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Elle

11:30.

J'étais définitivement hors de moi. Je n'agissais plus par réflexion.

L'alcool s'était mélangé à mon sang, tout ça parce que je ne savais plus comment agir.

Les dernières semaines avaient été éprouvantes pour moi, et même très dures, et j'en avais marre de souffrir.

Devais je en finir? Ou devais je me laisser une dernière chose pour mettre fin à tout ça ?

J'avais besoin d'aides. Je déglutis fortement et pris mon téléphone. Mon cœur battait à 100 à l'heure.

Ce que je faisais était une chose que je n'avais pas osé faire depuis assez longtemps pour que je le fasse ce jour-là.

Je composai son numéro et attendis. Ça sonnait. Ça sonnait. Mais personne ne décrochait.

Je réessayai une seconde fois, puis une troisième, puis une quatrième, jusqu'à ce que j'entende au moins un semblant de voix, juste ça, au moins ça.

Après plusieurs tentatives d'appel, je voulus abandonner. Mais peut-être que si je tentais une dernière fois, ça allait fonctionner.

Alors je pris le téléphone et appuyai une nouvelle fois sur son numéro.

Et comme si le monde m'offrait une trêve, j'entendis sa voix. Sa voix douce et puissante. Sa voix apaisante et rauque.

La voix de Justin. Mon cœur ne cessait de battre rapidement. J'avais l'impression que c'était un rêve mais il était bien en train de me parler.

-Jaden? Réussit il à dire.

-Non...Justin...c'est...Sof...bégayai je.

-Sofia?

Je voulus dire oui mais j'entendis les bip de fin d'appel. Je n'arrivais pas à le croire. J'avais besoin de lui et il me raccrochait au nez.

Je déglutis amèrement. C'était un couteau qu'on m'enfonçait dans le cœur là. Je commençais à comprendre que je ne pourrais même pas compter sur l'aide de Justin vu qu'il refusait de me parler.

Et je comprenais ça amèrement, très amèrement.

J'avais envie de pleurer à nouveau, et même si j'essayais de me retenir les larmes coulaient toutes seules.

Je compris que j'allais devoir compter uniquement sur moi-même. Si j'en parlais à la principale, qu'allait elle dire? Allait elle prendre le problème au sérieux ou allait elle laisser passer en me disant que ça allait s'arranger ? Je ne préférais pas exposer mes problèmes à la principale.

Je pleurais sans m'arrêter. J'avais pu être là quand Ella a eu ses déceptions amoureuses, et maintenant que j'en vivais une, je sentais à quel point était douloureux, surtout que c'était dans ces moments là qu'on se rendait compte à quel point la personne comptait pour nous.

Et là c'était comme une gifle qui m'arrivait en pleine figure, Justin avait réellement voulu en finir, il voulait vraiment que je l'oublie pour de bon.

Je n'étais pas sûre de m'en remettre. Après plusieurs minutes à pleurer, je pris une décision assez intelligente pour moi.

Je ne pouvais parler de mes problèmes à personne, je décidai de me confier à ma mère. C'était la seule personne capable de m'écouter sans me juger, et c'était aussi le seul soutien que j'avais à l'heure actuelle.

Donc je pris une veste et enfilai des baskets. Je pris un sac, une feuille et un stylo. Je pris de l'argent pour acheter un bouquet en route puis sortis de la, maison.

Le temps était maussade et ne donnait pas envie de mettre les pieds dehors. Autrefois je serais surement restée chez moi à regarder un film avec Ella ou en train de m'occuper de Justin chez lui, mais là, j'allais voir ma mère pour me confier, me confier sur ma situation.

Je marchais jusqu'au cimetière qui se trouvait non loin du lycée. Un dimanche matin pour aller voir sa mère, c'était tout ce qu'il y avait de plus normal.

J'arrivai, après avoir acheté les fleurs, devant la tombe de ma mère. Je soupirai et m'assis. Je posai mes fleurs et sortis les affaires que j'avais ramené.

Je posai le stylo sur ma feuille et commençai à écrire à ma mère.

Contrairement à ce que plusieurs personnes pouvaient penser, parler aux morts étaient un moyen d'extérioriser ses sentiments, et c'est ce que j'aimais faire.

Je commençai donc ma lettre du jour.

« Bonjour maman, ça fait quelques semaines que je ne suis pas venue te voir pour te parler, mais en ce moment ça ne va pas très bien.
Par quoi commencer ? Justin m'a quitté, ce garçon que j'avais dû te présenter, il m'a quitté. Je ne sais pas trop si tu as déjà vécu une rupture amoureuse, mais personnellement, je sais à présent ce que ça fait. J'étais folle amoureuse de lui, et j'avais l'impression que notre couple irait loin, qu'il durait et pourrait passer toutes les barrières, mais j'avais tord. J'avais tord de croire que nous étions plus forts la maladie de Justin. J'avais eu tord d'espérer, et j'ai pu voir que l'espoir ne fait pas vivre. En tout cas, la maladie a tué notre couple et à présent il est de l'autre côté de l'Atlantique, ne voulant aucune nouvelle de moi.
Mais ce n'est pas tout, depuis un moment je suis victime d'harcèlement scolaire, qui touche en même temps à l'harcèlement sexuel. Je suis en train de sombrer dans les parties les plus sombres de moi-même. Chaque jour pour moi est un nouveau calvaire à aller au lycée. Chaque jour je fais souffrir papa et Nadia car je ne veux pas parler avec eux, j'ai connu les pires disputes de ma vie avec papa et cette situation m'est des plus délicates. Je veux juste tout arrêter : mon viol, ma dispute avec Ella, ma rupture avec Justin, le harcèlement, puis la tentative de meurtre accomplie par Bryce que je n'arrive pas à dénoncer, tout s'entasse dans ma tête et je n'arrive plus à faire le tri.
Je ne sais plus quoi faire maman, c'est trop dure pour moi, j'ai honte d'en parler, je ne sais pas à qui en parler, je suis coincée dans ma bulle. Devrais je te rejoindre? N'aurait il pas une autre solution? Est-ce que papa supporterait de me perdre comme il t'a perdu? Je n sais plus.
J'aurais tellement aimé que tu sois là pour me conseiller, me donner du réconfort, que je puisse pleurer contre toi. Mais la vie en a décidé autrement. Je n'ai plus de meilleure amie à qui me confier, plus de père à qui expliquer mes problèmes car j'ai beaucoup trop honte d'expliquer ma situation, et surtout beaucoup trop peur que tout s'aggrave, plus de petit ami pour me réconforter, plus aucun ami près de moi, et je n'ai que toi pour être à mon écoute, et tout ça en quelques semaines... Je n'ai plus de solutions maman, et je ne sais pas comment m'en sortir.
J'espère que ce ne sera pas la dernière lettre que je t'enverrais. Mais j'ai peur de ne pas pouvoir faire autrement. Je t'aime maman... »

...

12:00.

Je sortis précipitamment de cours pour aller manger à l'extérieur. Je ne préférai pas manger dans le grand réfectoire où tout le monde me verrait et me critiquerait, pas aujourd'hui, je n'avais pas assez de force pour supporter tout ça.

En avançant je vis une affiche. C'était vrai que chaque année le lycée organisait une journée spécial contre toutes les formes de harcèlement et les viols etc... Je me demandais si je ne devrais pas apporter mon témoignage, pour moi ça serait peut-être le moyen de me faire entendre.

Je réfléchis en observant l'affiche. Je pris le stylo en réfléchissant si je devais m'inscrire ou non. A quoi bon?

-Tu devrais t'y inscrire, j'ai vu ce que les autres te font vivre, entendis je derrière moi.

Je me retournai et fus surprise de voir Ella.

-Qu'est-ce que ça peut te faire? Tu voulais une vengeance non? Dis je en reculant de l'affiche.

-Ecoute Sofia je ne suis pas du genre à me venger, d'accord je t'en veux à mort mais je ne vais pas me venger de cette façon, le harcèlement c'est quelque chose de grave et j'en suis consciente, dit elle. Tu devrais en parler ce jour-là, tu ne mérites pas de vivre ça, et personne d'ailleurs ne mérite ça.

-Alors pourquoi tu as dit à tout le monde que je me suis tapée de Jacques? Qu'est-ce que tu cherchais à faire?

-Je ne l'ai pas dit à tout le monde, Lewis voulait savoir pourquoi on ne se parlait plus et je lui ai simplement dit qu'il n'avait qu'à te demander, les seules personnes à qui je l'ai dit ce sont mes amies, mais je n'aurais jamais pu croire que ça irait aussi loin...

-Maintenant c'est trop tard Ella.

-Inscris toi, je veux que tu en parles, ou je le ferais à ta place.

-Pourquoi tu agis comme ça Ella? Nous ne sommes plus amis, et puis qu'est-ce qui te dit que je ne le mérite pas au final?

-Parce que ne mérites ça Sofia.

Je lâchai le stylo et pris la direction des portes qui menaient au portail sans rien dire.

Je mentirais si je disais que parler avec Ella ne m'avait pas fait du bien, mais elle m'en voulait toujours et je savais que même si j'essayais de lui expliquer la vérité, elle refuserait de l'admettre.

En entrant dans le fast-food quelques minutes plus tard, je m'installai et sortis une feuille. Pourquoi ne pas m'inscrire et donner mon témoignage aux autres? Cela serait une façon de tout avouer et de me sortir de cette impasse. Je commençai à rédiger un petit texte après qu'on ait pris ma commande. Je fus coupée par un couple de jeunes qui se taquinaient.

Le garçon me faisait vaguement penser à Justin et ça me faisait légèrement mal. Je les observai longuement, en déglutissant amèrement en les voyant s'embrasser.

Une larme voulut sortir de mes yeux. Elle tomba sur ma feuille ce qui me sortit de mes pensées. Je baissai le regard sur ma feuille et la rangeai.

Mon chagrin d'amour refaisait surface et c'était ce qui m'empêchait d'écrire. Je ne trouvais plus vraiment de sens à écrire ce texte. Je pris la feuille et l'arrachai de mon cahier pour la mettre en boule et la jeter dans une poubelle.

Je pris mon sac et sortis du fast-food, me foutant de ce que ma commande allait devenir.

...

C'était enfin la fin des cours et je me dirigeai vers les toilettes. Je me nettoyai le visage, j'avais pleurer durant le cours parce que je pensais à Justin.

Je n'avais encore pas vu Jaden de la journée et je trouvais ça limite bizarre.

Je ne pouvais pas rester dans l'ignorance. Je décidai de lui envoyer un message, je voulais savoir pourquoi il m'avait quitté, sinon je me voyais encore souffrir pendant longtemps.

J'écrivais mon message d'une humeur déterminée, même si mes doigts tremblaient sur le clavier, et que mes larmes menaçaient de couler.

J'appuyai sur « envoyé », mais je me rendis rapidement compte qu'il m'avait bloqué. Je glissai le long du mur et me mis à pleurer. Allais je réussir à m'en remettre un jour? Pourquoi me faisait il ça? J'avais réellement besoin de lui.

Je continuai à pleurer, jusqu'à ce que je vois des garçons entrer dans les toilettes, ce qui m'intrigua.

Ils vinrent tous vers moi, et je compris que c'était le groupe de Lewis, soit tous les garçons qui m'avaient harcelé jusqu'à présent ainsi que Lewis. Je me levai pour partir parce qu'être seule avec eux ne me rassurait pas. Mais ils me barraient la route.

-Laissez moi passer s'il vous plait, demandai je tout bas.

Lewis leur fit un signe et ils s'approchèrent de moi. Je reculai par réflexe, et ils commencèrent à me toucher de partout. Je leur demandai d'arrêter mais ils continuaient à le faire, sous le regard de Lewis.

Je me mis à crier à l'aide, et personne ne pouvait m'aider car ils avaient bloqué la porte qu'ils mettaient leurs mains sur ma bouche. Ils essayaient de me déshabiller et comme ils étaient plusieurs, j'avais du mal à défendre.

Certains filmaient tandis que les autres profitaient de moi, Lewis riait et encourageait, et moi je ne pouvais que pleurer toutes les larmes de mon corps.

J'avais l'impression d'être violer plusieurs fois à la fois. C'était horrible, et mon cerveau lâcha, je ne réagissais plus, j'avais cessé de me débattre, j'étais morte psychologiquement.

Voyant que je cessais de me débattre, et après m'avoir tripoté pendant plusieurs dizaines de minutes, ils reculèrent et m'observèrent. J'étais tombée au sol toute seule, laissant les larmes couler.

Ils se retirèrent amusés, je restais donc seule dans les toilettes pour filles. Je n'avais plus d'émotions, ils m'avaient tué psychologiquement.

Ils m'avaient touché de partout, mes vêtements étaient quelque peu froissés, voire déchirés à certains endroits.

J'avais envie de mourir. C'était comme si j'avais été violée plusieurs fois d'affilée. Et certaines personnes diront que c'était des simples attouchements, mais pour moi c'était pire que ça.

Quand on s'était déjà faite violer, de simples attouchements étaient inconcevables psychologiquement.

Je sortis des toilettes en pleurant, quelques minutes plus tard, ayant repris mes émotions. Et je n'avais plus qu'une seule idée en tête, en finir.

Je sortis du lycée et arrivai devant la route pour traverser et aller prendre le métro.

Jacques avait sûrement raison, en finir était parfois la solution la plus intelligente.

Une voiture qui roulait à grande vitesse allait passer pour ne pas manquer le feu vert.

J'avançai en même temps. Elle n'eut pas le temps de me voir et de freiner, et c'était mieux ainsi.

Excuse moi papa.

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