Chapitre 2
— Pourquoi Perpignan ? Allez, arrête de faire l'homme mystérieux, tu n'en es pas un ! supplié-je John alors que nous retrouvions, en vie, la terre ferme.
Quel soulagement de retrouver le sol ! Marcher ne m'a jamais rendue si heureuse qu'à cet instant précis.
— Je te conseille de garder tes questions, tu uses ta salive inutilement, Rosie ! Le principe d'une surprise réside dans le fait que tu ne saches pas, je te rappelle.
Je grogne de frustration. Plus il se tait, plus je désire connaitre le moindre détail de son plan, en espérant que celui-ci ne se révèle pas foireux. D'habitude, je suis la tête pensante de notre duo, celle qui organise, réfléchit deux fois avant de se lancer. Alors sans mon aide, j'ai un peu peur de ce qu'il a prévu. John vit toujours à fond son ambition ce qui n'est pas un mal en soi, mais parfois, il oublie de prendre une pause pour s'assurer que son idée tienne debout. Il a besoin de quelqu'un pour le freiner. Heureusement que sa copine, Lola, arrive à le modérer. Je suis d'ailleurs étonnée qu'elle nous ait laissé partir en tête à tête. Et qu'elle lui ait permis de m'inviter à dormir chez lui. Elle et moi, on ne peut pas se sacquer ! Son côté superficiel m'agace tandis qu'elle jalouse mon amitié avec son copain. Je ne compte plus nos innombrables discussions à ce sujet sans que rien ne s'arrange. Sa rancœur envers moi a le don de m'énerver ; je demande juste à apprécier les amoureuses de mon meilleur ami. Ce qui serait plus agréable pour chacun. M'enfin, elle n'est pas là alors je n'ai aucune raison de penser à elle.
— Un taxi nous attend, mais je vais te bander les yeux pour le trajet, me préviens John lorsque nous sortons de l'aéroport.
J'acquiesce. Il a de la chance que ma confiance en lui suffit à ce que j'accepte. Je déteste perdre un de mes sens ; ça crée une angoisse ingérable pour mon petit cœur. John sort alors un foulard de sa poche qu'il me passe devant les yeux avant de le nouer à l'arrière de mon crâne. Ses doigts en profitent pour glisser dans ma chevelure démêlant au passage mes mèches rousses et trop rebelles à mon goût. Je souris face à la douceur dont il fait preuve à mon égard, puis attrape sa paume dans la mienne.
— Ne me lâche sous aucun prétexte John Quille si tu tiens un peu soit-il à ta vie ! préviens-je durement.
J'avance à l'aveugle par petit pas. J'ai conscience qu'il ne m'enverra pas dans un poteau par inadvertance, mais la prudence reste de mise. Ne sait-on jamais... Dès qu'une mouche vole, son esprit s'échappe avec son attention comme le jour où il m'avait poussé dans la piscine tout habillée par accident. Son regard avait été attiré par une fille aux obus hors-normes. Les hommes, je vous jure ! Evidemment, je portais un haut blanc ce soir-là, le concept même des lois de Murphy. J'ai l'impression que le chauffeur s'est garé à mille kilomètres, probablement au fond du parking. Mon sac pèse lourdement sur mes épaules alors que je ne comprends toujours pas pour quelles raisons une valise à roulette s'avérait inadaptée. Enfin, c'est ce qu'il a prétendu lorsque j'ai découvert nos bagages ce matin. Je prie pour qu'il n'ait rien oublié dans mon appartement lors de son escapade nocturne. Je n'en reviens toujours pas qu'il y soit retourné pour prendre mes affaires pendant que je dormais dans son canapé. Vu le temps que j'ai mis avant de sombrer, il a dû prendre son mal en patience le pauvre. Bon, il récolte que ce qu'il mérite pour avoir échafaudé ce plan saugrenu. Les rayons de soleil caressent mon épiderme. Encore heureux que John m'ait conseillé de troquer mes pulls chauds contre un simple top.
— Attention la tête, tu peux t'asseoir ! m'annonce-t-il après avoir récupéré mon sac.
Quelques instants plus tard, je sens sa présence à mes côtés. Sa cuisse frotte contre la mienne et, le sentir me rassure. L'odeur des sièges en cuivre m'enivre, je trouve ça apaisant. La vue en moins, je ressens les secousses plus fortement. Chaque mouvement de l'automobile se répercute son mon corps. J'ai l'impression d'être ballottée dans tous les sens ; à mon avis, nous sommes en montagnes. A plusieurs reprises, je me cogne à John qui finit par me maintenir contre lui. C'est dingue comme le corps se retrouve perdu lorsqu'il doit faire face à un handicap, il compense en permanence pour ne pas subir les évènements.
— Prête, Rosie ?
— J'ai peur, mais oui..., avoué-je. Merci de m'avoir sortie de ma tanière !
— Ne t'inquiète pas ; je te demande juste de me promettre de lâcher prise lors de ces dix jours.
Je ne peux pas. Est-ce que je parviendrais à tenir ma parole ? J'en doute et, je ne veux pas qu'il espère quelque chose qui ne viendra pas. Vais-je pouvoir changer mon état d'esprit du jour à l'autre ? Je le crains. Certes, l'air frais ainsi que le soleil me réchauffe le cœur, mais je ne peux pas certifier que ça durera dans le temps. J'inspire profondément déçue d'être incapable de le satisfaire.
— J'essayerai...
Ma voix sonne à peine audible. J'aurais aimé prononcer cette promesse. Aujourd'hui, je jure de faire des efforts, pas spécialement pour moi, mais pour John. Il s'agit de ma façon de dire merci. Ses lèvres se posent sur mon front ce qui me surprend. Il n'est pas déçu alors ?
— Premier arrêt ! s'exclame le chauffeur tandis qu'il gare la voiture.
Une avalanche de questions me traverse l'esprit. Ça signifie quoi ? Lorsque le bandeau m'est enlevé, j'observe autour de moi. Seul un bâtiment gris et peu accueillant se dresse devant nous. Qu'est-ce cet endroit étrange ? Mon air perplexe ne semble pas échapper à John qui ricane avant de me planter devant le coffre.
— Pour cette première étape, il te faut une bonne paire de bottines pour marcher, deux t-shirts, un short, un gros pull et le strict nécessaire pour te laver. Ne charge pas ton sac avec des accessoires inutiles !
Je me retiens de demander plus d'informations ; il ne rajoutera rien. Alors, je m'exécute en silence. Mon cœur, pour la première fois, palpite d'excitation. Une part de moi s'impatiente de se lancer dans cette aventure malgré l'angoisse de l'inconnu, mais je m'en veux de profiter. Ai-je vraiment droit à ce bonheur ? Ma joie retombe. Je m'interromps dans ma tâche au bord des larmes. La culpabilité, toujours cette culpabilité, qui me ralentit, qui me pousse dans le gouffre sans que je puisse m'accrocher. Mes dents s'attaquent à mes ongles ; ça me détend, m'apaise et calme mon rythme cardiaque. John finit par me tourner vers lui afin que je le regarde, mais je ne peux pas. J'ai honte de réagir ainsi, comme une enfant le ferait.
— Respire ; ça va aller !
— Je ne peux pas être heureuse, John...
Sa mâchoire semble se détacher tandis que ses prunelles s'assombrissent.
— Ne prononce plus jamais ce type de paroles fausses ! Tu as tous les droits, d'accord ? insiste-t-il en me tenant par les épaules.
Je sens ma respiration se bloquer dans ma gorge. Le voile qui passe sur son visage augmente la peine qui m'habite. Il tente de me tirer vers le haut, mais la douleur provoquée par mes mots me touche. Je ne souhaite pas le décevoir. Je soupire. Mes pieds trépignent le sol avec anxiété, mais je finis par acquiescer timidement. Il ne semble pas convaincu. En revanche, il n'insiste pas et se contente de me serre contre lui. Ses paumes remontent le long de mon dos alors que j'enfouis le bout de mon nez contre sa nuque. Puis, je finis par rompre notre étreinte, prête à craquer, et me reconcentre sur mon sac.
— Tu m'as pris une brosse à dent ?
— Merdouille ! Voilà ce que j'ai oublié !
— Quand on rentre par infraction dans un appartement à trois heures du matin aussi..., le taquiné-je.
— On ira en acheter une. En attendant, allons déposer le reste de nos affaires !
Sans m'attendre, il se dirige vers l'étrange bâtiment dont je ne connais toujours pas l'utilité. Alors, je le suis intrigué. Une jeune femme à l'air blasé nous accueille. Je ne comprends rien à leur discussion. Numéro huit cent un, annonce-t-elle en pointant un couloir sur notre droite. C'est seulement lorsque je me retrouve face à aux dizaines de casiers que mon esprit percute : un dépôt de bagages. Les morceaux du puzzle se rassemblent petit à petit dans ma tête, mais l'essentiel reste flou. John joue son jeu à merveille : ma curiosité grandit et me rend presqu'heureuse d'être là.
— Okay, l'heure est venue de te donner quelques explications !
— Oh, miracle, après vingt-quatre heures de torture.
— Tais-toi parce que je peux toujours redevenir muet comme une carpe ! sourit-il en haussant les sourcils. Alors, comme tu le sais ; nous sommes partis pour dix jours de folie. Nous changerons de lieu chaque nuit, donc Victor, notre va nous suivre et gérer nos bagages. Nous arriverons à notre première destination dans environ une demi-heure !
Encore ce sacré mystère : en dire trop ou pas assez ! Après un rapide arrêt dans un supermarché où nous achetons de quoi boire un peu ainsi qu'une brosse à dent, nous reprenons la route. Les paysages aux abords des petits chemins m'émerveillent. Des arbres fleuris, de profondes vallées, des ruisseaux et des cascades : mon esprit se déconnecte de ma vie. Je contemple juste cette vue à couper le souffle. Nous croisons très peu de véhicule. Habituée à la ville, j'ai la douce sensation d'être seule au monde. Enfin, avec John et Victor. Mes oreilles se bouchent alors que nous continuons de prendre de la hauteur. Je force ma déglutition à plusieurs reprises. Si après la vue, je perds partiellement mon ouïe, je crains que mes nerfs résistent. Il ne semble rien avoir à des kilomètres à la ronde. Les environs paraissent sereins où la faune er la flore sont rois. De nombreuses espèces doivent vivre dans les sous-bois ainsi que dans les grandes étendues d'herbes, loin des habitations. Enfin, la voiture s'arrête en bordure de route où de nombreux chemins sinueux débouchent. Nos troquons nos chaussures de villes par celles de marche, puis nous ajustons nos sacs sur nos épaules. John remercie notre chauffeur après lui avoir chuchoté des informations à l'oreille, sûrement pour en rapport avec les prochains jours. Victor redémarre en nous abandonnant au milieu de la nature. J'inspire profondément et hume la délicieuse odeur de pin. L'air pur de la montagne remplit mes poumons. Je sens les muscles de mon corps se dénouer un par un, se détendre ; la magie commence à opérer. En tout cas, il faut y croire ! Avant de démarrer, je m'enduis de crème solaire, enfonce ma casquette sur mon crâne et pose mes lunettes de soleil sur mon nez. Nous avons la dégaine des parfaits aventuriers !
— Bienvenue sur les pas de ta maman ! me souffle John avant d'ouvrir la marche.
17/09/2020
Holà les loulous !
Le chapitre deux est là pour vous. Alors, que vous inspire-t-il ?
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MERCI DE ME LIRE ❤
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