Depuis le 21 août, que je suis comme ça, tu sais. Depuis qu'elle est morte. J'arrive plus à dormir, et quand j'essaie, je fais des cauchemars. Pas des petits cauchemars qui, quand tu te réveilles, tu te rassures parce que tu es dans ton lit, chez toi. Non, c'est des cauchemars qui te réveilles en sursaut, avec la sueur au front, les mains qui tremblent et la respiration saccadée, et tu chiales pendants de longue minutes, de très long minutes. Je mange plus. La nourriture me donne envie de vomir. De gerber, mes tripes. Je suis terrifiée. J'ai jamais connu ce sentiment. Je veux dire avant j'étais cette petite connasse qui se faisait du mal, de toutes les façons possible. Qui faisait du mal aux autres, pour qu'ils ressentent, ce que moi, je ressentais. Qui faisait exploser sa colère sur tout le monde. J'avais mal à l'époque. Mais j'avais su refermer cette souffrance pour faire plaisir aux autres. À ma mère, parce que c'est la première femme de ma vie, à ma sœur parce que c'est la seconde. Mais la colère était toujours en troisième position. Elle ne me lâchait pas. Elle ne me lâche pas. Et aujourd'hui, j'ai le souffle court, les mains qui tremblent et je pleure sous la douche. J'ai peur. Je suffoque. Je ne comprends pas. J'ai peur, putain. Je ne veux pas retomber là-dedans, mais ça me manque à l'heure actuelle, je veux oublier. Je veux juste oublier, à qu'elle point j'ai mal. J'ai l'impression qu'on me comprime la poitrine, qu'on m'arrache le cœur. Et il y a ces voix dans ma tête qui me hurlent de sauter. Je suis en colère, j'ai tellement de colère que je pourrais fuir. Je veux plus me réveiller, je veux plus encaisser. Et j'en ai marre qu'on me dise " tout ira bien ", " reste forte ". Je ne suis pas forte, je suis qu'une fille qui est complètement bousiller et un peu bancale, totalement paumé. Je veux que tu me serres fort, très fort, comme si tu voulais me briser les os. Tu sais, j'ai supplié la nuit. Qu'on vienne me fracasser le crâne. Que je crève la gueule ouverte, parce que c'est tout ce que je mérite.