3. Laetitia



Quand on se retrouve seuls, j'ai quelques questions à lui poser. Son nom, pour commencer ? Elle me sort une carte d'identité à ce nom-là, née le 18 janvier 1987, Ghisonaccia, Haute Corse.

Ah bon, elle varie les identités, Dr Jemmali d'un côté, sœur Laetitia de l'autre ! Et ce qu'elle prétend lui faire avaler, à mon sieur Zakkedine, c'est quoi ?

Un aphrodisiaque de son invention, m'explique-t-elle, histoire de le transformer en sex-toy, avant qu'elle lui colle un petit sédatif, à court terme et indétectable, en intraveineuse, dans la jugulaire, pour qu'il la laisse bosser.

Radical, mais pas sans risque : « Et le lendemain ? » Mais elle a réponse à tout : « Pour lui : un gros trou de mémoire, avec un vilain mal au crâne ». Un moment j'ai eu le vertige. Ma fille a le même âge. Heureusement qu'elle a un amoureux, même con comme un balai.

– T'es vraiment obligée de...

– L'aphrodisiaque, non ; si tu préfères : péridurale.

– Péridurale ?

– Avantage : ils ne tiennent plus debout ; inconvénient : ils voient tout.


Je suis bien obligé de me ranger à ses arguments. Maintenant, elle prétend, après un bon resto, me trainer chez Dolce Cavanna :

– Trop cher pour moi !

– A prendre ou à laisser : je t'ai annoncé des faux frais...

Deux heures plus tard, on sort de la boutique avec une ardoise de 3200 €.

Petite robe noire ajustée, sertie de dentelles de couleur qui lui donne un air à la fois sage et corsé ; paire de chaussures noires à petits talons, avec une rangée de perles multicolores qui semblent faites pour la robe ; veste verte en organdi avec écharpe assortie, qui accrochent le regard ; fine chainette, qui fait miroiter un petit rubis, dans le creux, entre les clavicules.

J'ai voulu la faire passer pour ma fille, mais elle a prétendu qu'un père ne dépense jamais autant que pour sa poule.


2h du matin, elle frappe à ma porte, légère et sautillante. Tout a fonctionné comme sur des roulettes. Elle sort son smartphone, et transfère sur mon ordinateur une vingtaine de giga de données qu'elle a siphonnées en contournant les mots de passe, avec un petit logiciel perso dont elle refuse de piper mot.

Elle a déjà repéré où se trouvent les données sensibles. Largement de quoi museler mon Zakkedine jusqu'à sa retraite, vraisemblablement derrière les barreaux, à moins qu'il préfère des geôles de djihadistes, dont il fait un peu banquier, ce qui est peu probable.


6h30, elle est dans son avion pour Nantes, taxi à suivre pour Angers, prête à reprendre sa vie de toubib. A la regarder partir, j'ai l'impression que le monde ne tourne plus rond. J'ai voulu reprendre la garde robe. Elle m'a ri au nez :

– Pour ta fille, vu son genre, elle préférera toujours de la récup...

– Au moins, tu me laisses un téléphone, au cas où j'aurais du taf à te proposer ?

– 20 000€ la semaine, sinon tu perds ton temps...


Et nous nous sommes quittés, elle, avec sa garde robe, moi, un bout de papier à la main : 06...


En général, quitter une nana avec son téléphone en poche, c'est la garantie d'un rencart, début au resto, final au plumard. Là, je le sens mal.

Avant d'appeler, j'entends déjà son éclat de rire sarcastique si je lui susurre : « Nora, c'est moi, Paul, celui de la zigounette au congélo ; un petit resto étsétéra, ça te dirait pas, qu'on remette ça ? ».

A moins que j'essaie l'autre registre : « Laetitia, pour une soirée, tu prends combien ? », au risque de me faire raccrocher au nez une fois pour toutes.

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