et Verhoeven étouffa mon sursaut en bougeant dans un grognement. Une faible lueur nous éclaira mais je me concentrais, restant les yeux fermés et aussi immobile que possible. Et à mon plus grand désarroi, les deux hommes reprirent en allemand. 

- Franz... Je croyais t'avoir dit d'aller dormir ? 

- Je voulais vérifier que ces petites garces ne te posaient pas de problème. 

- Ça va très bien, comme tu peux le voir. 

Le grand brun ricana en ouvrant un peu plus la porte. 

- J'aurais choisi celle-là aussi pour le reste de la nuit ! Elle doit avoir une bouche... 

- Oui ! Coupa-court Verhoeven. Laisse-moi un peu de répit, tu veux ? Je compte bien remettre ça. 

- Et dire qu'elle faisait sa prude, cette petit chatte... 

- Elle l'est, appuya-t-il. On en parle demain, d'accord ? 

L'allemand murmura quelque chose que je ne compris pas et repartit. Lorsque la lueur disparut, je rouvris les yeux brusquement. Et tombais dans ceux de Verhoeven. 

- C'est une chance que vous ne compreniez pas, ricana-t-il doucement. 

- Pourquoi ? Osai-je en sentant déjà mes joues se réchauffer. 

L'image de Paul avait disparu, laissant celle de l'allemand revenir s'imposer dans mon esprit. Et de me rappeler à quel point nous étions proches avec si peu de vêtements. 

- Parce qu'il n'a pas été très... 

- Gentil ? 

- Voilà, sourit-il en resserrant son emprise. Je suis désolé mais il risque de revenir, alors... 

- Ça va, murmurai-je. Puis-je savoir pourquoi vous m'avez choisi plutôt qu'Anne ? 

- Votre amie aurait été capable de m'égorger en une fraction de secondes si je lui avais demandé de se déshabiller ! Ricana-t-il doucement.

Un sourire m'échappa et je me contentais d'acquiescer, devant bien le lui concéder.

- Alors que moi...

- Vous semblez davantage comprendre les enjeux qui vous entoure, finit-il. Rien de plus, Madeleine. 

J'hochais une nouvelle fois la tête et revins trouver ce regard toujours aussi intense. C'était... étrange et réconfortant à la fois. Et terriblement gênant. Parce que c'était un homme. Et parce qu'il était allemand. 

- Vous n'allez pas me dire ce qu'il a dit, n'est-ce pas ? Murmurai-je enfin. 

- Vous n'allez pas me dire que vous parlez allemand ? 

- Non, ris-je malgré moi. 

- Alors, moi non plus, sourit-il. Laissez-moi vous préserver un peu, d'accord ? 

Je hochais la tête pour toute réponse et me laissais bercer par sa respiration régulière. Préservée ou non, j'avais bien compris ce qu'Hoffman avait dit. Et malgré les propos que Verhoeven avait tenu, je savais bien qu'il avait dit cela pour me protéger de son camarade. Et je lui en serais éternellement reconnaissante. Ce que je n'avais pas prévu, c'était de m'endormir dans les bras de l'allemand... 


~

Une main me secoua doucement l'épaule avant de repousser mes cheveux. La brume du sommeil m'empêcha de me rappeler tout de suite les événements de la veille. Puis mon cerveau dysfonctionna alors que je me redressais brusquement, les yeux écarquillés. Anne m'attrapa les épaules en s'asseyant sur le rebord du lit, les sourcils froncés. 

- Maddy, c'est moi... 

- Anne ?... 

Elle me désigna l'allemand endormi sur la chaise au pied du lit. Il avait croisé ses bras sur la petite table servant de bureau et y avait niché sa tête pour trouver quelques heures - peut être moins - de repos. Je battis des cils sans être sûre de comprendre ce que je voyais. Il avait retrouvé quasiment l'intégralité de son uniforme, excepté sa veste. Et par conséquent son arme. Anne ne m'avait pas lâché du regard et je me contentais de jouer avec les draps sans savoir quoi lui dire. Elle me serra brièvement contre elle dans un sourire. 

- Je l'ai entendu, hier, éluda-t-elle. Lorsque tu lui as demandé pourquoi il ne m'avait pas réveillé. 

Le rouge me colora les joues, attirant son rire. Ce qui était rare. D'autant plus en cette période. Et qui provoqua inévitablement le réveil de l'allemand. Il grogna en se redressant péniblement, les yeux ensommeillés. Il revint parmi nous en nous apercevant ensemble, le regard perçant. Avant qu'il ne puisse parler, une sonnerie retentit dans l'ensemble du bâtiment pour annoncer le réveil du personnel. 6h15. Je me rhabillais aussi vite que possible, évitant le regard de l'officier. Il fit de même et nous ramena jusqu'à nos quartiers pour nous permettre de faire un brin de toilette. Lorsqu'il repartit, la peur revint. Il n'était plus là pour contrecarrer les plans d'Hoffman. Et la conversation d'hier laissait présager que ce dernier n'en avait pas fini avec nous... 

Il ne fallut pas plus longtemps que le petit-déjeuner pour nous le rappeler. Anne distribuait les ordres et définissait les groupes d'infirmières lorsque Hoffman entra dans la pièce. Celles ayant eu leur attribution ne demandèrent pas leur reste. Je restais aux côtés de la mère infirmière, légèrement crispée. Cette dernière continua comme si de rien n'était. Je me retrouvais en binôme avec Elisabeth à la production des bougies. La jeune infirmière fut contrainte de passer devant l'officier qui lui attrapa le bras. Je m'avançais aussitôt, attirant le regard d'Hoffman. Mais il entraînait déjà une Elisabeth terrorisée dans le couloir, me forçant à intervenir. 

- Capitaine Hoffman, attendez ! J'ai besoin de... d'Elisabeth, expliquais-je. Nous devons confectionner de nouvelles bougies. 

- Pardon ?! Siffla-t-il. Et qu'en est-il de l'électricité ? 

- Nous sommes soumises aux mêmes restrictions que les villages alentours, repris-je en baissant les yeux. Nous avons presque cinquante personnes de plus et les coupures sont fréquentes. Si nous voulons assurer la continuité des soins et vous apporter un peu de confort... 

Il lâcha la jeune infirmière pour s'avancer vers moi. Ses talons claquèrent au sol. Encore. Cet homme avait une fâcheuse tendance à marcher avec un peu trop d'engouement. Je me forçais à relever les yeux alors qu'il me surplombait d'une bonne tête. 

- Bien, claqua-t-il. Alors je vous accompagne. Je suppose que cela ne vous gêne pas ? 

- Bien-sûr que non, m'étranglai-je. Mais c'est un travail ennuyant et fastidieux... 

- Ça ira, coupa-t-il court. Allons-y, fraülen

J'hochais la tête pour toute réponse et le dépassais pour rejoindre Elisabeth. Je lui fis signe de me suivre en silence, le regard explicite. On se tait et on ne discute pas. Pas maintenant. La tâche nous prit plusieurs heures que nous interrompîmes seulement pour aller manger. Hoffman ne nous lâcha effectivement pas. Il eut même la bonté d'âme de nous porter les paniers de cire d'une salle à l'autre. La chaleur nous faisait transpirer et lorsque l'après-midi fut bien avancé, nos vêtements nous collaient presque au corps. Nous avions fait une cinquantaine de bougies. Cependant, le processus de création ne permettrait pas d'en disposer avant au moins vingt-quatre heures, le temps du séchage. 

- Maddy, est-ce que..., commença Babeth. 

- Cessez d'utiliser ce sobriquet britannique ridicule ! Siffla soudain l'allemand. Appelez-là Madeleine ou... Magda. Magdalena est un prénom très apprécié en Allemagne, insinua-t-il en me dévisageant. Et c'est plus approprié ! 

Elisabeth me lança un regard paniqué mais je lui renvoyais un sourire rassurant. Pourtant, mon regard resta d'acier. Elle ne devait pas flancher. Elle recommença donc sa phrase, suffoquant presque à chaque mot. Nous reprîmes en silence alors que le militaire ne semblait pas souffrir de la chaleur ambiante. Il n'avait même pas quitté la veste de son uniforme. Il était resté impassible, de longues heures durant. En attente... Si Hoffman m'effrayait, il était hors de question que je le laisse seul avec Babeth. 

Lorsqu'elle commença à être indisposée par la chaleur constante, je l'envoyais aux dortoirs pour dresser l'inventaire des bougies restantes. Hoffman la regarda sortir et pendant une fraction de secondes, je craignis qu'il ne la suive. Mais il reporta son attention sur moi. Je lui adressais un sourire crispé avant de me remettre au travail. Lorsque je m'essuyais le front pour la troisième fois en un peu plus de vingt minutes, je décidais de ranger l'atelier. Une demi heure plus tard, nous rejoignîmes l'extérieur. Je laissais le vent me fouetter le visage, rougi par l'effort. Hoffman m'observa encore et me désigna le réfectoire d'un signe de main. 

Je le suivis sans protester. Notre entrée fit disparaître les infirmières présentes. Hoffman laissa échapper un sourire narquois avant de claquer des doigts vers celle qui restait derrière le comptoir. Cette dernière nous apporta deux verres. Elle me servit un verre d'eau et Hoffman exigea du vin. J'acquiesçai d'un signe de tête lorsque la jeune femme me regarda puis revins sur le militaire. Il étrécit les yeux en s'asseyant enfin. J'en fis de même, mal à l'aise. 

- Alors... Qu'êtes vous ici, infirmière Madeleine ? 

- Je crains de ne pas comprendre votre question, capitaine. 

L'infirmière nous interrompit en arrivant et je lui fis signe de sortir à son tour. Lorsque le battant se referma dans mon dos, Hoffman changea du tout au tout. Son regard devint plus scrutateur. Sa posture fut plus... prédatrice. Il semblait en chasse : aux aguets, prêt à bondir sur sa proie. 

- Allons... appelez-moi Franz, sourit-il avec froideur. Nous vivons ensemble, après tout. 

Je me contentais d'un petit sourire, le malaise m'étreignant avec force. 

- Vous êtes un peu comme une seconde chef, après votre mère infirmière. N'est-ce pas ? 

- Nous sommes deux, hésitais-je sous son regard incandescent. Il y a aussi Jeanne. Nous formons le trio le plus ancien. 

- D'où l'obéissance de vos infirmières malgré votre jeune âge... Quel âge avez-vous d'ailleurs ?

- Vingt-six ans... Mais je...

Il me coupa en levant la main, la mine triomphante. 

- Je vous avais promis quelque chose, hier. Mais Ludwig m'a devancé, il semblerait... 

Mes doigts se serrèrent sur le verre alors que le malaise grandissait. Il me fallait une solution et vite... Mais le repas ne serait servi que dans plusieurs heures et la préparation ne commencerait pas avant une trentaine de minutes. Je me raclais la gorge en revenant sur Hoffman, blêmissant. 

- Je devrais aller me changer... Je dois prendre ma garde, ce soir. 

- Vous n'allez nulle part, claqua-t-il en se levant. 

Il passa dans mon dos, accélérant mon souffle. Mon rythme cardiaque augmenta en réponse. Je restais pourtant parfaitement immobile. Les mains d'Hoffman se posèrent soudain sur mes épaules, me faisant sursauter. 

- Voyons, Magdalena... Si vous êtes prête à satisfaire l'un d'entre nous, vous pouvez vous occuper d'autres officiers... 

Sa main glissa encore, atteignant mon col. Ma respiration devint difficile tandis qu'il ne cessait de progresser sur mon uniforme. La sueur revint perler sur mon front alors que mes vêtements me collaient encore à la peau. 

- Et puis, reprit-il, d'autres infirmières ont déjà commencé à combler mes hommes, hier. 

Je voulus me redresser mais Hoffman me plaqua contre ma chaise sans délicatesse. Des allemands avaient touché à des infirmières, donc. Et cela, en dehors de la mascarade montée de toute pièce par Verhoeven. Je me remémorais le planning de la veille pour me rassurer sur le sort de Jeanne et Elisabeth. Elles avaient été en binôme de garde. Il y avait donc peu de chance que des soldats les aient touché. Hoffman resserra ses doigts sur mon tablier et tira sèchement dessus, faisant céder son attache. 

Je tressaillis sous la douleur lorsque le tissu me brûla légèrement la peau, à la base du cou. Hoffman ricana et me tira les cheveux pour me forcer à basculer la tête en arrière. Sa bouche se posa sur la brûlure, manquant de me faire suffoquer. Un gémissement étranglé m'échappa, attirant son ricanement. Ses doigts se resserrèrent sur ma natte alors que les miens s'accrochaient à la table avec force. Mes jointures blanchirent presque instantanément. L'officier délaissa ma peau pour revenir sur ma tunique. Et lorsqu'il referma sa main sur ma poitrine, j'inspirais brusquement. 

- Ne me touchez pas..., réussis-je enfin à articuler. 

Les réactions s'enchaînèrent alors dans un chaos total.  Je me redressais vivement pour lui échapper, le souffle coupé. Ma tunique se déchira encore sous sa prise. Il me lâcha les cheveux en jurant et voulut me rattraper le bras. Je lui échappais de justesse et reculais mais me pris la table dans le dos. Et lui laissais le temps de me saisir à nouveau. Sans réfléchir, je le repoussais brusquement pour échapper à son emprise. Je fus à nouveau libre... Mais sa main me cingla la joue la seconde d'après. Je trébuchais et manquais de rejoindre le sol, si le mobilier ne m'avait pas permis de me retenir. Il rattrapa le tissu mais je bondis en arrière, les larmes me brûlant les cils. 

Une seconde gifle me désorienta un court instant, me renvoyant dans ses bras. Ma lèvre se fendit sur la même boursouflure qui avait commencé à cicatriser. La douleur explosa alors que le sang me battait aux tempes. Il nous entraîna dans les couloirs, cherchant un endroit plus intimiste. Lorsqu'il ouvrit la porte la plus proche, je déchirais le reste de mon uniforme qui lui resta entre les doigts pour m'enfuir dans le couloir. Il jura dans mon dos mais je courrais déjà en direction de l'extérieur, sans savoir où allait. J'avais le seul avantage de connaitre les lieux. Mais la panique court-circuitait ma logique. Le seul salut que je pouvais espérer était de tomber sur le capitaine Verhoeven... 

Lorsque je repoussais le dernier battant me séparant de l'extérieur, le vent me mordit férocement la peau. Je me rendis enfin compte de l'étendue des dégâts en voyant une seule manche encore intacte de ma tunique. Le tissu pendait vulgairement sur ma poitrine. Plus ou moins. Ma chemise de nuit aussi légère qu'indécente réussissait à préserver un peu de ma nudité. La porte claqua contre le mur mais alors que j'allais m'élancer vers les dortoirs, une masse sombre me barra la route. Je la percutais de plein fouet sans pouvoir ralentir et me retrouvais une nouvelle fois avec le souffle coupé. L'uniforme fut la première chose que je reconnus. Celui d'un officier. Et le seul officier présent à part Hoffman était... 

- Verhoeven... 

Je relevais les yeux avec un soulagement qui disparut presque aussitôt. Le visage qui m'apparut m'était totalement inconnu. Des cheveux noir de geai, des yeux bleus perçants... Un bon mètre quatre-vingt cinq. Une mâchoire carrée, une barbe de trois jours accentuant l'air viril mais aussi ténébreux de l'officier... J'entrouvris les lèvres pour formuler n'importe quelle excuse avant de me rendre compte qu'il me tenait. Ses mains m'avaient saisi les bras lors de l'impact et ne les avaient pas quitté. La panique finit de me submerger lorsque je fus tirée violemment en arrière et heurtais la façade de l'hôpital avec dureté. L'homme esquissa un mouvement vif. Hoffman entra dans mon champ de vision. Impuissante, je ne pus que lever un bras pour me protéger le visage. Le second tenta tant bien que mal de maintenir le tissu déchiré contre mon corps... inutilement. Je suis finie... 


~ Et voilà pour le chapitre 4 ! 

A vos claviers et vos souris pour me dire ce que vous en pensez ! Qui est ce nouvel arrivant ? Le colonel ? Déjà ? Et si oui, que va-t-il se passer ? Comment va réagir Hoffman face à l'officier et surtout face à Maddy ? 

Verhoeven sera-t-il dans les parages ? Et surtout, que pensez-vous de tout cela ? Le comportement de l'allemand avec notre infirmière va-t-il s'améliorer ou bien au contraire ? A vous de me le dire... La suite vous attend déjà ! Des bisouuuus

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