88

Elle

21:00.

-Papa je ne peux pas ! Gueulai je.

-Sofia, calme toi ma puce. Tu dois y aller, c'est pour toi qu'on fait ça.

-Papa, je n'aurais jamais le courage de me présenter devant eux, et s'ils continuent?

-Il y aura la principale, la psychologue scolaire, Nadia, et bien sûr moi. Tu n'as aucun soucis à te faire, personne ne tentera rien et ils savent tous qu'ils risquent la prison si tu décides de porter plainte contre eux.

Je soupirai. Je ne savais pas si je voulais. Ça allait être dur pour moi. De revenir au lycée après tout ce qui s'était passé.

Mais si c'était juste pour quelques minutes, je pouvais bien faire cet effort.

-Bon, j'accepte, mais pour quelques minutes, cédai je.

Il me sourit. Il me prit dans ses bras et j'acceptai son étreinte.

-Je te promet que tu ne souffriras plus, tant que je serais sur terre tu ne souffriras plus Sofia, tu m'as bien entendu?

-Oui papa, dis je en le regardant droit dans les yeux.

Je resserrai notre étreinte. Je voulais tout sauf souffrir comme je l'avais fait et comme j'essayais de ne plus le faire.

...

09:10.

J'avais trouvé la force de me lever, de me préparer, de manger et d'arriver jusqu'au lycée, accompagnée de mon père et de Nadia.

C'était un putain d'effort que j'avais fait. Un gros effort de ma part. Je n'étais pas sereine et ne savait pas ce qui m'attendait derrière cette porte, mais je savais que je devais la traverser.

Mon père m'avait répété que je devais rester calme et que tout allait bien se passer. Je tenais la main de Nadia fortement.

Mes trois objectifs étaient simplement cela : ne pas pleurer, ne pas paniquer, et simplement écouter et si besoin répondre.

La principale arriva à nos côtés. Elle me sourit en saluant mon père et Nadia. Elle me salua juste après, Jena suivit.

-Bon écoutez mademoiselle Jamora, tout va bien se passer, nous avons juste besoin de votre accord sur certaines choses, ça ne sera pas long.

J'acquiesçai.

-Ça va? Me demanda Jena.

-Ça devrait aller oui, répondis je.

-Ne t'inquiètes pas, n'oublies pas mes conseils, dit elle en me touchant l'épaule.

Comment les oublier quand c'était les seules choses que je pouvais faire en cas de stresse.

La principale fit d'abord son entrée dans la pièce suivie de mon père et Nadia. Je pus voir les élèves se lever et je compris que c'était à mon tour de rentrer.

Je ne regardais personne, juste le sol. J'avais trop honte de regarder les gens autour.

Ça faisait si longtemps que je ne les avais pas vu que je ne préférais pas les revoir.

La principale parla aux élèves pour leur expliquer la situation. Elle s'adressa soudainement à moi ce qui me força à lever la tête vers elle.

-Bon alors Sofia est-ce que vous confirmez que les élèves encore debout son bien ceux qui ont été acteurs de votre harcèlement ?

Je les regardai un par un. Ella était aussi debout. J'étais choquée qu'elle soit debout d'ailleurs, en même temps pas tant que ça.

-Si ils se sentent coupables je pense que oui, c'est eux, dis je simplement en regardant la principale.

-Bon, très bien. Maintenant vous savez qu'il n'en tient qu'à Sofia de votre sort, mais sachez que dans tous les cas, une sanction lourde vous sera donnée car vous savez que nous méprisons ce genre d'attitude dans ce lycée. Donc Sofia, vous avez le choix entre porter plainte contre eux, ou imposer le conseil de discipline qui ira même peut-être jusqu'au renvoi si les accusations sont trop graves.

Très franchement, j'avais longuement réfléchi à la réponse que je donnerais à ce moment là.

-Je ne veux pas poster plainte contre eux, ni même imposer le conseil de discipline, dis je.

Un « quoi » se fit entendre. Même les principaux concernés ne comprenaient pas.

-Attendez Sofia, vous êtes sûres ?

-Écoutez, même si je porte plainte contre eux, qu'est-ce que ça va m'apporter ? Ça n'effacera pas ce qu'ils m'ont fait, ça n'effacera pas la souffrance que j'ai pu endurer a cause ou non d'eux. Et je ne vois pas en quoi me venger m'apportera plus. Je pense qu'ils devraient simplement un jour se poser des questions sur ce qu'est réellement le harcèlement. Ce que ça fait d'être persécuté à longueur de journée, ce que ça fait d'être touchée par des garçons qu'on ne connaît pas, quand on s'est déjà faite violer auparavant, les larmes menacèrent de sortir. Quand on a dû supporter notre première rupture, quand on a dû faire semblant d'aller bien alors que rien n'allait. En fait personne à part les gens qui l'ont vécu, ne peut comprendre ce que ça fait de voir sa vie s'effondrer devant soi en un claquement de doigts. Personne ne peut le savoir. Il faut le vivre pour savoir. Alors non, je ne ferais rien contre eux, parce que je sais qu'en moi, je ne serais jamais satisfaite de ce que j'ai fait, ça ne serait pas une victoire car la vraie victoire, c'est de réussir à surmonter tout ça, c'est de réussir à se relever. Et j'appelle toutes les personnes coincées dans le harcèlement à en parler, à ne plus pleurer dans votre coin. A en parler des adultes, ou à des gens qui pourront vous aider, parce que j'ai pu tomber assez bas depuis tout ça, et je sais ce que ça fait d'avoir envie de tout arrêter. Et je vous demande de ne pas le faire parce que je pense qu'on a tellement à vivre, tellement a encore essayer dans la vie, on mérite tous de vivre, et on mérite aussi tous peut-être une justice. Alors pour moi ma justice, c'est que toutes les personnes concernées réfléchissent à ça, et se mettent à la place des gens avant de leur faire subir des choses atroces.

J'essuyai mes larmes qui avaient réussi à se donner un chemin sur mes joues.

Mon père me frotta le dos en me disant que j'avais bien parlé. Jaden me fit signe que j'avais assuré.

La principale n'avait rien à dire et les élèves avaient l'air bouche bée. Ella baissait la tête et j'avais compris qu'elle se sentait un peu concernée par ce que j'avais dit.

Ça me faisait bizarre de voir que Ella avait participé à mon harcèlement, elle était donc allée jusque là ?

C'était vraiment triste. Voyant qu'il n'y avait plus rien à dire, la principale nous fit sortir.

J'arrivai devant la porte et soupirai.

-Tu as bien répondu Sofia, je suis fier de toi, m'encouragea mon père.

-Oui tu as fait le bon choix et un beau discours, dit Nadia.

-Bon si tel est votre décision Sofia, je ne peux que la respecter, nous vous attendons donc pour les examens de fin d'année ?

-Oui, uniquement pour ça, dis je.

-Très bien alors révisez bien, bonne chance Sofia.

Je la remerciai et décidai de suivre mon père et Nadia vers la voiture.

J'avais relevé un défi, j'étais venue pour témoigner de ce que j'avais vécu, et maintenant ça allait peut-être aider certaines personnes sûrement visée par le harcèlement scolaire.

...

09:30.

J'étais sur mon ordinateur en train de regarder les places restantes pour mon école d'ingénieurs à Boston.

Je n'avais pas oublié mon objectif de l'année et continuais à regarder pour intégrer cette école qui était la clé de mon avenir. Pour ce qui était de vivre là-bas, j'allais en discuter avec mon père, je n'étais pas prête à quitter la maison mais si je n'en avais pas le choix, il faudrait que je le fasse.

Les inscriptions n'étaient pas encore clôturées et j'avais encore un peu de temps pour envoyer mon dossier. J'espérais que malgré les petites baisses que j'avais connu durant cette année, ils allaient m'accepter.

Les critères les plus importants étaient les notes, et ils n'acceptaient pas les femmes enceintes, ça veut dire qu'on pouvait très bien ratées son année à cause de ça.

Il n'y avait pas d'inscriptions valables à partir de Janvier, il fallait attendre de Septembre à Septembre.

C'était assez exigeant je trouve. On toqua à ma porte et je permis à la personne d'entrer.

Je vis mon père chanter avec un mini gâteau dans la main, suivi par Nadia qui portait un chapeau fantaisie.

Mes 18 ans. Ils finirent de chanter et je les applaudis.

-Allez fais un vœu et souffle, dit Nadia.

Je fis ce qu'elle me dit. Mais gardais bien précisément pour moi le vœu que j'avais fait.

-Regarde ce qu'on a fait pour toi, dit mon père en demandant le cadeau à Nadia.

Je le pris et l'ouvris. A première vue, c'était un livre avec mon prénom. Cool.

Je l'ouvris et découvris une photo de ma mère et moi, à ma naissance.

Les larmes menacèrent de couler. C'était tellement émouvant.

Je tournai les pages et pus voir tout le déroulement de ma vie. De mes premier pas, à la mort de maman, puis quand papa a pris la relève, et quand Nadia a commencé à le faire. Quand j'ai appris à faire du vélo, puis quand je suis rentrée à l'école secondaire, puis quand j'ai eu mon diplôme de l'école secondaire, jusqu'à ce que j'arrive au lycée. Ma rencontre avec Ella, et pour terminer, une photo de Justin et moi.

Il n'y avait plus aucune photo après cela.

-La suite c'est à toi de l'inclure, dit mon père.

Je regardai l'album et me mis à pleurer. Je sentais la nostalgie montée en moi. C'était si touchant, et à la fois...

Je n'avais plus les mots pour décrire tout ça.

Mon père et Nadia me prirent dans leur bras. Je les remerciai, parce qu'ils avaient dû prendre du temps pour faire cet album.

Je les remerciai pour tout, et surtout d'être là pour moi quand j'en avais besoin.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top