Épilogue.


AOÛT

Texas,

S'il avait fait l'amour sauvagement quelques minutes plus tôt, toute trace de leur acte avait complètement disparu. Lise avait certainement fait le lit, pensa Emma, en s'habillant d'une robe légère et confortable qui lui permettrait de bouger sans paraître sophistiquée et éviterait ainsi toute suffocation. Il faisait plus de 38°C dehors car une vague de chaleur s'était étendue sur la totalité de l'état du Texas ces derniers jours. Heureusement pour le jeune couple, ils possédaient l'élément indispensable pour combattre cette moiteur qui fatiguait constamment : le ventilateur. Qu'aurait-elle fait sans lui ? Les soirées ne tiédissaient même pas, Dave et Emma dormaient sans drap, même quand ils s'endormaient enlacés, ils avaient trop chaud ! Emma attendait la fraîcheur des mois plus doux avec impatience mais elle ne pouvait s'attendre à moins de 10°C. La jeune femme avait découvert qu'ici les étés étaient torrides et que les hivers étaient généralement plutôt doux. Il en fallait plus pour la décourager d'avoir emménagé ici, dans cette petite ville du nom de Wimberley, située à une heure d'Austin, capitale du Texas. Emma ne s'y rendait qu'une fois par mois quand elle désirait agrandir ses horizons et sortir de Wimberley. Toutefois, elle trouvait dans sa ville d'adoption, un charme certain avec ses allures de village où les magasins étaient semblables à ceux que l'on pouvait trouver dans des films de cowboys ou encore avec la proximité d'une nature accueillante qu'Emma aimait admirer lorsqu'elle se rendait au Blue Hole Regional Park, blue hole en référence à une petite crique où miroitaient des reflets turquoise et où l'on pouvait se rendre pour s'y baigner. La jeune femme appréciait aussi le parc pour sa tranquillité et son herbe verte où elle pouvait s'étendre au soleil, fermer les yeux et se laisser bercer par le cri lointain des enfants et des clapotis de l'eau. Dave venait souvent avec elle lors de ses balades quotidiennes, ou seul quand il désirait courir, activité qu'Emma détestait. Un jour, elle avait fait plaisir à son amant et avait accepté de l'accompagner dans sa virée mais elle n'avait pas fait le quart du parc qu'elle s'était arrêtée pour reprendre son souffle. Quelques minutes plus tard, ne la voyant plus à ses côtés, le jeune homme inquiet avait fait demi-tour. Il l'avait retrouvée assise sur un banc en pleine discussion avec une mamie. Depuis ce jour, Emma l'avait prié de ne plus essayer de la convaincre de venir courir avec lui.

Wimberley était son îlot, c'était ici qu'elle avait commencé sa nouvelle vie mais cette fois-ci auprès de Dave. Elle avait quitté Paris et sa pollution sans ressentir le moindre regret pour venir vivre ici, à l'abri des regards des parisiens. Emma n'avait jamais cru qu'elle emménagerait en Amérique un jour et encore moins dans le Texas mais son amant lui avait sans aucun doute ouvert des horizons. L'Amérique du Nord ne pouvait se résumer à New York, non ! elle était constituée aussi de nombreuses petites villes dans les cinquante états et c'était sa richesse. Un jour, Emma serait américaine mais pour l'instant, Dave et son amante n'avaient aucune intention de se marier. Ils étaient encore jeunes, l'avenir devant eux. Ils s'aimaient follement, et cela valait tous les mariages du monde.

Leur maison était une bâtisse sur deux étages, se démarquant d'autres bâtiments n'en comprenant qu'un seul, la plupart des maisons étant basses dans l'état du Texas. C'était une jolie maison pimpante, construite en bois, qui mêlait modernité et tradition. Elle possédait un immense jardin à l'arrière qui aurait pu être magnifique si le soleil n'avait pas donné à l'herbe cette couleur jaune. Les seules plantes qui résistaient à cette canicule étaient les Figuiers de Barbaries, plante faisant partie de la famille des cactus et qui produit un fruit comestible nommé figue de Barbarie, ou bien les canches cespiteuses, plante herbacée possédant une touffe compacte de coloration verte. Emma regrettait de ne pas pouvoir faire pousser des roses mais elle ne pouvait sans cesse comparer le Texas à l'Auvergne. Ici était sa nouvelle patrie et ici était désormais sa nouvelle vie. Elle ne se serait pas vue ailleurs qu'ici.

Son travail d'hôtesse de l'air n'avait pas été mis entre parenthèses, elle avait seulement changé de compagnie. Dorénavant, elle s'occupait des vols exclusivement sur le sol américain ce qui était loin de lui déplaire. Quand elle s'envolait pour New York, elle logeait quelques jours chez Pamela et Julien et s'occupait principalement de son neveu qui était né au mois de mai et qui avait été nommé par le plus charmant des prénoms, Emmanuel. C'était sans dire que la jeune femme fut agréablement émue de cette attention. Elle n'avait pu retenir ses larmes quand elle avait tenu Emmanuel dans ses bras, cet être si petit et si rose qu'elle promit de chérir toute sa vie.

Quant au travail de Dave, celui-ci avait décidé de déménager les locaux de son entreprise pour s'installer à Austin, ville qu'il trouvait plus accueillante que New York. Son bureau n'était plus aussi froid et austère que l'ancien. Le nouveau était décoré de photographies où apparaissaient Lily, Daisy, ses parents, Damien et Emma, les personnes qu'il chérissait sans aucune limite.

Le jour où Dave avait proposé à Emma de vivre avec lui, c'était sur cette colline, en Auvergne. Ils se rappelaient qu'ils étaient, tous les deux, boueux, mais aussi qu'ils s'étaient embrassés jusqu'à en perdre haleine. Un changement drastique avait eu lieu dans sa vie à partir de cette prise de conscience. Souvent il se disait que sans mourir il goûtait au paradis car vivre aux côtés d'Emma, c'était s'éloigner de l'Enfer et se rapprocher de Dieu.

*

« Hadès, reviens tout de suite ! » Tempêta la jeune femme en courant après le chien qui s'était lancé dans une course effrénée en remarquant que sa maîtresse le suivait. C'était pour lui un jeu d'entraîner cette dernière toujours plus loin que le portail de la maison et de la pousser dans ses limites.

Non loin de là, Dave regardait la scène avec amusement mais n'intervint pas.

« Dave, tu pourrais venir m'aider quand même ! Je te rappelle que c'est aussi ton chien » S'exclama-t-elle en s'appuyant sur la boîte aux lettres pour reprendre son souffle. Ce sacré chenapan voulait sa mort !

« Je ne vais pas m'immiscer dans votre jeu quotidien. Hadès m'a clairement fait comprendre que c'était entre lui et toi » commenta Dave en riant. Quand il vit que la jeune femme était peu encline à se laisser aller à l'amusement, il se tut dans la foulée comme un enfant pris en faute.

C'est le jeune homme qui s'était rendu à la ASPCA pour adopter un animal. Quand il avait croisé les yeux de Hadès, il avait tout de suite su ce qu'il avait enduré : cette souffrance, cette torture un peu comme celles que lui-même avait dû traverser. Il s'était identifié à lui car ce chien avait comme lui connut la douleur d'une période sombre. Ce prénom, Hadès, le rapprochait lui aussi de la mort, étape que Dave connaissait très bien, ayant perdu une sœur et une nièce. Sans hésitation, il avait choisi ce foxhound américain et l'avait ramené à la maison pour le plus grand bonheur d'Emma. Si Dave avait eu le droit à une seconde chance, ce chien la méritait lui aussi amplement.

« Hadès ! » Cria une nouvelle fois Emma avant de jurer car elle venait de perdre une de ses sandales. Tous les matins, c'était le même numéro : elle faisait un pas en direction de la boîte aux lettres et Hadès se dépêchait d'aller prendre le courrier avant elle. Cela n'aurait posé aucun problème si le chien le lui apportait mais celui-ci s'entêtait à la garder !

« Argh... » S'exclama Emma avant de tomber au sol avec grâce, sous les yeux de Dave qui ne bougeait pas. Il observait attentivement Hadès qui venait de se rendre compte de l'état de sa maîtresse et qui hésitait entre lui porter secours et risquer de perdre le courrier ou rester sur ses gardes. L'affection qu'il portait au jeune couple était plus forte qu'un simple jeu et il s'approcha d'Emma à pas feutrés. Dave, lui, regardait la scène comme un spectateur. De la part de son amante, il s'attendait toujours à de nouvelles stratégies. Elle ne s'avouait jamais perdante. D'une manière ou d'une autre, elle récupérerait son bien même s'il fallait qu'elle y passe deux heures.

Hadès parcourut les derniers mètres qui le séparaient de sa maîtresse et renifla son visage, toujours le courrier dans la gueule. Voyant qu'elle ne semblait pas reprendre conscience, le jeune chien lâcha les papiers qu'il tenait et lécha la jeune femme dans l'espoir de la réveiller. Même si le chien comprit la supercherie, Emma, plus vive, s'empara du courrier qui jonchait le sol et se releva. Elle épousseta sa robe pleine de poussière et montra à Dave ce qu'elle venait de récupérer en affichant sur son visage un air satisfait. A côté d'elle, Hadès aboyait pour attirer l'attention de cette dernière. Emma caressa tendrement son poil tacheté ; elle n'était pas fâchée contre lui, même si son courrier était dégoulinant de bave.

« Très astucieuse, la feinte de l'évanouissement » Murmura Dave à l'oreille de sa bien-aimée quand elle passa près de lui. Elle rit et lui expliqua que ça faisait des jours qu'elle avait imaginé ce stratagème. « J'y ai presque cru »

« Je ne t'ai pas vu bouger d'un pouce Dave. Soit je joue très mal la comédie, soit je dois me faire du souci la prochaine fois que je me sens défaillir ! » S'exclama-t-elle.

« Tu sais très bien que je serai là pour toi à chaque fois que tu ne te sentiras pas bien » Ajouta-t-il.

« Bien sûr que je le sais » Répondit-elle en se remémorant le jour où Dave lui avait déjà fait cette promesse. Elle se trouvait à l'époque à Paris dans son petit appartement et une fièvre sans précédent la clouait au lit. « Je serai là pour toi aussi Dave » Elle posa le courrier sur le rebord d'une chaise puis elle l'embrassa passionnément, entourant le cou de Dave de ses bras.

Hadès profita de ce moment d'inattention pour s'emparer du courrier.

*

« On a reçu une lettre de Damien ! » Cria Emma à l'attention de Dave. Ce dernier leva les yeux de ses papiers et arrêta de mâchonner le bout de son crayon pour contempler la silhouette gracieuse de son amante. Sans se préoccuper du courrier, il encercla la taille de la jeune femme et l'incita à venir se percher sur ses genoux. Le sourire qu'Emma arborait sur son visage était la preuve irréfutable de son amour pour Dave : ce sourire dont même les plus agréables adjectifs ne pouvaient qualifier tant ils étaient encore loin de la réalité. La langue française en perdait ses mots devant une telle passion. Le pouvoir des mots a une limite et celle-ci est l'Amour.

« Vous êtes invités à rencontrer le peintre américain Damien Dean à l'occasion de l'exposition de ses toiles au musée Winshare, se situant dans la ville de Chengu » C'était tout ce qu'il y avait d'écrit sur le petit bout de papier signé de la main de Damien. De l'enveloppe, la jeune femme sortit deux billets d'avion pour la Chine qu'elle montra à Dave avec un grand sourire.

« Daisy n'avait pas tort quand elle disait qu'il est mondialement connu » L'évocation de la fillette ne raviva aucun mauvais souvenir au jeune homme. « Exposer ses toiles dans un des plus grands musées d'art contemporain, le rêve de tous les artistes ! »

« Il y a quelque chose qui t'est destiné » Remarqua Emma en lui tendant un autre bout de papier aussi minuscule que le premier. Dave le déplia et put y lire une phrase : « Je me suis entiché d'une chinoise comme tu t'es épris d'une française... » Damien avait enfin trouvé chaussure à son pied et c'était pour Dave un vrai soulagement de voir qu'il n'allait plus être seul. S'ils s'aimaient tels qu'Emma et Dave s'aimaient, ils vivraient en harmonie. Son meilleur ami méritait cette chance de retrouver l'amour après l'avoir perdu à jamais. Il avait le droit d'être à nouveau heureux.

Un silence reposant s'installa après l'annonce de cette joyeuse nouvelle. On ne pouvait entendre que Hadès qui jappait joyeusement à l'autre bout du jardin. Devant les yeux du jeune couple, se dressait une plaine désertique dont la terre semblait pourpre à cause de la lueur du coucher de soleil qui jouait sur les nuances. C'était un spectacle grandiose que de voir le soleil se coucher ainsi à l'horizon, c'était comme se rendre témoin de l'intimité de la nature. Pourtant, aucun des deux ne se sentait comme voyeurs car ce décor leur était dédié.

Dave reporta son attention sur Emma dont la peau laiteuse paraissait être incrustée de milliers de diamants sous la couleur des rayons. Son visage affichait un air de totale sérénité comme si elle avait trouvé ici, au Texas, son coin paradisiaque, pourtant, ce n'était pas la topographie qui la rendait si épanouie.

« Tu es magnifique » Murmura le jeune homme à l'oreille d'Emma qui se mit à rougir : elle ne s'habituerait jamais aux compliments de celui qu'elle aimait tant. Celui-ci ne se lassait jamais de lui faire part de toutes sortes de remarques agréables au cours de la journée. Ce qu'il aimait tant chez elle, c'était cette façon si peu vaniteuse d'accueillir ses compliments.

« Tu es le plus charmant des hommes » Répliqua-t-elle bien que son commentaire soit un euphémisme. Dave était loin d'être charmant, il était bien plus pour elle. Elle ne pouvait se cantonner à un seul adjectif pour le qualifier !

« Seulement ? » La questionna-t-il en passant une main dans ses cheveux bruns désordonnés. Emma prit une grande goulée d'air et avoua en le regardant dans les yeux :

« Ne vois-tu pas que tu es l'homme que j'attendais, Dave ? Ne vois-tu pas que tu as rempli un vide que Darcy ou même Rochester – et tu sais à quel point j'adore ces personnages – n'auraient pu combler ? Les romans d'amour m'ont apporté l'espoir qu'un jour je vivrai en étant aimée et en aimant mais tu m'as apporté l'essentiel. Je ne peux t'expliquer tout ce que tu as changé dans ma vie – une thèse ne suffirait pas – mais je peux te démontrer à quel point tu me rends heureuse en te rendant heureux à ton tour »

« Et je t'ai fait souffrir... » Ajouta Dave qui se sentait encore coupable.

« La souffrance n'est rien quand l'Amour est tout » Il affermit son enlacement autour de ses épaules pour lui montrer à quel point ses remarques le touchaient. Si un jour il s'était moqué du pouvoir de l'amour, dorénavant il comprenait sa nécessité. S'il avait lu Jane Eyre dans son adolescence, il n'en avait rien tiré. Il n'avait jamais compris ce qui animait Rochester, cet homme si froid et austère d'habitude. Comment celui-ci avait-il pu troquer son caractère cynique pour un plus enjoué ? Il se rappelait qu'un jour il avait demandé à Lily pourquoi elle se plaisait tant à lire ce genre de bouquins. « Pour les expressions des sentiments, pour la passion qui consume chaque personnage, pour la souffrance qui en résulte et qui décuple les émotions » avait-elle dit ce à quoi Dave avait répliqué qu'elle était masochiste. La discussion fraternelle s'arrêta là, Lily comprenant qu'elle n'avait en face d'elle qu'un garçon qui, loin d'être idiot, était limité par la perception qu'il avait de l'amour. Aujourd'hui, tout prenait sens et si Lily avait pu être encore en vie, il lui aurait dit qu'il s'excusait auprès de Charlotte Brontë pour sa méprise, qu'à l'époque il ne possédait pas les connaissances requises pour converser sur un tel sujet. Les jeunes filles, elles, ont ce pouvoir de comprendre l'amour sans l'avoir jamais vécu, les garçons, eux, en sont exempts jusqu'au fameux jour où leurs conceptions sont bouleversées. Dave s'en rendait compte maintenant que l'amour n'était pas quelque chose de ringard, c'était tout sauf ça. L'Amour mutuel c'est le Paradis de la terre.

Nichée dans les bras de Dave, Emma pensait-elle aussi au bonheur sans faille qu'elle vivait en fixant le visage de son grand amour qui la dévisageait aussi. Sans désir d'être tourmentée trop longtemps par les lèvres de Dave, elle l'embrassa prestement. Ils avaient beau s'embrasser des dizaines de fois dans la journée, ils ne s'en lassaient jamais et bien que ces marques d'affection soient quotidiennes, ce n'était pas devenu une routine.

Au-dessus d'eux passa un avion et ils interrompirent leur baiser pour le suivre des yeux un instant comme s'ils lui rendaient un hommage sincère. Ils espéraient que là-haut, dans cet habitacle d'aluminium, d'autres connaissent ce même amour qu'ils avaient eux-mêmes découvert 10 000 mètres au-dessus de l'Atlantique.

Cet épilogue clôt ainsi ma fiction, n'hésitez pas à partagez vos sentiments dans les commentaires, à voter et à conseiller cette œuvre si vous l'avez appréciée !

Venez me parler en message privée aussi, je réponds avec grand plaisir !

J'espère que vous avez beaucoup voyagé avec cette fiction et qu'elle vous a fait partiellement oublier les petits tracas de la vie...

Bien sûr, je ne vais m'arrêter d'écrire, j'ai déjà commencé ma prochaine fiction. Toujours une histoire d'amour (je suis une romantique désespérée, et oui !). Allez jeter un coup d'œil à 'Promis, demain je te quitterai'.

Bisous à tous, je vous souhaite un merveilleux week-end et je vous remercie pour votre incroyable soutien !

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