chapitre 3
10-10 se redressa, sautant presque du lit où elle avait été étendue. Les poils hérissés, les cheveux dressés sur la tête, les jambes tremblantes, les mains moites, elle balaya rapidement la pièce du regard et lâcha un profond soupir: elle se trouvait toujours dans sa chambre. Elle fût surprise de constater, en passant une main sur son front, qu'il était dégoulinant. Transpirer était si rare ici, à cause de la faible température. La jeune non-élargie ferma les yeux essayant de retrouver une respiration régulière. Un rêve, un simple rêve. Pourtant elle sentait ses poumons recracher cette fumée ou plutôt ce gaz étrange et ses membres encore engourdis: c'était impossible qu'un simple songe lui procure autant d'effets.
Elle soupira une deuxième fois, comment pouvait-elle en être sûr elle n'avait pas rêvé depuis ses neuf ans. Elle manqua de tomber de son pucier à cette pensée et ses yeux s'agrandirent si fort qu'ils semblèrent sortir de leurs orbites. Elle caressa de son index la cicatrice qui longeait sa cuisse droite. Elle venait de rêver. Rêver. C'était inimaginable, impossible, invraisemblable. On lui avait inséré une chose dans la cuisse droite, elle ne savait plus quoi mais la douleur qu'elle avait ressenti à ce moment; elle restait ancrée dans ses amères souvenirs. Cette opération avait pour but de l'empêcher de rêver, elle et tous les autres élèves de la sphère et cela avait bien marché pendant ces six dernières années.
Alors pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi avoir rêvé de cela ? Une chose était sûre: elle était à présent bonne pour l'élargissement. Même si ne pas rêver ne figurait pas dans les règles de la sphère, elle avait le pressentiment que si l'on apprenait que les effets de cette "chose" s'étaient dissipés, on l'élargirait à coup sûr. Elle devrait se sentir heureuse car une fois élargi, elle n'aurait plus besoin de se forcer à agir comme les autres. Néanmoins, cela ne l'enchantait pas totalement de devenir comme eux: des pantins, des robots dénués de conscience et d'humanité. Le conseil ne devait donc en aucun cas être informé et son comportement devait rester aussi coutumier que possible, si elle espérait avoir une chance de garder son humanité.
Elle soupira longuement et se leva de son lit à moitié nue- s'étant dévêtu pour se coucher la veille- et s'avança vers son armoire.
C'était peine perdue: elle aurait beau essayer de la cacher, le conseil en aurait eut vent tôt ou tard. Le conseil avait connaissance de tout ce qui se passait dans la sphère, peut-être même était-il déjà au courant. Alors mieux valait espérer encore une fois leur clémence.
10-10 ouvrit l'armoire et saisit le seul vêtement qui s'y trouvait- l'uniforme -et commença à s'en vêtir. Toutes les filles de la sphère revêtaient un ensemble simple composé d'une chemise et d'un chemisier blanc à manches longues, drapés de noir à certains endroits, d'une cravate et d'une jupe sombre.
Une fois vêtu, elle se rassit sur son lit repensant à son rêve dont les effets avaient à présents totalement disparus. Un bruit strident l'arracha à ses réflexions et elle quitta son lit d'un bond, enfila ses souliers noirs et rejoignit ses camarades dans la fil indienne qui s'était déjà formée dans le couloir.
- je vous en prie, entendit-elle, cela ne se reproduira plus.
D'instinct, la tête de la blonde pivota vers la droite.
Deux soldats s'avançaient dans le couloir, tenant fermement une jeune fille qui se trouvait entre eux. Ils avançaient le visage inexpressif ne jetant même pas un regard à la jeune fille qui tentait vainement de se défaire de leur prise. 10-10 la dévisagea longuement. Elle avait de courts cheveux bruns frisés, un visage rond, un nez retroussé et la peau brune. 10-10 ne l'avait jamais aperçue en classe. Elle devait sûrement appartenir à une autre classe, la non-élargie fut tout d'abord surprise de voir qu'il y avait encore des non-élargis dans la sphère mais ce sentiment de surprise fut bientôt remplacé par une grande peine envers la jeune fille. Elle pouvait lire dans ses yeux marrons toute la détresse du monde.
Elle aurait voulu l'aider mais malheureusement ne pouvait rien faire. La jeune fille partait inexorablement pour la salle d'élargissement. Peut-être avait-elle manqué la sonnerie ou... 10-10 avala difficilement sa salive, avait-elle rêvé ? À cette pensée, le rythme cardiaque de 10-10 accéléra et une goutte de sueur glacée coula dans son dos. Qu'est ce qu'elle ressentait là ? Un sentiment ? Il ne le fallait pas: les sentiments étaient nuisibles et néfastes. Toutefois, elle n'avait cessé d'en enchaîner depuis son réveil. Elle respira un grand coup pour remettre ses idées en place. La jeune fille ainsi que les soldats avaient disparu. Le rang commença à avancer à l'entente de la deuxième sonnerie.
Ils débarquèrent, toujours en rang, dans une vaste salle peinte en blanc dépourvue de tables et de chaise. L'endroit était éclairé par un lustre qui trônait fièrement au plafond et une sorte de comptoir, peint en un blanc blafard, derrière lequel se tenait un homme, se trouvait au fond de la pièce. Il était vêtu d'une blouse et de gants aussi blancs que la pièce. L'expression sévère, il tendit aux élèves un par un une pilule blanchâtre qu'ils avalèrent. L'empressement avec lequel il leur donnait, laissait deviner le profond dédain qu'il leur vouait. Quand se fut au tour de 10-10, l'homme sortit de la poche de son blouson une petite boite d'où il prit une pilule bleue qu'il lui tendit. Elle l'avala et rejoignit le rang qui s'était formé vers la sortie.
Ces pilules faisaient office de nourriture pour eux. Une seule suffisait à leur remplir la panse pendant vingt-quatre heures. 10- 10 en avait toujours eu des différentes. Les siennes avaient toujours eu un goût amer et fade, parfois elle se demandait quelle saveur avait ceux de ses congénères mais n'osait le leur demander pour plusieurs dont le fait que les élargis se comportaient comme de vrais robots et à cause d'une des règles de la sphère.
Un souvenir revint en mémoire à la jeune blonde: la première fois qu'elle avait engagé la conversation avec une élargie, il y a un peu près de quatre ans. Elle l'avait salué, chose que tous le monde semblait avoir oublié depuis belle lurette- et l'élargie avait répondu par: « règle numéro vingt-cinq de la sphère, les élèves ont interdiction d'interagir entre eux. »
10-10 connaissait bien cette règle, mais à ce moment là elle voulait par dessus tout ne plus être seule. Elle s'était dit qu'une fois élargie, elle perdrait tous ses sentiments et ainsi que cette solitude qui l'oppressait et se sentirait comme les autres. Elle avait alors enfreint plusieurs règles de la sphère mais jamais elle n'avait connu l'élargissement.
Heureusement, ce temps était révolu. Maintenant, elle avait appris à vivre avec cette solitude.
Ce souvenir la rassura. Après toutes ces bêtises, ils ne l'avaient pas élargi alors ce simple rêve ne lui coûterait pas aussi cher qu'elle le pensait.
Elle passa le seuil de la porte d'un pas léger, ses craintes s'envolèrent et elle se dit que c'était la première fois depuis longtemps qu'elle n'avait pas autant pensé.
--------------------------------------------------------------------------------
*1234* *mots à la deuxième réécriture je vous l'accorde il est plutôt court et ennuyeux( pour moi). Si vous avez des questions n'hésitez pas . N'oubliez pas de me signalez les diverses fautes d'orthographe et les incohérences *
*Bisou* 😘
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top