Novembre 2019

Ce mois-ci, le livre n'a jamais été ouvert.

Ce mois-ci, il n'y avait personne pour lire une histoire au petit garçon.

Car il n'y avait plus de petit garçon.

Alors que le mois d'Octobre touchait à sa fin, la maladie eu raison de la faible résistance de l'enfant. Théo n'avait pas souffert.

Ses parents et sa sœur l'apprirent le jour même, de la bouche d'une infirmière qui voyait chaque jour des cœurs se briser, des familles partir en fumée. Elle souffrait autant qu'eux, mais ne laissait plus de larmes couler.

Carla, Nathaniel, et Camille, tous étaient dévastés.

Carla avait à nouveau pleuré en silence, cachant son visage épuisé de ses mains si maigres. Ses cheveux, qu'elle avait récemment coupé par manque de temps pour les entretenir, étaient ternes, noueux, et tombaient par poignées. Elle était mentalement fatiguée de ce combat qu'elle découvrait vain, elle qui avait tout donné pour le remporter.

Nathaniel n'avait pas bronché, mais ses yeux humides, qu'il tentait de cacher en se tournant vers le mur, ne trompaient personne. Sa chemise trop grande camouflait à peine la maigreur de son corps, où les os commençaient à trahir leur présence sur sa poitrine. Son cœur était en miette, son esprit se dissolvait ; il avait perdu l'un des trésors qui le maintenait hors de l'eau.

Camille s'était figée net, comme pétrifiée par le regard de Gorgone caché dans les mots de l'infirmière. Elle qui avait toujours eu espoir, qui s'efforçait de rester positive, qui faisait de son mieux pour faire sourire le monde et faire disparaître ses peurs... Alors ça y est, tout est terminé ? Plus de joie, plus de frère, plus de famille... Car oui, elle le savait, il fallait être sourd et aveugle pour ne pas le comprendre, ses parents s'éloignaient un peu plus chaque jour.

Ils étaient tous rentrés douloureusement dans leur domicile. Pouvait-on encore l'appeler leur "chez-soi", synonyme de tant de souvenirs aujourd'hui noyés dans le chagrin ? Y avait-il encore quoi que ce soit qui les poussait à rester ici, dans cette maison qu'ils ne voyaient plus ? Peut-être que, d'ici peu, de nouveaux rires retentiront dans les chambres, les rires d'inconnus ignorants...

Camille avait peur, si peur de son futur, si peur d'elle. Elle ne cessait de penser qu'elle aurait pu être à la place de son frère, sous un linceul, et elle se sentait coupable d'en être soulagée. Elle se sentait coupable de vouloir profiter de la vie, alors que le pire était arrivé. Elle se sentait coupable de pouvoir grandir, aimer, rire.

Elle se sentait coupable de vivre alors que la mort avait emporté son frère.

Aujourd'hui, quelque chose s'était éteint en elle. Elle avait perdu une lumière, une flamme qui réchauffait son cœur si froid. Elle avait si froid dans ce monde vide qui ne la comprendrait plus. Qu'allait-elle faire désormais ? Quel était le but de sa vie ? Obtenir le brevet ? Le bac ? Faire des études ? Entrer dans la vie active ? Trouver son âme-sœur ? Se marier ? Avoir un enfant ? Rien de tout cela ne lui semblait avoir le moindre sens aujourd'hui.

Peut-être qu'un jour, tout changera, que quelqu'un possédera en secret la frêle allumette qui fera craquer la glace autour de ce si beau cœur abandonné. Peut-être qu'un jour, ce quelqu'un fera à nouveau apparaître un doux sourire sur ce visage meurtri par les larmes.

Peut-être qu'un jour, tout ira mieux. Mais en ce jour, personne ne pouvait penser à ce futur optimiste.

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