25. Auvergne
Auvergne, √
4h26
Auvergne,
4h26
Dave ne sut pas pourquoi mais il s'éveilla bien avant que le soleil ne fasse son apparition. Il se releva légèrement, jeta un coup d'œil vers Emma. Cette dernière ne dormait pas, elle fixait intensément le plafond. Cette façon d'être si détachée du monde lui rappela la fois où elle s'était enfermée dans la salle de bain. Elle était perdue, déboussolée mais elle réussit quand même à esquisser un sourire quand elle vit que Dave l'observait. Elle le couvrit de son corps et s'amusa à jouer avec les boucles brunes de son amant. Il la regardait faire, la couvant amoureusement des yeux. Il resserra l'étreinte pour l'avoir tout contre lui. Il nicha sa tête dans les cheveux de la jeune femme et le parfum enivrant le rassura instantanément. Dave savait qu'il devrait faire face au père d'Emma à nouveau, qu'il recevrait sûrement d'autres piques et d'autres remarques injurieuses mais peu lui importait !
« Il faut que je commence à ranger toutes nos affaires dans les sacs à nouveau » Hier elle s'était amusée à sortir leurs vêtements de leurs valises pour les ranger dans le placard en bois de sa commode.
« Pourquoi ? » Osa-t-il la questionner, levant un sourcil pour montrer son incompréhension.
« Je refuse qu'il te traite de cette manière Dave ! » Souffla-t-elle. Elle ne supporterait pas que son père se comportât si mal avec la personne qu'elle aimait le plus au monde. Si seulement il pouvait être comme ma mère, pensa-t-elle.
« Et, ajouta Dave, je refuse de lui donner le plaisir d'être débarrassé de ma présence. C'est hors de question qu'on laisse tomber. J'ai subi bien pires critiques, ce n'est sûrement pas ton père qui va me gâcher mon week-end » Emma lui offrit toute son attention. « Je comprends un peu sa colère de toute façon, il pense que je suis en train de te corrompre avec tout mon argent... »
« Pourquoi ne peut-il pas se rendre compte que tu me rends heureuse ? » Murmura-t-elle en caressant la joue de Dave avec son pouce dans un geste empreint de douceur.
« La colère le rend aveugle. Il ne se rend pas encore compte qu'entre toi et moi c'est sérieux» Sa main descendit vers le bas du ventre d'Emma qui en fut toute bouleversée. Il s'approcha ensuite de son entrejambe avec un sourire coquin. Elle le laissa faire et geignit quand il la toucha. « En effet, c'est bien sérieux » Ajouta t-il avant de l'embrasser passionnément. Comme une marionnette, elle lui donna libre accès à son corps.
*
Ils venaient de rentrer de promenade, épuisés d'avoir tant marché. Pour Dave, cette sortie en forêt avait été une véritable délivrance lui qui ne connaissait presque que le goudron de New York et sa pollution. Il avait vite appris à apprécier le chant mélodieux des oiseaux qui, il devait le remarquer, était une musique bien plus douce à ses oreilles que le bruit de la circulation new-yorkaise, celle-ci faisant partie intégrante de sa vie. Ils avaient même vu un écureuil roux, pour le plus grand plaisir d'Emma qui n'avait cessé de le lui rappeler sur le chemin du retour.
Un feu crépitait dans la cheminée de la vieille bâtisse. Dave l'observait en silence tandis qu'il sentait le regard pénétrant du père d'Emma se poser sur sa personne. Il détestait qu'on l'examine ainsi mais il n'allait sûrement pas commencer une guerre qu'il était sûr de perdre. Il désirait tellement qu'Henri sache qu'il n'était pas un fils à papa, qu'il avait travaillé dur pour atteindre le point culminant de sa carrière. Si ce dernier ne lui posait pas de questions, il n'allait pas s'imposer lui-même. Il voulait qu'Henri fasse un pas vers lui pour qu'il puisse découvrir sa véritable identité. Pour l'instant, Dave se contrôlait, faisant bonne figure devant tant d'amertume. Étrangement, il arrivait à se contenir sans trop de difficultés, la présence d'Emma à ses côtés y était sûrement pour quelque chose.
Son portable sonna dans la poche de son sweat-shirt. Il avait décidé d'opter pour une tenue simple et plus appropriée à l'endroit où il se trouvait. Pourtant, même dans cet accoutrement banal, il n'arrivait pas à être à l'aise. Quand il décrocha, il eut encore le droit à un regard foudroyant du père d'Emma comme s'il lui rappelait qu'il était dans sa propre maison et que tout, autour de lui, lui appartenait... Comme sa fille. Il s'excusa auprès d'Emma qui lisait un magazine allongée sur le canapé du salon et se retira pour plus de tranquillité.
« Dîtes-leur que j'assisterai à cette réunion à mon retour » Dit-il dans le combiné, à sa secrétaire qui, au bout du fil, lui rappelait qu'il avait d'autres obligations. Il n'était pas censé se trouver en France à cet instant mais sa compagnie pouvait bien attendre quelques jours. Il gagnait toujours autant d'argent, les entreprises dans lesquelles il investissait lui rapportaient un sacré pécule et il gardait toujours un lien direct sur la bourse si jamais elle s'écroulait. Il ne rencontrait aucune difficulté d'un point de vue financier et le contrôle qu'il exerçait sur l'Amérique tout entière était la preuve qu'il savait diriger sa compagnie d'une poigne de fer.
« Non, demain c'est impossible. Je vous le répète, je serai de retour au plus tôt lundi » Il laissa sa secrétaire s'exprimer. Elle bafouillait légèrement.
« Je m'en fous de savoir qu'ils n'apprécieront pas... Écoutez Miss... » Elle lui rappela son nom de famille un peu sèchement « Miss Galls, je n'ai jamais pris ne serait-ce qu'une semaine de congé depuis que je suis à la tête de ma compagnie alors s'ils trouvent quelque chose à redire au fait que j'ai décidé de prendre mon week-end, je les vire. C'est clair ? » Il obtint finalement un petit 'oui' fluet de la part de sa secrétaire qui désirait en finir au plus vite avec cet appel. Il la remercia de sa coopération et raccrocha en soufflant. Pourquoi ses employés devaient-ils toujours le pousser à bout ? Appréciaient-ils de faire ressortir le pire de Dave ? Depuis qu'il connaissait Emma, il s'était légèrement adouci au travail et certains en avaient justement profité pour lui demander une augmentation de salaire. Ils ne perdent pas le nord, pensa-t-il en se massant la nuque.
Il se décida finalement à rejoindre Emma après une dizaine de minutes passée sur son ordinateur à surveiller ses comptes bancaires et ses investissements. Il esquissa un léger sourire en pensant à tout ce qu'il avait traversé pour devenir aussi puissant. En seulement sept ans il était devenu millionnaire et dirigeant d'une grande compagnie. Il avait réussi à percer dans le monde du business sans l'aide de personne, juste en suivant ce que lui dictait sa raison et il en était fier même s'il se rendait compte qu'être au sommet de sa société était moins épanouissant que ce qu'il s'était tout d'abord imaginé. Quand il était encore qu'un petit entrepreneur, il ne voyait que la route royale qu'il devait suivre pour arriver à grimper les échelons. Maintenant, il n'était plus aussi passionné qu'avant : ses employés faisaient le travail à sa place. Il n'était là que pour signer des papiers ou pour assister à des réunions sans réelle importance. Il lui suffisait de hocher quelques fois de la tête et d'écouter d'une oreille distraite, sa secrétaire chargée de rédiger un résumé de la réunion qu'elle lui donnait à la sortie. Même les tâches ingrates lui manquaient. Il pouvait à peine se rendre à l'imprimante de son étage sans recevoir des regards curieux. Aussi, se trouvait-il si bien dans cet environnement où personne ne le connaissait en tant que grand PDG. On le traitait comme un égal, un semblable. La mère d'Emma l'avait même pris dans ses bras à son arrivée et elle ne l'avait jamais traité comme un étranger. Son humeur aurait pu être à son apogée si seulement Henri tentait de libérer sa conscience de ses préjugés. Certes, Dave était infiniment riche mais cela ne signifiait pas pour autant que c'était un homme orgueilleux qui ne cherchait qu'à tirer du plaisir de la relation qu'il menait. Pour une fois, il était clair qu'il était amoureux d'Emma et ça ne lui était jamais arrivé avant. Il était tombé des nues quand il avait compris la profondeur de ses sentiments mais il s'était vite fait à cette idée. C'était même plutôt agréable d'aimer et d'être aimé en retour.
Quand il arriva dans le salon, il s'aperçut bien vit qu'Emma dont la présence était si réconfortante ne s'y trouvait plus. Où avait-elle pu se rendre, nom de Dieu ? Il était dorénavant seul, en compagnie d'Henri. Cette situation n'était pas des plus confortables.
« Vous savez où elle est ? » Demanda-t-il au père d'Emma en évitant soigneusement de croiser son regard. Ce dernier haussa les épaules avant de se replonger dans la lecture du journal. Il ne voulait à aucun prix commencer une conversation avec ce jeune homme qui se servait impunément de sa fille. Il était tellement aveuglé par la haine qu'il refusait de comprendre que Dave était quelqu'un de sincère qui aimait passionnément Emma. Il l'avait jugé sans le connaître et campait dorénavant sur ses positions.
« Écoutez M. Bolet, je me contrefous que vous ne m'aimiez pas. Je n'ai aucunement besoin de votre accord pour entretenir une relation avec votre fille. Je ne vous la demande pas en mariage » A ces mots, le père se redressa sur son fauteuil « Je veux juste savoir où elle est »
« Sortie » Fut tout ce qu'il obtint de ce rustre campagnard. Sans une parole de plus, Dave tourna les talons et se dirigea vers la porte d'entrée, échappant à l'ambiance tendue qui régnait encore dans le salon.
*
« Tu l'as trouveras sûrement au village » L'avait informé la mère d'Emma après qu'il est sorti de la maison. Elle lui avait permis d'emprunter la vieille bicyclette bleue pour s'y rendre plus aisément.
A chaque mouvement, elle émettait un grincement qui faisait croire à Dave qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Le vent soufflait avec violence et il avait du mal à pédaler, étant à contresens. Toutefois il continuait. Il n'était presque pas essoufflé, ayant l'habitude de pratiquer une activité sportive. Le vélo avait toujours été important dans sa vie. A Seattle, il se baladait très souvent avec ce moyen très pratique qui lui permettait de slalomer entre les voitures en compagnie de son meilleur ami, Damien. C'est un peu nostalgique qu'il arriva à l'entrée du village pittoresque, un petit hameau très charmant.
Les maisons étaient toutes collées les unes par rapport aux autres. Elles avaient été construites avec des pierres claires, sûrement de la région. Il passa devant la place de l'église déserte, contourna la boulangerie d'où sortait un délicieux fumet et s'arrêta à peine fatigué, à la hauteur du petit bar du village d'où émanait une musique typiquement française. Sans prendre le temps de poser correctement son vélo, il poussa la porte du bar pour pénétrer dans le bâtiment. Une odeur de tabac vint lui chatouiller les narines et il se retint de toussoter. Il n'avait jamais aimé l'odeur de la cigarette.
La pièce était un peu trop sombre à son goût. Un groupe de personnes âgées discutait sans bruit comme pour ne pas gêner et tentait quelquefois de regarder la télévision située à l'opposé, en vain. Quand Dave entra, il eut droit à des regards intéressés et des chuchotements lorsqu'il posa les yeux sur le visage familier d'Emma, accoudée au bar. Il vint à sa rencontre sans prêter attention à la curiosité des habitants du village. Il aurait pu croire que c'était sa tenue vestimentaire qui intriguait mais il n'était vêtu que d'un pull ample et d'un jogging. Rien d'aussi élégant que les costumes qu'il avait l'habitude de porter habituellement alors pourquoi le dévisageait-on ?
« Emma.. » Souffla-t-il après avoir salué le barman, un vieux monsieur à qui il manquait plus d'une dent. Celui-ci était occupé à essuyer des verres.
Elle ne répondit pas, perdue dans la contemplation du verre rempli situé juste devant elle. Elle ne l'avait pas touché, même pas une goutte. Elle aurait voulu épancher sa peine dans l'alcool mais à quoi bon ? Ce n'était pas le bon comportement à adopter. Il fallait qu'elle se ressaisisse maintenant sans quoi elle allait de nouveau tomber de haut.
« Explique-moi tout » Lui demanda-t-il sans s'impatienter devant le silence étrange de la jeune femme. Quelquefois, elle était difficile à cerner sous son calme impénétrable, sous ce masque flegmatique. Il vit ses lèvres bouger comme pour parler mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle n'arrivait pas à expliquer ce qui s'était déroulé avec son père alors qu'il était parti répondre à son appel car elle-même avait du mal à y croire. Dire qu'il ne lui avait rien dit durant tous ces mois !
Dave, sentant que la jeune femme avait besoin de temps, commanda un verre. Le mutisme d'Emma ne le gênait pas, il avait souvent réagi de cette manière après des annonces qui l'avaient laissé abasourdi, comme après la mort de sa sœur Lily où il avait à peine ouvert la bouche. Mais, il savait que ce calme apparent dissimulait une rage ou une tristesse sans fin. En se taisant, Emma décidait de laisser ses vieux démons la prendre aussi répéta t-il sa question après un instant de silence. Cette fois-ci, il obtint un soupir et c'était mieux que rien. Elle se décida à parler une fois qu'il eut bu la totalité de son verre.
« C'est mon père, je m'inquiète pour lui » Avoua-t-elle sans élever beaucoup la voix. Il dut se rapprocher au maximum d'elle pour l'entendre. Les personnes âgées s'étaient alors tout à fait tues comme si elles désiraient être informées de chaque bribe de la conversation.
« Ne t'inquiète pas pour moi, je peux supporter ses piques » Elle se faisait trop de soucis pour lui. Son père n'était qu'un minuscule obstacle à leur amour, n'est-ce pas ?
« Ce n'est pas tant ça qui me gêne, je sais que tu ne prêtes aucune attention à ce qu'il peut te dire » Dave était décidément perdu. Qu'avait-il pu se passer pour qu'elle soit dans cet état lamentable ? Il pouvait lire toute la fatigue et la tristesse sur son visage. Elle n'avait pas besoin de pleurer pour qu'il sache que le gouffre était profond.
« Il m'a avoué que depuis quelques temps le lait qu'il vendait ne rapportait plus autant qu'auparavant. Sur le moment, je me suis dit que ce n'était pas si grave, que s'il me disait ça presque sereinement c'était qu'il avait trouvé une solution » Elle avala difficilement sa salive « Ensuite il a osé me dire que la ferme était hypothéquée depuis un mois déjà... Alors que le manque d'argent était déjà présent il y a de çà quelques mois ! » Elle fulminait à présent, devenant presque écarlate « J'aurais pu l'aider, certes je ne suis pas riche mais j'aurais pu lui apporter mon soutien si seulement il m'avait informée ! » Ne supportant pas de rester assise, elle se leva, serrant ses poings si forts que les jointures devinrent blanches. « Julien et moi nous aurions pu lui prêter de l'argent. Mais non, il a préféré se taire et s'enliser un peu plus ! Cette ferme représente autant pour moi que pour lui, j'y ai vécu tant de choses, j'ai tant de souvenirs ! » Elle criait maintenant et les seniors laissaient planer un silence de mort. « Tu le savais Granny ? » Demanda Emma à une des vieilles dames présentes dans le groupe. Cette dernière hocha honteusement la tête, n'osant pas regarder Emma dans les yeux. « Vous saviez tous qu'il traversait un moment terrible et personne ne m'en a avertie ? Comment pouviez-vous garder le silence ! Ça me regardait moi aussi, j'avais mon mot à dire dans cette histoire, nom de Dieu ! » Les personnes âgées gardaient la tête baissée. Ils avaient connu Emma quand elle était encore une enfant, ils l'avaient vue grandir mais c'était une toute autre facette qu'ils découvraient ce jour-là et ils ne savaient comment elle pouvait contenir autant de colère en elle.
« Il nous a fait promettre de ne rien vous dire, à toi et à ton frère » Dit piteusement Granny.
« S'il perd sa ferme, ça sera aussi par votre faute, par votre silence, par votre mutisme ! » Si on avait pu la comparer à quelque chose, ça aurait été à une grenade dégoupillée.
Dave intervint, attrapant fermement Emma et la menant vers la sortie en ayant pris soin de laisser un billet sur le bar. Il s'excusa d'un simple geste de la tête avant de l'emmener prendre l'air. Elle respirait fort, une lumière étrange brûlait dans ses yeux comme si la rage la consumait. Il ne pouvait dire qu'il n'aimait pas cette facette, il la sentait totalement vivante à cet instant, mais elle lui semblait tellement loin de la douce Emma qu'il avait appris à aimer. Elle s'adossa contre la devanture du bar, soufflant et inspirant. Elle avait l'air tellement fragile dans ce pull trop grand pour elle et pourtant, elle cachait en elle une colère indescriptible qu'elle ne montrait qu'en cas de crise. Quelques minutes plus tard, quand elle prit conscience que le regard de Dave était toujours porté sur elle, elle dissimula son visage derrière ses mains. Avait-elle vraiment crié contre des personnes qu'elle avait connues depuis toujours dans un excès d'irritation ? Elle n'y croyait pas, elle d'habitude si réservée !
« Ne te cache pas comme ça, tu n'as pas à avoir honte » Lui dit-il en prenant ses mains dans les siennes, l'obligeant à lui faire face. Sans dire un mot, elle le serra dans ses bras.
« Ce n'était pas moi dans ce bar. Je ne suis pas ainsi, n'est-ce pas ? » A la place de lui répondre, il posa ses lèvres sur les siennes. Il coupa court au baiser, la regardant, prête à la sermonner.
« Tu as fumé... »
« Juste une petite cigarette » Avoua-t-elle et il soupira, laissant échapper un nuage brumeux de sa bouche.
« Je ne veux plus que tu t'intoxiques, plus jamais. Il n'y a que moi qui peux t'intoxiquer... » Susurra-t-il, amenant un faible sourire égayer le visage d'Emma. Elle planta un autre baiser mais cette fois-ci sur sa joue avant de se mettre en marche en direction de la ferme.
« Tu viens ? » Demanda t-elle, ne voyant pas Dave la suivre. Il lui adressa un éblouissant sourire avant de reprendre la bicyclette.
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Bon week-end xx
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