Aris
Quand Aris avait déposé la boîte sur le paillasson d'Alby, il s'était rendu compte à quel point ce geste le soulageait. Le fait de donner la conséquence de ses erreurs à quelqu'un d'autre, quelqu'un qui était autant coupable que lui, lui permettait de se dire qu'il n'était pas le seul. Mais il avait honte.
Aris n'avait pas d'amis, il n'en avait jamais eu. Il avait à peu près compris ce que ça voulait dire en passant du temps avec Thomas, mais il n'avait pas réussi à le garder. Il se définissait comme un solitaire, il ne voulait être dépendant de personne. Car Aris considérait qu'avoir un ami amenait forcément à lui dépendre, d'une certaine manière, et que ce lien social servait de justification à lui devoir quelque chose. Il n'avait jamais donc pris la peine de prendre ce risque.
Oui, il avait peur. Aris ne cessait d'avoir peur, bien que les apparences laissent à prouver le contraire. Il devinait que ce sentiment constant qu'il ressentait devait être dû au comportement de sa mère, à son vis-à-vis. Surprotectrice, elle voulait le cacher à tous les dangers du monde, sans se rendre compte qu'elle en faisait peut-être partis. Alors Aris s'était débrouillé pour essayer de sortir de ce cocon. Il s'était fait des relations, tout en gardant du recul, il retenait chaque information qu'il pouvait entendre et il laissait courir le bruit sur lui d'un type discret. De cette façon, personne ne venait lui chercher des emmerdes et, si jamais quelqu'un venait quand même le trouver, il avait les sources pour se défendre. Tout cela sans que sa mère ne soit au courant.
Le jeune homme avait trouvé l'affaire des cassettes bien silencieuse. Il n'allait pas s'en plaindre, loin de là, mais il félicitait Gally et Brenda de n'avoir rien dit. Rachel, il le savait, devait être une personne de confiance. Pourtant, dans toute cette histoire, c'était sûrement elle qui pourrait les dénoncer sans problèmes. Elle n'était pas vraiment impliquée et largement sortie d'affaire : si Thomas lui avait donné ces cassettes à elle, c'était qu'elle était digne de confiance et qu'elle n'avait rien fait pour le pousser au suicide. Il pensait plutôt que Brenda aurait craqué. Fragile comme tout, cela n'aurait pas été étonnant. Mais sans doute que Gally se trouvait être un soutient étonnant pour elle. Aris était d'ailleurs le seul à avoir remarqué leur rapprochement.
Il tapait souvent du poing sur son bureau, quand il se retrouvait seul dans sa chambre. La colère avait pris le dessus sur lui. Il en voulait à Thomas de s'être tué. Ce n'était pas une façon de faire, personne ne s'écroulait après quelques problèmes ! Bien sûr, il savait que Thomas avait enduré des choses moches, il le comprenait dans le fond, mais il ne supportait pas cette idée. Il aurait dû rester, régler ses affaires comme tout le monde. Mais non, monsieur avait préféré faire des cassettes. Une belle preuve bien réelle, bien matérielle. Ça le faisait flipper.
Aris avait bien failli péter un câble. Sa peur perpétuelle avait augmenté en flèche et la colère se mélangeant à tout ça, il avait cru finir par exploser. Comme la bombe que Thomas décrivait dans sa cassette. Quand il les avait écoutés, la lune venait d'apparaître dans le cadran de la fenêtre de sa salle de bain. Il s'était enfermé à l'intérieur, la seule pièce où il se sentait vraiment en sécurité. Mais il avait pris du temps et n'avait pas rassemblé le courage nécessaire pour en écouter plus d'une. Le lendemain, il avait mis son casque et il écoutait ce que Thomas avait à lui dire. Il était dehors quand le mort prononça son nom. Il avait beau vérifier que personne ne puisse entendre, il ne pouvait pas contrôler son regard allant dans toutes les directions. Il avait l'impression que la cassette résonnait dans toute la ville et que chaque regard qu'il croisait se faisait accusateur.
Il n'avait pas pleuré à l'annonce de la mort de Thomas. Il avait assisté aux cours sans éprouver aucun changement. Il ne se pensait même pas coupable, en fait. C'était quand il avait reçu les cassettes qu'il avait compris. Il saisissait peu à peu l'importance des actes. Il devait penser un peu moins à lui. Mais quand il essayait de se convaincre qu'il pourrait survivre même en se mouillant un peu les mains, sa mère venait derrière lui et lui répétait de faire attention.
Aris avait trouvé son problème : il ne faisait pas confiance. En rien et ça le bouffait de l'intérieur. Mais il vivait ça depuis tellement longtemps que c'était habituel. Et au fond, le principal était qu'il n'avait pas oublié ce qu'il avait fait, non ? Alors quand il avait déposé la boîte sur le paillasson d'Alby, oui il avait ressenti du soulagement. Mais aussi de la peine, parce que c'était de sa faute.
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