Décembre 2019
Un sourire dans la main
Il y avait, assise sur un banc de la cours d'école, une petite fille qui avait toujours l'air abattu. Elle ne souriait jamais et regardait jouer les autres enfants sans y prendre part.
Un jour, un petit garçon curieux vint s'asseoir à ses côtés, un enfant qui avait toujours le sourire aux lèvres.
"-Pourquoi ne joues-tu pas avec nous ? lui demanda-t-il.
-Parce que j'ai peur de me faire mal, répondit-elle tristement."
Le petit garçon ne comprenait pas ; comment peut-on avoir peur de de faire mal ? Cela arrive quand on joue, certes, mais pas tout le temps, c'est même plutôt rare...
"-C'est bête de penser ça, déclara-t-il en regardant le ciel. On ne se fait pas souvent mal en jouant... Et puis c'est pas grave de se faire mal !
-Pour toi oui, mais pas pour moi..."
Décidément, cette fille est bien mystérieuse ! Heureusement que le jeune garçon était curieux, car il ne pouvait retenir ses questions innocentes :
"-Pourquoi ça serait grave pour toi ?
-Maman m'a dit que j'étais malade, répondit-elle. Mes os sont comme de la glace : ils se cassent si je tombe ! Papa m'a dit que c'était rare mais que c'était pas grave tant que je me faisais pas mal.
-Ooooh..."
Le petit garçon réfléchi alors un moment : que pouvait-il faire pour que la petite fille puisse jouer sans se faire mal ? Jouer avec un ballon, ça fait mal quand on le lance sur le bras ; jouer au loup, ça fait mal quand on pousse un peu trop fort et qu'on tombe ; jouer à l'épervier, ça fait mal quand on claque sa main contre le mur en se dépêchant...
"Tu veux venir jouer à l'intérieur avec moi ? lui proposa-t-il. On pourra jouer avec des comptines, ou des dessins, ou des livres ! On pourra imaginer des histoires aussi !"
La petite fille se mit alors à sourire, puis se leva avec son nouveau compagnon de jeu. Peut-être qu'elle ne souhaitait pas seulement jouer, l'enfant de glace, peut-être voulait-elle juste un ami...
--[~*~]--
Le livre était ouvert à la dernière page, attendant patiemment que quelqu'un rabattue la couverture, en vain. Tous ceux qui étaient là contemplaient l'histoire affichée, sans esquisser de gestes.
Alors que le récit était joyeux et porteur d'espoir, les pages ne faisaient face qu'à une foule de visages tristes, parfois en butte aux larmes. Les pyjamas avaient été remplacés par de chauds manteaux, les couleurs avaient fondu pour révéler les tons fades et la sobriété.
Une légère brise faisait voleter les coins de pages prisonniers de bracelets de fer, tandis que tous frissonnaient sous la faible température de décembre. Tout était silencieux ici, silencieux et froid, froid comme le socle de pierre sur lequel reposait la douce couverture.
Le livre ne comprenait pas comment l'on pouvait être triste en arrivant à la fin de l'histoire. Lui qui ne portait que des dénouements heureux n'aurait jamais pu comprendre tant de malheur.
Pour la première fois de sa vie, il voyait les pleurs et les larmes, il assistait aux malheurs des Hommes. Pour la première fois de sa vie, il ressentait la douleur et le désespoir, il subissait la perte d'un proche.
Il n'aurait plus qu'à espérer que la vie ne s'arrête pas là, qu'il y à une autre fin après cette fin. Il ne pourrait que souhaiter le retour de l'espoir au tournant de notre dernière page, le retour des rires d'enfants et des sourires chaleureux.
Mais y aura-t-il quelqu'un pour l'emmener au loin ? Qui pourra le libérer de cette morne destiné ? Il ne voudrait jamais se décomposer sur le marbre frais ! Plutôt rester douillet sur une table de chevet...
Il l'aurait souhaité s'il avait pu penser, mais ses pages n'en étaient pas capable. Alors il resterait sûrement là, à attendre que son encre ne se dilue sous la pluie, bavant le long des pages, ternissant cette ultime histoire, jusqu'à en devenir illisible, invisible. Les feuilles finiraient déchirées par les vandales et l'humidité, tachées de fientes et de sel. Rien ne peut pallier ce destin sinistre, rien ne peut sauver notre pauvre livre.
Sauf si l'histoire cache encore une page...
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