Chapitre 28

Cher Maman,

Ne me demande pas pourquoi, ni pourquoi maintenant. Je n'en sais rien, mais ses mots doivent sortir avant de me rendre folle. Je n'en peux plus, tu sais d'être triste. Enfin, là, ça va mieux. Tu peux remercier John, oui oui, le même John que tu m'as obligé à sortir de ma vie parce que tu ne supportais pas que ta fille devienne femme. C'était fait, Maman, alors à par nous détruire tous les deux, qu'as-tu fais ?

Bien que ce soit impossible, j'aimerais que tu répondes à mes questions, Maman, rien qu'une fois pour que je cesse de me torturée toute seule. Je sais que je ne les obtiendrais jamais. Ce qui ne change pas de mon enfance, finalement. Je t'en veux à toi, sache-le, mais aussi à moi, pour oser penser cela, maintenant. J'ai l'impression d'être une mauvaise fille, alors j'ai honte. Mais je n'ai pas non plus eu une mère exemplaire bien au contraire et, ça me brise le cœur de l'avouer... Je le pense depuis longtemps. J'en ai honte, je me dis que je ne devrais pas avoir des idées aussi horribles envers toi, ma mère, celle qui devait me protéger, m'aider à grandir, à m'élever dans ce monde. Pourtant, je sais mes sentiments sont légitimes. Tu n'as jamais tenu ton rôle à mes côtés, alors comment espères-tu que je joue le mien ? Dis-le-moi, Maman !

J'éprouve de la haine parce que j'ai suivi ton exemple : j'ai fui. Putain, que je te déteste avoir été incapable d'affronter la réalité une seule fois dans la vie. Tu partais, puis tu revenais... Lorsque tu étais présente, j'avais peur que tu repartes. Et quand je grandissais toi, j'angoissais à l'idée de ne plus jamais te revoir. Une petite fille ne peut pas évoluer de manière saine de cette façon, Maman, et tu es l'unique responsable. Celle qui fut ma mère est ma Nounou ainsi que mes baby-sitters ; elles, elles, m'aimaient. Je suis méchante parce que je sais que toi aussi, plus que tout, comme tu le disais. Mais les mots ne suffisent pas dans la vie, il faut des actes, des gestes, des preuves ! Pourquoi ne me l'as-tu jamais montré, Maman ?

Maman, je commençais cette lettre en te demandant de remercier John. Il m'a sauvé, tu sais. J'étais habituée à ton absence, mais savoir que celle-ci était définitive, qui n'existait aucun retour arrière possible, ça m'a brisé. Néanmoins, j'ai aussi compris quelque chose que je cherchais à nier : tu es une lâche, Maman. Quand comptais-tu m'avoue que tu étais malade ? Un cancer du sein phase terminale, tu ne peux pas simplement avoir oublié de m'en informer ! La boule à zéro, ta nouvelle envie capillaire... J'y ai cru parce que malgré tout, tu restais ma Mère et que je me devais d'avoir confiance en toi... Je me suis bien plantée... Quelle conne ! Tout ça pour te l'avouer, Maman ; j'ai sombré. Enfermée dans mon minable appartement, je pleurais en boule sur mon canapé, puis je n'ai plus eu de larmes, alors je regardais dans le vide en attendant que ça passe. Ce n'est évidemment jamais passé. Comment est-ce que ça aurait pu ? Ma Mère venait de décédé d'un cancer sans que je le sache bien qu'elle vivait à deux rues de chez moi et que nous nous voyions au moins deux fois par semaines. Te rends-tu compte de l'aberration de cette histoire ?

Revenons-en à John qui, lui, mérite mon attention. Il m'a embarqué pour un voyage de dix jours. Aujourd'hui, nous sommes déjà à la veille du départ ; c'est passé si vite. Je regrette presque... Oui, moi, qui lui en voulait et qui souhaitais continuer à déprimer... Enfin, je croyais que c'était ce que je désirais. Evidemment, je me trompais. Il m'a sauvé, Maman, parce en dix jours, il m'a permis de revivre, de sourire à nouveau, mais surtout, notre amour est vainqueur. Il a triomphé parce que nous nous sommes retrouvés, plus forts qu'auparavant, et nous nous aimons. Que tu le veuilles ou non, John est l'homme de ma vie, celui qui m'épousera, qui me donnera des enfants. Deux, une fille et un garçon ; ce serait notre rêve, mais peu importe leur sexe, s'il s'agit de grossesses séparées ou que j'accouche de triplés. Ils seront le fruit d'un amour véritable, un amour indescriptible et, le principal réside-là. J'espère que malgré notre passif douloureux tu accepteras de veiller sur eux depuis la haut. Le feras-tu, Maman ? Pourrais-je compter sur toi cette fois ?

Nous sommes le vendredi quinze mai 2020 ; il est temps de tourner la page, Maman. Tu es morte et enterrée. Je sais que ces mots sont violents, mais je veux accepter la réalité pour de bon. Je ne te demande plus rien... J'en ai fini avec les déceptions, mais sache que je t'aime, Maman. Et j'aimerais croire qu'aujourd'hui, tu accepterais John comme un vrai membre de la famille parce que c'est ce qu'il est. En tout cas, je vais vivre en le pensant. J'en ai besoin.

Maman, je te dis « Adieu ». Que la vie là-haut te rende plus heureuse que sur terre, avec moi. Je t'aime.

                                                                                                                                                 Ta tendre fille, Rosalie.

Les joues humidifiées, je repose mon stylo sur la table nuit. Une larme s'échoue sur ma feuille, absorbant un peu d'encre qui coule et efface quelques lettres. Je me relis, sanglotante. Chaque mot inscrit, je le pense et, je sais que je continuerai de le penser dans le futur bien que la douleur s'atténuera encore.

— Rosie, tu pleures ? s'enquit John à mes côtés qui se réveille brusquement.

J'abandonne ma lettre sur le sol, puis me retourne vers lui.

— Oui, mais ça va, ne t'inquiète pas !

Alors qu'il essuie mon visage, je lui offre un sourire sincère. Doucement, je retrouve mon calme. Ses prunelles me dévisagent dans l'espoir de comprendre ce qui se trame.

— J'ai écris une lettre à l'intention de... de ma mère, lui expliqué-je. J'aimerais que tu la lises avant que je la brûle pour clore définitivement le chapitre.

— Tout ce que tu voudras, Rosalie.

Après l'avoir récupéré, je me glisse entre les jambes de John, mon dos contre son torse et remonte la couette sur nous. J'allume la lampe de chevet, puis positionne la feuille de façon que nous puissions la voir tous les deux. J'ai besoin de la lire une dernière fois... Au fur et à mesure que nous avalons les mots, notre contact se fait plus étroits. Nos doigts se pressent ensemble, son bras referme son étreinte autour de mes hanches. Il embrasse à multiples reprises ma joue ainsi que ma nuque et mes épaules.

— C'est beau mais, douloureux ce que tu as écris, chuchote-t-il d'une voix en manque d'assurance que je ne lui connais pas.

— Juste mon ressenti... Mais je rêve où je t'ai fait pleurer ?

Je gigote dans ses bras afin de lui faire face. En effet, une perle humide ruisselle le long de sa peau, tandis que je la capture d'un baiser. Il enfoui son visage contre ma nuque, et se retrouve caché sous ma chevelure. En silence, je masse doucement sa nuque. Je ne l'avais jamais vu pleurer depuis notre première rencontre, même lors de notre rupture. Mais je comprends maintenant que ce n'est pas la première fois que je provoque des larmes chez lui.

— Hey, Chéri... Souris ; tout va bien ! murmuré-je.

— Je sais... Mais en quelques mots, tu as mis sur papier tellement de souffrance et, en même temps, c'est une vraie déclaration d'amour pour moi. Je suis ému, désolé !

Je rigole doucement.

— Tu n'as pas à t'excuser pour ça, enfin, jamais !

Pour une fois, c'est moi qui cherche à redresser son visage afin qu'il me regarder et que je puisse atteindre ses lèvres pour un délicat échange. Nous restons longuement immobiles l'un contre l'autre, sans que rien ne vienne biser notre bulle. Cet instant m'est important pour que nous tournions ensemble la page, en fait, il s'agit d'un nouveau chapitre dans nos vies. J'ai besoin de faire le deuil de ces derniers mois, d'être certaine de me sentir prête à ce que le fantôme de ma mère ne me hante plus. Nos respirations se synchronisent, puis mon cœur se gonfle d'un sentiment de bien-être. Je sais que le moment est venu, alors je prends mon courage à deux mains et déclare :

— Il est temps de réduire cette tristesse, cette peine et cette haine en fumée...

Dans la main droite, j'attrape le briquet qui traine sur la table de nuit avec son portefeuille et son téléphone. De l'autre, je tiens ma lettre. J'expire un coup, puis me lève pour atteindre la corbeille à papier. John reste à mes côtés, juste derrière moi. Je sens sa paume dans le bas de mon dos qui m'encourage, tout en restant en retrait, et je l'en remercie ; sa présence m'est nécessaire pour avancer, mais brûler ces mots est une histoire de famille, entre mère et fille. J'allume à plusieurs reprises la flamme avant de me décider à la porter à la lettre qui s'enflamme instantanément. Mon cœur rate un battement. Je l'observe s'embraser et disparaitre dans ma main. Alors qu'il ne reste plus qu'un petit morceau, je le laisse tomber dans la poubelle, évitant de me brûler les doigts. C'est fini...

— Comment tu te sens ? s'inquiète John sans pour autant me presser.

— Ça va, soufflé-je. Je garde une impression étrange, mais je vais bien...

L'appel de son réconfort est bien trop grand pour que je puisse résister, alors je me fonds contre lui, le cœur à la fois lourd, mais soulagé que ce soit terminé.

— Je peux avoir un câlin ? réclamé-je d'une petite voix.

— Evidemment, tu n'as pas besoin de demander ce genre de chose enfin !

Ses bras m'encerclent, alors que je me dresse sur la pointe des pieds pour l'embrasser. Il frotte énergiquement mon dos le temps que je puise assez d'énergie pour me revigorer. Je me laisse bercer par son rythme cardiaque, ferme les yeux, humant son odeur. Je ne saurais dire combien de temps s'écoule avant que nous nous réanimions Rester ainsi blottie contre son torse ne me dérange pas, loin de là, il s'agit même du meilleur endroit sur terre, celui où je me sens le mieux, aimée et protégée.

— Merci de l'avoir fait avec moi !

— C'est normal, il me semble ; ne t'inquiète pas, ma belle. Je suis fier que tu sois allé jusqu'au bout !

— Qu'il l'aurait cru, n'est-ce pas ?

Je relève la tête et, croise son regard.

— Ne te vexe pas, mais en effet, je n'y croyais pas à cent pour cent, avoue-t-il.

— Je le sais, et moi donc... 

Le temps pressant, nous nous séparons afin de remballer toutes nos affaires. Le constat est clair ; nous avons mis un sacré bordel dans cette chambre, heureusement que les jours précédents, nous n'avions pas le temps de tout défaire. Mon cœur se serre à l'idée de revenir en Belgique, mais comme un dicton populaire le dit si bien : « Tout a une fin. ». J'espère simplement que d'autres aventures nous attendent dans le futur. A vrai dire, j'en suis certaine. Je compte bien organiser des petits voyages en amoureux et, je promets de n'appeler aucun prestataire de service en milieu de nuit.

— Je peux savoir comment tu as réussi à la fermer avec tout ce que tu m'as pris ? râlé-je en m'asseyant sur ma valise.

— C'était plié à ce moment-là...

Je rigole nerveusement : en effet, ça explique pas mal de choses. Même en l'écrasant de tout mon poids, je ne parviens pas à tirer sur la fermeture-éclair qui va finir par céder si je persévère ainsi.

— John, aide-moi ; t'es plus lourd !

Tout de suite, c'est plus facile. Nos affaires rassemblées, nous vérifions une énième fois que nous n'avons rien oubliés, puis nous sortons, en fermant la porte dans notre dos. Je soupire, après avoir jeté un dernier regard à la porte de la chambre. La nostalgie m'envahit déjà ; je n'ai pas envie de partir. Si je le pouvais, je resterais clouée ici.

— Ça va, Rosie ?

— Oui. Je suis juste un peu triste que ce soit déjà fini...

— C'est pour mieux repartir, tu verras, me rassure-t-il alors, espiègle.

Dans un pouffement, je m'empresse d'accepter cette offre qui n'en est pas une, tout en y rajoutant une condition :

— Avec moins de mystère, cependant !

— Oh arrête ton charabia ; tu y as pris goût.

— Ce n'est pas une raison, prévins-je sans nier, alors que les portes de l'ascenseur s'ouvrent devant nous.

Pendant que John s'occupe d'aller remettre les clefs à l'accueil, je rejoins Victor qui patiente à l'entrée. Il s'empresse de prendre mon bagage bien que je lui aie assurée pouvoir m'en sortir toute seule. Nous discutons alors de tout et de rien.

— Alors, il me semble que c'est l'amour fou !

— Le seule et, l'unique, confirmé-je, les joues rougies.

— Vous parlez de moi ? nous interrompt alors John.

— Non, de l'amour de ma vie !

Je lui rétorque pince-sans-rire, tandis qu'il se décompose avant de m'insulter. Victor rigole dans sa barbe en secouant la tête.

— Désespérants ces jeunes ! Allez, en voiture ; vous ne voudriez pas rater votre avion...

— Tu nous hébergeras au pire, le taquiné-je sur ma lancée.

— Bien sûr ; tu dormiras entre mes monstres de trois ans ! Bonne chance, Rosalie ! Je ne savais pas que l'alcool pouvait faire effet aussi longtemps...

Je rouspète en levant les yeux au sol, puis m'installe dans la voiture. Le trajet se fait presqu'en silence ; je profite du paysage, la main sur la cuisse de John. A voir la montagne d'un côté et, l'océan de l'autre va me manquer. Cette dualité de paysage, c'est un vrai paradis !

— En tout cas, si un jour l'envie de décider la Belgique ou d'y emmener tes bambins, n'hésite pas à nous faire signe. Ce serait un plaisir de te revoir !

— Promis, Rosalie. On s'incrustera dans ton appartement pour loger, ça te va ?

Je viens de me prendre le revers de la raquette dans la figure. Ce fut bien lancé de sa part. L'aéroport se trouve maintenant devant nous, alors nous saluons longuement dans le parking. Après tout, il fut à nos côtés pendant cette dizaine de jours chargés en vécu et en émotions.

— Prenez de soin de vous, les tourtereaux !

— Au revoir, Victor. Merci encore pour tout ! 

17/11/2020
    Hello les loulous !

    Je suis hyper excitée ce soir : la fin approche vraiment vraiment fort et ça m'émeut.

   Si jusqu'ici ça vous plait, n'hésite pas à me le dire. Ça me ferait chaud au coeur.

    MERCI DE ME LIRE ❤

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