Chapitre 20

Je sortis mon cellulaire de ma poche arrière et déchiffrais difficilement le nom qui s'affichait dessus. Je décrochais en fronçant les sourcils.

-Samuel ?

Je n'entendis qu'une ribambelle d'injures à l'autre bout du fils. Quelques frottements contre le micro, puis il raccrocha.

Je restais coincé à la lumière que dégageait mon téléphone.

Pourquoi m'appelait-il à presque deux heures du matin ? Pour raccrocher juste après, de surcroit... Peut-être était-ce simplement une erreur ?

Au moment où je rangeais mon téléphone dans ma poche, le nom de Samuel apparu de nouveau sur l'écran de mon portable.

-Allo ? Dis-je précipitamment en décrochant.

J'entendis un rire rauque de l'autre côté du fil, puis une quinte de toux violante.

-Samuel ?

Cette fois pour toute réponse il rota à travers le combiné. Il rit de nouveau avant de raccrocher.

Je resté coincé, la bouche grande ouverte. J'étais saisi par l'incompréhension, lorsque mon téléphone sonna de nouveau.

-Samuel, si t'as rien d'autres à foutre de tes nuits, fou moi la paix ! Criais-je dans le micro.

-Livaï pas content... me répondit une voix hilare qui n'était pas celle de Samuel.

Je connectais mon téléphone à la voiture, espérant retourner chez moi rapidement.

-Qu'est ce qui t'arrive, Eren ? Demandais-je à celui qui m'avait appelé trois fois tout en démarrant.

-Oops, j'suis cramé... j'entendis après un long silence.

Après quoi, Eren eut une nouvelle quinte de toux, et quelques bruits disgracieux.

-Livaï ? M'appela-t-il enfin.

-Quoi ? Répondis-je sèchement.

-Je suis ou ?

Je freinais brusquement, décontenancé. Heureusement que personne ne se trouvait derrière moi à ce moment.

-Comment tu veux que je le sache ?

Dans quel merde ce gamin s'était-il mit ? Il avait réussi à se perdre la nuit dans Paris ? Si tenté qu'il soit à Paris...

-Bah tu sais toujours tout, d'habitude.

-Oui mais tu vois je suis pas dans ta tête.

-Ah ?

-Oui, ah ! Bon y a quoi en face de toi ?

Il eut l'air de réfléchir un moment avant de me répondre.

-Y a un truc qui est très grand et très haut. Hehe c'est drôle. Oh ! C'est un ovni avec des extraterrestres qui sont venus m'enlever pour les aider à utiliser le feu sur leur planète ! Mais je vais pas leur être utile... J'utilise toujours des allumettes et des briquets, moi.

-T'étais ou ? Soupirais-je en comprenant qu'il était ivre mort.

-Je crois que j'étais en soirée avec des potes. Mais je sais plus qui. Je sais plus ou.

Déjà, j'avais la certitude qu'à cette soirée, il y avait Samuel. Sinon, il ne se serait pas retrouvé avec son téléphone.

-Y a un truc blanc et rond qui clignote ! S'exclame-t-il alors.

-Tu ne peux pas être plus précis ?

Il rigola longuement avant de roter de nouveau. Quoiqu'il avait du faire, ça n'avait pas du être très bon pour la santé.

-Ça tourne et c'est très très haut ! Dit-il en prolongeant plus que nécessaire le mot "haut".

Sur ce coup, j'eus un éclair de génie.

-Est-ce que ce ne serait pas juste avant une très longue avenue avec un grand immeuble sur le côté ?

-Euh... Ouais ! T'es dans ma tête Livaï ?

Il était donc à la grande roue. Je ne sais pas d'où il venait comme ça, mais ça faisait une petite trotte jusqu'à chez lui.

-Livaï ! Sors de ma tête !

Je levais les yeux au ciel en tournant pour aller vers la place de la concorde.

Je le laissais parler seul, en lui intimant de rester exactement là où il était. Je comptais le ramener chez lui, en lui laissant un mot pour lui expliquer ce dont j'étais au courant. Ça ferait ça de moins à se rappeler le lendemain matin.

J'arrivais enfin à la place de la concorde, et me garais précipitamment au bord de la route. Même à cette heure si tardive, il y avait toujours des passants qui trainaient à l'extérieur.

Je n'eus pas grand mal à trouver Eren, qui s'était prit la lubie de réciter en hurlant les dernières poésies qu'il avait apprit au collège. Il en était à une tirade de Créon dans Antigone, lorsque j'arrivais derrière lui.

-Eren ! L'appelais-je en attrapant son tee-shirt.

Il devait mourir de froid, dans une tenue si légère.

-Livaï ! S'écria-t-il à son tour avant d'entourer mon cou de ses bras, tu sais vraiment tout ! Tu vas pouvoir m'aider alors ! C'est quoi la fin de La cigale et la fourmis ?

Je grimaçais en sentant son haleine de chacal et m'éloignais brusquement de son étreinte.

-Suis-moi, lui ordonnais-je en tenant sa main pour qu'il ne m'échappe pas.

Sa main était glacée et moite, et il riait comme un âne en me suivant jusqu'à ma voiture.

-Je te préviens, commençais-je en finissant de l'attacher, si tu dégueule dans ma bagnole, tu finis complètement nu sur le trottoir !

-Nu, rit-il en arrêtant pas pour autant de me regarder de haut.

-On rentre chez toi, marmonais-je en démarrant.

Eren arrêta brusquement de rire et sursauta. Comme prit d'un éclair de lucidité, il hocha rapidement négativement la tête.

-Pas chez moi ! Pas chez moi !

Je soufflais exaspéré.

-Et ou tu veux aller, alors ? T'as une maison, t'y vas. Je suis déjà bien gentil de venir te chercher, tu vas pas me faire chier pour faire un détour alors qu'on est déjà en direction de chez toi ?

-Mais... Tu m'aimes non ?

Je faillis me prendre le trottoir au même moment.

-Quel est le rapport ? Grognais-je en plissant les yeux.

-Tu peux pas me laisser à un endroit où je ne veux pas aller si tu m'aimes vraiment ! Sinon je penserai que tu ne m'aimes pas vraiment. Et je serai triste.

-C'est du chantage ? Soupirais-je en ralentissant.

Il augmenta le chauffage de la voiture, et ignora complètement ma question.

-On va où, alors ? Et ne me dis pas chez Armin, il est surement en train de dormir aux côtés de ce connard d'Erwin !

J'étais toujours énervé de ma soirée foireuse avec Petra.

-Tu connais l'adresse de Samuel ? Lui demandais-je alors.

-C'est qui ?

-Le gars à qui t'as piqué ce téléphone ! T'es vraiment saoul putain...

-Oh je sais pas... Y avait ton nom dessus et comme je savais que tu sais toujours tout, je t'ai appelé. C'est logique !

-Il n'y a aucune logique !

Il rit face à mon air désespéré, et je décidais de le conduire chez moi. Là au moins, j'étais sûr de pouvoir lui expliquer la situation le lendemain matin. Et il était hors de question que je laisse seul dans un hôtel, paumé au milieu de Paris, avec une gueule de bois au réveil.

Le brun finit par s'endormir dans ma voiture en ronflant bruyamment. Lorsque j'arrivais enfin en face de ma péniche et que je coupais le contact, il se réveilla en grognant.

-Dodo ?

-Mais oui, mais oui. Allé, bouge tes fesses de là.

Il rit au mot "fesse" et obéis au moment où j'ouvrai sa portière. Il tomba à moitié sur mon dos, et je dus le trainer jusque dans ma chambre avec peine. Il s'endormit comme une masse, et j'espérais sincèrement qu'il ne vomirait pas dans mes draps propres.

De mon côté, j'allais refermer la porte d'entrée, pris une douche, et m'affalais enfin épuisé sur mon canapé.

Je finis par m'endormir à 3 heure passée, un gamin avec une futur gueule de bois atroce dans mon lit, et dans une position fort inconfortable sur mon propre canapé.

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