12. New York, 5ème Avenue
New York, 5ème Avenue √
16h25
Emma avait passé le plus merveilleux des jours avec Dave. Elle avait, après le déjeuner, visité quelques coins sympathiques de la ville en compagnie du jeune entrepreneur que les new-yorkais saluaient avec grand respect quand ils croisaient son chemin. Elle ne s'était jamais tant amusée, elle qui était normalement seule quand elle se promenait dans New-York. La compagnie de cet homme s'était révélée fort plaisante.
Devant la porte d'entrée de Pamela et de son frère, elle restait hésitante à sonner, de peur que les cris et les pleurs fassent de nouveau leur apparition comme hier soir quand Julien avait violemment fracassé un vase contre le sol, dans un élan de colère. Elle aurait aimé ne pas être là en se disant que tout aurait peut-être été différent. Mais elle n'avait aucun super pouvoir et sûrement pas celui de remonter dans le temps. De toute façon, jamais elle n'aurait voulu oublier le temps qu'elle avait passé avec Dave Sherley. Ces moments avaient existé, elle ne pouvait les dédaigner.
Elle inspira fortement avant d'oser sonner à la porte. Elle attendit longtemps sur le palier sans qu'aucun bruit ne soit perceptible. Tout était silencieux et c'était plus insupportable que les cris qu'elle pourrait entendre. Elle tourna la poignée et il y eut un déclic : la porte n'avait pas été fermée. Emma s'engouffra dans l'appartement silencieusement. Il lui semblait qu'elle entrait par effraction à cause de toutes les précautions qu'elle prenait à ne pas se faire surprendre.
L'immeuble était obscur, silencieux. Les volets n'avaient pas été relevés alors qu'un grand soleil illuminait les rues new-yorkaises, faisant fondre la neige répandue sur la ville. L'atmosphère qui régnait là fit frissonner Emma. Elle assimilait toujours cet appartement aux rires, aux joies et à l'accent italien de Pamela mais jamais elle n'aurait cru que tout puisse s'évaporer comme un souffle d'air. Comme si la mort occupait ces lieux. Elle pénétra un peu plus loin dans le salon et ce qui se présenta à elle lui fit ouvrir des yeux horrifiés.
En face d'elle ne se trouvait plus le salon où elle aimait lire magazines après magazines sur le canapé, où elle aimait passer son temps à regarder sa série préférée. Elle reconnaissait à peine l'endroit. La vision d'une pièce où il fait bon vivre était maintenant très loin dans son esprit tandis qu'elle continuait à observer les lieux, comme un enquêteur à la recherche d'un éventuel indice. Elle regardait ce champ de bataille comme quelqu'un regarderait une personne morte. Il n'y avait plus rien qu'un canapé renversé, des magazines déchirés, des livres anciens parsemés dans la pièce, la couverture abîmée, des débris de verre jonchant le sol et des cartes postales de la famille qui traînaient maintenant par terre. Elle fit un pas de plus dans ce chaos ; la télévision se mit en marche : elle venait de marcher sur la télécommande.
Elle se demanda vivement ce qui s'était passé. Elle ne voulait pas penser au fait que Julien avait peut-être fait du mal à Pamela dans un excès de colère. Emma savait que Julien se mettait rarement en colère et que, comme une grenade, il explosait, il pouvait être dangereux de se trouver dans les parages. Était-ce d'ailleurs par lâcheté qu'elle s'était enfuie hier soir ? Dans son esprit, c'était clair : elle était partie parce que cette dispute ne regardait que le jeune couple. En vérité, elle se sentait mal de toujours loger chez eux. Elle avait l'amère impression de profiter d'eux.
Qu'est-ce qui la poussa à se rendre dans la chambre que partageaient normalement Pamela et son frère ? Sûrement une once de courage qu'elle ne savait posséder.
Le bruit de ses pas sur le parquet accélérait considérablement le battement de son cœur qui battait déjà à un rythme qu'elle ne pouvait contrôler. Elle se demandait ce qu'elle allait découvrir. Des pensées morbides surgirent dans son esprit sans qu'elle ne put sans débarrasser aisément. Même si elle avait voulu rebrousser chemin et sortir de l'appartement, elle n'aurait pas pu effacer toutes ces images sombres. Désormais, elle ne pouvait faire volte-face et s'enfuir. Elle poussa la porte de la chambre et ne vit rien d'anormal : aucun corps suspect et aucune trace de lutte. Le contraste était immense entre le chaos qui régnait dans le salon et la propreté de la chambre. Rien ne semblait avoir été changé de place.
La pièce qu'elle observait avait été aménagée avec soin, sûrement par Pamela. Un lit de taille immense, quelques fauteuils, un bureau en bois de chêne, une commode moderne et un immense miroir qui lui renvoyait d'ailleurs sa propre image constituaient tous les meubles. Les draps du lit n'étaient pas froissés signe que personne n'avait dormi dessus la nuit dernière. Elle déglutit. Diable, où étaient-ils ? Elle avait tellement peur maintenant comme si elle avait découvert un corps ensanglanté dans sa propre maison et qu'elle ne savait que faire à part l'observer avec effroi. Elle avait tellement d'imagination dans les moments de frayeur qu'elle arrivait à s'imaginer le sang coulant sur les joues du cadavre, les yeux presque sortir de leurs orbites. Elle se dépêcha de sortir de la chambre et se précipita dans la pièce qu'elle occupait depuis le début de son séjour.
Elle crut pouvoir finalement se détendre en regardant la merveilleuse vue donnant sur la ville animée mais le ciel qui avait soudainement viré au gris la rendit plus nerveuse que jamais. Elle apercevait à peine quelques passants dans la rue et sentit la solitude s'abattre sur elle. Elle essaya de penser à autre chose que son frère et sa petite amie qui étaient portés disparus mais sa pensée revenait inévitablement vers ce problème mais elle n'était pas capable de raisonner correctement.
Elle était sur le point d'aller chercher un verre d'eau pour se remettre de ses émotions quand elle entendit le déclic de la porte d'entrée. Elle voulait se ruer là-bas mais cela pouvait être un voleur après tout. Connais-tu de nombreux voleurs qui pénètrent par effraction dans les maisons vers quatre heures de l'après-midi ? Sans émettre plus d'hypothèses, elle se dépêcha de connaître l'identité de la personne.
A première vue, elle le reconnut à peine. Derrière des traits tirés, des cheveux anormalement en bataille, des yeux rougeâtres à force d'avoir trop pleuré ou à force d'avoir trop bu, se cachaient son frère. Elle retint un hoquet de surprise en plaçant sa main sur sa bouche. Elle le regardait sans parler, ôter ses bottes noires qu'il lança sans force dans le placard de l'entrée. Son manteau eut le même traitement : il voleta quelques millisecondes en l'air avant de rencontrer le sol. C'est en se relevant que Julien prit conscience de la présence de sa sœur. Il aurait aimé qu'elle ne puisse jamais le voir dans cet état, qu'elle ne puisse connaître l'étendue de la peine qui le rongeait à cet instant mais il savait aussi qu'Emma était la seule personne qui puisse le comprendre et l'aider.
« Julien... » Emma trouvait presque la situation embarrassante. Que devait-elle dire ?
Il osa ne pas répondre à sa sœur et la poussa – sans toutefois la bousculer – pour atteindre sa chambre. Il regretta ses gestes mais il ne pensait pouvoir mener une conversation dans la position dans laquelle il se trouvait. Sa sœur avait malheureusement une autre idée en tête. Elle le suivit jusque dans sa chambre et elle s'adressa à lui avec froideur :
« Je te jure Julien que tu vas tout me raconter, dans les moindres détails »
Il leva les yeux au ciel pour montrer sa rébellion mais resta toutefois silencieux. Il ne savait quoi dire, c'était tellement compliqué ou plutôt ça l'était dans sa tête. Les pensées s'enchaînaient dans son esprit. Il avait en plus un mal de crâne énorme et son cœur semblait battre dans tout son corps. Il s'allongea sur le lit qui sentait encore le parfum de Pamela... Il avait envie de pleurer mais il combattit sa peine.
« Laisse-moi. S'il te plaît » Tout ce qu'il voulait à ce moment, s'était un peu de calme et de solitude, elle devait le comprendre, non ?
« Tu voudrais que je te laisse alors que tu es dans un lamentable état ? » Elle ajouta d'une voix déterminée. Julien savait pertinemment qu'il ne pourrait empêcher Emma de rester avec tout l'alcool qu'il avait bu. Il sentait encore le goût désagréable de la vodka dans sa bouche mais si on lui avait proposé un autre verre, il l'aurait pris sans hésiter. Il aurait voulu noyer toutes ses pensées dans une bouteille.
« Je t'apporte un verre d'eau » Emma affirma avant de le laisser seul. Julien détestait que ce soit sa sœur qui s'occupe de lui mais dans son état, il ne pouvait pas faire grand-chose pour changer cette situation. Bordel où était Pamela ? Jamais il ne pensait faire partie de ces idiots entichés qui boivent pour oublier la femme qui s'est enfuie loin d'eux. Comment avait-il pu la laisser partir ? Il regrettait presque de ne pas avoir enfermé Pamela dans une des nombreuses chambres de cet appartement vide désormais mais il était presque sûr que c'était contre la loi. Qui donc fait ces damnées lois ? Se demanda-t-il tout en enfouissant sa tête dans le coussin du côté où il dormait normalement pour éviter de sentir l'odeur de sa petite amie et de revivre tout. Mais peine perdue : l'odeur imprégnait les deux côtés du lit.
« Tiens, avale » La voix de sa sœur le sortit de son sommeil presque comateux dans lequel il allait plonger. Il l'observa étrangement et Emma ajouta « Je n'essaye pas de t'empoisonner. C'est simplement pour faire partir le mal de tête » Il le prit sans faire plus de remarques silencieuses ; sa sœur ne devait pas être la personne à subir sa mauvaise humeur.
« Bordel, ça ne devait pas se terminer ainsi » Dit Julien simplement, observant le plafond après avoir vidé son verre.
« Que s'est-il exactement passé ? » Lui demanda sa sœur, s'asseyant sur le bord du lit pour ne pas le déranger.
« Elle s'est mise en colère parce qu'elle pense que je passe plus de temps avec mes patients qu'avec elle. Je ne la comprends pas, elle ne m'a jamais reproché de me donner à fond dans mon travail »
« Et puis, elle a ajouté que ça lui faisait mal de me voir m'occuper de tant d'enfants alors que je peux à peine consacrer de mon temps au mien. Qu'est-ce que ça veut dire ? » Emma haussa les épaules, elle se sentait embarrassée de connaître la réponse et ne pas pouvoir la révéler à Julien mais ce n'était pas à elle de lui apprendre la nouvelle.
« Peut-être que c'est juste sous l'effet de la colère ? »
« Non, ce n'était juste ça. C'était comme si elle voulait me passer un message qu'elle voulait que je décrypte moi-même » Dit-il en se remettant à la contemplation du plafond. Emma était inconfortable et le silence l'incommodait. Elle aurait pouvoir aider Julien à découvrir la réponse à sa question mais c'était comme si l'esprit de Pamela se trouvait dans la pièce et l'empêchait de parler. Elle savait que son frère devait regagner le cœur de la jeune femme tout seul, sans son aide. Alors, quand elle ne sut quoi faire de plus, elle se leva et sortit de la chambre tandis que Julien murmurait inlassablement la même phrase « Je n'aurais jamais dû la laisser partir »
New York, New York-PresbyterianHospital
00h30
Daisy. Il était encore allé la voir ce soir-là et elle lui avait semblé plus fragile que jamais, tenant dans ses mains sa peluche familière que Dave lui avait apportée de la maison. Ils avaient parlé une bonne heure, de tout et de rien comme si elle ne se trouvait pas dans un hôpital, comme si la mort ne rôdait pas au tournant. Si Dave avait aperçu la faucheuse, il ne se serait pas seulement retenu de lui montrer son majeur. Il lui aurait rappelé à quel point elle avait détruit sa vie, emportant d'abord sa sœur et voulant maintenant emmener sa nièce. De quel droit pouvait-elle commettre autant de crimes infâmes sans être punie ? Pour un peu, Dave l'aurait traînée en justice et l'aurait emprisonnée dans une des meilleures prisons pénitentiaires de toute l'Amérique. La Mort est le pire des criminels. Elle frappe quand elle veut et s'attaque aux plus fragiles de constitution.
Daisy n'avait pas pleuré quand il avait dû lui apprendre la nouvelle de l'opération. Elle avait seulement hoché de la tête comme si elle l'avait su d'avance. Dave n'avait jamais compris d'où lui venait toute cette maturité d'esprit. Etait-ce parce qu'elle avait perdu sa mère dans sa jeunesse qu'elle comprenait que la vie ne tenait à pas grand-chose ? Ou était-ce parce qu'elle ne voulait pas montrer ses sentiments à Dave, ayant trop peur de lui faire du mal ? La fillette savait que son oncle n'avait pas eu une vie facile. Elle savait aussi qu'il avait dû se relever à chaque mauvais pas. Tout le monde traverse des passes plus difficiles que d'autres mais peu avait connu l'enfer de Dave. Il avait d'abord perdu sa sœur ce qui l'avait amené à couper les ponts avec son ancienne famille. Il se considérait quelquefois orphelin parce qu'ainsi, il ne se sentait plus obligé de se sentir mal à l'aise de faire subir à ses parents son éloignement. Et maintenant, c'était au tour de Daisy. Depuis quand la vie de Dave s'était-elle mise à tourner en sa défaveur ? Depuis quand vivait-il dans la peur constante d'une nouvelle tristesse ? Le jour où il avait eu la garde de Daisy – il contrôlait déjà son entreprise – il s'était senti faible et anéanti, ayant peur que l'histoire se répète inlassablement. C'est tellement plus facile de ne pas avoir à entretenir une relation avec quelqu'un, tellement plus simple de ne pas aimer les autres pour ne pas se sentir triste une fois que leur disparition pèse. Cette explication éclairait tout : Dave ne s'entichait de personne pour ne pas souffrir. Il faisait maintenant une exception pour Daisy. Et peut-être pour Emma ?
Emma. Il avait eu ce nom en tête toute la journée mais il n'arrivait pas à expliquer pourquoi. Elle le fascinait. Ce n'était pas juste une femme qui jouait avec lui durant une nuit. C'était la seule femme dont il se sentait capable d'aimer sans se permettre de souffrir. Il voyait encore la nuance de ses yeux, la forme de sa bouche claire, ses longs cheveux roux chatoyants sous le mince soleil de l'après-midi, ses mains qui ne cessaient de trouver leur place dans les poches d'un manteau marron démesurément grand pour sa fine taille. Il se rappelait le son de sa voix, l'accent français qu'elle essayait vainement de cacher mais qu'elle ne pouvait totalement dissimuler. Il imaginait sa présence près de lui, assise sur cette chaise d'hôpital à le réconforter. Etrangement, ça le rassurait de se dire qu'il pouvait encore compter sur quelqu'un si tout se passait mal. Il avait vécu trop longtemps seul. L'image même de sa chambre vide le révulsait et le rendait malade de peur.
Combien de temps resta-t-il à contempler les nuances sombres du café que contenait son gobelet en plastique ? Il ne le sut pas, et, perdu dans ses pensées, il n'entendit pas des talons claquer sur le marbre de la cafétéria de l'hôpital suivis de pas feutrés. Si seulement il avait fait attention aux bruits, il se serait réfugié ailleurs.
« Dave » C'était cette même voix familière qui faisait revivre en lui tant de souvenirs qu'il avait rejetés au loin pour ne pas souffrir et surtout pour ne pas revivre. Pourquoi étaient-ils ici ? Dave n'avait absolument pas besoin d'eux dans sa vie. Il ne se retourna pas pour les dévisager et ils furent donc obligés de le contourner. Les yeux fixés sur sa tasse de café amer, il ne daigna pas les regarder.
« Dave, regarde-moi » Bordel, aurait-il voulu hurler mais il savait qu'il obtiendrait les foudres de ses parents. Il se contenta d'observer plus attentivement son gobelet ce qui eut le don d'excéder sa mère. « Dave je t'ordonne de me regarder quand je te parle » Il n'aimait pas quand sa mère se mettait à hausser la voix. Il n'osait toujours pas lever la tête. De quoi avait-il peur ? Etait-ce de voir que des rides venaient de prendre possession du visage maternel ? Il savait que les traits tirés qu'il verrait lui rappelleraient les années qu'il avait gaspillées. Il ne voulait aucun rappel du temps qui s'était écoulé depuis qu'il avait quitté le cercle familial mais il ne put s'empêcher de lever les yeux.
Dave n'aurait pu dire que c'était la même figure maternelle qui se tenait devant lui et celle dont il se rappelait. Il la reconnaissait à peine. Ses cheveux formant de jolies boucles sur le dessus de sa tête étaient normalement teints en blond clair. Pourquoi arboraient-ils maintenant un gris si maussade qui rappelait à Dave le ciel froid de l'hiver ? Il s'aperçut vite que les pommettes saillantes de sa mère n'étaient plus qu'un lointain souvenir, ravagées par les rides et que ses yeux ne reflétaient plus que de la tristesse. La dernière fois qu'il l'avait vue si abattue, c'était à l'enterrement de sa sœur. Sa mère était vêtue d'une jupe vert pomme descendant jusqu'à ses chevilles et d'un haut de la même couleur. Le manteau qu'elle avait coincé sous son épaule n'avait pas changé : c'était toujours ce vieux pardessus long qu'aimait Dave quand il était encore enfant. Il s'amusait souvent à l'endosser et à se promener ainsi dans la maison accompagné des rires de sa sœur. Cet accoutrement vert qu'elle portait ce jour d'hiver ressortait étrangement sur le blanc immaculé des murs de l'hôpital.
Le père de Dave, contrairement à sa mère, se tenait derrière elle comme s'il était gêné de se retrouver ainsi devant son fils. Il possédait une haute carrure qui intimidait ses interlocuteurs durant des débats animés mais aujourd'hui il semblait faible et transformé comme si on avait aspiré toute trace de vie sur son visage.
Son crâne, anciennement couvert de cheveux denses et bouclés, était maintenant aussi luisant que le carrelage de l'hôpital comme s'il s'était offert une nouvelle coupe hier. Son visage était lui aussi marqué par le temps même si les rides étaient plus discrètes, seulement visibles au coin de ses yeux sous forme de pattes de mouche quant à ses yeux, l'éclat était moins brillant qu'autrefois, quand il faisait sauter ses enfants sur ses genoux. Cela avait presque quelque chose de comique dans le fait que son père se montre si faible dans cette situation lui qui avait l'habitude d'affronter avec hauteur les aléas de la vie.
Les traits fatigués peints sur les deux visages ne passèrent pas inaperçus aux yeux de Dave. Il aurait aimé pouvoir les consoler mais il ne savait que dire. La mort de Lily les avait tous transformés et les avait tous menés à creuser plus profondément leur tombe. Enfin, c'est ce que pensait Dave en les regardant.
« Que faites-vous ici ? N'étiez-vous pas sensés fêter Noël et le Nouvel An en France, avec vos amis ? » Demanda Dave sarcastiquement. Il savait qu'à cette période de l'année, ses parents s'envolaient pour leur villa située en France où ils réveillonnaient avec tous les amis qui pouvaient se payer une maison dans ce pays. Pourquoi étaient-ils ici ?
« Quand on a appris la nouvelle, on a aussitôt accouru ici. Pauvre petite, ce n'est pas un Noël pour elle... »
« Ca n'a jamais été Noël depuis qu'elle est partie et vous le savez bien. Comment pouvez-vous encore festoyer à cette période de l'année ? » Il accusait ses parents d'avoir le courage de fêter Noël alors que c'était une des nuits suivant cette fête que le drame avait eu lieu.
« Nous arrivons à réveillonner parce que nous savons que c'est ce qu'elle aurait désiré. Elle n'aimerait pas nous savoir tristes » Articula difficilement la mère de Dave « Mais ça ne nous empêche pas de pleurer encore sa perte et de lui accorder nos prières » Ajouta Caitlyn avec émotion. Dave savait que sa mère était encore profondément pieuse. Quand il était petit, elle les emmenait sa sœur et lui à l'église du quartier. Son père ne venait jamais, ne croyant pas à 'ces fadaises'. Il se rappelait la senteur des bougies fondues, de la lumière traversant les vitraux qui formait de petites lueurs colorées sur le sol de l'église, de l'orgue résonnant et de la voix du prêtre qui ramenait à lui tous les moutons égarés. Le petit Dave aimait la quiétude et le calme qui régnait dans la petite bâtisse de pierre. Pendant le temps de la messe, ses yeux fixaient le corps de Jésus crucifié sur la croix, une statue plus grande qu'un humain et qui l'impressionnait toujours. Il n'avait jamais compris pourquoi aucune douleur n'était peinte sur le visage de Jésus. Mais aujourd'hui, il ne comprenait plus le culte tant sa douleur était grande et ses yeux aveuglés. Il ne se rendait plus à l'église et ne priait plus le soir comme il en avait l'habitude auparavant. Il avait perdu toute foi. Il était persuadé intérieurement que croire en quelqu'un ne l'aiderait pas.
« Tu crois encore à ces 'foutaises' ? Crois-tu vraiment qu'il existe un autre monde où Lily nous observe ? Je ne comprends pas comment tu peux encore croire en ça alors qu'on t'a enlevé ta seule fille injustement » Il vit que sa mère était blessée mais il ne fit rien pour changer ses propos.
« Il l'a rappelée à lui parce que ça devait se passer ainsi »
« Bordel, ouvre les yeux ! Est-ce que le Seigneur t'a seulement apporté un peu de bonheur dans ce monde ? » Caitlyn se vit obligée de baisser les yeux en direction du sol. Elle ne reconnaissait plus son fils. Où était passé son petit bout de chou qu'il lui demandait chaque soir de venir lui lire un conte puis le border ? Où était l'enfant qui se réfugiait dans leur lit quand il entendait le son tonitruant des orages au loin ? Il lui semblait que ce n'était plus le fils qu'elle avait éduqué et chéri qu'elle avait devant lui mais un parfait étranger. En tant que mère, cela lui faisait mal d'affirmer ses propos secrets mais elle devait se rendre à l'évidence : elle ne faisait plus partie de sa vie. Que savait-elle vraiment de lui ? A part les articles sur cet homme puissant qui paraissaient dans les journaux qu'elle découpait soigneusement avant de les ranger dans une boîte métallique qu'elle cachait sous son lit, rien. Que faisait-il en dehors du travail ? Avait-il des amis, une petite-amie ? Caitlyn n'en savait rien et elle mentait à ses propres amies quand celles-ci lui demandaient ce que devenait le petit Dave. 'Il va très bien mais il est fort occupé avec tout son travail' Disait-elle quand sa voisine qui avait connu Dave enfant la questionnait pour savoir quand il viendrait leur rendre visite à Seattle. Depuis la mort de Lily, il n'était pas venu une seule fois comme s'il avait décidé de ne plus participer aux réunions de famille. C'est ce qu'il avait fait.
« Ne crie pas sur ta mère » Son père apparut à côté de sa mère, légèrement énervé. Il savait que le caractère impulsif de Dave et celui entêté de Caitlyn ne faisait pas bon ménage et il se sentit obligé de les séparer. « Nous sommes épuisés. Nous avons voyagé toute la journée et ta mère et moi nous ne voulons pas passer notre temps à nous disputer avec toi » Dave observait son père dans son complet. Dans toutes les situations, il portait une cravate bleue (une preuve irréfutable d'après lui pour montrer qu'il était du côté des républicains) et une chemise blanche. Cette façon d'être toujours élégant et présentable exaspérait Dave. Il n'avait jamais vu son père pas rasé de près ou porter autre chose que ces éternels costumes de politicien. Même le dimanche alors qu'il restait toute la journée enfermé dans la maison à lire des documents en fumant un cigare, il préférait s'habiller élégamment si jamais quelqu'un passait à l'improviste.
« Qui vous a informé ? » Demanda Dave suspicieux. Qui pouvait avoir le culot d'annoncer à ses parents cette nouvelle ?
« Ta secrétaire. Nous voulions te souhaiter un joyeux Noël alors nous avons appelé à ton bureau parce que c'est là-bas que tu passes la majeure partie de ton temps » Dans la bouche de sa mère, ça sonnait comme un reproche « Naturellement tu n'étais pas là. J'ai donc demandé où je pouvais te joindre et elle m'a simplement dit que tu te trouvais à l'hôpital. Il ne nous a pas fallu beaucoup de temps pour comprendre ce qui se passait. Tu comptais nous tenir au courant ? » Sa mère avait dit tout ça d'une traite, évitant à Dave d'analyser tous ses propos.
« Non » Répondit-il franchement. Il ne savait pas pourquoi mais il n'aimait pas que ses parents rencontrent souvent Daisy. Etait-ce pour leur éviter de revoir leur fille dans les traits de leur petite-fille ? Il revivait encore cette soirée. Ce terrible soir où elle les avait quittés.
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Que pensez-vous de la terrible altercation entre Pamela et Julien ? Des parents de Dave qui arrivent sans prévenir ?
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