Chapitre 20
Une énième douche plus tard, John me propose, à ma plus grande surprise, de choisir le programme pour la fin de journée. Ayant eu ma dose d'aventures et d'émotions, j'opte pour profiter de la plage, autrement qu'au milieu de la nuit. Que je revienne en Belgique avec des couleurs supplémentaires. Partir dans le sud sans bronzer serait un comble ! Maillots enfilés, nos serviettes sur nos épaules et un encas dans le sac, nous rejoignons l'étendue de sables fins, puis partons en quête d'un endroit assez tranquille, éloignés des quelques familles. Si nous pouvions éviter de recevoir des pelles ou des râteaux d'enfants dans la figure, j'en serais ravie. Cette fois-ci, la marée est assez haute, alors nous nous décidons à nous installer entre deux dunes, la mer restant pas trop éloignées si l'envie de nous baigner nous prend.
— Tu veux bien me mettre de la crème solaire ?
— Avant que tu deviennes une écrevisse ? Ce serait pas mal, en effet !
Je lève les yeux au ciel, des moqueries encore et toujours ; il ne s'en lasse pas. Et je crains ce jour-là n'arrive jamais. Pour toute réponse, je lui tire la langue – une mauvaise habitude –, puis le lance le tube manquant de l'assommer au passage. Sans perdre le fil, je m'allonge sur ma serviette. Lorsque la crème froide tombe sur mon dos, je frissonne ce qui ne manque pas de faire rigoler John.
— Cesse de rire et, applique-toi, grogné-je.
— Bien, cheffe ! se résigne-t-il, alors que ses paumes entreprennent de la faire pénétrer.
— Que t'es con...
— Gare à toi ou ce sont tes fesses qui vont finir rouge !
Mes joues s'empourprent. Comme pour appuyer sa menace, il m'administre une petite claque sur la droite avant de reprendre son opération. Il s'occupe ensuite de mes bras et de l'arrière de mes jambes. Evidemment, il finit de me tendre le tube pour qu'à mon tour, je le tartine. A-t-il conscience du risque qu'il prend après avoir tenté d'intimider mon pauvre derrière ? Arrivée au bord de son maillot, j'en soulève innocemment l'élastique, puis appuie d'un geste net sur le tube propulsant une giclée de crème sur ses fesses.
— Je vais te massacrer Rosalie West ! s'écrie-t-il en pouffant. J'espère pour toi que tu cours vite !
Ni une, ni deux, il se redresse, alors que je m'empresse de fuir et, vite. Je m'encours en direction de la mer alors que je n'ai même pas eu le temps de me débarrasser de mon short. Tant pis, il sera bon pour la machine ; hors de question que je ralentisse et me laisse aller aux griffes de John. Nos rires d'enfants retentissent dans les airs. Je sens le regard des gens sur nous, dédaigneux pour certains, rieurs pour d'autres et agacés pour les derniers. Moi, je m'en moque : ils peuvent bien penser ce qu'ils veulent, j'en ai que faire. Peut-être que nous sommes un brin immature, moi la première, mais je profite de cet instant pour croquer la vie à pleine dent.
— Tu ne m'attraperas pas !
— C'est ce qu'on va voir, Madame-J'ai-Peur-De-L'eau. Pas certain que tu fasses encore la maligne parmi les poissons, les algues. Qui sait ; tu risques de rencontrer des méduses aussi !
Ses paroles s'essoufflent à la fin de sa tirade. Je tente de les nier ; j'en suis capable. Puis, je peux très bien aller dans la mer en restant dans les zones où j'ai pied. Si je ne sais plus fuir en allant droit devant, rien ne m'empêche de lui échapper en longeant la plage vers ma droite ou la gauche. Dommage pour lui, je suis pleine de ressource. Alors que je rentre dans l'eau, celle-ci me freine et, bientôt, je ne parviens plus à courir. Bien que je tente de lui échapper dans une ultime tentative, John me rattrape. Ses bras m'encerclent comme je le fais avec ma couette les soirs d'hiver.
— Eh merde, protesté-je ce qui provoque son hilarité.
Ce n'est pas juste ; il obtient toujours gains de cause. Un tour à la salle ne me fera pas de mal, je pense. Quoique, il aura toujours une morphologie d'homme et moi de femme. Déjà que je reste petite et frêle. Pourtant, je jure avoir bu ma soupe tous les midis lorsque j'étais plus jeune, même lorsqu'elle avait un immonde aspect vert ou sans couleur déterminée.
— Non, mais je...
— Ne te cherche pas d'excuse, Rosie ! Par ta faute, j'ai le cul qui colle dans mon maillot !
Malgré la peur des représailles, j'explose de rire aux larmes. Il a lâché ça avec un naturel légendaire. Il finira par causer ma perte, je vous le jure ! Je ne sais plus quoi faire de lui, peut-être que je devrais le vendre.
— On ne récolte que ce qu'on mérite, sache-le !
D'où me vient ce courage ? Aucune idée.
— Nom d'un asticot ! Je...
— Tu ?
Je ne sais pas si l'absence de réponse que j'écope devrait me rassurer ou pas. Je le crains. Quand, sans ménagement, John me soulève comme une princesse, je comprends que je suis définitivement fichue. L'insolence se lit dans son regard, la connerie aussi. Je vais payer mes actes et, cher.
— Mon cœur, tu n'es pas obligé, tu sais, le supplié-je.
Mon sourire devient nerveux, au moins, en partie. Tout ça n'est plus qu'une question de minutes, voire de secondes. Mes craintes se confirment lorsqu'il me recouche avec une grande douceur sur ma serviette, me surplombant de tout son être. Je ne l'ai jamais trouvé aussi menaçant qu'à cet instant. Il peut se révéler effrayant quand il veut avec ses lèvres pincées qui retiennent son sourire, ses sourcils froncés, son front plissés. En revanche, son rictus en coin ne m'échappe pas. Ses cuisses m'entourent et me maintiennent solidement au sol. J'ai beau me débattre ; il m'a immobilisé. D'une main, il bloque les miennes au-dessus de ma tête, alors que je vois l'autre se plonger dans le sable. Oh non. Mauvaise idée.
— John !
— Trop tard, Princesse !
Le sable s'insinue vicieusement sous mon bikini, ni le haut, ni le bas y échappent.
— Putain, ça gratte, me plaignis-je.
— On est quitte, conclut-il en me libérant de sa poigne.
Je me relève me frottant sans oublier de lui jeter un coup d'œil aussi noir que taquin. Bon sang que nous sommes désespérants ! Ma vengeance va s'avérer terrible ; qu'il reste sur ses gardes ! Pour le moment, je vais y réfléchir. Rien ne sert de précipiter : tout vient à point pour celui qui sait attendre.
— Rosie, qu'est-ce que tu manigances ?
— Rien, rien, lui assuré-je en tentant de ravaler mon sourire.
— Piètre menteuse que tu es...
Je vais éviter de m'enfoncer et, m'abstiens de répondre. Mes doigts s'entremêlent aux siens, puis je ferme mes paupières afin de profiter des rayons du soleils réchauffant ma peau. Un petit vent nous empêche de cuire ; c'est parfait, je ne pouvais pas rêver mieux pour une après-midi reposante, ressourçante et détente. En plus, elle fait écho à notre premier voyage. La boucle est bouclée, comme on dit. A mes yeux, ça ne peut être que de bon augure pour la suite. J'ai le sentiment de me trouver là où je dois être. Lorsque je pense à la Rosalie une semaine auparavant, je ne réalise pas le changement parcouru en si peu de temps. John m'a sorti les doigts des fesses en m'obligeant à me bouger, à me surpasser, à m'affronter moi et mes angoisses. Force est de constater qu'il savait ce dont j'avais besoin, alors que je l'ignorais. Pendant combien de temps aurais-je continué à dépérir dans mon canapé moisi en buvant du café froid ? Probablement encore longtemps, jusqu'à ce que je me serais décidée à rencontrer un psychologue. Enfin... John fut le meilleur d'entre tous, je pense !
— Merci, chuchoté-je d'une voix à peine audible.
— Pourquoi ?
— Parce que si, aujourd'hui, je peux me dire heureuse, tu en es l'unique responsable.
Ses yeux se plissent alors qu'il exerce une délicate pression sur ma main.
— Faux. Je t'ai donné un coup de pouce, mais tu as effectué tous les efforts nécessaires. Je me suis contenté de montrer le chemin et, que tu en étais capable.
— C'est déjà beaucoup, rigolé-je. Rien qu'organiser ce voyage a du te demander un temps dingue.
J'observe autour de moi avant de reposer mes prunelles sur John.
— J'avoue que j'ai bien galéré par moment !
— Tu as géré ça comme un chef, le rassuré-je en penchant mon visage vers lui.
Je fonds sur ses lèvres, le remercie comme il se doit. Jamais personne n'a fait autant pour quoi. Encore une preuve que lui et moi sommes une évidence. Mon dos commence à chauffer, alors je me retourne afin de bronzer des deux côtés. Je crains que le bronzage « Kinder surprise » soit à la mode.
— Je vais me baigner. Tu m'accompagnes ?
— Non, je dors, maugréé-je.
Tandis que John s'éloigne, j'entrouvre les yeux, l'observant de dos. Je ne peux pas m'empêcher de rêvasser sur son corps. Mon dieu, je vais craquer lorsqu'il reviendra perlant de gouttelettes. Maintenant réveillée, je me souviens que je dois encore me venger et son absence m'offre l'occasion sur un plateau d'argent. Il nage vers les profondeurs, alors aucun risque qu'il me surprenne à fouiller dans son sac à dos. Je sais ce qu'il me faut : la carte de notre chambre.
— Putain, mais il l'a mis où ? râlé-je toute seule après quelques minutes de recherche dans ses multiples poches.
On dirait la caverne d'Ali Baba. Enfin, je finis par mettre la main dessus ; il l'avait glissée dans une poche, elle-même dans un autre, pire qu'un sac à main de gonzesse. Je m'empresse de la cachée dans la poche de mon short, puis reprends ma position initiale, en pleine somnolence, à la seule différence, que je guette son retour. J'imagine déjà sa tête paniquée dans le couloir de l'hôtel, alors qu'il déversera le contenue de ses affaires, juste avant que je nous ouvre la porte. Il va vouloir me trucider et, j'en rigole d'avance. En parlant du loup, le voilà qui revient, les cheveux dégoulinant sur son torse, le sourire au coin. J'y vois trop de malice pour ne pas craindre un sale coup. Il s'approche telle une menace, alors que je continue à jouer la comédie, faisant semblant de dormir.
— Bouh ! s'écrie-t-il.
Une herbe gluante me tombe dessus, sans que je ne réagisse.
— Je l'avais vu venir, échec, mon cœur !
Sa mine se décompose, déçu.
— La baignade fut bonne ?
— Oui, mais j'aimerais comprendre pourquoi tu as le même sourire que celui que j'abordais il y a quelques secondes.
Je me tourne vers lui ; il me sonde de haut en bas. Quant à moi, je me concentre pour prendre mon air le plus innocent, le plus pur avant de répondre :
— Lequel ?
— Celui de la bêtise... soupire-t-il sur ses gardes.
05/11/2020
Hey les loulous !
Nouvelle journée, nouveau chapitre. Bon, je vous avoue qu'ils m'ont beaucoup fait rire avec leur bêtises 😂
Et vous ?
MERCI DE ME LIRE ❤
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