17. Paris, 18ème arrondissement

Paris, 18ème arrondissement √

23h46

« Est-ce que vous vous sentez mieux maintenant ? » Demanda Dave tout en tendant un verre de brandy à la jeune femme, assise sur le lit-canapé, les yeux perdus dans le vide. Une chance que la concierge ait le double des clés, pensa Emma pour une fois reconnaissante envers la vieille dame qu'elle détestait. Elle avait cessé de pleurer depuis un long moment mais sa faiblesse de tout à l'heure était encore visible par les sillons rouges qui semblaient creuser ses joues. Elle aurait pu avoir honte de ne ressembler à rien mais à cet instant même, elle s'en fichait. C'était même le contraire : elle avait finalement une épaule sur laquelle se reposer – une large et belle épaule qui se trouvait être la propriété d'un riche et bel homme, soit disant en passant – et pleurer à son aise.

N'ayant pas prêtée attention à la question de Dave, ce dernier la réitéra. Elle approuva sans toutefois relever son visage vers le bel entrepreneur. Son comportement avait été futile et elle s'en rendait compte maintenant aussi elle le pria de l'excuser.

« Je ne devrais pas pleurer la perte d'un sac » Dit-elle à voix haute et elle faillit rire, se rendant compte à quel point cette fin de soirée baignée de larmes avait été inutile et stupide. « J'ai gâché ce dîner avec mon comportement... » Murmura-t-elle plus pour elle mais Dave entendit ses propos et les démentit. Il l'observait attentivement tandis qu'elle était assise, la tête entre ses mains comme un enfant qui vient de s'être fait punir et qui boude. Elle arborait une triste mine et Dave aurait voulu l'égayer. Il se demandait s'il l'embrassait sur les lèvres, là, maintenant, comment tout cela terminerait-il ? Il ne voulait pas la brusquer et malgré l'ardent désir de sceller sa bouche à la sienne, il se demandait si elle n'allait pas penser qu'il profitait d'un instant de faiblesse passagère pour l'embrasser. Il ne fit aucun geste, se contentant de la fixer. Dieu qu'elle était belle, pensa-t-il tandis qu'elle essayait de se cacher derrière la cascade de boucles rousses.

Son portable le ramena à la réalité. Il était tard, Dave devait retourner à l'hôtel et laisser la jeune femme se reposer. Aussi, se leva t-il – contre son gré car il aurait aimé rester plus longtemps auprès d'Emma mais il ne contrôlait pas le temps – et déposa un doux baiser sur le front de cette dernière. Il lui chuchota un 'bonne nuit' et se dirigea vers la porte d'entrée, tout en s'insultant intérieurement. Un baiser sur le front, sérieusement ?Cliché ! Osa-t-il penser mais c'était tout ce qu'il avait pu faire sur le moment. Il ne se serait pas permis de faire autre chose.

Dave récupéra son manteau qui traînait sur une chaise et s'apprêtait à tourner la poignée de la porte quand une main tiède se posa sur son avant-bras. Ce simple et banal contact le fit frémir de... passion ?

« Restez » Avait prononcé Emma dans la noirceur de l'entrée. La dernière fois qu'une scène semblable s'était déroulée, c'était Dave qui l'avait rattrapée avant qu'elle ne quitte son bureau. Cette fois-ci, c'était à elle de faire ce geste. Ce ne fut pas chose facile car elle avait peur de rencontrer un refus de la part du jeune homme. « Vous voyez, il y avait mes clés dans ce sac... Et maintenant, j'ai peur que celui qui me l'ait volé, vienne ici » Stupide, stupide excuse... Elle se sentit rougir de honte une nouvelle fois, heureusement qu'il ne pouvait la voir. Elle crut devoir insister encore mais la réponse de Dave vint prestement.

« Je crois qu'il est préférable que je reste alors » Il afficha un énorme sourire – qu'Emma ne put malheureusement pas admirer – et ils retournèrent dans la chambre, silencieux, chacun plongé dans ses pensées. Elle lui pria de faire comme chez lui pendant qu'elle allait se changer et elle fila dans la salle de bain. Elle se sentait mal, tout d'abord parce qu'elle avait eu le culot de sortir une minable excuse à Dave – qui avait heureusement conclu à une réponse positive ; qu'elle avait demandé à Dave de rester ici alors que son appartement était minuscule, sens dessus dessous et surtout parce qu'elle ne possédait qu'un seul lit. Un seul. Diable, dans quoi s'était-elle empêtrée ? Il allait falloir qu'elle résiste à l'envie de lui sauter dessus toute la nuit alors que son parfum allait lui titiller les narines ?

Elle rejeta ses pensées – elle eut envie de dire sombres pensées, mais elle n'allait quand même pas s'apitoyer sur son sort ! – et se décida finalement à enfiler son pyjama. Elle retint un hoquet. Jusqu'à là, rien ne l'avait dérangée à porter ce type de pyjama. Il était d'ailleurs très confortable. Mais ce soir-là, elle se sentit au bord de la crise. Elle avait dévié son regard un instant du coupable avant de revenir dessus. C'était un vieux pyjama avec de jolies petites licornes imprimées qui lui allait pas plus loin que le nombril. Le bas ne rattrapait malheureusement pas le haut : une sorte de caleçon écossais qui tenait à sa taille grâce à un élastique trop lâche. Elle l'enfila quand même et regarda ce que lui renvoyait le miroir. Une mauvaise blague, se dit-elle tout en se brossant les dents frénétiquement, inspectant le reflet de sa propre personne. Elle n'aurait même pas osé se montrer ainsi vêtue devant ses parents alors devant Dave... Encore moins. Le nombre de solutions étaient limitées. Elle sortit ainsi et pria pour que Dave ne fasse aucune remarque sur ce minable accoutrement. Elle n'eut pas le temps d'être gênée. Dave se tenait dos à elle, sans tee-shirt, dans un simple boxer noir et arrangeait correctement ses affaires sur l'une des chaises bancales sans avoir remarqué l'attention particulière que lui portait la jeune femme. Tandis qu'elle le contemplait – parce qu'il faut avouer que même de dos, il était terriblement beau – elle ne put s'empêcher de se demander ce qu'il se serait passé si elle l'avait rejoint un peu plus tôt, lorsqu'il se déshabillait. L'aurait-elle aidé à enlever tous ses vêtements ? Elle rougit, quelque chose devenu fort habituel ces derniers temps.

Après un bref combat mené entre son esprit et son cœur, elle s'obligea à détourner le regard avant que Dave ne l'aperçoive en train de le fixer. Elle se glissa sous les couvertures – autant pour dissimuler son pyjama que sa gêne – et attendit patiemment que le jeune homme se retourne.

« Je n'ai malheureusement qu'un lit » Osa-t-elle prononcer et Dave ne fit qu'un simple hochement de tête, comme si ça ne le dérangeait pas. Il fit un brin de toilette puis la rejoignit. Il n'était toujours habillé que d'un simple caleçon mais ça ne le gênait pas le moins du monde.

Emma éteignit la lumière quand elle fut sûre que Dave fut bien installé. Son lit-canapé était petit et elle essayait de coller son corps à l'extrémité du lit pour ne pas rencontrer celui de Dave. Elle pouvait entendre la respiration de Dave qui se mélangeait aux bruits familiers de la rue. Camille n'en croirait pas ses yeux quand elle apprendra qu'elle avait partagé son lit avec Dave Sherley. Elle ne dormit pas énormément cette nuit car elle mettait tout en œuvre pour éviter de penser au jeune homme presque dénudé qui, lui, avait sombré dans un profond sommeil. Inutile de préciser qu'elle ne parvint pas à l'extirper de ses pensées.

Paris, 18ème arrondissement

9h56

Quand Emma fut réveillée, ce n'était pas tant la puissance de la pluie qui tambourinait contre la vitre qui la surprit, ni le bruit presque tonitruant de la machine à café qui venait se mettre mystérieusement en marche dans la cuisine. Ce n'était absolument pas ça qui la dérangeait. C'était quelque chose en rapport avec la personne qui sommeillait à ses côtés, une personne prénommée Dave qui se trouvait terriblement près d'elle. Un de ses bras musclés était étendu à quelques centimètres de son corps, ses jambes prêtes à s'enrouler autour de celles d'Emma comme si tout avait été organisé d'avance. Tout ceci aurait pu se terminer en une étreinte passionnée, en un rapprochement plus que physique, en un partage de sentiments. Emma pouvait presque sentir les frissons d'excitation la traverser. En fait, elle les sentait ces légers picotements étranges qui lui demandaient ou plutôt la poussaient à commettre un geste déplacé mais elle mettait tout en œuvre pour les faire taire. Ce fut dur de résister à un homme de l'envergure de Dave car même endormi, il était « criminellement » beau avec ses cheveux en bataille et le mince bruit d'un ronflement viril qui s'échappait d'une bouche aux lèvres qu'elle désirait tant... Elle s'interdit de penser à lui de cette manière car elle trouvait étrange qu'elle se laissa aller à ce genre de pensées. Jamais elle n'avait autant voulu un homme. Jamais elle n'avait autant voulu l'homme qui dormait paisiblement dans son lit, vêtu d'un simple caleçon.

Pour ne pas retomber dans la contemplation d'un dieu grec, elle s'éclipsa de la chambre, se réfugiant dans la cuisine. Elle fixait la machine à café avec un regard perdu comme si l'objet retenait toute son attention, attention qu'elle avait dédiée à Dave en premier lieu. Il fallait bien qu'elle se change les idées, qu'elle arrête de penser à cet entrepreneur et au peu de distance qui les séparait. Un simple mur et quelques lattes de plancher les distançaient. Si peu et pourtant cela semblait étrangement lointain pour Emma, comme si c'était de nouveau un océan qui se trouvait entre les deux. Ce foutu océan Atlantique. Elle en aurait eu les moyens, elle l'aurait asséché. Quelques secondes plus tard, quand elle comprit que ses pensées étaient insensées, elle pouffa de rire avec peu d'élégance. Depuis quand entretenait-elle de si étranges raisonnements ?

« Qu'est-ce qui vous fait rire ? » C'était la voix remplie encore de sommeil de Dave qui l'avait surprise. Elle eut pour réflexe de défense de déverser le contenu de son verre sur le torse nu de l'homme tant désiré. Tout d'abord, elle ne put rien dire tant elle restait coite devant la magnificence de ce corps. Même le jus qui coulait entre les abdos de Dave la laissait pantoise, sans mot. Ce fut seulement quand elle sentit le regard pénétrant de ce dernier qui la fixait tout en arborant un sourire qu'elle détourna son attention. Elle s'excusa promptement et le guida jusqu'à la salle de bain pour qu'il puisse se débarrasser de ce mélange collant. Il la suivit en gardant toujours cet étrange sourire dont elle ne comprit la signification que lorsque que Dave la héla :

« Beau pyjama » Elle sortit avant que son visage ne devienne cramoisi par la gêne et se laissa tomber sur le lit, la tête contre un coussin, se traitant de tous les noms et maudissant généreusement son affreux pyjama.

*

Le serrurier, venu pour lui changer sa serrure car c'était devenu nécessaire depuis que son sac avait été volé, était parti depuis une heure déjà quand Dave demanda à Emma de lui rendre un service. Ce n'était pas dans l'habitude de la jeune femme de refuser et surtout pas à Dave car celui-ci semblait posséder un certain contrôle sur Emma. Elle le ressentait sans cesse quand il était à proximité d'elle, quand il lui adressait un 'compliment' sur son pyjama – qu'elle avait vite fait d'enlever – rien que pour l'exaspérer ou encore quand il lui avait demandé pour la première fois la direction des toilettes. Même durant la nuit elle avait senti le contrôle qu'il avait sur elle ; elle n'avait pas pu dormir, ayant trop peur de se mettre à ronfler dans son sommeil. Pas qu'elle ronfle la nuit, à vrai dire elle n'en savait rien du tout mais elle ne voulait pas prendre ce risque. Cette nuit blanche lui avait valu d'immenses cernes violets juste en dessous de ses paupières et elle avait généreusement appliqué de l'anticerne pour réparer les dégâts.

« Si vous pouviez garder ma nièce cet après-midi, ça me rendrait un grand service » Lui dit-il, conscient qu'elle put refuser sa demande mais elle arbora un magnifique sourire qui fit apparaître ses jolies dents blanches. Il aurait presque aimé la remercier, peut être pas avec l'utilisation de mots. Non, plus... intimement comme sceller ses lèvres aux siennes. A la place, il lui apprit qu'il déposerait Daisy vers quatorze heures.

*

La petite fille de dix ans regardait Emma avec une curiosité à peine feinte. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était chez cette mystérieuse dame, à peine plus jeune que son oncle Dave mais elle devinait une chose : elle devait beaucoup compter pour Dave pour qu'il puisse la laisser seule chez elle. Daisy eut donc vite confiance en Emma mais elle ne participa pas tout de suite à la conversation, préférant d'abord se forger un avis sur cette belle dame aux cheveux roux qui la regardait presque avec un air maternel. Elle ne voulait pas d'une nouvelle mère, elle ne l'aurait jamais acceptée mais étrangement, cela n'entacha pas l'affection qu'elle portait déjà à Emma.

Elle vaqua seule dans le petit appartement d'Emma car cette dernière venait de lui promettre un bon chocolat chaud ce qui fit sourire Daisy. Sa mère, Lily, avait toujours eu la manie de lui en faire un quand elle rentrait de l'école. Elle se rappelait qu'elles le buvaient toutes les deux, avachies sur le canapé, le sirotant devant la télévision. Daisy ne pensait jamais à ces moments avec tristesse mais avec nostalgie. Pour elle, sa mère n'était jamais très loin et quelquefois, il lui semblait qu'elle la voyait à travers les yeux d'autres personnes, notamment ceux de Dave. Elle retourna à l'observation de l'appartement.

Bien qu'il soit minuscule comparé à celui de Dave à New York, elle lui trouvait un charme qu'elle n'aurait pu trouver nulle part ailleurs. C'était un vieil appartement aux murs quelque peu craquelés et au papier peint défraîchi mais de tout ça s'échappait quand même un vague parfum de bien être. Elle remarqua vite que tout était en ordre, que la poussière n'avait pas encore élu domicile et que, même si le chauffage restait à désirer, elle s'y sentait agréablement bien. Elle avait l'étrange impression d'être déjà venue ici, bien que ça soit impossible.

Elle s'approcha d'une commode en bois. Un napperon blanc le protégeait d'éventuel coup. Elle remarqua des photos qui se juxtaposaient dans un cadre doré et elle se mit à les fixer intensément comme si un sort envoûtant les ensorcelait. Emma ne se trouvait sur aucune de ces photographies, elle devait être la photographe attitrée. Sur la première se trouvaient deux personnes : un homme d'une cinquante d'année et une femme du même âge certainement, à la longue chevelure rousse. Sûrement les parents d'Emma. Julien Bolet, le chirurgien de Daisy, et une autre dame se situaient sur une autre image. Un sourire épanoui sur chacun de leur visage et des mains entrelacées. Un beau couple. Quand Emma rejoignit la petite fille et qu'elle vit que cette dernière observait intensément la photographie de son frère et de Pamela, elle pensa tout de suite que l'union que formaient ces deux personnes était tout ce qu'elle n'avait jamais vécu, jamais ressentie. Singulièrement, ça lui faisait drôlement moins mal de contempler cette image figée dorénavant. La présence de Dave y était certainement pour quelque chose. Emma tendit la tasse remplie d'un chocolat fumant et Daisy la remercia d'un simple regard. Cette dernière alla s'asseoir sur le lit d'Emma, sagement. La jeune femme ne put s'empêcher de rougir en pensant à Dave qui avait dormi si près d'elle cette nuit... Elle pouvait encore sentir son eau de Cologne, ensorcelante. Non, elle ne la hantait pas encore mais presque. Quand elle entrait dans la salle de bain, elle pensait machinalement au compliment de Dave sur son pyjama. C'était extrême de ressasser de telles pensées mais qui pouvait-elle ? Elle n'avait pas le contrôle de ce genre de choses et c'était exactement ce qu'il s'était passé hier quand elle n'avait pas pu s'endormir à cause de tant de proximité. Elle n'en devenait pas encore folle, ça ne faisait après tout qu'une heure ou deux que Dave était parti mais pourquoi tout ce qu'il représentait était décuplé ? Elle aurait continué à essayer vainement de trouver une réponse à ces questions mais elle vit que la petite Daisy la regardait curieusement.

« Ça te dit d'aller faire un tour à la bibliothèque ? » Demanda-t-elle dans un anglais parfait.


Comment trouvez-vous la fin de la soirée entre Dave et Emma ? Le fait que Daisy réapparaisse dans l'histoire ?

J'ai hâte de connaître vos avis sur ce nouveau chapitre !

Bon week-end xx




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