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Elle
19:30.
J'étais en train de préparer mon discours pour le lendemain. C'était le lendemain que j'allais prononcer mon expérience du harcèlement.
J'étais anxieuse, je l'avais fait devant mes proches, la psychologue, même si ça c'était avéré dur. Je devais prendre mes responsabilités, c'était pour mon bien à moi.
J'étais inspirée et écrivais beaucoup, c'était bien en tout cas.
Mon père toqua et entra tout doucement.
-Chérie, on va manger, dit il.
-D'accord j'arrive.
Il me sourit et s'en alla. J'avais encore du mal, ça allait être dur avant que je me réhabitue à tout, mon quotidien, que je me reconstruise, ça allait être infernale.
Mais j'avais confiance en moi, enfin c'était ce que je voulais me faire croire, et je pourrais réussir à finir mon année de terminale.
Juste cette dernière année.
Je descendis et trouvai mon père et Nadia autour de la table en train de discuter. Je les rejoignis.
-Alors qu'est-ce que tu faisais avant que je vienne ? Demanda mon père.
-J'écrivais mon témoignage...
-Ça va aller ? Demanda Nadia.
-Je n'ai pas trop le choix, je veux le faire pour m'en libérer. C'est dur pour moi.
-On sait mon ange mais Nadia et moi on s'est promis de toujours avoir un œil attentif sur toi, si tu nous promets que tu nous diras toujours tout à présent.
-Oui, dis je. En parlant de tout se dire, j'ai appelé Justin récemment...enfin bon...c'était avant mon accident.
-Ah bon? Et comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit ? Dit Nadia.
-Il m'a raccroché au nez quand il a su que c'était moi....
-Oh...je...dit mon père.
-Il n'y a rien à dire, il ne veut plus me parler c'est clair et net. Je vais avoir beaucoup de mal à l'oublier...
-Il faut que tu arrives à passer à autre chose, car après ton discours de demain, la chose la plus compliqué à devoir oublier après ton viol, ça sera Justin.
-Je sais, mais je refuse de l'oublier.
Ils se regardèrent entre eux.
-Déjà fais l'essentiel, fais ce discours, essaies de remonter la pente niveau scolaire durant ces vacances, et oublies toute cette histoire de harcèlement. Et je pense que tes séances chez la psychologue scolaire vont t'aider, dit mon père.
C'était vrai que c'était les vacances scolaires à la fin de la semaine.
-Ton père a raison, il faut que tu arrives déjà à faire ça, et même si Justin sera un problème omniprésent, essaies de le mettre de côté.
Je soupirai longuement. Oublier Justin, mettre de côté Justin, j'avais l'impression que j'étais la seule à voir que c'était mon premier amour.
Mais je devais faire comme il m'avait dit, c'était plus simple pour tout le monde.
...
08:55.
Il restait 5 minutes. J'étais stressée, totalement stressée.
Allaient ils m'écouter? Allaient ils porter attention à ce que j'allais leur dire? Je n'en savais rien.
Mais je devais le lancer, car la vie se résumait à ça, se lancer.
Je tremblais. Tout le lycée était dans le gymnase et j'avais peur à l'idée de me présenter devant tout le monde pour énoncer des choses qui m'avaient marqué, que le lycée m'avait fait subir.
Mon père et Nadia étaient dans le public. Ils m'avaient assuré que tout se passerait bien. Et je devais les croire.
La principale s'en alla pour ouvrir ce jour spécial.
Je récitais sans cesse mon texte et j'avais peur de l'oublier, pourtant je n'avais même pas besoin de l'apprendre.
J'entendis les premières personnes appelées, je savais que je passerais en dernière car je m'étais inscrite en dernier recours.
Si seulement Justin était là pour voir ça...
Je m'asseyais sur une chaise décompresser. Il fallait que je sois positive. Mais c'était dur quand plus de la moitié des élèves présents nous avaient craché à la figure les dernières semaines.
Je soupirai plusieurs fois d'affilée, pour me redonner confiance. Je le faisais pour moi, pour mon père, pour Nadia, pour ma mère, et pour les gens qui ont peur de s'exprimer et qui se font harceler.
On appela soudainement mon nom. Je soufflai un bon coup et regardai droit devant moi. Malgré mon plâtre et mes pansements, j'avais réussi à me faire présentable.
Mais mon corps n'était pas tranquille, face à tant de regard. J'ouvris la porte et avançai vers la scène sans regarder autour de moi.
Ce lycée m'avait beaucoup trop harcelé, en particulier les gens de ma classe. Il était temps de mettre un point final à tout ça, sans procéder au suicide.
Je m'installai devant le pupitre, et eus enfin l'audace de regarder le public. Les gens souriaient, attendaient, et même parfois ricanaient.
Je cherchai mes proches des yeux, c'était eux qui allaient m'aider. Je les vis le sourire, en me mimant que tout allait bien se passer.
Et je ne savais pas si le fait que mon père était un personnage important allait me sauver des moqueries cette fois-ci.
Je soufflai un bon coup, puis une larme coula le long de ma joue. Pas maintenant Sofia.
Je toussotai.
-Bonjour...je m'appelle Sofia Jamora, débutai je. Je suis en Terminale ES dans ce lycée, Georges Washington, de Los Angeles. Je vais bientôt avoir 18 ans, et j'ai vécu toute ma vie dans cette ville. Bon, je pense que je vais vous passer les détails inutiles, parce que aujourd'hui je ne veux pas vous parler de tout ça, mais d'un seul et même sujet.
Des gens riaient en me critiquant sûrement ce qui me déstabilisait. Je baissai la tête et serrai mes poings. Je ne savais pas si j'allais y arriver.
-Donc si je suis ici aujourd'hui, c'est pour vous parler du harcèlement, dont j'ai été victime ces dernières semaines, dis je dubitative. Le harcèlement c'est...je marquai une pause.
Personne ne m'écoutait réellement. Et je me sentais humiliée, profondément humiliée.
Une vidéo fut soudainement projetée derrière moi. Je me retournais et vis la photo qui m'avait poussé au suicide, celle qui avait marqué le début de tous mes problèmes.
La photo que Ella avait reçu.
Les gens riaient et cela me faisait mal. J'avais l'impression de ne pas être respectée. Et c'était ce que j'étais, je n'étais pas respectée par les gens en face de moi.
Je regardai mon texte mais les larmes brouillèrent ma vue. Je n'allais pas y arriver, c'était trop dur.
La photo affichée derrière moi était la goutte d'eau qui avait fait débordé le vase, j'étais anéantie.
Je descendis de là où j'étais et partis en courant hors du gymnase.
Je courus vers les toilettes. Je m'y enfermai puis me mis à pleurer. Tout remontait à la surface d'un coup, le viol, la rupture, le harcèlement...tout. J'avais l'impression que je n'avais réellement plus ma place dans ce monde.
Qui avait projeté cette photo ? Comment cette photo était arrivée jusque là ? J'en voulais profondément à Ella.
J'allais faire un discours que personne n'allait écouter, et je me sentais mal car cela prouvait que les gens n'avaient aucune considération envers moi, qu'ils me considéraient même pas comme une personne normale avec des sentiments.
Et le pire, le pire des pires, c'était cette photo, cette photo qui m'avait totalement découragée.
Ma salive restait coincée dans ma gorge asséchée. Les larmes coulaient abondamment sur mon visage, me l'abimant.
J'entendis mon père frapper à la porte, et il n'était pas seul.
-Sofia ouvres ! Dit il.
-Non, dis je à bout de souffle.
-Sofia, s'il te plaît, dit Nadia.
-Pour qu'ils se moquent tous? Non. Je n'y arriverais pas. Et cette photo vous l'avez vu non? C'est impossible pour moi.
-Sofia on va s'en aller, et je te jure qu'on port...
Je sortis des toilettes brusquement.
-Est-ce que vous savez ce que c'est de rompre avec une personne qui nous ait chère ?! Est-ce que vous savez ce que c'est de devoir subir la pire des choses qui puissent nous arriver dans notre vie par le meilleur ami de son propre petit ami? Est-ce que vous savez ce qu'est que le harcèlement hein? Vous le savez ? Les photos qui tournent sur les réseaux sociaux ? Les demandes déplacés et les attouchements qu'on subit à longueur de journée ? Et puis cette photo, cette photo qui a gâché toute ma vie ! Non vous ne savez pas ! Et je refuse de devoir m'expliquer devant 3000 élèves qui n'en ont sûrement rien à faire vu que c'est eux qui sont responsables de ce qui m'arrive ! Vous m'entendez ? C'est trop dur pour moi.
Je partis en direction de la sortie en pleurant. C'était au dessus de mes forces.
Totalement au dessus.
Ma vie s'avérait meilleure, mais elle était pire. Elle était beaucoup pire. Et cette photo avait tout relancée. Et je n'avais qu'une idée en tête, en finir une seconde fois.
Je rentrai dans la voiture et cherchai l'arme de mon père dans la boîte à gant.
Je m'enfermai dans la voiture et pointai l'arme chargée vers ma tête.
Nadia et mon père arrivèrent en courant et m'ordonnèrent d'ouvrir quand ils me virent avec l'arme.
-Sofia s'il te plaît ne fais pas ça ! Cria mon père.
-Pourquoi !?
-Parce que tu ne mérites pas ça, tu ne mérites pas de finir comme ça ! Dit Nadia.
-Si, vous avez vu la photo, ils l'ont tous vu, et maintenant je ne vois pas pourquoi je resterais dans ce monde !
-Sofia réfléchis, est-ce que ta mère serait heureuse de te voir faire ça ? Dit mon père au bord des larmes.
-Papa laisses maman où elle est !
-Sofia, mon bébé, ma chérie, je t'en supplie ne m'abandonnes pas, j'ai besoin de toi mon cœur, tu es tout ce qu'il me reste, je ne veux pas te perdre s'il te plaît. Penses à moi, penses à Justin, pens...
-JUSTIN N'EN A PLUS RIEN A FAIRE DE MOI !
-Sofia s'il te plaît, ne me fais pas ça, pas à moi. Tout s'arrangera, on partira s'il faut, on trouvera une solution, mais s'il te plaît ne m'abandonnes pas....
Nadia pleurait aussi. Je finis par lâcher l'arme et par ouvrir les portières en m'effondrant.
C'était trop dur pour moi, même si j'avais abandonné ma deuxième tentative, je n'étais pas sûr de pouvoir continuer normalement.
Mon père et Nadia me prirent dans leur bras.
Mais est-ce que les bras suffisaient ? Est-ce que le réconfort de mes proches allaient arrêter tout ce que je vivais?
Cet enfer.
—
Bon les gars on arrive bientôt au 10 k vues ❤️ merci vraiment 🔥
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