31. Marble Falls, Texas
« L'âme a heureusement un interprète (qui, pour être souvent inconscient, n'en est pas moins fidèle) qui est le regard. » Jane Eyre, C. Brontë
Marble Falls, Texas √
10h30
La souffrance avait presque complétement disparue comme si les cris de plaisir qu'il avait poussé durant leurs ébats avaient pu repousser au loin les affreuses pensées qu'il avait ressassées jusque là. C'était une délivrance de se défaire de la douleur comme avait pu le faire Dave. La façon dont Emma avait fait dissiper sa torture était étrange. Un baiser l'avait guéri et pour lui qui n'avait jamais cru aux romans d'amours, il devait bien avouer que l'amour est une cure. La guérison par l'amour !
Comme le soleil brillait dans le ciel, ils avaient communément décidé de profiter des rayons chauds et de sortir, au lieu de rester cloîtrés dans leur chambre et bien qu'ils aient fait l'amour de multiples fois ce soir-là, ils n'étaient encore aucunement comblées. Leur passion ne pouvait être assouvie en une nuit, même une vie n'y suffirait pas. Ils prirent à nouveau la voiture, Emma toujours au volant. Elle savait où elle désirait le mener et quand ils arrivèrent sur le lieu, Dave resta silencieux.
A sa droite, il put observer l'architecture de son ancienne maison où il avait vécu une partie de son enfance. Cette époque avait beau être éloignée, Dave gardait des souvenirs marquants de la ferme où il avait habité durant les quatre premières années de sa vie. C'était un choc pour ce dernier car rien n'avait vraiment changé, c'était toujours le même vieux bâtiment qui tenait debout, dieu seul sait comment ! La couleur pourpre du bois avait été gravée dans son esprit et il retrouva cette même teinte avec nostalgie. Cette ferme au Texas représentait pour lui plus que la maison à Seattle. C'était ici qu'il avait appris à marcher, à parler. Il se rappelait avoir joué dans la poussière du Texas, sous le soleil brûlant de l'été, il se souvenait des soirées passées à la belle étoile avec sa sœur. Il n'avait peut être que quatre ans à l'époque mais cela ne l'avait pas empêché de garder quelques bribes de souvenirs qui, ajoutés ensemble, reformaient la meilleure période de son enfance.
Il avait besoin de ça, de se sentir proche de sa sœur et en même temps de sa nièce. Au lieu de ressentir une peine immense à la pensée d'un passé qui était révolu, il percevait le but de ce voyage. Au début, quand il avait aperçu le panneau signifiant l'entrée de 'Marble Falls', il avait été terrifié à l'idée de revenir dans cette ville et de voir que tout avait changé, que tout changeait indéniablement. Mais la jolie petite ville avait gardé le même aspect rassurant d'y il a 22 ans. Le fait qu'Emma soit sans cesse à ses côtés y était sûrement pour quelque chose. Elle l'avait mené ici pour lui montrer que bien même des changements subsistaient autour de lui, il pouvait se rassurer que tout n'était pas qu'éphémère, superficiel. Tout ce qui pouvait l'impacter resterait ancré en lui en forme de souvenirs. Pour la première fois, il pensa à Lily et à Daisy sans ressentir une tristesse infinie ou avec nostalgie.
Ce voyage, il en était sûr, marquait un nouveau début.
*
« J'ai envie de faire quelque chose d'assez fou » Souffla Dave dans la pénombre de la chambre. Ils étaient tous les deux allongés côte à côte, enlacés, les draps recouvrant leur corps nus. Dehors, il faisait clair bien qu'il soit minuit passé.
« Que proposes-tu ? » Demanda Emma un peu fatiguée par l'exercice physique qu'ils avaient fait quelques minutes auparavant... mais si Dave avait le désir de faire quelque chose, elle le suivrait. Elle aimait tant le Dave rebelle.
« Un bain de minuit, ça te tente ? » Il la questionna tout en se levant du lit, attrapant son boxer qui traînait à terre. Il s'habilla de ce simple habit et regarda Emma qui se prélassait dans le lit. Sous la clarté de la lune qui perçait par la fenêtre, elle était magnifique. Elle lui offrit un sourire rempli d'amour qui donna envie à Dave de lui faire à nouveau l'amour.
« Est-ce vraiment autorisé ? » Il haussa les épaules, regarda par la fenêtre où ils avaient vue sur les deux luxueuses piscines : personne à l'horizon mais cela n'empêcha Emma d'hésiter quelque peu. Et si quelqu'un les surprenait ? Elle n'avait d'ailleurs aucun maillot de bain... Mais Dave la pressa tant et lui offrit une mine si douce qu'elle ne put qu'accepter sa proposition. Elle ne résistait jamais longtemps à la moue dépitée de Dave, c'était le talon d'Achille d'Emma. Elle se vêtit de ses sous-vêtements, couvrit son corps d'un peignoir blanc et suivit Dave dans les couloirs silencieux de l'hôtel. Ils atteignirent sans problème les piscines qui étaient chauffées à n'importe quelle heure de la journée et de la nuit.
Dave sauta dans la piscine sans se préoccuper du bruit de son plongeon tandis qu'Emma regardait l'eau claire. La nuit était limpide, de toute façon de petits lumignons éclairaient le tour de la piscine. La jeune femme prit son temps, plia le peignoir qu'elle posa sur une chaise en plastique avant de rejoindre Dave dans l'eau tiède. Elle se détendait dans le silence de l'obscurité. Elle venait de nager une longueur quand son amant la coinça dans un angle de la piscine. Elle enroula ses bras autour du cou de Dave et posa ses lèvres sur les siennes qui étaient légèrement mouillées. Quand ils durent reprendre leur souffle, Emma susurra :
« Même M. Rochester ne t'arrive pas à la cheville »
« M. Rochester a Jane, comme moi je t'ai : à chacun sa princesse » Dit-il en lui dédiant un magnifique sourire. Ils s'embrassèrent à nouveau, plus passionnément, devenant de plus en plus impatients de la suite des événements.
« Si nous batifolions comme cela à l'époque victorienne, nous serions condamnés à l'enfer pour l'éternité » Ajouta Emma avec tact. Elle avait toujours rêvé de vivre à la manière de Jane Eyre, de rencontrer M. Rochester mais à ce moment-là, elle ne désirait rien de tout cela. La modernité de son époque avait de nombreux avantages par rapport à celle de Charlotte Brontë.
« Jamais l'amour que nous aurions partagé n'aurait pu être comparable à un péché : il n'y a rien de plus pur et de sincère que l'amour que nous partageons » Dave s'arrêta. Après une brève réflexion, il continua « En m'aimant en retour, tu m'offres une place au paradis. L'enfer ne m'aurait pas fait peur mais être séparé de toi aurait été intolérable »
« Tu sais très bien que j'aurais vendu mon âme à Hadès pour qu'il me fasse pénétrer dans le royaume des morts » Elle répondit en souriant mais elle restait sérieuse. Qu'importe l'environnement tant que Dave était à ses côtés.
Ils restèrent un instant silencieux.
« Merci » Chuchota t-il à son oreille. Elle détacha ses bras de son cou et se recula pour mieux l'apercevoir. Dieu qu'il était beau sous la clarté de la lune ! Que ses traits pouvaient être fins et sculptés à la perfection ! Que ses lèvres pouvaient être désirables ! Que ses yeux languissants exprimaient un amour incommensurable ! Il était décidément descendu de l'Olympe pour la tenter ou pour lui ouvrir les yeux. Elle se rapprocha de lui, ayant ressenti la froideur de la distance qui les séparait puis elle lui chuchota cette même parole qu'il venait de lui murmurer. Ce simple remerciement qui en disait long, qui en disait plus qu'un simple « je t'aime ». Un mot commun qui prenait tout en compte, qui les unissait.
MARS
Paris,
Le mois de mars fut splendide. La nature reprit ses droits dans la capitale française menant une bataille féroce contre le bitume. Les arbres avaient retrouvé leur parure et ne ressemblaient désormais plus à de longues tiges frêles, dénudées. Dans le parc près de l'appartement d'Emma, des jonquilles avaient fait leur apparition et enchantaient la jeune femme dès qu'elle le traversait. Un long tapis jaune était formé par les pétales en forme de trompette. Emma passa sa vie à l'extérieur durant ce mois, elle appréciait observer la renaissance de la nature, être témoin de ce renouveau. En sortant de chez elle, elle attrapait un livre qu'elle lisait assise sur un banc, ses pensées loin du tumulte de la capitale.
C'est lors d'une de ses ballades qu'elle attrapa froid, la tiédeur de l'air l'avait trompée. Elle fut si malade, qu'un matin, elle n'eut même pas la force de se lever pour chercher un médicament. Elle pensa appeler Camille mais celle-ci était à New York quant à Louis, il travaillait toute la journée. Personne n'était là et même si la fièvre était forte, elle ne se sentit pas assez mal au point d'appeler la concierge au secours. Elle aurait pu délirer et être au bord de l'agonie, qu'elle n'aurait jamais au grand jamais prié cette dame si impolie de venir la soigner. Elle préféra attendre que la fièvre s'atténue mais, le soir même, alors qu'elle avait pensé que sa température descendrait, son état n'avait fait qu'empirer. Pour preuve, elle claquait des dents mais son front était couvert de gouttes de sueur. Elle avait froid, puis chaud. Sa gorge était sèche et sa tête tournait. C'est étrange à quoi l'on peut penser durant ces moments de douleurs physiques : Emma, elle, comparait sa maladie à celle dont Emma Bovary avait trépassé. Et pourtant, elle n'avait pas ingurgité du poison, sa souffrance n'était en rien aussi douloureuse que celle dont l'autre Emma avait ressenti. Ce qui était sûr, c'est qu'Emma délirait, comme Emma Bovary avait déliré. Cette sorte de phase presque impossible à décrire, une sorte de sommeil comateux où on ne peut être sûr de rien. Aussi, quand elle entendit le grincement d'une porte, elle ne put le croire.
« Mon dieu, Emma ! » S'écria une voix familière où l'inquiétude perçait. Emma aurait voulu pousser un cri de joie mais tout ce qui sortit de sa bouche fut une sorte de râle rauque qui la fit tousser violemment. Des mains froides vinrent empoigner son visage et la refroidirent. Elle se sentit un peu revivre, cette fraîcheur était accueillie avec bonheur par la jeune femme qui remercia silencieusement son sauveur.
Elle entendit ensuite vaguement le bruit de l'eau qui coule et quelques instants plus tard, elle sentit qu'on posait sur son front une serviette humidifiée. Elle esquissa un faible sourire, déjà, son cœur battait moins fort et l'enclume qui oppressait sa poitrine venait de s'évaporer. Elle respirait presque correctement.
« Dans quel état tu t'es mise... » Souffla la mystérieuse personne qu'elle reconnut être Dave en ouvrant légèrement les yeux car la lumière la faisait souffrir. Elle crut devoir se défendre.
« Je pensais pouvoir... guérir... » On lui caressait tendrement sa main, elle aurait voulu avoir la force de se réfugier dans les bras de Dave mais elle ne la possédait pas.
« Guérir ? Tu es seule dans cet appartement et tu peux à peine te lever ! » La sermonna-t-il. Emma n'en fut pas fâchée car elle savait que Dave n'était excédé que parce qu'elle n'allait pas bien. « As-tu au moins pris un médicament ? »
« Non... Pas eu la force... » Répondit-elle, toujours avec difficulté. Le jeune homme soupira puis quitta la pièce. Heureusement qu'il avait décidé de lui rendre visite à l'improviste, sinon elle aurait certainement succombé dans son appartement, têtue comme elle pouvait l'être, elle n'aurait appelé les secours qu'au moment de voir apparaître devant elle un grand couloir blanc ! Bordel, elle était insensée ! Dave remplit un verre, fureta dans l'armoire à pharmacie de la salle de bain et revint dans la chambre où il régnait une chaleur épouvantable. Dave crut être dans une étuve, lui-même avait du mal à respirer. Il s'assit sur le bord du lit et aida la jeune femme à avaler le tout puis il changea à nouveau la serviette. Quand il eut fini de nettoyer le verre, elle s'était endormie. Il amena un fauteuil près du lit de la malade et s'y assit. Il l'observa dormir, respirer. Elle était encore pâle mais elle reprenait déjà quelques couleurs.
Durant cinq heures, il la couva du regard avec cette tendresse infinie. L'envie de l'embrasser le démangeait mais il se refusait à le faire, plus pour ne pas la réveiller que pour ne pas tomber malade à son tour. Il aéra un peu la chambre puis referma la fenêtre. Quand il était revenu à sa chaise, elle venait de se réveiller et même si elle semblait aller mieux, elle ne pouvait être totalement guérie.
« Tu as soif ? » Demanda-t-il doucement pour ne pas la brusquer. Elle répondit que non mais Dave alla quand même lui chercher un verre d'eau qu'il lui tendit. Il attendit qu'elle le finisse complètement pour continuer à parler.
« Ca va mieux ? »
« Beaucoup mieux, merci » Répondit-elle en se relevant et Dave s'empressa de caler un coussin derrière son dos pour la soutenir.
« Tu es impardonnable Emma » Elle baissa les yeux vers les couvertures, fuyant le regard de son amant. « Pourquoi n'as-tu appelé personne ? »
« Camille n'est pas sur Paris et... » Elle s'arrêta, ne prononçant pas le prénom de Louis car elle devrait lui raconter comment elle l'avait connu (ce qui lui vaudrait un nouveau sermon) et comment il lui avait volé un baiser. « Et je ne pouvais t'appeler »
« Pourquoi ne le pouvais-tu pas ? »
« Aurais-tu vraiment pris un jet privé pour venir à Paris dans le seul but de me soigner ? » Demanda-t-elle sarcastiquement, levant les yeux au ciel.
« Bien sûr que je l'aurais fait » Dit-il, le plus sérieusement du monde ce qui troubla Emma bien qu'elle soit au courant des sentiments que Dave entretenait pour elle. C'était étrange de se dire que quelqu'un l'appréciait au point de parcourir plus de 5 000 kilomètres ! « Ne m'as-tu pas rejoint à Seattle quand j'allais mal ? » Elle hocha la tête, comme une enfant.
« Mais tu n'avais pas la fièvre. Ce n'était pas seulement une douleur physique pour toi, c'était aussi émotionnel, psychologique tandis que moi... » Elle ne put continuer, Dave la coupa.
« A chaque fois que tu seras malade émotionnellement, psychologiquement ou physiquement, je parcourrai ces quelques 5 000 kilomètres mais je serai là » Elle lui dédia un sourire si sincère qu'il prit son visage entre ses deux paumes de main et lui posa un baiser tendre sur son front.
« Je serai là pour toi aussi, n'en doute jamais »
« Je le sais » Chuchota t-il en retour, venant s'allonger à ses côtés en faisant attention à ne pas la gêner.
« Pourquoi cette brusque arrivée ? Pourquoi ne m'as-tu pas prévenue ? » Demanda-t-elle après un bref instant de silence. Dave se mit à sourire en pensant à ce qu'il allait lui révéler.
« C'était une surprise, j'espère que c'était réussi »
« Je n'ai jamais été aussi heureuse de te voir. Je te jure que je commençais à voir un long couloir blanc et... Quoi ? » Le questionna-t-elle car il venait de lui adresser un regard peu rieur.
« Tu ne devrais pas parler de ça en souriant. Quand je t'ai découvert, je n'ai pas trouvé ça vraiment drôle » Emma entoura la taille de Dave de ses bras encore faibles. Elle savait qu'il avait encore du mal avec l'idée de la mort et de la maladie et qu'il devait apprendre à s'en détacher petit à petit.
« Excuse-moi Dave » Il ne répondit rien mais la serra plus fortement contre lui, c'était tout ce qu'elle désirait.
« Écoute Emma, la véritable raison de mon apparition soudaine est en rapport avec une heureuse nouvelle »
« Ah oui ? » S'exclama-t-elle en souriant.
« Pamela et Julien se marient à la mi-avril » Avoua Dave après qu'Emma eut vainement tenté de découvrir ce qu'il cachait.
« Ce n'est pas vrai ? »
« Julien tenait à ce que je te le dise moi-même. On est devenu de grands amis récemment » Alors qu'Emma eut plutôt pensé que Dave aurait ressassé une pensée amère envers son frère car il n'avait pu sauver sa nièce, il s'était étrangement tourné vers cet homme qui avait suivi toutes les étapes de la maladie de l'être qu'il aimait tendrement.
Elle ressentait tant d'amour à cet instant précis qu'elle eut envie d'embrasser Dave mais elle dut se retenir et attendre patiemment la fin de sa convalescence pour pouvoir de nouveau goûter aux douceurs des lèvres de son amant. Elle se contenta de se serrer contre lui avec toute la force qu'il lui restait.
N'hésitez pas à laisser un commentaire et/ ou à aimer ! Je suis impatiente de connaître votre avis. L'histoire est bientôt finie (il reste environ trois/quatre chapitres).
Bon week-end ! x.
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