— C'est sa faute, hurlé-je, uniquement la sienne !
Une secousse me traverse, tandis que j'enroule la couette autour de moi. J'enfonce mon visage dans le coussin, puis le mord. J'y mets toute la hargne que je possède, la haine ainsi que la couleur que j'éprouve envers elle. Mon cœur bat à toute rompre dans ma poitrine. Je suffoque sous le manque d'air. J'ai mal, terriblement mal au cœur. Le poignard de ma mère semble être de retour dans poitrine. Malgré son absence, elle me martyrise encore et, pourtant, je l'aime toujours, suffisamment pour avoir sombrer dans la tristesse, six longs mois durant. Je sanglote bruyamment, le cœur broyé, partagée de multiples sentiments. Je sens le corps de John enlacer le mien, mais je me replie en petite boule, dans l'espoir d'échapper à ma dure réalité. Elle a créé mon bonheur autant que mon malheur.
— Pourquoi m'as-tu abandonnée ? Pourquoi ?
Mes cris sont étouffés par les draps. J'ai la gorge nouée au point d'en devenir douloureuse. A cet instant, je ne sais pas si je veux vivre ou mourir, être avec ou sans elle. Les doigt de John écartent tendrement la mèche rousse plaquée sur mon visage par les larmes. En douceur, il abaisse la couverture qui camoufle mon visage.
— Rosalie ? Tu n'as pas besoin de te cacher pour pleurer... Je comprends, tu sais !
— Je la déteste et, je ne peux même pas lui dire. L'époque de mon adolescence où je lui hurlais ma rage à travers la maison, où je pouvais m'énerver en tapant des pieds dans les escaliers avant de claquer la porte, où elle disparaissait pour revenir quelques temps plus tard me manque.
Mon poing cogne dans le matelas. Je me défoule comme je peux. Je grogne, gémis, crie. J'ai l'impression d'être dépossédée de mon corps. John m'attrape, puis me tire contre lui. Il bloque mes mouvements et, me berce par ses baisers. Je finis par lâcher prise, fatiguée, fatiguée de me battre contre moi-même, contre elle. Les lames continuent de rouler le long de mon visage avant de glisser dans ma nuque, bien que je m'apaise minute après minute. Je renifle, puis essuie mon nez sur mon pull.
— Tiens, Princesse !
J'attrape le mouchoir que me tend de John. Ses lèvres se posent sur ma joue avec amour.
— Je reviens, murmuré-je d'une voix inaudible.
Je rejoins, en quelques grands enjambées, la salle de bain dans laquelle je me mure. Je passe de l'eau froide sur mon visage brûlant ainsi que rouge tomate. La fraicheur apaise ma peau. Je reprends mes esprits petit à petit. Mon rythme cardiaque retrouve son allure normale. Enfin, j'éponge ma figure dans un essuie et, ressors un peu plus fraiche que quelques minutes auparavant.
— Tu vas mieux ? s'inquiète mon copain, alors que je m'installe, fébrile, sur ses genoux.
— J'en ai aucune idée, soupiré-je, perdue.
La paume de John se pose sur ma joue. Je tente d'esquisser un petit sourire, le plus minime soit-il, afin de le rassurer un peu. Je n'oublierai jamais ce qu'il m'a dit un jour, lors de ces visites quotidiennes à mon appartement : « Fais-moi un sourire ; tu verras que la réalité sera déjà un peu moins dure à supporter ! ».
— Rosie, explique-moi ce qui te torture ; libère ce qui te pèse...
J'inspire profondément. Suis-je prête à me mettre à nue ? Je frotte mes mains l'une contre l'autre en quête de courage.
— Ma mère... Elle m'a toujours répété que... que le fait d'être une femme créerait ma douleur, que l'endométriose signerait ma souffrance comme pour elle !
Je ne peux retenir plus longtemps les larmes qui menacent de couler.
— Pourtant, je sais qu'elle m'aimait. Elle était simplement malheureuse...
— Ça ne lui donnait pas le droit de te faire porter ce poids-là sur les épaules !
Sa voix sonne dure, mais prévoyante. Il sait que je me crois coupable. Or, elle est l'unique responsable. Je pose mon front sur son épaule, alors qu'il m'étreint un peu plus fort. Lovée dans le creux de ses bras, je me sens en sécurité.
— Quelque part, je savais que ça arriverait un jour où l'autre, avoué-je. Je suis juste déçue que ce ne soit pas plus tard.
Ses doigts s'emmêlent dans ma chevelure bouclée. Il embrasse alors ma tempe.
— Le diagnostic n'est pas encore tombé. D'ici là, évitons de créer des plans sur la comète, d'accord ?
— Pas besoin que ce soit écrit noir sur blanc pour que je le sache, bougonné-je.
Le silence prend place dans la pièce ; rien ne sert d'argumenter, je ne changerai pas d'opinion et, nous le savons tous les deux. Alors, je me contente de retrouver la chaleur de ses lèvres dans un long baiser, pleins de douceurs. Sa langue récupère les dernières goutes salées qui garnissent ma bouche. Cette dose d'amour me réchauffe le cœur. Je ne dirais pas que je me sens mieux, mais au moins, je sais que je peux compter sur lui envers et contre tout. Nos avenirs respectifs sont liés. Quoiqu'il arrive nos chemins ne pourront jamais se séparer. J'enroule mes jambes dans son dos, tandis qu'il me renverse sur le matelas. Il s'allonge au-dessus de moi, sa main sur ma hanche.
— Allez, fais-moi un sourire !
— Et la réalité sera plus supportable, n'est-ce pas ?
— Absolument, et je te conseille de te dépêcher si tu ne veux pas te retrouver assaillie par une armée de chatouilles !
Cette menace suffit à ce qu'il obtienne son gain. Un rictus nait sur mes lèvres, à mi-chemin entre la grimace et le rire. Malgré cela, John n'a pas l'air convaincu ; ses doigts remontent, avec mesquinerie, le long de mes côtes. Il connait chacun de mes points sensibles : ceux qui font que je me tortille tel un verre de terre, ceux qui m'amène à pleurer de rire ou à le supplier de me laisser tranquille. Et John aime, en homme légèrement sadique, aime m'entendre le supplier ! J'essaye de le repousser comme je peux, mais je manque de force. Mon corps frêle pourrait presque disparaitre sous sa carrure et, pourtant, il est loin d'être l'homme le plus musclé que j'ai rencontré.
— Ah bah, voilà qui est mieux, avoue-t-il contre ma bouche.
— Je suppose, soufflé-je, alors que ma dernière lueur de joie s'éteint.
Je suis tiraillée, incapable de savoir ce que je ressens et ce que je devrais ressentir, d'ailleurs.
— A quoi penses-tu ?
— Je me plains, mais j'ai conscience de la chance que je possède... Il faut, en moyenne, sept ans pour diagnostiquer l'endométriose et, il en a fallu dix pour ma mère.
J'ai l'impression d'être assaillie par le poids de la culpabilité. Je pense à ses milliers de femmes qui souffrent pendant de nombreuses années à chaque rapport et à chaque période de menstruation, alors qu'en quelques semaines, j'aurais réglé le problème. Au moins, en partie. La douleur serait certes toujours présente, mais mon problème aurait un nom. Je pourrai alors l'accepter petit à petit, puis trouver des solutions.
— Tu n'as pas à te jeter de pierres, Rosalie ! C'est un coup de chance, alors autant en profiter, non ?
— Mais les autres ?
— Tu ne peux pas sauver tout le monde ; faut penser à soi-même de temps en temps ! se fâche gentiment John. Allez, le bureau des plaintes, c'est fini pour aujourd'hui ; il est l'heure de nourrir notre estomac.
Je maugrée lorsqu'il me lâche. Sa chaleur me réconfortait et, je n'ai aucune envie de quitter ses bras.
— Un bisou, d'abord !
— Quand tu seras debout !
Je grogne. J'étire mes bras au-dessus de ma tête avant de me lever. Décidée d'obtenir ma récompense, je lui saute dessus. Heureusement, il a de bons réflexes pour glisser ses paumes sous mes cuisses et, me maintenir. Il nous porte en arrière, vacillant sous mon poids, jusqu'à ce qu'il se retrouve contre la porte. Je faufile ma langue entre ses lèvres, alors qu'il l'attrape entre mes dents, me taquinant.
— Je t'aime, John !
Ces mots, au vu de courage qu'il fait preuve pour supporter mes sauts d'humeur, s'avère plus que nécessaire. Je veux, moi-aussi, lui rendre la pareille d'une manière ou d'une autre. C'est ça former un couple ; se soutenir à chaque coup dur, se remercier dès que possible et s'aimer. Dire merci semble superflu dans un couple, mais je trouve normal de le répéter autant qu'il le faille. Ça s'appelle la reconnaissance, un des fondements de l'amour, d'après moi. Après m'être rafraichie et changer, nos quittons notre chambre pour rejoindre le restaurant de l'hôtel, un excellent choix pour finir cette journée, lourde en émotions. Manger un bout, puis me faufiler sous la couette avec John, voilà ce qu'il me faut ce soir, rien de plus. Je ne demande rien de plus que de la simplicité, finalement. Nous sommes installés dans un coin tranquille, à proximité de la fenêtre. Je jette un coup d'œil à mon copain en pleine lecture du menu.
— C'est moi que tu vas finir par manger avec ce regard-là, me sourit-il.
Prise la main dans le sac, comme on dit.
— Tu seras mon dessert, avant ça, je pense prendre un burger d'agneau avec des frites !
— Je penche pour un plat de pâtes carbonara, un classique !
Je sens que je vais picorer dans son assiette ; en bonne gourmande, je ne pourrais pas résister à la tentation. Ça en devient presqu'une routine lors de nos repas : ma fourchette se retrouve dans son assiette, il grogne, je souris et il affiche une moue épique.
— Et qu'est-ce qui nous attend demain ? questionné-je, la bouche pleine.
— Tu poses encore la question ?
Il hausse les sourcils, alors que ses pupilles me sondent. Il cherche à savoir si oui ou non je suis sérieuse.
— Je ne cesserai jamais d'essayer de tirer les vers du nez, tu me connais quand même !
Sa tête se balance de droit à gauche. Il éclate de rire, moitié-surpris, moitié-moqueur. Mais je n'abandonne jamais aussi vite ce qu'il devrait savoir depuis le temps. Pourtant, j'arrive encore à le surprendre par ma persévérance. « Ne jamais lâcher », clamait ma mère dès que l'occasion se présenter. Quelle prêtresse de bonnes paroles !
— Allô ! m'interpelle John en secouant sa main devant mes yeux. Tu as ta fourchette dans la bouche depuis au moins deux minutes.
— Désolée ; j'ai un peu de mal à lâcher prise aujourd'hui...
— Je sais bien. Termine de manger ; je voudrais te montrer quelque chose !
— John... Je veux juste dormir là. Je suis épuisée !
— Tu dormiras après. Ça te libera l'esprit un peu ; puis, si tu es sage, j'aurais une surprise pour toi.
Je soupire. Lui et ses mystères, une véritable histoire d'amour. Un refus ne semble pas une solution acceptable, alors je me résigne à accepter. Je n'ai ni la force, ni le courage de me battre pour cette fin de journée.
— Pas durant des heures, alors !
— Promis, Rosie.
28/10/2020
Bonsoir les loulous,
J'espère que ce chapitre vous donnera le sourire malgré la situation de plus en plus difficile.
J'espère pouvoir vous aider à retrouver le sourire. En attendant, n'hésitez pas à voter, commenter et partager si ce chapitre vous plait.
MERCI DE ME LIRE ❤
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