chapitre 6 (1/2)

Monsieur Fayène descendait d'un pas décidé l'escalier reliant le premier étage et le rez-de-chaussée du bâtiment principal. L'écho de ses pas et de ses pensées l'accompagnaient dans sa marche silencieuse. Son but était clair : Convaincre le conseil d'élargir 10-10 à défaut de l'éliminer. Le rapport de certains patrouilleurs insinuant, que certains rebelles se promenaient parfois  aux alentours de la sphère, ne laissait plus de place à l'incertitude. Les rebelles préparaient une autre intrusion et l'objet ou plutôt la personne qu'ils recherchaient était cette blondinette. Il n'osait imaginer le pire, s'il parvenait à mettre la main sur cette non-élargie et réussissait à la convaincre de rejoindre leurs rangs. 

Subitement, il se stoppa. Tous son corps se raidit et son visage blêmit. Les poils hérissés, les traits de son visage se déformèrent peu à peu : ses veines enflées prirent une teinte charbon et ses lèvres tirèrent un sourire torturé, dévoilant ses cros acérés. Ses mains parcourues de spasmes dégoulinaient d'un liquide transparent que le brun croyait ne plus jamais voir. Leur moiteur était la preuve du désir ardent qui lui brûlait les entrailles. Il grogna de frustration et ses pupilles électriques virèrent au rubis.
Ce qu'il ressentait là, était un mélange aussi délicieux, qu'empoisonné de sentiments. La peur et le désir : deux choses qui, une fois combinées,  pouvaient asservir, nuire le plus brave des hommes. Le désir fervent qui lui grignotait l'estomac avait eu raison de tous ses principes et il se surprit même à penser, à la manière dont il allait servir l'individu à qui, appartenait ce sang à l'odeur exquise, pour ne serait-ce qu'une goûte de son fluide corporel. Il était désormais impuissant face aux pulsions gourmandes de son corps, spectateur de ses actes.

Claudiquant, il s'accrocha du rebord de la fenêtre pour ne pas tomber et se pencha légèrement pour enfin découvrir son prochain... maîtr... repas. Ses yeux s'agrandirent si fort qu'ils semblèrent sortir de leurs orbites, à la seconde où son regard se posa cette satanée non-élargie qui courait en tête des élèves à une vitesse anormale pour des humains. Impossible, il ne pouvait pas vouloir de son sang. Pas elle. Mais sa langue renégate se léchait les babines. Ses doigts se crispèrent sur les bords métalliques de la châssis tandis qu'un filet de bave glissait sur son menton. 

Un vrai combat se déroulait dans son corps entre désir, soumission, raison et fierté. La partie lucide de lui-même se maudissait et la bile lui montait à la gorge face à la partie de gorgée d'envie, saoule de désir et de soif. De toute la lucidité qu'il lui restait, le professeur s'efforçait d'empêcher l'autre part de prendre le contrôle de ses membres et ainsi d'accourir planter ses canines dans le cou grassouillet de la non-élargie. Hélas, plus le temps s'égrènait et plus il succombait. Il risqua un regard vers monsieur Myrius. Le professeur d'FCR pour seule expression inhabituelle avait les sourcils froncés et les yeux inquiets.

Cela ne le surpris guère. Monsieur Fayène, étant un vampire sensoriel, avait la capacité de ressentir l'énergie des humains et l'aura que dégageait son espèce. C'est alors que le professeur se figea. Un constat l'horrifia. S'il était le seul à ressentir l'énergie qu'elle déployait, cela ne voudrait signifier qu'une chose : elle ne dégageait qu'une infime partie de ses pouvoirs. Une si petite part d'énergie lui faisait ressentir tant de terreur et de désir. Il était bien faible.

De plus, dire que qu'elle émettait de l'énergie aurait été faux car elle ne dégageait ni énergie —propre aux humains— ni aura—propre à sa classe. Qui était cette fille ou plutôt qu'est-ce qu'elle était ? Il l'ignorait.

Mielleusement, le désir de sentir le sang chaud de 10-10 ravir ses papilles, parcourir son œsophage, émerger dans les tréfonds de sa gorge et enchanter son palais engloutit toute sa clairvoyance. Ses prunelles étaient aimantées par le cou de sa proie qui cachait sous son épiderme élastique, un liquide écarlate si appétissant qui voyageait dans les veines de son corps respirant de vie. Le liquide qu'il convoitait tant. Ses membres étaient parcourus de spasmes et des pensées sordides, lui renvoyaient une image soumise de lui dégoulinant d'une soif répugnante, accaparaient son esprit déréglé.  

Sa lucidité finit noyée et parcouru d'une sensation nouvelle, il posa un pied sur le rebord de la fenêtre. Le vampire voulut émettre un seconde geste pour sauter la rejoindre quand il sentit le quitter. Déboussolé, l'homme bascula en arrière et un râle de douleur s'étrangla dans sa gorge quand son séant rencontra brutalement le sol saccadé de l'escalier. Avec une lenteur démesurée, les tremblements cessèrent et Fayène, réunissant toutes ses maigres forces, avait pu se relever. La puissance qu'avait déployée cette détestable non-élargie lui avait laissée comme séquelle : une grande faim qui l'avait considérablement affaibli. Il sentait son ventre grogner et sa gorge brûler d'une disette vipérine. L'homme appuya son épaule contre le mur à sa gauche. Il serra la mâchoire, le coeur aux bords des lèvres. Comme il se répugnait d'avoir été et d'être aussi faible.

Avec mille précautions et assemblant toutes ses malingres forces, il monta les marches de. Sa priorité était de trouver, au plus vite, une chose à se mettre sous la dent. L'escalier qu'il empruntait donnait sur le premier étage du bâtiment et à cette heure de la nuit, des élèves devaient sûrement se diriger vers d'autres classes. Son intuition fut bonne car il n'eut pas le temps de poser un pied dans le couloir, qu'une ribambelle d'élèves s'avançait vers lui. La classe A. Monsieur Fayène grimaça. Il avait toujours préféré le sang O mais vu son état actuel, il ne pouvait se permettre de jouer la fine bouche.

Rapidement, il saisit une brunette et s'engouffra dans une salle vide. La poussière qui recouvrait les meubles et témoignait que la pièce avait été abandonné depuis belle lurette. Plongée dans une obscurité, trouée par quelques rares rayons de lune, l'endroit était le lieu parfait pour ne pas risquer d'être dérangé. Sans plus attendre, l'homme planta ses crocs dans le cou de la jeune élargie. À chaque gorgée, la sensation de brûlure s'estompait, lui procurant un bien fou. Le temps s'égrèna ainsi. Monsieur Fayène buvait avidement le sang de la brune qui à mesure que le temps passait, sentait ses forces la quitter et ses yeux s'amoindrirent. Le sensitif était si absorbé par sa tâche, si accaparé par le son du sang qui découvrait sa langue et explorait son palais, si centré sur la douce effluve de l'hémoglobine qui pénétrait les cavités de son nez, qu'il n'entendit pas le gémissement plaintif qu'étouffa la jeune fille.

Il sentait qu'à mesure qu'il buvait, sa fringale s'accroissait. Ses pupilles virèrent au rouge rubis et percèrent, de par leur éclat, la pénombre de la salle. Ses veines se tuméfiaient sous son épiderme, lui provoquant une intense douleur. Le sang qui y vagabondait prit une teinte noire et son visage, comme le reste de son corps, se retrouva rayer par les raies que formaient ses vaisseaux sanguins. Le professeur était défiguré.

Soudain, une clarté déchira la noirceur de la pénombre, faisant plisser les yeux de l'homme. Fayène mit du temps à s'accoutumer à cette lueur et dès que ce fût le cas, il croisa les prunelles corbeau d'une jeune femme visiblement irrité. Mademoiselle Hermosa traversa la pièce à grands pas, avec l'élégance féline qui ne la quittait jamais. Quant au professeur, il ne collait pas face au regard furibond que lui lançait la jeune femme, continuant sa succion. Une fois près de lui, la professeur lui flanqua un coup de pied magistral sur le front. Fayène contraint de relâcher sa prise, sentit son dos percuter le mur derrière lui. Il poussa un gémissement de douleur et se releva quelque peu déboussolé et surpris par la soudaine force brute de la jeune femme.

Mademoiselle Hermosa émit un long soupir.

— Vous m'avez contraint à amocher votre joli minois. Mille excuses, mais je ne pouvais me permettre de vous laisser ôter la vie de l'un de mes élèves.

Une pointe d'agacement soulignait sa voix.

— Mademoiselle hermosa, je constate qu'en plus de votre grande beauté, vous possédez aussi une grande force, vous m'impressionnez et...

— Assez !

La jeune femme ne pouvait y croire. Le professeur lui avait fait un compliment et affirmé tout cela d'une voix charmeuse. L'homme ne lui parlait jamais de cette façon ou plutôt il ne parlait jamais de cette façon, tout court.

C'était indubitable. Fayène avait franchi sa limite.

"Que pouvait-il bien fabriquer ? Il en mettait du temps" songea-t-elle.

— Vos flatteries auraient sûrement eu l'effet escompté, si vous étiez dans votre état normal mais en ce moment, elles n'ont même pas sur moi l'effet d'une mouche, relèva-t-elle.

La professeure souleva l'élargie du sol, passant une main sous ses genoux et l'autre soutenant sa tête.
Elle lança un regard dédaigneux au vampire dont les traits s'étaient durcis. Un feulement de frustration naquit dans sa gorge et il retroussa les babines, dévoilant deux canines affilés. Son aura rendait l'air pesant mais il n'arrivait à la déployer que par le prix d'efforts cuisants. Les perlouses de sueur qui roulaient sur son front, en témoignait. L'homme fonça sur elle. La jeune femme resta stoïque face aux menaces du vampire, dans cet état, il n'avait aucune chance face à elle. Hermosa esquiva habilement les droites et les gauches que lui assénaient le brun. Elle dévia plusieurs de ses attaques en utilisant ses avant-bras et ses jambes, l'élève étant à bout de bras.

Rapidement, Fayène commença à haleter. Il sentait que l'air arrivait de plus en plus difficilement et son corps ruisselait de partout comme si on l'avait plongé dans un cours d'eau. Ses vêtements lui collaient à la peau et sa vision se troublait petit à petit. Il était épuisé.

— Vous ferez mieux d'en rester là, monsieur Fayène. Il arrivera bientôt et vous irez beaucoup mieux.

Mais le brun restait sourd aux tentatives de persuasion de la jeune femme. Il recommença à lui flanquer des coups mais avec moins de frénésie. Ses mouvements étaient affectés par son état. Mademoiselle Hermosa décida donc d'en finir et lui flanqua un violent coup de pied dans son estomac. Le professeur se retrouva projeté à quelques mètres plus loin. Une fois au sol, il se recroquevilla sur lui-même en poussant un gémissement de douleur. Il passa sa main sur son front et fut surpris de constater qu'un liquide violacé, qui venait de l'ouverture béante sur son épiderme, se faufilait entre ses doigts.

La professeur replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

Monsieur Fayène avait bien franchi sa limite. Tous les signes étaient là. Les vampires ne se blessaient pas aussi facilement et un simple coup ne pouvait avoir autant d'impact sur lui. Il inhalant difficilement de grandes bouffées d'air et sa peau oscillait entre le pâle et le tilleul à mesure que ses vaisseaux sanguins s'épaississaient, s'assombrissaient.

— Rendez la moi, je vous en prie. J'ai si faim, juste une seule goutte, suppliait-il d'une voix à peine perceptible.

Et voilà qu'il se mettait à supplier ! La jeune femme resserra l'étreinte de ses bras autour de l'élève.

— Et moi, je vous dis qu'il est hors de question que vous touchiez à un seul de ses cheveux !

— Pourquoi faites-vous ça ? il toussa, ce n'est qu'une vulgaire poche de sang mouvante. Comme tous les autres.

— Avant d'être une vulgaire poche de sang mouvante, comme vous dites, c'est une de mes élèves et il en va de mon devoir de les protéger, siffla-t-elle.

Monsieur Fayène éclata de rire. Un rire rempli de démence qui pouvait glacer le sang. Son rire sardonique presque hystérique, fut longtemps le seul bruit qui résonna dans la pièce, jusqu'à ce qu'une quinte de toux s'empara de sa gorge. La jeune femme froissa les sourcils. Qu'est ce qui lui prenait ?

— À vous entendre parler, on aurait dit que vous teniez vraiment à eux. Vous mademoiselle Hermosa, réputée pour avoir plusieurs fois demandé à ce qu'on vous attribu, une autre tâche car vous ne vouliez plus enseigner des morveux d'humains. Vous qui avez dit les détester !

La professeure serra les dents.

— ... Pour moi, ils ne sont rien. Je m'inquiète juste pour vous et pour moi. Cette élève devait avoir cours avec moi et s'il lui arrivait quelque chose, j'en serais tenue pour responsable. Vous savez aussi  que si vous vous nourrissez autrement qu'avec les poches, on vous...

Mademoiselle Hermosa se tut. Pourquoi se justifiait-elle ? Il n'était pas dans son état normal. Tous ce qu'il disait était faux, n'est ce pas ? Elle détestait le humains bien plus que Fayène lui-même, ça elle en était sûr. La seule raison pour laquelle ... Voilà qu'elle se justifiait à elle-même ! Qu'est ce qui lui prenait ?

Monsieur Fayène émit un long ricanement. Malgré sa démence grandissante, il sentait qu'il avait mis  e doigt sur un point sensible. La jeune femme semblait prise en proie à un débat intérieur et ses iris luisaient de déstabilisation.

— Vous ne...

Elle ne voulait pas l'entendre. Elle ne souhaitait pas qu'il continue... par pitié... Les doutes et les questionnements, elle ne voulait pas qu'ils fusent à nouveau dans son esprit à lui en donner mal au crâne. Ses mains devinrent moites. Elle ne voulait surtout pas som...

— Vous n'êtes pas harassé de m'utiliser comme trousse de secours, à chaque fois que cet égocentrique de Fayène passe sa limite ? soupira une voix derrière elle.

La professeure fit volte-face et sourit en rencontrant son regard gris aux reflets métalliques.

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